PROVINCE DE DAUPHINÉ POUVOIRS DES DÉPUTÉS DE LA PROVINCE DE DAUPHINÉ AUX ÉTATS GÉNÉRAUX (1). EXTRAIT Du procès-verbal des Etats de la province de Dauphiné, assemblés à Romans. Du 31 décembre mil sept cent quatre-vingt huit, sur les dix heures du matin. Les membres des Etats et leurs adjoints ayant pris séance, M. l’évéque de Gap a dit que la commission s’est occupée du traitement que doivent avoir les députés aux Etats généraux ; sur son rapport, il a été délibéré que chacun des députés aurait 20 louis pour les frais du voyage, et 12 livres par jour, à compter de celui qui sera indiqué pour l’ouverture des Etats généraux. Ensuite, M. l’évêque de Gap a dit que la commission a approuvé un projet de pouvoirs pour ceux qui doivent représenter la province, et que M. Mounier, secrétaire des Etats, rendrait compte des motifs qui avaient dirigé la rédaction de ces pouvoirs. M. Mounier a développé les motifs qui ont déterminé la commission. Le projet annoncé, ayantétélu, aété approuvé deux fois par acclamation. M. le chevalier de Murinais a dit que M. Mounier, rédai-tci r de ce projet, doit être député aux Etats généraux par acclamation; ce qui a été accepté par l’assemblée avec de grands applaudissements. M. Mounier a dit qu’il était trop vivement ému pour qu’il lui fût possible d’exprimer l’excès de sa reconnaissance, mais que le règlement ne lui permettait pas d’accepter l’honneur qu’on voulait fui faire. Il a été aussitôt arrêté qu’il sera fait mention dans le procès-verbal du choix par acclamation que venait de faire l’assemblée en faveur de M. Mounier, et que, cependant, sur sa demande, sa nomination serait renouvelée par la voie du scrutin. On a ensuite recueilli les suffrages sur le projet présenté par la commission; il a été de nouveau accepté ainsi qu’il suit. L’assemblée, qui doit se conformer aux principes consignés dans la lettre écrite au Roi par les trois ordres de la province, le 8 novembre dernier, etdans la délibération prise par les Etats, le 9 de ce mois, plus que jamais persuadée de leur justice et de leur importance pour le bonheur de la nation, donne pouvoir aux personnes qui seront choisies par la voie du scrutin de représenter la province dans les Etats généraux du royaume, et tant qu’ils seront composés démembres librement élus, Leur défend de délibérer séparément. Leur donne mandat spécial d’employer tous leurs efforts pour obtenir que les députés du liers-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Corps législatif. état soient en nombre égal à ceux du premier et du second ordre réunis; que les délibérations soient constamment prises par les trois ordres réunis, et que les suffrages soient comptés jjar tête, sans qu’ils puissent voter sur aucune proposition avant que ces formes aient été définitivement arrêtées; l’assemblée déclarant qu’elle désavoue ses députés, et leur retire ses pouvoirs s’ils contreviennent au mandat ci-dessus. Et, dans le cas seulement oii les Etats généraux seraient composés de membres librement élus, les députés du tiers-état en nombre égal à ceux du premier et du second ordre, les délibérations prises par ordres réunis et les suffrages comptés par tête, l’assemblée donne pouvoir et mandat spécial à ses députés de concourir, par tous les efforts de leur zèle, à procurer à la France une heureuse constitution, qui assure à jamais la stabilité des droits du monarque et de ceux du peuple français ; Qui rende inviolable et sacrée la liberté personnelle de tous les citoyens; Qui ne permette pas qu’aucune loi soit établie sans l’autorité du prince et le consentement des représentants du peuple réunis dans des assemblées nationales, fréquentes et périodiques; Qui ne permette pas que les ministres, les tribunaux et aucuns des sujets du monarque puissent violer les lois impunément; qu’il soit fait aucun emprunt direct ou indirect, et qu’aucun subside soit perçu sans le libre consentement des