[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Saintes.] A73 Abus particuliers à la province de Saintonge . Cette province est une de celles qui seraient le plus dans le cas de fixer l’attention du gouvernement. Ses habitants vivent en général dans un état de gêne ; leur naturel paisible nuit sans doute à leur prospérité ; mais il est évident que la principale cause de leur détresse tient plus, particulièrement aux subsides multipliés et excessifs dont ils sont surchargés. Pour se convaincre de cette vérité, il suffit de jeter les yeux sur un mémoire du ministre chéri qui prend soin de nos finances et que nous conjurons Votre Majesté de conserver pour la gloire et le bonheur de la France. On y voit que quoique la généralité de la Rochelle (dont la Saintonge forme la plus grande partie) ait environ les trois quarts moins d’étendue que celles de Bordeaux et Bayonne et que leur population soit plus considérable déplus des deux tiers, sa contribution est néanmoins plus forte, puisqu’elle s’élève à 9,100,000 livres, et que celle de la Guyenne et du pays de Bayonne ne sont que de 27 millions, de sorte que nous payons 2 livres 19 sous de plus par tête d’habitant. 11 est notoire, d’ailleurs, que la Saintonge est une des provinces les plus chargées en vingtièmes. On serait tenté de croire que cette portion si intéressante du royaume est devenue, à raison des différentes ressources qu’elle présente, un objet de spéculation et d’appât pour l’avidité des traitants. Et, en effet, tous les fléaux du fisc semblent conjurés contre nous. La taille et les oppressions qu’elle entraîne ; les vingtièmes etleur arbitraire; la capitation et ses inégalités ; la corvée et ses injustices ; les adjudications pourles chemins ; les ponts et les presbytères ; les droits d’aides perçus sous mille formes ; les droits domaniaux exigés avec le ton et les procédés de la plus dure inquisition ; les logements des troupes ordonnés et exécutés avec l’appareil de la presse la plus rigoureuse, et, ce qui est hors d’exemple, sans indemnité pour les propriétaires; les impôts sur le papier, les cuirs, les fourrages, les combustibles, sur tous les articles de commodité, de consommation et de nécessité... Tous ces objets tiennent sur pied une armée formidable de gens qui déclarent, par devoir, à leurs frères, une guerre journalière et ruineuse. Bien plus, comme si ce n’était pas assez de tant de maux, la traite de Charente obstrue le débouché de nos principales productions (les eaux-de-vie et les sels), nous fait des provinces voisines un pays étranger et presque ennemi, énerve notre commerce, abat nos forces déjà trop affaiblies, discrédite enfin et perd nos salines, une des propriétés les plus précieuses de l’Europe. Il serait donc du plus grand intérêt que les sels de cette province fussent affranchis des différentes entraves qui gênent cette partie intéressante de son commerce, et que pour la sortir de sa stagnation dans laquelle elle languit, toutes les infractions faites aux anciens privilèges, droits et immunités accordés aux salines de Brouages, îles adjacentes et à leurs habitants, relativement à leurs droits respectifs, fusent .abolies. Que le contrat authentique passé avec Henri 11 au mois de décembre 1553, qui affranchit les sels de toutes sortes d’impôts, pour une somme exorbitante de 1,194,000 livres répondant à celle d’environ 5 millions de notre monnaie, fût exécuté; l’injustice desdites infractions et des droits perçus sur les sels, sous prétexte d’offices inutiles et 4re Série, T. Y. non remplis, étant exposée dans des mémoires qui seront remis aux députés. 