SÉANCE DU 6 MESSIDOR AN II (24 JUIN 1794) - N° 50 153 près le département de Paris, dans laquelle il expose qu’il est urgent de faciliter à nombre de citoyens qui ont des papiers en dépôt chez des notaires condamnés, ou qui ont besoin d’expédition d’actes reçus par les notaires, les moyens de satisfaire à la loi du 21 frimaire avant le 13 de ce mois, décrète : «Art. I. Les dispositions des articles XVII et XVIII du titre IV de la loi dudit jour 21 frimaire sont communes à tous notaires ou dépositaires de titres et papiers, détenus ou condamnés. «II. Les expéditions ou copies collationnées d’actes reçus par des notaires détenus ou condamnés, ou de pièces déposées en leurs études, seront délivrées par le premier notaire requis. «III. Il sera responsable des dommages qu’il occasionneroit aux propriétaires par sa négligence ou son refus. «Le présent décret sera inséré demain au bulletin de correspondance » (1). 50 Un membre [BOUQUIER], au nom du comité d’instruction publique, fait un rapport, Bouquier : Citoyens, les monuments des arts confiés à la surveillance du Conservatoire établi par la Convention nationale, sont un objet de la plus grande importance. Ils doivent servir de modèle aux jeunes républicains qu’un heureux génie entraîne dans la carrière qu’ont parcourue avec tant de succès et de gloire les Raphaël, les Michel-Ange, les Carrache, les Poussin, les Pison, les Pu jet, les Perrault, les Jean Pêne, les Audran. C’est d’après ces monuments que ces jeunes gens doivent diriger leur marche révolutionnaire dans les sentiers nouveaux que la liberté vient de leur tracer. Il est temps d’abandonner la routine française; cette routine monarchique, qui asservissait les arts au caprice du faux goût, de la corruption et de la mode, avait rétréci leur génie, maniéré leurs procédés, et dénaturé leur but; il est temps de substituer aux enluminures lubriques qui paraient les appartements luxueux des satrapes et des grands, les boudoirs voluptueux des courtisanes, les cabinets de soi-disant amateurs, cabinets qui, loin d’offrir aux yeux des collections dignes de déposer en faveur des arts, ne lui présentaient guère que des ex-voto déposés par l’immoralité dans le temple du libertinage; il est temps de substituer à ces déshonorantes productions des tableaux dignes de fixer les regards d’un peuple républicain, qui chérit les mœurs, honore et récompense la vertu. Ce n’est point en introduisant dans les galeries du Muséum national les tableaux érotiquement maniérés de Boucher et de ses imitateurs, les toiles peintes des Vanloo, ou les productions compassées de Pierre, qu’on formerait des pein-Cl) P.V., XL, 133. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9653. Reproduit dans Bin, 6 mess, et 6 mess. (suppl‘); Mon., XXI, 63; M.U.; XU, 120; Mess. Soir, n° 674; J. Perlet, n° 640; Ann. R.F., n° 206; F. S JP., n° 355; Rép., n° 188; J. Paris, n° 542; J. Fr., n° 638; J. univ., n° 1675; Audit, nat., n° 640; J. Lois, n°635; J.-S. Culottes, n° 495. Mentionné par J. Mont., n°61; C. univ., p. 2450. très républicains; les pinceaux efféminés de pareils maîtres ne sauraient inspirer ce style mâle et nerveux qui doit caractériser les exploits révolutionnaires des enfants de la liberté, défenseurs de l’égalité. Pour peindre l’énergie d’un peuple qui, en brisant ses fers, a voté la liberté du genre humain, il faut des couleurs fières, un style nerveux, un pinceau hardi, un génie volcanique. Qu’ils disparaissent donc de la collection républicaine ces tableaux fades, ces productions flagorneuses et lâches qui n’ont que trop offert aux yeux du peuple les images choquantes d’actes tyranniques, d’hommages bas et rampants, d’adulations avilissantes, d’idées étroites ou mille fois rebattues, de fanatisme monacal, de mysticités ridicules. Retirons de la poussière ces superbes morceaux de peinture qui, qualifiés de tableaux noirs par nos enlumineurs, ont dépéri dans l’oubli par l’ineptie, le mauvais goût et la vileté des courtisans préposés aux progrès des arts. Parmi ces tableaux repoussés avec tant d’affectation par l’ignorance, il en est qui, s’ils ne peuvent servir de modèles, quant au sujet, peuvent