[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] verser la constitution propre et nécessaire à son existence, encore moins aliéner l’objet de la donation, parce que les habitants de Saint-Domingue, en se donnant à la France, n’ont pas pu, n’ont pas dû sacrifier leurs intérêts les plus chers au prix de la protection accordée; au contraire ils ont dû croire améliorer leur sort, et non le détériorer; c’est un principe du droit naturel adopté par l’Assemblée nationale et que réclameront auprès d’elle les députés de Saint-Domingue, au nom de leurs commettants dont l’amour pour la France, plutôt que leur intérêt, sera toujours le plus sûr garant de leur fidélité. Les députés de Saint-Domingue solliciteront de l’Assemblée nationale, la décision de la question des lois prohibitives, exercées par les négociants des ports de mer, toujours préjudiciables à leur subsistance, à l’amélioration du sort des noirs si justement désirée, au progrès de leurs cultures dont elles empoisonnent le germe. Ils demanderont au nom de leurs commettants la liberté de tous les nègres résidant en France, tant qu’ils y resteront. Ils consentiront encore à l’abolition delà traite des noirs, faite par les négociants français, si c’est le vœu de l’Assemblée nationale. M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du vendredi 27 novembre 1789 (1). M. Dubois de Craneé, secrétaire, donne lecture du procès-verbal des deux séances de la veille, et des adresses suivantes : Adresse de félicitations, remerctments et adhésion de la ville du Mesle-sur-Sarthe en Normandie; elle demande à être autorisée à substituer un receveur à la place du collecteur d’usage, pour la recette des deniers royaux. Adresse du même genre du comité permanent de la ville de Luxeuil en Franche-Comté; il supplie l’Assemblée d’agréer l’élection qu’il a faite, avec la commune, de ses magistrats. Adresse du même genre de la ville d’Uzès en Languedoc; dans une délibération qui y est jointe, le comité permanent s’élève avec force contre l’imprimé ayant pour titre, « Déclaration de l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, » et enjoint aux officiers de la garde nationalede veiller : 1° à ce qu’il ne se forme aucune assemblée de prétendus ordres, corps ou corporations, sous prétexte d’y délibérer séparément et par ordre sur les affaires de l’Etat en général, et de la province en particulier, et 2° de les disperser en se conformant aux dispositions de la loi martiale. Adresse du même genre des communes de The-non en Périgord; elles demandent l’établissement d’une municipalité, et d’une justice royale: Délibération du comité permanent "de la ville de Guerlesquin en Bretagne, dans laquelle il ex-267 prime le profond respect et la soumission parfaite de tous les citoyens pour les décrets de l’Assemblée nationale. Il la supplie instamment de lui envoyer directement tous ceux qui ont été sanctionnés ou acceptés par le Roi, attendu qu’il n’en a reçu aucun, de même que les juges des lieux . Adresse de félicitations, remercîments et adhésion des officiers municipaux et représentants de la commune de Poligny en Franche-Comté. Adresse du même genre des officiers municipaux et représentants de la commune de Beau-jeu ; ils demandent que le Beaujolais soit séparé de la province du Lyonnais, et applaudissent au plan de division du royaume en départements, proposé parle comité de constitution. Adresse du même genre de la ville de Manosque en Provence; elle demande à êlre le chef-lieu d’un département, et le siège d’un tribunal supérieur; Adresse du même genre de la ville d’Apt en Provence ; elle demande que l’avantage d’être chef-lieu du district lui soit conservé; Adresse du même genre du conseil municipal et comité permanent de la ville d’Anduze en Languedoc; il exprime son indignation contre la déclaration séditieuse et perfide de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse ; il attend comme le plus grand