520 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* soit invité à réitérer son rapport aux comités diplomatique et militaire, oui vous rendra comute des mesures qu’il croira que vous devez prendre, (La motion de M. d’André est adoptée.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires d’une adresse des citoyens de la section du Faubourg-Montmartre, ainsi conçue : « Pères de la patrie, « Les citoyens de la section du Faubourg-Montmartre, qui doivent se transporter sur les frontières, quittent, sans regrets, leurs loyers pour défendre la famille entière et soutenir la liberté que leur ont donnée leurs augustes représentants. Les jours, pénibles pour tout autre que pour de bons Français, qu’ils passeront sous la discipline militaire, seront pour eux des jours heureux. Conn nssunt leurs devoirs, ils sauront les remplir, et ils prient l’Assemblée nationale de recevo r le serment qu’ils font d'obéir à la loi, à leurs chefs, et de mourir plutôt que de laisser faire aucune incursion dans les postes qu’ils auront à défendre. ( Applaudissements .) « Et ont signé sur la pièce de canon. » (Suivent les signatures.) (L’Assemblée ordonne l’insertion de celte lettre dans le procès-verbal.) M. Salles, au nom des comités des rapports et des recherches réunis , pré-ente un projet de décret relatif aux événements du champ de la Fédération; il s’exprime ainsi : Mesmeurs, un grand délit s’est commis presque sous vos yeux; les lois ODt été méconnues dans la capitale, et le drapeau rouge déployé. Des citoyens, après avoir juré la révolte sur l’autel de la "patrie, après avoir commis des assassinats, consommèrent leur rébellion, et le champ de la Fédération, qui avait été le témoin des serments de fidélité à la loi, a vu la loi développer toute sa sévérité contre des hommes parjures à ces serments et est devenu le théâtre de dissensions civiles qui ont failli embraser l’Empire. Les séditieux qui voulaient déchirer la patrie ont été écartés par la force, mais non punis de leur attentat et cependant, Mcssiems, il importe que les méchants tremblent enfin devant la loi, il importe que leur révolte soit réprimée. Il n’en faut pas douter, des avis multipliés nous apprennent que les ennemis de la patrie méditent de nouveaux attentais et sont prêts à agiter encore la capitale. Comme ils ne veu ent que la guerre, tous les moyens pu-peuvent leur fournir les exagérations du patriotisme, leur sont également bons. S’ils ont voulu une fois s’assurer du roi et de l’héritier du trône, qui i e sait si, ayant en leur puissance tout le reste de la famille royale, ils ne préparent des crimes qui font frémir. Il est temps, Messieurs, que la loi frappe et qu’ell ■ contienne par la crainte ces citoyens pervers; mais il faut surtout que l’exemple soit prompt et sûr. Il faut que l’activité de la justice soit égale à celle des ennemis de la loi. La rébellion tient à tous les points de la capitale. Les comiiés vous demandent à l’unanimité de former un tribunal uniquement chargé de la connaissance des troubles qui viennent d’agiter Paris, et ui pourraient l’agiter par la suite. De cette façon, on ne divise r ait pas l’affaire, et on laisserait dans les mêmes mains le fil d’une détes-122 juillet 1791.] table intrigue. L’Assemblée nationale déterminera l’époque où celte attribution devra cesser. Les comités ont trouvé à celte in-t,tuiion momentanée un grand et infaillible avantage, celui de mettre les séditieux, les réfracta res à la Constitution en présence, pour ainsi dire, d’un tribunal uniquement occupé d’eux et toujours prêt à frapper leurs têtes coupables. Mais comment ce tribunal sera-t-il composé? Il existe 12 tribunaux à Paris; mais ils sont tous extrêmement chargés. Le comité pense qu’on peut leur demander à chacun un juge pour former le tribunal central et temporaire. D’ailleurs, en se déterminant à former ce tribunal d’un juge de chaque tribunal qui existe actuellement à Paris, ils ont trouvé cet autre avantage, non mmns précieux, d’offiir à la multitude égarée un grand moyen de répression, de donner plus de majesté à Ja loi, plus d’autoriié à ses organes, et de mettre plus de surveillance et d’activité dans la poursuite d’un grand délit. Enfin, Messieurs, vos comités ont pensé qu’il était nécessaire à la sûreté de l’Etat d’attribuer à ce tribunal central et temporaire la juridiction souveraine, comme vous l’av z fait l’année dernière, dans un cas semblable, au prés dial de Limoges. En effet, et je le répète, les exemp'es deviennent de jo ;r en jour plus nécessaires; et si c’e.