inspirer aux jeunes peintres des procédés hardis, un dessein nerveux, un air mâle, un coloris vigoureux, un pinceau fier, une touche ferme, et c’est par ces parties de la peinture, presque entièrement ignorées ou négligées par les ci-devant écoles académiques, qu’il est nécessaire de commencer à révolutionner ce bel art. Le moment de rendre justice aux productions du génie est arrivé : nous devons le saisir avec empressement. Que la révolution étende ses bienfaits jusqu’au séjour des morts; consolons les mânes de ces peintres habiles, dont le faux goût et la corruption ont si longtemps dédaigné les ouvrages; que leurs tableaux, naguère ensevelis dans la ci-devant surintendance, soient arrachés de l’obscurité; qu’ils prennent enfin la place qui leur est due dans la collection républicaine, dont l’aspect doit bientôt donner aux jeunes peintres l’idée de ce grandiose qui, dans les productions imposantes des écoles romaine, lombarde et vénitienne, frappe l’œil, réveille l’enthousiasme de l’artiste et captive l’attention du spectateur sensible. Qu’il ne soit désormais permis qu’aux ignorants de qualifier de tableau noir les productions vigoureuses dont l’aspect redoutable écrase toujours les salons couleur de rose, que naguère l’ineptie, la fatuité, la dépravation des courtisans proclamaient emphatiquement en présence d’un tyran imbécile et des Messalines d’une cour infâme, d’une cour qui n’accueillit jamais que l’ignorance impudente rampant bassement à ses pieds, sous les noms usurpés des talents. Un goût inflexiblement sévère doit présider à la formation du Muséum républicain; le Conservatoire établi à cet effet travaille, avec un choix actif, à mettre sous les yeux du peuple une collection digne de lui, une collection capable de rappeler le vrai talent méconnu, banni par le faux goût, et qui, sur les pas de la révolution, va bientôt reparaître. La collection républicaine doit être telle qu’en réveillant dans l’âme des artistes la passion du vrai beau elle dessille enfin les yeux de cette foule de demi-connaisseurs qui, séduits par le charlatanisme des brocanteurs, n’ont jamais recueilli dans leurs cabinets que les productions SÉANCE DU 6 MESSIDOR AN II (24 JUIN 1794) - N° 50 153 près le département de Paris, dans laquelle il expose qu’il est urgent de faciliter à nombre de citoyens qui ont des papiers en dépôt chez des notaires condamnés, ou qui ont besoin d’expédition d’actes reçus par les notaires, les moyens de satisfaire à la loi du 21 frimaire avant le 13 de ce mois, décrète : «Art. I. Les dispositions des articles XVII et XVIII du titre IV de la loi dudit jour 21 frimaire sont communes à tous notaires ou dépositaires de titres et papiers, détenus ou condamnés. «II. Les expéditions ou copies collationnées d’actes reçus par des notaires détenus ou condamnés, ou de pièces déposées en leurs études, seront délivrées par le premier notaire requis. «III. Il sera responsable des dommages qu’il occasionneroit aux propriétaires par sa négligence ou son refus. «Le présent décret sera inséré demain au bulletin de correspondance » (1). 50 Un membre [BOUQUIER], au nom du comité d’instruction publique, fait un rapport, Bouquier : Citoyens, les monuments des arts confiés à la surveillance du Conservatoire établi par la Convention nationale, sont un objet de la plus grande importance. Ils doivent servir de modèle aux jeunes républicains qu’un heureux génie entraîne dans la carrière qu’ont parcourue avec tant de succès et de gloire les Raphaël, les Michel-Ange, les Carrache, les Poussin, les Pison, les Pu jet, les Perrault, les Jean Pêne, les Audran. C’est d’après ces monuments que ces jeunes gens doivent diriger leur marche révolutionnaire dans les sentiers nouveaux que la liberté vient de leur tracer. Il est temps d’abandonner la routine française; cette routine monarchique, qui asservissait les arts au caprice du faux goût, de la corruption et de la mode, avait rétréci leur génie, maniéré leurs procédés, et dénaturé leur but; il est temps de substituer aux enluminures lubriques qui paraient les appartements luxueux des satrapes et des grands, les boudoirs voluptueux des courtisanes, les