11 serait aussi très-important que les barrières de la ferme fussent portées sur les frontières ; qu’il fût établi un droit uniforme à toutes les sorties et entrées, et que la circulation intérieure fût libre. Que pour cet effet, le port de Charente et autres convenables pour le commerce de la province, tel que celui de Mortagne, fussent conservés. Et dans le cas que la demande ne pût avoir lieu à cet égard, elle demande la suppression de l’arrêt du conseil, du 21 février 1788, qui assujettit à un droit de 6 livres par muid d’eau-de-vie, à l’entrée des provinces du royaume, la marchandise répondant suffisamment de ce droit. Que ceux, en quelque sorte prohibitifs, de 36 livres par tonneau pour l’étranger, de 36 livres pour les provinces d’aides, et de 49 livres 17 sous pour celles où les aides n’ont pas cours, soient également abolis, le vin ne valant communément que 80 à 90 livres le tonneau de vin blanc, et 100 à 120 livres le vin rouge. L’étranger, rebuté par ces droits excessifs, n’en fait aucun objet d’exportation ; tandis que ceux de Bordeaux, d’une qualité supérieure, ne payent que 28 livres 10 sous pour tous droits. Que l’ordonnance du mois de janvier 1779, concernant le tirage des canonniers auxiliaires delà marine, soit retirée, la population des côtes de Saintonge et son agriculture, qui dans certaines parties ne peut s’y faire qu’à bras, en étant considérablement diminuées. CAHIER Des habitants de l’île d’Oleron (1). Les habitants de l’île d’Oleron demandent la suppression de l’arrêt du conseil, du 31 mars 1767, pour l’ameublement des pavillons de la citadelle de ladite île, comme ayant été établi sous un faux exposé. Que le droit de balisage gênant pour le commerce, et qui a été doublé depuis que Sa Majesté en a fait acquisition des seigneurs particuliers, soit réduit à la fixation primitive. Que le gouvernement vienne au secours des îles et côte de Saintonge pourles dépenses de réparation de leurs ports et canaux, vu leur épuisement occasionné par l’interruption de leur commerce et la contribution à laquelle elles ont été assujetties pour les autres canaux du royaume, notamment celui de la Picardie. Que la juridiction des salines et les matières consulaires soient attribuées aux juges des lieux, ui, pourles objets de commerce, se feront assister e deux négociants, vu les inconvénients fâcheux de l’interruption fréquente des communications avec le continent, les dépenses et périls auxquels ils se trouvent exposés. Toute la province réclame ensuite de Votre Majesté : L’abolition du droit de franc-fief, aussi onéreux qu’humiliant pour le tiers-état, à qui il rappelle les malheurs de la féodalité. L’extinction des corvées seigneuriales et des droits de guet et de garde, comme reste de la servitude. L’incessibilité du droit de prélation. (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Archives de l’Ouest, par M. A. Proust. 43 674 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Saintes.] La suppression du droit de lods et ventes sur tous arbres, sans préjudice du droit d’agrier sur les fonds où ils seront accrus, et qui y seront sujets. L’égalité des mesures. Une augmentation de brigade de maréchaussée, de sorte qu’il y en ait uae par district, et réforme delà discipline de ce corps. L’injonction au commissaire départi et à ses subalternes, de rendre compte des sommes immenses par eux levées et reçues sur la province, soit pour les chemins, soit pour l’ouver-ture des canaux, soit pour les logements des troupes et autres ouvrages publics, devant les Etats provinciaux, qui seront chargés de s’occuper de cet objet, soudain leur formation, ainsi que des moyens d'indemniser les propriétaires dont on a violé les propriétés pourlesdits logements et enlevé le terrain pour la confection de ces différents travaux, sans préjudice des poursuites que pourra faire la partie publique à raison des vexations en tous genres commises à cet égard dans la province et qui sont détaillées dans les différents cahiers de la ville et des districts remis pour instruction aux députés pour la province aux Etats généraux. La suspension provisoire des ponts, chemins, réparations et autres travaux publics ordonnés par l’intendant, jusqu’à l’établissement des Etats provinciaux. La reconstruction ou réparation du pont de Taillebourg, dont la démolition gêne le cours de la rivière, nuit à la navigation et contrarie le commerce, aux frais de qui il appartiendra. L’extinction de l’homme vivant et mourant, et du centième denier pour la conservation des offices. La vérification la plus prochaine de l’usance de Saintonge. CAHIER DE LA VILLE DE SAINTES (1). C’est ici le lieu, Sire, de faire connaître à Votre Majesté les plaintes et demandes de votre ville de Saintes. Toutes ses corporations sollicitent : Une nouvelle organisation de la municipalité, particulièrement pour le mode des élections; l’attribution au corps dé ville de la police et de la voirie ; la suppression du rôle d’industrie ; l’exemption de la milice pour les clercs, premiers commis, et fils aînés des juges et consuls; l’assistance de ces derniers aux cérémonies publiques ; la défense aux marchands étrangers, juifs et autres forains, de vendre ou déployer leurs marchandises hors le temps de foire, et d’exposer en vente des meubles d’or, d’argent, pierreries et autres bijoux, sous peine d’être poursuivis par la partie publique; et le remplacement du maire actuel par un autre citoyen, pour des raisons que la ville a exprimées, ainsi que d’autres demandes qu’elle charge expressément ses députés aux Etats généraux de mettre sous les yeux du Roi et de la nation. Nous venons, Sire, de présenter à Votre Majesté les plaies qui affligent la Saintonge. Votre cœur paternel, qui les connaît pour la première fois, en sera touché; déjà, elle a fait connaître son vœu pour des Etats provinciaux dans l’espoir d’y trouver des soulagements qui ne pourraient être (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Archives de l’Ouest, par M. A. Proust. trop prompts. Permettez, Sire, que nous vous réitérions nos supplications à ce sujet, et surtout, la pétition particulière du tiers, pour être admis à voter par individu et non par ordre. Nos instances sur ce point essentiel sont autorisées par la justice, la raison et l’édit des administrations provinciales. Nous les renouvelons avec d’autant plus d’empressement et de force, que nous attachons à leur succès l’idée d’un bonheur qui ne peut exister sans cette première et importante condition. Votre bienfaisance, Sire, ne nous refusera pas cette justice à laquelle les deux premiers ordres ont promis de n’apporter aucune opposition; elle sera pour nous un nouveau motif d’amour, de reconnaissance et de respect pour votre personne sacrée. Arrêté au Palais-Royal de la ville de Saintes, le 19 mars 1789, à dix heures du soir. ( Suivent deux cent dix-neuf signatures .) CAHIER De demandes, plaintes et doléances , rédigé pour les habitants de la ville de Châlais , et à leur sollicitation par François Quichaudlion, leur député (1). Demandes à former au Roi, dans l’assemblée des Etats généraux pour le tiers-état de la Saintonge. Première demande : Que la province de Saintonge soit érigée en pays d’Etats provinciaux. Deuxième demande : Que les trois ordres de la Saintonge payent également les charges publiques à l’avenir et pour toujours. Troisième demande : Que le tiers-état ait un nombre de représentants égal aux deux autres ordres réunis, et surtout qu’il vote par tête et noii par ordre. Quatrième demande : Que la préséance dans les assemblées paroissiales soit accordée au mérite et au savoir seulement, sans distinction d’ordres. Cinquième demande : L’abolition dans le royaume de tout ce qui ressent l’esclavage. Sixième demande : Qu’il n’y ait qu’un seul impôt pour la campagne, qu’un seul pour les Villes et gros bourgs, desquels aucun des trois ordres ne puisse jamais se rédimer au préjudice des autres. Septième demande : Que les tribunaux Souverains de la justice soient multipliés, c’est-à-dire que chaque province ait le sien. Que les charges de la judicature ne soient plus vénales. Enfin que la justice soit gratuite. PREMIÈRE DEMANDE. Que la province de Saintonge soit érigée en pays d’Etats provinciaux. C’est lui accorder, pour le dire dans un seul mot, tous les biens que l’immortel M. le Vicomte de La Maillardière a détaillés dans ses Produits et droits des communes et son Traité d’économie politique ; c’est lui accorder le bien inappréciable d’offrir au moins une fois chaque année à son Roi chéri, l’hommage de son amour, de sa vénération, de son zèle, de sa Reconnaissance et l’offrande de ses bénédictions. (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Archives de VOuest, par M. A. Proust.