Etats généraux, ‘en préférant les genres d’impôts et de perception les plus compatibles avec la liberté publique et individuelle, et les plus susceptibles d’être également répartis sur tous les citoyens. Leur donne, de plus, mandat spécial de procurer la réforme des abus relatifs aux tribunaux et à l’administration de la justice. Leur défend de s’occuper des subsides avant que les principes et les bases de cette constitution soient établis, à moins que les circonstances n’exigent impérieusement des secours extraordinaires et momentanés; leur recommandant, lorsque ces bases seront fixées, de chercher tous les moyens propres à rétablir l’ordre et l’économie dans les finances; de prendre une connaissance exacte des besoins de l’Etat et de la dette publique, afin d’y proportionner les sacrifices que la gloire du trône, l’honneur français et le salut de la nation pourront rendre nécessaires. Leur défend encore d’accorder aucun impôt pour un tempsillimité, sans que le terme de l’octroi puisse excéder l’intervalle d’une assemblée d’Etats généraux à la suivante. L’Assemblée déclare qu’en tout ce qui n’est pas restreint ou limité par le mandat ci-dessus, elle s'en rapporte à ce que les députés estimeront, en leur âme et conscience, pouvoir contribuer au bonheur de la patrie, ne doutant pas qu’ils ne soient toujours dirigés par la justice, la modération, la fidélité envers le Roi, le respect des propriétés, l’amour de l’ordre et de la tranquillité publique. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province de Dauphiné.] 81 Il leur sera remis des instructions sur quelques objets particuliers. Et comme rien de ce qui peut intéresser la dignité de l’homine ne saurait être indifférent à cette assemblée, en respectant la juste prérogative de la préséance du clergé et de la noblesse, elle défend à ses députés de consentir aux distinctions humiliantes qui avilirent les communes dans les derniers Etats généraux de Blois et de Paris. L’assemblée déclare de plus que, n’ayant eu, pour confondre les intérêts du Dauphiné avec ceux du reste du royaume, d’autre but que celui de la félicité commune, elle réserve expressément les droits de cette province, dans le cas où des obstacles imprévus ne permettraient pas aux Etats généraux de prendre les résolutions salutaires qu’elle a droit d’en espérer. Il a été délibéré que les instructions dont il est parlé dans les pouvoirs des députés seront arrêtées définitivement avant de commencer le scrutin, et que la commission nommée pour les pouvoirs s’occupera de ces instructions. M. le président a renvoyé la séance à demain, à quatre neures après midi, et il a signé : f J. "G., archevêque de Vienne, président. MoüNIER, secrétaire. Du 1er janvier 1789, à quatre heures après midi. La commission a fait le rapport d’un projet d’instructions sur quelques objets particuliers : elles ont été approuvées ; elles sont de la teneur suivante : L’assemblée, délibérant sur les instructions qu’il convient de donner, relativement à quelques objets particuliers, aux députés qui doivent représenter la province dans les Etats généraux, A arrêté qu’ils pourront consentir à l’aliénation des domaines du Roi et à la confirmation des aliénations précédentes, pour employer le prix des ventes et des confirmations au payement des dettes de l’Etat ; Qu’ils demanderont la destruction des entraves qui s’opposent aux progrès de l’industrie et nuisent à la liberté des arts et métiers et à celle du commerce; Qu’ils demanderont de plus qu’on accorde au Dauphiné la faculté de racheter les péages ; Qu’ils feront prendre en considération le grand nombre de routes que le Dauphiné est obligé d’entretenir pour la marche des troupes vers les frontières, et dont il retire peu d’avantage; l’énormité des frais des ouvrages d’art qu’exigent ces mêmes routes, coupées fréquemment par des montagnes et des torrents ; et combien il serait injuste que le Dauphiné