cabinets de soi-disant amateurs, cabinets qui, loin d’offrir aux yeux des collections dignes de déposer en faveur des arts, ne lui présentaient guère que des ex-voto déposés par l’immoralité dans le temple du libertinage; il est temps de substituer à ces déshonorantes productions des tableaux dignes de fixer les regards d’un peuple républicain, qui chérit les mœurs, honore et récompense la vertu. Ce n’est point en introduisant dans les galeries du Muséum national les tableaux érotiquement maniérés de Boucher et de ses imitateurs, les toiles peintes des Vanloo, ou les productions compassées de Pierre, qu’on formerait des pein-Cl) P.V., XL, 133. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9653. Reproduit dans Bin, 6 mess, et 6 mess. (suppl‘); Mon., XXI, 63; M.U.; XU, 120; Mess. Soir, n° 674; J. Perlet, n° 640; Ann. R.F., n° 206; F. S JP., n° 355; Rép., n° 188; J. Paris, n° 542; J. Fr., n° 638; J. univ., n° 1675; Audit, nat., n° 640; J. Lois, n°635; J.-S. Culottes, n° 495. Mentionné par J. Mont., n°61; C. univ., p. 2450. très républicains; les pinceaux efféminés de pareils maîtres ne sauraient inspirer ce style mâle et nerveux qui doit caractériser les exploits révolutionnaires des enfants de la liberté, défenseurs de l’égalité. Pour peindre l’énergie d’un peuple qui, en brisant ses fers, a voté la liberté du genre humain, il faut des couleurs fières, un style nerveux, un pinceau hardi, un génie volcanique. Qu’ils disparaissent donc de la collection républicaine ces tableaux fades, ces productions flagorneuses et lâches qui n’ont que trop offert aux yeux du peuple les images choquantes d’actes tyranniques, d’hommages bas et rampants, d’adulations avilissantes, d’idées étroites ou mille fois rebattues, de fanatisme monacal, de mysticités ridicules. Retirons de la poussière ces superbes morceaux de peinture qui, qualifiés de tableaux noirs par nos enlumineurs, ont dépéri dans l’oubli par l’ineptie, le mauvais goût et la vileté des courtisans préposés aux progrès des arts. Parmi ces tableaux repoussés avec tant d’affectation par l’ignorance, il en est qui, s’ils ne peuvent servir de modèles, quant au sujet, peuvent inspirer aux jeunes peintres des procédés hardis, un dessein nerveux, un air mâle, un coloris vigoureux, un pinceau fier, une touche ferme, et c’est par ces parties de la peinture, presque entièrement ignorées ou négligées par les ci-devant écoles académiques, qu’il est nécessaire de commencer à révolutionner ce bel art. Le moment de rendre justice aux productions du génie est arrivé : nous devons le saisir avec empressement. Que la révolution étende ses bienfaits jusqu’au séjour des morts; consolons les mânes de ces peintres habiles, dont le faux goût et la corruption ont si longtemps dédaigné les ouvrages; que leurs tableaux, naguère ensevelis dans la ci-devant surintendance, soient arrachés de l’obscurité; qu’ils prennent enfin la place qui leur est due dans la collection républicaine, dont l’aspect doit bientôt donner aux jeunes peintres l’idée de ce grandiose qui, dans les productions imposantes des écoles romaine, lombarde et vénitienne, frappe l’œil, réveille l’enthousiasme de l’artiste et captive l’attention du spectateur sensible. Qu’il ne soit désormais permis qu’aux ignorants de qualifier de tableau noir les productions vigoureuses dont l’aspect redoutable écrase toujours les salons couleur de rose, que naguère l’ineptie, la fatuité, la dépravation des courtisans proclamaient emphatiquement en présence d’un tyran imbécile et des Messalines d’une cour infâme, d’une cour qui n’accueillit jamais que l’ignorance impudente rampant bassement à ses pieds, sous les noms usurpés des talents. Un goût inflexiblement sévère doit présider à la formation du Muséum républicain; le Conservatoire établi à cet effet travaille, avec un choix actif, à mettre sous les yeux du peuple une collection digne de lui, une collection capable de rappeler le vrai talent méconnu, banni par le faux goût, et qui, sur les pas de la révolution, va bientôt reparaître. La collection républicaine doit être telle qu’en réveillant dans l’âme des artistes la passion du vrai beau elle