-t un droit pour les citoyens d’avoir 2 degrés de juridiction, même pour leurs affaires civiles, la crise où nous sommes est devenue si effrayante, que tous les droits mêmes les plus justes, que la liberté même peut se trouver compromise parla lenteur des formes. Il paraît qu’il est indispensable de sacrifier quelques-unes de ces formes au maintien de la Constitution ; car nous voulons avant tout être libres, et nos ennemis ne le croiront que quand la lui les environnera de toutes parts, et qu’ils ne pourront plus lui échapper. Hâions-nous donc, et que la loi punisse promptement, que les exemples soient efficaces si nous voulons qu’elle ait moins à punir. D’ailleurs, Messieurs, les attentats dont nous avons été les témoins, s’ils ne sont pas des crimes de lèse-nation, sont propres à en occasionner. Le tribunal qui doit les réprimer doit avoir une activité égale à celui d’Orléans ; sa compétence importe au salut de tout l’Empire. Messieurs, le moyen en quelque sorte extrajudiciaire que vous "proposent vos comités en ce moment, e.-t hors des mesures ordinaires, dans le même rapport que les circonstances. La guerre que nous font les ennemis, pour être sourde, n’en est pas moins réelle. Paris est le posie le plus menacé; les assassinats, les incendies, le pillage paraissent préparés contre celte ville. Il faut que la force ayant jusqu’ici agi seule contre ces infâmes co nplots, ils soient soumis enfin à la justice. Il faut que l’action de la justice et l’action de la force se correspondent avec la même promptitude. Il faut forcer nos ennemis à nous céder la place, en les attaquant comme ils nous attaquent. Nous n’aurons la paix qu’à ce prix. C’est dans ces vues que vos comités ont l’honneur de vous présenter le décret suivant: L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de Constiiuiion et des recherches, voulant pourvoir à ce que les séditions qui viennent d’agiter la capitale et qui pourraient l’agiter par la suite, soient sûrement et promptement réprimées, décrète ce qui suit: Art. 1er. Il si ra formé au ci-devant palais de justice un tribunal temporaire et central, corn- 527 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] posé de 12 juges auxquels e-t exclusivement attribuée, en premier et dernier ressort, la connaissance des délits qui ont troublé ou troubleront l’ordre public dans le eépartement de Paris depuis le 15 juillet jusqu’au jour qui sera déterminé par l’Assemblée nationale. Art. 2. Les 12 juges du tribunal central seront fournis, savoir un par chaque tribunal d’arrondissement, et un par chaque tribunal criminel provisoire séant au palais. Art. 3. Les 12 juges nommés s’assembleront incessamment pour élire leur président, leur greffier, et pour choisir parmi les accusateurs publics des tribunaux d’arrondi-sement, celui qui remplira ses fonctions auprès du tribunal central. Art. 4. Le ministre de la justice indiquera, parmi les 6 commissaires du roi p ès des tribunaux d’arrondis-ement, celui qui exercera auprès du tribunal central. Art. 5. Ledit tribunal central s’assemblera dans le plus court délai possible. M. Iiunjuinals. Nous ne devons pas nous dissimuler que le plan qui vous est p-oposé est un renouve lement passager d’un tribunal pré-vôtal ; si une mesure aussi extraordinaire est nécesS’ire, si elle est indispensable, au moins faut-il quelle soit prise avec réllexion. Nous sommes à la fin de la séance ; voilà 3 heures... (Aux voix ! aux voix!) Un membre: On assassine à toute heure. M. ILanjtiniais. Je demande l’impression du projet et l'ajournement. M. iiewbell. Malgré la défaveur