supportât seul des dépenses qui sont utiles à tout le royaume, et pour lesquelles il a toujours reçu des secours du gouvernement jusqu’à l’année 1788. Au surplus, l’assemblée invite tous les membres qui la composent, ainsi que les villes et communautés, corps et corporations du Dauphiné, à envoyer à la commission intermédiaire toutes les instructions ou mémoires qu’ils pourront juger convenables sur toutes les parties de la législation et de l’administration, sur les abus de tous les genres et sur les moyens qu’ils croiront les plus propres à en opérer la réforme, afin que la commission intermédiaire fasse parvenir les divers renseignements aux représentants de la province. Ensuite on a relu les pouvoirs, sur lesquels on a de nouveau recueilli les opinions des membres de l’assemblée ; ils ont été encore approuvés. M. le président a dit que les députes qui doi-< lre Série, T. III. vent concourir, avec les membres des Etats, à l’élection de ceux qui représenteront la province dans les Etats généraux, avaient été convoqués conformément aux intentions de Sa Majesté, communiquées par ses commissaires; que la lettre écrite, à ce sujet, par M. Necker, annonçait de nouveaux ordres pour le 27 du mois dernier, mais que les ayant attendus jusqu’à ce jour, il y aurait des inconvénients à retarder plus longtemps la nomination; qu’il était indispensable de commencer le scrutin et de choisir trente représentants, sans préjudice des lettres de convocation, et que, dans le cas où les ordres du Roi exigeront un moindre nombre, les personnes qui se trouveraient au delà du nombre fixé seraient en remplacement. Ensuite on a commencé le scrutin. A l’heure de minuit, les billets de scrutins, ainsi que les relevés des suffrages, ont été enfermés, sous deux cachets, par MM. les procureurs généraux, syndics. M. le président a renvoyé la séance à demain, à neuf heures du matin, et il a signé : -{• J. -G., archevêque de Vienne, président. MoüNIER, secrétaire. Du vendredi 2 janvier 1789, à neuf heures du matin. Les cachets du scrutin ayant été vérifiés et ensuite rompus, on a continué le scrutin. Monseigneur Jean-Georges Le Franc de Pompi-gnan, archevêque devienne, président des Etats; M.Henri-François-Lucretius d’Armand de Forest, marquis de Biacons fils ; M. Nicolas-François, marquis de Langon, maréchal des camps et armées du Roi ; M. Alexandre-Joseph de Falcos, comte de la Blache, maréchal des camps et armées du Roi ; M. Jean-Joseph Mounier, secrétaire des Etats ; M ....... Dambesieux, avocat à Romans; M ......... Barthélemi d’Orbanne, avocat au parlement de Grenoble; M. Alexis-François Pison du Galland fils, juge épiscopal de la ville de Grenoble ; M. Marcellin-René Bérenger, procureur du Roi en l’élection de Valence; M. Antoine-Pierre-Joseph-Marie Barnave fils, avocat au parlement, propriétaire à Vercheny Et M. Louis-Antoine-François , de Bertrand de Montfort, lieutenant générar au bailliage des Bo-ronnies, ont été nommés députés aux Etats généraux, ayant tous réuni plus de la moitié des suffrages. M. le président a renvoyé la séance à quatre heures du soir, et il a signé : •j* J. -G., archevêque de Vienne, président. Mounier, secrétaire. Du même jour, à quatre heures du soir. Le scrutin ayant été recommencé; M. Jean-Antoine, comte d’Agoult, colonel de cavalerie, sous-lieutenant des gardes du corps du Roi, Et M. Pierre Revol, avocat au parlement de Grenoble, ont été nommés députés aux Etats généraux, ayant réuni plus de la moitié des suffrages. M. le président a renvoyé la séance à demain, à neuf heures du matin, et il a signé : -{- J.-G . archevêque de Vienne , président , Mounier, secrétaire. 6 89 [États gen. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province de Dauphiné.] Du samedi 3 janvier 1789, à neuf heures du matin. M. le président a renvoyé la séance à trois heures et demie du soir, et il a signé : *j-J. -6., archevêque de Vienne, président. MoüNIER, secrétaire. Du même jour, à trois heures et demie du soir. M. le président a renvoyé la séance à demain, à quatre heures du soir, et il a signé : •J-J.