dessille enfin les yeux de cette foule de demi-connaisseurs qui, séduits par le charlatanisme des brocanteurs, n’ont jamais recueilli dans leurs cabinets que les productions 154 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de la futilité, des tableaux conçus sans génie, exécutés sans nerf, et dont les sujets n’offrent d’ordinaire qu’une immoralité révoltante, résultat inévitable de la corruption d’un gouvernement dissolu. Parmi les morceaux précieux qui concourent à la formation du Muséum national, il en est qui, longtemps relégués par le dédain, ont été cruellement endommagés par le temps; il en est que de certains soi-disant peintres, pour se maintenir dans les places qu’ils occupaient sous le monarchisme, ont sacrifiés à la nullité de leurs talents; il en est que la médiocrité, toujours jalouse, cherchant à épaissir les nuages répandus par l’ignorance, avait impunément mutilés... Les chefs-d’œuvre dont Lesueur orna le cloître des ci-devant Chartreux en sont une preuve cruelle. Il n’est pas de moyen que le despotisme n’ait employé pour river les fers du peuple; il savait que les productions sublimes pouvaient élever son âme, il s’efforçait d’étouffer le génie; il savait que la futilité pouvait l’étourdir sous le poids de ses chaînes, il proclamait, il exaltait, il favorisait le futilité. Naturellement basse et rampante, la médiocrité, protégée et sottement enorgueillie de porter sur sa poitrine quelque demi-aune de cordon noir, comprimait effrontément la fierté du vrai mérite, qu’une méfiance tyrannique repoussait avec dureté. C’est par cette politique atroce que les satrapes sont parvenus à voiler le génie, à dessécher le germe du vrai talent, à écarter l’artiste philosophe, dont les crayons hardis auraient osé présenter au peuple l’image éblouissante de la liberté à côté de la figure hideuse de l’Esclavage. Hâtons-nous de réparer les dégâts commis dans les arts par l’intérêt politique des tyrans; hâtons-nous de préserver d’une destruction totale des morceaux précieux échappés à l’ignorance, à la jalousie, à la malveillance, à la. malice, à l’insouciance, à la stupidité liguées pour comprimer le génie, pour anéantir ses productions, pour étouffer l’amour des vertus. Hâtons-nous de réparer un mal plus récent encore, celui que l’impéritie des restaurateurs employés par la ci-devant commission des monuments a commis en retouchant des chefs-d’œuvre dont elle était incapable de sentir les beautés. David, au nom du comité, vous a fait sur le même objet des observations très-étendues. Réparons donc ce mal, et prenons des mesures telles que nous puissions à l’avenir écarter du Muséum le charlatanisme insinuant qui, sous la hardiesse de la présomption, cacha toujours l’incapacité. Le but de ces mesures, but auquel il est nécessaire d’atteindre, est celui de découvrir des artistes restaurateurs capables de réparer les dégradations dont nous venons de parler. La Convention nationale a décrété que tout ouvrage exécuté pour la république serait mis au concours, et que son exécution ne serait confiée qu’à ceux des concurrents qui, au jugement d’un jury établi à cet effet, seraient reconnus les plus habiles. Jamais la république n’a eu d’intérêt plus pressant à consacrer le principe que dans la circonstance présente. Il s’agit de conserver des morceaux d’autant plus précieux que leur perte deviendrait irréparable. Les talents des Raphaël, des Titien, des Corrège, sont ensevelis avec eux. C’est au génie républicain qu’il appartient de les faire revivre; c’est à lui seul qu’il appartient de lire dans les sublimes ouvrages de ces maîtres, et c’est en les méditant que l’homme né pour les arts peut opérer ce prodige. H est des artistes qui, pénétrés d’une juste admiration pour les ouvrages des grands hommes dont l’intelligente sagacité a porté l’art de peindre à un si haut degré de perfection, ont préféré consacrer leur travaux à découvrir des moyens de conserver, de réparer ces chefs-d’œuvre à l’ambition de se faire une réputation par des talents moins utiles. Contents du bien qu’ils pouvaient faire, ils ont travaillé dans l’obscurité, et n’ont voulu d’autre récompense de leurs soins