418* [Convention nationale..} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I 28 brumaire an U ■18 nnvpmhrfi 'I7HX Extrait du 'procès-verbal de la Société des amis de la liberté et de légalité, séant à La Tour-du-Pin, du 13e jour du 2e mois de Van II de la République (1). Le troisième article de la correspondance a procuré à la Société la douce satisfaction d’écouter l’adresse intéressante d’Anacharsis Cloots aux sans-culottes bataves; l’espérance qu’elle porte dans l’âme des vrais républicains de voir bientôt la cause de la liberté triompher de la ligue des tyrans a mérité les plus vifs applaudissements à l’ami du genre humain. On allait passer à un autre article de la corres¬ pondance, lorsque le citoyen Boissieu, membre de cette Société et l’un des administrateurs du directoire de ce district, profitant de la situation actuelle des esprits, a réchauffé par une harangue le patriotisme de la Société, et a assuré qu’avant deux ans, l’Angleterre ne serait plus souillée de la présence d’un roi. « Citoyens, a-t-il dit, le peuple anglais touche au moment du réveil, il est impossible qu’un peuple qui, il y a quatre ans, et lorsque toute l’Europe était esclave, jouissait seul d’une ombre de liberté, dont il était cependant si fier, se laisse tranquillement museler, avilir et pres¬ surer par quelques douzaines de scélérats, vils esclaves de l’atroce Pitt et de l’imbécile Georges. Les Anglais, je ne dis-pas les ministres, je ne dis pas les courtisans, je ne dis pas les lords (les pensées d’un républicain ne s’abais¬ sent pas jusqu’à des êtres d’une classe aussi abjecte) je ne parle que du peuple, et je dis que le peuple anglais voudra, comme Figaro, savoir pourquoi il se bat; je dis que le peuple deman¬ dera compte de cinq millions sterling accordés à Pitt pour dépenses secrètes; je dis enfin que ce peuple, le second aujourd’hui des peuples de l’Europe, comme il en était le premier, il y a quatre ans, sentira qu’il ruine son commerce, qu’il détruit ses manufactures, qu’il dépeuple ses campagnes, qu’il s’épuise, qu’il s’ouvre les veines, pourquoi? pour servir les projets insensés et la politique infernale d’un assassin, d’un incendiaire tel que l’exécrable Pitt. Gui, citoyens, le peuple qui a déjà fait ces réflexions tout bas se lèvera bientôt pour les produire à la faoe de l’univers; c’est alors que l’imbécile Georges, que la catastrophe de Capet a plus d’une fois fait pâlir sur son trône, disparaîtra devant la majesté de ce peuple comme la rosée devant les rayons qui nous éclairent. Je ne con¬ nais ni le démon familier de Socrate, ni le génie de Borne, ni le mont Sinaï, ni l’antre de la Sybille; je ne consulte que les événements qui se pressent, je ne calcule que les progrès de la raison que je vois parcourir les royaumes et les empires à pas de géant, et j’ose prédire que dans deux ans, à compter du premier jour du 1er mois de pan jj de ]a Bépublique, l’Angle¬ terre proprement dite n’aura plus de roi. « En conséquence, citoyens, je contracte envers la patrie l’engagement de verser entre les mains du receveur du district de ma rési¬ dence, vingt -cinq livres par an, pour contribuer à détrôner le roi de la Grande-Bretagne. C’est le denier -de la veuve, mais j’ai l’honneur d’être pauvre. J’ajoute que si l’Angleterre a encore un roi le 1er jour de la 4e année de notre ère, je ferai don à la patrie, ma vie durant, de (1) Archives nationales, carton C 278, dossier 743. cinquante livres par an, jusqu’à ce qu’elle soit purgée de cette espèce de monstre. Vive la République! » La Société a arrêté mention honorable de l’enthousiasme républicain du citoyen Boissieu, et que son discours et extrait du procès-verbâl seraient envoyés à la Convention nationale et aux Sociétés populaires affiliées. Le citoyen Dispot, secrétaire de la Société, a donné des preuves d’un républicain qui brûle de se mesurer avec les ennemis de la patrie ; il a invité la Société à presser auprès des auto¬ rités constituées la levée de la jeunesse républi¬ caine ordonnée