-G,, archevêque de Vienne , président. Mounier, secrétaire. Du dimanche 4 janvier , à quatre heures du soir. Le scrutin ayant été repris , M. Charles -Emmanuel de Gratet de Dolomieu, abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Hilaire, vicaire général du diocèse de Vienne, chanoine et comte de l’église de Saint-Pierre et Saint-Chef de la même ville ; M. François-Henri, comte de Virieu, colonel du régiment d’infanterie-Limousin; M. Pierre-François, comte de Morges ; M. Jean-Louis-Dominique Bignan de Coyrol , négociant à Suze; M. Charles Chatroud, avocat à Vienne, Et M. Guy Blancard, propriétaire, habitant à Loriol, ont été reconnus députés aux Etats généraux, ayant réuni plus de la moitié des suffrages. M. le président a renvoyé la séance à demain, à neuf heures du matin, et il a signé : f J.-G., archevêque de Vienne, président. MoüNIER, secrétaire. Du lundi 5 janvier 1789, à neuf heures du matin. Le scrutin ayant été repris, M. Laurent-César, Baron de Chaléon, conseiller au parlement de Grenoble, Et M. Jean-Loïs-François, comte de Marsanne-Fonjuliane, ont été reconnus députés aux Etats généraux, ayant réuni plus de la moitié des suffrages. M. le président a renvoyé la séance à quatre heures au soir, et il a signé : •[- J.-G., archevêque de Vienne, président. MoüNIER, secrétaire. Du même jour, à quatre heures du soir. Le scrutin ayant été repris, M. Aimé-François de Corbeau de Saint-Albin, doyen de l’église primatiale de Vienne, vicaire général du diocèse, et abbé commendataire de l’abbaye royale d’Aulnay; M. Jacques-Bernardin Colaud de la Salcette, chanoine de l’église cathédrale de Die ; M. Jean-Baptiste, marquis de Baronnat; M. Joseph Allard Duplantier, propriétaire à Voyron ; M. Jean-Louis Cheynet, maire de la ville de Montélimar, Et M. Antoine-Joseph Richard, maire de la ville de Grest, ont été reconnus députés aux Etats généraux, ayant eu plus de la moitié des suffrages. M. le président a renvoyé la séance à demain, à trois heures et demie du soir, et il a signé : •J* J.-G., archevêque de Vienne, président. MoüNIER, secrétaire. Du mardi § janvier 1789, à trois heures et demie du soir. Le scrutin ayant été repris, M. Raymond' Grand de Ghamprouet, assesseur < au bailliage de Briançon, a réuni plus de la moitié des suffrages. Le scrutin ayant été repris une seconde fois , M. Pierre-Paul-Alexandre de Monspey, chevalier de justice de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, commandeur de Montbrison, lieutenant de M. le grand; prieur d’Auvergne en Dauphiné, Et M ..... Dedelley d’Agier, maire de la ville de Romans, ont réuni plus de la moitié des suffrages. M. le président a renvoyé la séance à demain à trois heures du soir, et il a signé : f J.-G., archevêque de Vienne, président. MoüNIER, secrétaire. Du mercredi 7 janvier 1789, à trois heures du soir. Il a été fait lecture du résultat du conseil du Roi et du rapport fait par M. Necker à Sa Majesté au sujet des formes des Etats généraux. Cette lecture a été plusieurs fois interrompue par les plus grands applaudissements et par des cris de : Vive le Roi! Ensuite il a été arrêté que les Etats écriraient à Sa Majesté pour lui présenter les témoignages de leur respectueuse reconnaissance, et u’on écrirait également à M. Necker, ministre es finances. M. le président a dit qu’il fallait nommer en remplacement un membre du clergé, deux de la noblesse et trois du tiers-état. Le scrutin ayant été repris, M. Guy-Joseph-Francois-Louis-Timoléon d’Au-bergeon, chevalier de Murinais, a réuni plus de la moitié des suffrages. Un officier du régiment de Royal-la-Marine est entré dans la salle des Etats, et a présenté à M. le président une lettre écrite par M. Necker à MM. les commissaires du Roi, dans laquelle il annonce