et de leurs recherches que la satisfaction de pouvoir conserver à la postérité des chefs-d’œuvre qui, sans leur zèle et leur ardent amour pour les arts, eussent été perdus pour elle. Persuadé qu’à l’invitation de la Convention nationale les artistes qui, dans le silence de leurs ateliers, ont fait des découvertes heureuses pour arrêter le dépérissement des ouvrages des grands maîtres, s’empresseront d’en faire usage pour réparer les tableaux de la République, votre comité d’instruction vous propose d’ouvrir un concours (1) . BOUQUIER propose un projet de décret que la Convention adopte ainsi qu’il suit : «La Convention nationale, considérant combien il importe pour le maintien et les progrès des arts de pourvoir à la restauration des monumens précieux qui forment la collection du Muséum national; après avoir entendu le rapport de son comité d’instruction publique, décrète: «Art. I. H sera ouvert un concours pour la restauration des tableaux, statues, bas-reliefs, et généralement de tout monument de sculpture formant la collection du Muséum national. « II. Lès travaux des concurrens seront jugés par un jury formé à cet effet. « III. Ce jury sera composé des membres du Conservatoire et de 8 citoyens nommés par la Convention, sur la présentation du comité d’instruction publique. « IV. Il suivra dans ses opérations les mêmes formes que le jury des arts. « V. La Convention nationale charge ses comités de salut public et d’instruction, d’arrêter un règlement pour l’exécution du présent décret ». Un membre demande l’impression et la distribution du rapport et l’insertion au bulletin. Cette proposition est décrétée (2). (1) Mon., XXI, 53. (2) P.V., XL, 134. Minute de la main de Bou-quier. Décret n° 9650. Reproduit dans Bin, 6 mess.; J. univ., nos 1674, 1675; J. Perlet, n° 641; Débats, nos 642, 643; J.-S. Culottes, n° 496; C. Eg., n° 675; M.U., XLI, 119-120; Mess. Soir, n°674; F. S P. n° 355; J. Mont., n° 59. Mentionné par C. univ., p. 2450; J. Fr., n° 638; J. Paris, n° 541; Ann. RF., n° 207; Rép., nos 185, 187; J. Lois, n° 634; Ann. pair., n° DXXXX; Audit, nat., n9 639; J. Sablier, n° 1397. Voir ci-après, séance du 9 mess., n°31. 154 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de la futilité, des tableaux conçus sans génie, exécutés sans nerf, et dont les sujets n’offrent d’ordinaire qu’une immoralité révoltante, résultat inévitable de la corruption d’un gouvernement dissolu. Parmi les morceaux précieux qui concourent à la formation du Muséum national, il en est qui, longtemps relégués par le dédain, ont été cruellement endommagés par le temps; il en est que de certains soi-disant peintres, pour se maintenir dans les places qu’ils occupaient sous le monarchisme, ont sacrifiés à la nullité de leurs talents; il en est que la médiocrité, toujours jalouse, cherchant à épaissir les nuages répandus par l’ignorance, avait impunément mutilés... Les chefs-d’œuvre dont Lesueur orna le cloître des ci-devant Chartreux en sont une preuve cruelle. Il n’est pas de moyen que le despotisme n’ait employé pour river les fers du peuple; il savait que les productions sublimes pouvaient élever son âme, il s’efforçait d’étouffer le génie; il savait que la futilité pouvait l’étourdir sous le poids de ses chaînes, il proclamait, il exaltait, il favorisait le futilité. Naturellement basse et rampante, la médiocrité, protégée et sottement enorgueillie de porter sur sa poitrine quelque demi-aune de cordon noir, comprimait effrontément la fierté du vrai mérite, qu’une méfiance tyrannique repoussait avec dureté. C’est par cette politique atroce que les satrapes sont parvenus à voiler le génie, à dessécher le germe du vrai talent, à écarter l’artiste philosophe, dont les crayons hardis auraient osé présenter au peuple l’image éblouissante de la liberté à côté de la figure hideuse de l’Esclavage. Hâtons-nous de réparer les dégâts commis dans les arts par l’intérêt politique des tyrans; hâtons-nous de préserver d’une destruction totale des morceaux précieux échappés à l’ignorance, à la jalousie, à la malveillance, à la. malice, à l’insouciance, à la stupidité liguées pour comprimer le génie, pour anéantir