bienfait une nouvelle organisation des municipalités et des assemblées administratives, ainsi que l’établissement de nouveaux tribunaux. Adresse du même genre de la ville d’Amboise ; elle demande une justice royale. Adresse des habitants de Lille, en Flandre, par laquelle ils offrent à l’Assemblée nationale l’hommage de leur respect et de leur reconnaissance pour les bienfaits que la nation recevra des nobles travaux de cette auguste Assemblée. M. Bertliereau, membre de la députation de Paris, a observé que les officiers d u Châtelet avaient été instruits qu’on leur reprochait une négligence marquée dans l’instruction des affaires relatives aux personnes prévenues et accusées du crime de lèse-nation. 11 a ajouté que, pour prouver l’injustice du reproche, le procureur du Roi lui avait remis un état exact de ces mêmes affaires. L’Assemblée a entendu avec satisfaction la lecture de cet état; elle a ordonné qu’il serait inséré dans le procès-verbal de la séance, ainsi qu’il suit : Etat des différentes affaires qui s'instruisent au Châtelet contre les personnes prévenues et accusées du crime de lèse-nation. Le 30 octobre, le procureur-syndic de la commune a dénoncé M. le prince Lambesc. Le 3 novembre, lendemain des fêtes, le procureur du Roi a rendu plainte et demandé qu’il fût informé. L’information a été commencée ce soir même, et décrétée le 10; depuis on a fait une addition d’information de 35 témoins ; et le 24, ce décret qui avait été décerné contre un quidam, a été nominativement appliqué à M. le prince Lambesc (1). Une seconde dénonciation a été faite par le procureur-syndic de la commune, le même jour 30 octobre, contre le sieur Augeard ; la plainte du (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (1) Voy. aux annexes de la séance, le procès du prince de Lambesc. 268 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] procureur du Roi a été aussitôt commencée ; elle n’est pas terminée, parce qu’il a été nécessaire de faire assigner les témoins indiqués, demeurant à plus de 80 lieues de Paris : ces témoins sont sur le point d’arriver. Il a été d’ailleurs annoncé que la commune ferait déposer au greffe du Châtelet des pièces importantes, mais le dépôt n’est point encore effectué. Le 6 novembre, le procureur-syndic a dénoncé l’affaire des sieurs comte d’Astorg, du Reynier, Douglas, de Rubat, de Livron, et demoiselle de Bissy. Le 10, plainte rendue, ensuite information faite, laquelle est terminée et va être décrétée. Le 19, dénonciation du procureur syndic contre MM. de Barentin, de Broglie, de Puységur, de Bezenval, et d’Àutichamp. Le lendemain, plainte du procureur du Roi, et le 21 interrogatoire de M. de Bezenval. La commune a fait déposer, le 24, plus de 400 pièces relatives à cette affaire. Des motions faites au district de Saint-Martin-des-Champs contre la loi martiale et la garde nationale ont donné lieu à une plainte, et à une information qui vient d’être terminée, et sera décrétée ces jours-ci. Un sieur Delcros a été prévenu de faire des enrôlements pour l’Espagne; d’après l’information, il a été décrété de prise de corps cejourd’hui 24. Il n’a été remis au Châtelet aucune pièce relativement au mandement de M. l’évêque de Tréguier. Certifié véritable, ce 24 novembre 1789. Signé : Bermeseac. M. Brostaret. Puisque l’Assemblée avait attribué la connaissance de l’affaire de l’évêque de Tréguier au Châtelet, il doit faire remettre à son greffe toutes les pièces relatives à ce procès. M. Lanjuinais. Je demande que l’Assemblée use envers l’évêque de Tréguier de la même clémence qu’elle a eue pour les parlements de Rouen et de Metz ; ce prélat a, comme les parlements, rendu dans un mandement ultérieur, relatif au décret sur l’argenterie des églises, hommage aux décrets de l’Assemblée nationale, et particulièrement rétracté son premier mandement, en ce qu’il avait donné lieu à des interprétations contre la pureté des sentiments dont il est pénétré