que Sa Majesté a fixé le nombre des représentants du Dauphiné dans les Etats généraux à vingt-quatre; il a été aussitôt arrêté que MM. le commandeur de Monspey, le marquisde Baronnat, Dedelley d’Agier, Cheynet, Richard et de Cham-prouet, ne seront considérés que comme nommés en remplacement, ainsi que M. le chevalier de Murinais. Il a été fait lecture d’une lettre écrite à M. le marquis de Viennois par les Dauphinois qui sont actuellement à Paris, qui contient leur adhésion aux principes du Dauphiné, qui rend hommage au zèle et au courage avec lesquels MM. les marquis de Viennois, le comte de La Blache et le comte de Virieu, députés de la noblesse, ont soutenu les intérêts de la province pendant leur séjour dans la capitale. Cette lettre est signée par MM. Cu-chet, Reymond, Lenoir de la Roche, Robin de Mozas, Giroud, Sarrasin de Marèze, Allemand, Buisson aîné, Guillaumet; Sarret du Cernai Toscan, l’abbé Pollin, Amblart, Mathon, Amblara de Rue, Lacroix, Vincent, Donnet, Chanies, Julien aîné , Buisson jeune , l’abbé Garcin , Buisson , J. Troussier, l’abbé de Pérret,Lemaistre, régisseur général ; Menuret de Chambaud, médecin ; Perier du Merlet. M. le président a renvoyé la séance à demain, à dix heures du matin, et il a signé : -J-J.-G., archevêque de Vienne, président. MoüNIER, secrétaire. Du 8 janvier 1789, à dix heures du matin. Plusieurs membres de l’assemblée ont fait des observations relatives aux pouvoirs des députés aux Etats généraux. (Etats gén. 1789. Cahiers. t ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province de Dauphiné.] 33 La séance a été renvoyée à demain, à dix heures du matin , et M. le président a signé. -{• J.-G. archevêque de Vienne , président. MoüNIER, secrétaire. Du vendredi 9 janvier , à dix heures du matin. Un des membres de l’assemblée a dit qu’il ne paraissait pas qu’on eût suffisamment recommandé aux représentants de la province dans les Etats généraux, de veiller à ce que la constitution garantisse les propriétés de tous les genres, et qu’il serait convenable de faire à ce sujet une addition au mandat spécial qui leur a été donné. L’assemblée a unanimement délibéré qu’elle a entendu suffisamment pourvoir à la sûreté des propriétés, en déclarant qu’elle ne doutait pas que ses députés ne fussent dirigés par le respect des propriétés ; mais que, pour ne laisser aucune incertitude, elle déclare de nouveau charger expressément ses députés d’obtenir une constitution qui garantisse tous les genres de propriétés, de manière qu’on ne puisse jamais y porter atteinte, et que les propriétaires soient toujours assurés d’une indemnité effective, juste et proportionnelle, dans le cas où le bien public exigerait quelque changement qui leur serait préjudiciable. L’assemblée déclare, de plus , que la nobilité des fonds en Dauphiné ayant augmenté leur valeur dans le commerce et le partage des successions, elle ne pourra être abrogée sans une indemnité également effective, juste et proportionnelle. M. le président a signé : f J.-G., archevêque de Vienne , président . MoüNIER, secrétaire. CAHIER De doléances de la ville de Vienne (1). La Providence qui soutint tant de fois la monarchie française sur le penchant de sa ruine; qui l’a fait triompher de ses ennemis étrangers et de ses dissensions intestines; qui lui donna Charlemagne, Louis XII, Henri IV et Louis XVI, permet aujourd’hui que, du sein même de sa détresse, renaisse l’espoir de sa gloire. Les représentants du peuple vont ouvrir l’assemblée la plus auguste qui ait jamais été, et assurer, de concert avec un monarque vertueux, le sort du plus bel empire de la terre et de vingt-quatre millions d’êtres pensants et sensibles. Puisse le peuple français, puissent toutes les classes des citoyens, écouter la voix du souverain qui veut leur bonheur, et ne pas perdre en vains démêlés la grande occasion qui leur est offerte ! Puissent se taire, en ces moments précieux, tous