par la loi du 23 août dernier. Ce citoyen étant dans l’âge d’être compris dans cette levée, a mérité les plus vifs applau¬ dissements de la Société, qui a décerné mention honorable dans son procès-verbal du généreux dévouement du citoyen Dispot, secrétaire-commis du district, envers la Bépublique. Enfin le citoyen Boissieu, après avoir rappelé à l’assemblée la haine et l’exécration que les républicains doivent vouer à tous les tyrans couronnés, mitrés et crossés, ainsi qu’aux prêtres réfractaires, leurs abominables suppôts, après avoir fait une énumération des horreurs de la guerre civile que ces scélérats ont suscitée à la Bépublique, a proposé la lecture du décret de la Convention nationale contre la horde infernale des prêtres réfractaires, laquelle lecture s’est terminée par les cris de Vive la République! Le président a levé la séance, après avoir consulté rassemblée. Et ont signé : Vernet, président, Dispot, secrétaire, Bobin, ex-secrétaire, Boissieu, membre de la société. Pour extrait certifié conforme à V original : Varnet, président; Bobin., ex-secrétaire. Le citoyen Lafite, quartier-maître du 2e ba¬ taillon du Cher, fait passer à la Convention natio¬ nale 96 livres en or; il présente des réflexions pour rendre plus efficaces les moyens de défense entre Wissembourg et Bitche. Mention honorable et insertion au « Bulle¬ tin » (1). Le citoyen Gentil, curé de Longueville, fait part à la Convention nationale que, toujours en opposition avec les préjugés et les abus, il a con¬ tracté mariage, pour se conformer à la sagesse des lois. Insertion au « Bulletin » (2). Suit la lettre du citoyen Gentil (3). « Longueville, ce 9 novembre 1793, l’an II de la Bépublique française une et indi¬ visible. « Citoyen Président, « Toujours en opposition avec les préjugés et tous les abus, j’ai, pour me conformer à la (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 298. Le Bulletin de la Convention du 28 brumaire qui reproduit l’analyse du procès-verbal ajoute : « Ren¬ voyé au comité de Salut public. » (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 298. (3) Archives nationales, carton G 281, dossier 772. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES f 28 brumaire an II yg ( 18 novembre 1793 sagesse des lois, contracté mariage, dont la lettre ci-jointe vous est un sûr garant. De ces trois imprimés, un est pour vous, afin d’en faire part aux citoyens membres de la Convention nationale, et les deux autres sont destinés pour les Archives nationales, si vous jugez qu’ils y méritent une place. Vous serez, par cette lettre imprimée, à portée de connaître mes intentions sur mon travail concernant le divorce et le mariage des prêtres, en conformité des lois, dont je demande l’impression. « Citoyen C. Gentil, curé de Longueville. » Lettre du citoyen Charles Gentil, ministre du culte catholique, au citoyen J ean-Baptiste Gratien évêque du département de la Seine-Inférieure, sur son mariage célébré civilement et sacramentalement le 15 octobre 1793, Van deuxième de la République, une et indivi¬ sible (1). « Citoyen évêque, « De ce principe incontestable et sacré, il suit que la religion de Jésus-Christ, établie sur l’institution du Créateur de toute la nature, étant toujours la même, une et indivisible, sous les auspices de nos lois constitutionnelles, nous devons instruire, plus d’exemple que de parole, le peuple qui nous est confié; car, dit saint Jean : « Mes petits enfants, n’aimons pas de parole, ni de langue, mais par œuvres et en vérité : Filioli mei : non diligamus verbo, neque linguâ, sed opéré et veritate. » « Ce peuple, et nous, sait que ni le Créateur de la nature, ni le Sauveur de l’humanité, n’ont ordonné ni exigé les vœux du célibat, puisque le Père tout-puissant dit à tous les hommes, parlant à Adam : Croissez et multipliez-vous, et que le fils, son bien-aimé, au lieu de donner la préférence à saint Jean, vierge, préféra saint Pierre, quoique marié. « D’où il suit que ceux exigés par les succes¬ seurs des apôtres sont le