envers l’Assemblée. M. Brostaret. M. l’évêque de Tréguier n’a point rétracté son mandement. M. Lanjuinais. J’offre d’en fournir la preuve. L’Assemblée ne prend aucune décision. M. llargonne, député du Perche, demande une permission pour s’absenter pendant quinze jours ou trois semaines. La permission est accordée. L’ordre du jour appelle un rapport du comité des finances sur les plans et projets qui ont été renvoyés à ce comité. M. Lebnm (1). Messieurs, chargé personnellement de l’examen des plans et projets, c’est en mon nom seul que je viens vous en parler. Je vous supplie d’avance de me pardonner, si, pour (1) Le rapport de M. Lebrun est incomplet au Moniteur. être égal à mon sujet, je descends quelquefois au-dessous de la dignité de vos séances. Le comité des finances n’avait pas cru devoir encore offrir à l’Assemblée le résultat des plans et des projets qu’elle a soumis à son examen. 11 avait osé, il ose toujours se flatter qu’elle lui accorde assez de confiance, pour lui laisser, et le choix des projets, et le choix du moment où il sera utile de placer sous ses yeux ceux qui lui auront paru dignes de fixer son attention. Mais la juste impatience que quelques honorables membres ont témoignée de vérifier ses travaux et de jouir des trésors qu’annoncent à la nation les nombreux auteurs de ces projets, me force de rompre le silence et de révéler les ressources qui nous sont offertes. Je ne vous parlerai point, Messieurs, de ces hommes timides qui se traînent dans les sentiers de la routine, qui ne présentent que les améliorations triviales de l’ordre et de l’économie. Il y en a très-peu de ce genre ; et les bons esprits qui se sont bornés à ces obscures découvertes n’ont, la plupart, sur les différentes parties de l’administration que des connnaissances incomplètes ou des idées exagérées. Des génies plus hardis vous enrichissent d’un trait de plume. L’un supprime tous les impôts et vous donne une contribution volontaire de 600 à 700 millions. D’autres substituent à ces droits compliqués, à ces perceptions confuses, qui pèsent sur les personnes et sur les choses, une taxe personnelle, bien juste, bien graduée, qu’ils assoient sur vingt-cinq millions d’individus, sur douze, sur huit, sur quatre, sur deux, et qui vous rendra 2 milliards, 1,200 millions, et à tout le moins 800. De menues ressources, par exemple un impôt sur les chiens, sur les cheminées, les rubans civiques, des ordres patriotiques, vous feront des revenus innocents et intarissables. Voulez-vous entreprendre tous les souliers du royaume? on vous garantira sur cette affaire unique un produit égal à toutes vos dépenses. On vous garantira, quand il vous plaira, une paix universelle sur mer et sur terre; plus de militaires, plus de marine, et de là un revenu de 130 millions, qui fonde une caisse d’amortissement. Vous pouvez encore payer graduellement votre dette sans qu’il vous en coûte rien. Gréez 300 ou 400 millions de billets, ordonnez qu’ils passeront par cent mains, avant que de se présenter au Trésor public, et qu’à chaque mutation ils décroîtront de 1 0/0. Si vous appelez cela une manière de banqueroute, ordonnez qu’ils circulent pendant vingt ans sans intérêts, et à la vingtième année vous les rembourserez avec le montant de ces intérêts que vous n’aurez pas payés. Voici un profond calculateur qui ne prend rien sur les capitaux et sur les intérêts de vos créanciers, mais qui les rembourse en trente années, en appliquant seulement une partie de l’intérêt à l’extinction du capital. Gréez 5 milliards de billets, et vous aurez une banque nationale. Ces billets circuleront dans toutes les caisses, tout le monde s’empressera de les recevoir. Vous les prêterez à des propriétaires de fonds qui vous mettront à la place de leurs créanciers privilégiés. Ils vous paieront 4 0/0 par an, et de ces 4 0/0 vous éteindrez vos billets et la dette de l’emprunteur. Voulez-vous des effets plus solides encore?