que le préopinant vient d’essuyer et à laquelle je m’attend-, je n’en dirai pas moins mon opinion avec franchise. Dans les temps de défiance, de vengeance et de calomnie où nous vivons, un tribunal souverain prévôtal de 12 personnes me parait, à moi, une création exécrable (Murmures.):, oui, exécr. ble. Il faut être prompt à arrêter, il faut être prompt à instruire les procès pour que les preuves ne se détruisent pas, pour que les coupables ne disparaissent pas. Mais, en temps de troubles, ordonner un jugement précipité, un jugement en dernier ressort, pour qu’on n’ait pas le temps de se justifier, c’est véritablement vouloir que d’honnêtes gens soient les victimes de faux témoignages. (Murmures.) Ce moyen ne doit être déployé que dans le cas où il n’y en aurait fias de constitutionnel. Or, parmi les 6 tribunaux criminels, vous pouvez en nommer un à qui vous donnerez la même attribution que vous voulez donner à ces 12 tyrans (Murmures.)-, mais surtout qu’il y ait ta voie de l’appet. Sans cela, nous sommes sous un gouvernement tyrannique. Plusieurs membres : A demain ! à demain ! (L’Assemblée renvoie à demain la suite de la discussion du projet de décret de M. Salles.) La séance est levée à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DEFERMON. Séance du samedi 23 juillet 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le Président fait donner lecture par un de MM les secrétai: es : 1° D’ adresses des sociétés des amis de la Constitution établies à Tours et à Digne, dans lesquelles ces citoyens expriment leur respect et leur soumission de la loi ; 2° d’une adresse du conseil général de la commune de Louhans , contenant les mêmes principes ; il demande à l’Assemblée d’être autorisé à élever un autel permanent à la patrie, qui serait consacré au serment annuel des eboyens, et aux actions de giâces qu’ils doivent à l’Etre suprême, pour avoir pioiéué la conquête de la 1 berté. Les citoyens de Louhans se proposent d’élever, en l ice de l’autel, un obélisque où seront gravés en lettres d’or la date ei le sujet de ce glorieux monument, afin de rappeler, à tous les instants, aux enfants de la patrie, et leur félicité, et le devoir sacré de maintenir la Constitution qui en est ia source. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable de ces adresses dans le procès-verbal.) Un membre demande que l’Assemblée renvoie au comité ecclésiastique les arrêtés des corps administratifs du département de l’Aude relatifs à la circonscription des paroisses et qu’elle témoigne sa satisfac ion de la conduite qu’a tenue le directoire de ce département, ainsi que la municipalité de Carcassonne, lors des événements du 21 juin dernier. (Cette motion est adoptée.) M. Goudard, au nom du comité d' agriculture et de commerce, fait un rapport sur la nécessité de considérer comme étranger, relativement aux droits de douanes , le village des Hayons , dont la souveraineté est contestée, et qui ne paye à l’Etat aucune imposition directe* ni indirecte ; il s'exprime ainsi : Il existe à environ 3 lieues des frontières de la ci-devant principauté de S dan, un v llage nommé des Hayons. Ce village est séparé du territoire de Sedan par les terres du canton de Bouillon, il et mêmesiiuéau delà de la ville de Bouillon. Les terres de ce canton et de celui de Bouillon l’environnent de toute part. En 1719, U s’e.-t élevé des doutes sur la souveraineté du vil’age des Hayons; et par un arrêt du conseil du 27 février de la même année, il a été réservé de faire droit sur cette question de souveraineté enire le roi de France et le duc de Bouillon. Ce village n’a même jamais été soumis aux impositions directes envers le gouvernement français; il n’est pas seulement désigné dans le tableau de l’arrondissement du district de Sedan. Malgré cette position, les entrepreneurs d’une fabrique de forces et de ferronnerie, établie au village des Hayons, ont la prétention de n’acquitter aucuns droits tant sur les fers et ferrailles qu’ils envoient de la Moncelle aux Hayons, que sur le (1) Cette scanco est incomplète au Moniteur.