ses productions, pour étouffer l’amour des vertus. Hâtons-nous de réparer un mal plus récent encore, celui que l’impéritie des restaurateurs employés par la ci-devant commission des monuments a commis en retouchant des chefs-d’œuvre dont elle était incapable de sentir les beautés. David, au nom du comité, vous a fait sur le même objet des observations très-étendues. Réparons donc ce mal, et prenons des mesures telles que nous puissions à l’avenir écarter du Muséum le charlatanisme insinuant qui, sous la hardiesse de la présomption, cacha toujours l’incapacité. Le but de ces mesures, but auquel il est nécessaire d’atteindre, est celui de découvrir des artistes restaurateurs capables de réparer les dégradations dont nous venons de parler. La Convention nationale a décrété que tout ouvrage exécuté pour la république serait mis au concours, et que son exécution ne serait confiée qu’à ceux des concurrents qui, au jugement d’un jury établi à cet effet, seraient reconnus les plus habiles. Jamais la république n’a eu d’intérêt plus pressant à consacrer le principe que dans la circonstance présente. Il s’agit de conserver des morceaux d’autant plus précieux que leur perte deviendrait irréparable. Les talents des Raphaël, des Titien, des Corrège, sont ensevelis avec eux. C’est au génie républicain qu’il appartient de les faire revivre; c’est à lui seul qu’il appartient de lire dans les sublimes ouvrages de ces maîtres, et c’est en les méditant que l’homme né pour les arts peut opérer ce prodige. H est des artistes qui, pénétrés d’une juste admiration pour les ouvrages des grands hommes dont l’intelligente sagacité a porté l’art de peindre à un si haut degré de perfection, ont préféré consacrer leur travaux à découvrir des moyens de conserver, de réparer ces chefs-d’œuvre à l’ambition de se faire une réputation par des talents moins utiles. Contents du bien qu’ils pouvaient faire, ils ont travaillé dans l’obscurité, et n’ont voulu d’autre récompense de leurs soins et de leurs recherches que la satisfaction de pouvoir conserver à la postérité des chefs-d’œuvre qui, sans leur zèle et leur ardent amour pour les arts, eussent été perdus pour elle. Persuadé qu’à l’invitation de la Convention nationale les artistes qui, dans le silence de leurs ateliers, ont fait des découvertes heureuses pour arrêter le dépérissement des ouvrages des grands maîtres, s’empresseront d’en faire usage pour réparer les tableaux de la République, votre comité d’instruction vous propose d’ouvrir un concours (1) . BOUQUIER propose un projet de décret que la Convention adopte ainsi qu’il suit : «La Convention nationale, considérant combien il importe pour le maintien et les progrès des arts de pourvoir à la restauration des monumens précieux qui forment la collection du Muséum national; après avoir entendu le rapport de son comité d’instruction publique, décrète: «Art. I. H sera ouvert un concours pour la restauration des tableaux, statues, bas-reliefs, et généralement de tout monument de sculpture formant la collection du Muséum national. « II. Lès travaux des concurrens seront jugés par un jury formé à cet effet. « III. Ce jury sera composé des membres du Conservatoire et de 8 citoyens nommés par la Convention, sur la présentation du comité d’instruction publique. « IV. Il suivra dans ses opérations les mêmes formes que le jury des arts. « V. La Convention nationale charge ses comités de salut public et d’instruction, d’arrêter un règlement pour l’exécution du présent décret ». Un membre demande l’impression et la distribution du rapport et l’insertion au bulletin. Cette proposition est décrétée (2). (1) Mon., XXI, 53. (2) P.V., XL, 134. Minute de la main de Bou-quier. Décret n° 9650. Reproduit dans Bin, 6 mess.; J. univ., nos 1674, 1675; J. Perlet, n° 641; Débats, nos 642, 643; J.-S. Culottes, n° 496; C. Eg., n° 675; M.U., XLI, 119-120; Mess. Soir, n°674; F. S P. n° 355; J. Mont., n° 59. Mentionné par C. univ., p. 2450; J. Fr., n° 638; J. Paris, n° 541; Ann. RF., n° 207; Rép., nos 185, 187; J. Lois, n° 634; Ann. pair., n° DXXXX; Audit, nat., n9 639; J. Sablier, n° 1397. Voir ci-après, séance du 9 mess., n°31.