fruit de l’imaginative de pontifes présomptueux et despotes, tyrans et injustes, ennemis de l’humanité, de la reli¬ gion de l’Etat : car il n’y a point de vœu légi¬ time, quand il est au contraire au vœu de la na¬ ture et du Créateur. C’est pourquoi, pour me conformer à l’esprit des lois d’une manière qui soit digne de la saine doctrine, afin que personne ne nous mé¬ prise dans les augustes fonctions du saint ministère, j’ai, le 15 de ce mois d’octobre 1793, contracté mariage avec Marie-Anne Mauger, du hameau de Carcuit, commune de Gonneville, district de Dieppe, citoyenne pleine de senti¬ ments et de vertus, disposée à propager libre¬ ment et sagement nos droits, que des tyrans avaient, par un abus très criant, ravis à l’hu¬ manité que vous aimez, et attachée sincère¬ ment à la vraie doctrine de Jésus-Christ, bien capable d’en soutenir les principes, faisant la base des lois de notre patrie, que vous vous efforcez sans doute de défendre en éclairant de vos lumières tous les aveugles de votre départe¬ ment, attachés encore à l’ancien régime du ci-devant haut clergé de France, aussi pervers que pernicieux. J’aime à croire que vous n’improuverez pas ma conduite, en tout con¬ forme aux lois et au serment que j’ai fait, en conformité des lois, avec l’intention de renoncer aux abus enfantés par ce clergé vain et infâme, perfide et scandaleux, et de les extirper de tout mon pouvoir, n’ayant qu’un Dieu à aimer et à servir, qu’une foi à conserver, qu’un bap¬ tême à enseigner et à donner. « Or le célibat, fondé sur une fausse doctrine, me paraît, et est un abus des plus criants, puisqu’il est, vous le savez, convenez-en de bonne foi, contraire à l’institution primitive du Créateur, à la doctrine du Sauveur, à la pra¬ tique pure de ses premiers apôtres, et aux droits naturels. « Il est donc juste et très naturel de se -sou¬ mettre aux vrais principes du Créateur, et de pratiquer la doctrine pure du souverain légis¬ lateur par excellence; et par conséquent il est aussi fort sage de renoncer au célibat, ennemi meurtrier de l’humanité, de la saine raison, de l’Etat et de la religion que nous professons, et d’où nous devons extirper les abus par la pratique des vrais principes des vertus sociales et chrétiennes, afin de la rendre plus resplen¬ dissante, et la société plus pure et plus intime par le maintien de nos lois sages, d’autant mieux que voici l’avis qui m’a été donné relativement à notre proposition, pour ce qui concerne île sort des ministres : « Si ta conscience répugne au mariage, ce serait un crime de ne pas sacrifier ton sort à ta conscience. Si au contraire, elle n’y répugne pas, c’est une bêtise impardonnable et irrépro¬ chable à la fois de sacrifier ton sort à un pré¬ jugé qui est aussi absurde qu’injuste. » « L’avis qu’on m’a donné, je vous le donne, et suis très respectueusement, .citoyen évêque, votre frère et ami. « Charles Gentil, curé de Longueville. « Nota. Ces principes sont si clairs, qu’ils n’ont besoin d’aucune autre preuve; cependant j’en ai posé d’incontestables dans un manuscrit d’environ 400 pages in -8°, tirées des meilleures autorités, formant l’analyse de toutes les lois, tant sur le divorce que sur le mariage des prêtres, pour l’instruction de ceux encore entichés de l’ancien régime, et pourquoi je demande ins¬ tamment à nos sages représentants d’en ordon¬ ner l’impression au compte de la nation, pour être envoyé dans tous les départements de la République française, une et indivisible; afin d’y maintenir le bon ordre et la paix du Sei¬ gneur : Fax Domini sit semper nobiscum, obser¬ vant que cet ouvrage sera complet pour la fin du mois prochain. » Les administrateurs du district de Compiègne annoncent qu’ André Dumont, représentant du peuple, a épuré toutes les autorités constituées, et que l’esprit public dans ce département est celui de la raison et de la philosophie. Insertion au « Bulletin » (1). (1) Archivés nationales, carton G 281, dossier 772. (lj Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 299.