les intérêts opposés à la régénération de la France ; et du Rhin aux Pyrénées, des Alpes à l’Océan, un seul vœu être formé pour la félicité générale ! S’il est permis à tous les citoyens de témoigner hautement ce qu’ils attendent de l’assemblée nationale, la ville de Vienne élèvera la voix dans cette conjoncture� jamais mémorable, pour demander que la nation française soit heureuse, et que son chef soit un grand monarque. L’accomplissement de ce souhait doit être le fruit d’un patriotisme noble et pur. Mais, peut-il exister où la patrie n’appartient pas également à tous; où les droits usurpés sont, pour quelques-(1) Nous publions ce cahier d’après uu imprimé de la Bibliothèque impériale, uns, l’humiliation, et les fers pour le plus grand nombre? 11 est arrivé enfin ce grand jour, où une sage constitution et de bonnes lois, substituées à des coutumes incertaines, et à de longues erreurs, ne permettront plus que la dignité de l’homme et du citoyen soit oubliée, et que les Français laissent échapper le rang qui leur est dû parmi les peuples de la terre. Remplie de cette confiance, la ville de Vienne dépose, dans ce cahier, ses principes, ses représentations, ses doléances, ses intentions pures : et elle en offre l’hommage au Roi et aux Etats généraux. Des lois constitutionnelles. Il est à désirer que les provinces fassent à la nation le sacrifice de leurs constitutions particulières, de leurs capitulations, de leurs traités ; et que la France ne soit, à l’avenir, qu’un grand corps de monarchie sous une seule loi, comme sous un seul roi; que l’on n’y connaisse d’autres droits et d’autres pouvoirs que ceux du Roi et ceux de la nation. Que la liberté de la nation soit inviolable ; et après ce grand intérêt assuré, la puissance du Roi rendue aussi absolue qu’il est possible, et qu’il est nécessaire au gouvernement d’un grand empire. Que les personnes qui appartiennent à la. noblesse et au clergé soient distinguées par la préséance, par des droits honorifiques, et surtout par le devoir de donner au corps du peuple l’exemple du patriotisme et l’obéissance aux lois. Que la liberté des citoyens étant mise sous la sauvegarde de la constitution, nul ne puisse être arrêté, mandé, constitué prisonnier, si ce n’est en vertu, et selon les formes de la loi, et tout procédé contraire réprimé par les mesures efficaces que les Etats auront prescrites. Que les propriétés soient sacrées, sans que la raison du bien public puisse en faire dépouiller les citoyens, si ce n’est à la charge d’une indemnité juste et préalable. Que la nation soit représentée et déclare sa volonté par ses Etats généraux, composés de ses députés librement élus, dont la moitié au moins sera toujours prise dans les communes, à l’exclusion des nobles et des ecclésiastiques. Que, dans les prochains Etats généraux, tous les députés soient réunis dans une même assemblée, sans pouvoir délibérer séparément : les suffrages comptés par tête, et la constitution qui intéresse toute la nation, rendue en effet l’ouvrage de la nation entière. Que l’on y règle le retour fréquent et périodique de l’assemblée nationale, la distribution des députés entre les provinces, les formes de la convocation des élections et des délibérations. Que la loi soit ce qui aura été résolu et accordé par le Roi et par les Etats généraux ; qu’elle ; oblige tous les individus sans distinction, et ■ anéantisse tout pouvoir d’en dispenser. j Qu’elle ait toute sa force par l’effet seul de ce j double consentement ; le soin de publier étant confié aux Etats provinciaux, afin qu’elle soit,! ensuite, purement et simplement transcrite dans | les greffes des tribunaux. Qu’aucun impôt, subside ou contribution, de quelque nature et sous quelque dénomination que ce soit, ne puisse être levé dans le royaume sans l’octroi libre des Etats généraux. Que toutes personnes qui feront des levées de deniers non octroyés par les Etats généraux,