[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790.) 449 mager des malheurs qui la frappent et calmer le désespoir du peuple. M. Bouche. Je demande que cette adresse soit renvoyée au comité de Constitution. Ce renvoi est ordonné. M. tue Chapelier fait lecture d’une adresse de M. Armand du Couëdic, ancien membre du parlement de Bretagne, datée de Londres, du 9 juillet courant, qui demande, en attendant son retour en France, qu’il lui soit permis d’offrir son serment civique et de réclamer le titre de citoyen, comme le seul qui convienne à la noblesse de l’homme. Il ajoute : « Je viens contracter l’enga-« gement libre de participer aux devoirs publics, « et j’offre ma vie et mes services, comme l’u-« nique contribution dont je puisse disposer. * Je viens jurer, sur la Constitution formée par « vos décrets, de défendre la souveraineté du « peuple français, de ses lois et de son roi. » M. Ce Chapelier. Il est si rare de voir un noble de Bretagne adhérer à vos travaux et offrir son serment pour leur maintien , que je demande qu’il en soit fait mention honorable dans le procès-verbal. (Cette motion est adoptée.) Une députation de la municipalité et de la garde nationale de Montpellier est admise à la barre. L’orateur de la députation s’exprime en ces termes : « Messieurs, la municipalité et la garde nationale de Montpellier, placées à une des extrémités du royaume, n’ont pu jusqu’ici s’unir à vous, que d’esprit et de sentiment; elles saisissent avec empressement la première occasion qui se présente, de vous renouveler ensemble, et de vive-voix, leur entière adhésion aux principes que vous ave/ contractés pour le bonheur et la gloire de tous. « Quel hommage plus digne de vous, quel témoignage plus certain pourrions nous vous offrir de cette adhésion, que de vous rappeler, Messieurs, que les citoyens de Montpellier se sont armés, dès le mois d’avril 1789, pour assurer la liberté; qu’ils ont constamment défendu les propriétés ci les personnes; qu’ils ont protégé avec succès la perception des impôts; que leur contribution patriotique, outre les dons volontaires qui vous ont été envoyés, s’élève à environ 1,200,000 livres; qu’ils ont multiplié les sacrifices, pour ouvrirdes greniers d'abondance, des ateliers de travail et de secours, et établir une caisse patriotique, qui facilite aux habitants des campagnes l’échange des assignats. « C’est par ces moyens, Messieurs, que nous sommes parvenus à nous préserver des fausses insinuations que les ennemis de l’État ont tenté de répandre parmi nous ; que nous avons maintenu la paix dans nos murs, et que nous avons contribué à la ramener dans les cités voisines, qui s’étaient laissées égarer par les malveillants. « La ville de Gignac était divisée, nous nous y sommes rendus en force, sur la réquisition de sa municipalité, et le calme y a été rétabli. « Les patriotes de la ville de Nîmes étaient opprimés, notre garde nationale a volé à leur secours, nombre de victimes ont été sauvées par ses soins ; nous venons déposer dans vos archives le procès-verbal de la conduite que nous avons tenue dans cette malheureuse circonstance : nous 1" Série. T. XVII. osons espérer qu’elle méritera votre approbation. « Notre municipalité vous présente aussi, Messieurs, une preuve particulière de son patriotisme et de son zèle pour la tranquillité publique. « Vous avez eu connaissance de la dénonciation faite à la municipalité de Cette, par le colonel de la garde nationale, d’un prétendu projet de contre-révolution. « Dès que cette dénonciation a été communiquée à la municipalité de Montpellier, elle a mis tous ses soins à s’assurer de la vérité des faits; nous vous remettons le procès-verbal qu’elle a tenu à cet effet ; vous y verrez, Messieurs, que les alarmes, qui s’étaient répandues, étaient peu fondées ; nous nous estimons heureux d’être des premiers à dissiper vos inquiétudes. « En vain les ennemis de la Révolution se réuniront pour détruire un édifice que l’intérêt public a consolidé; il n’est point de Français qui puisse en être intimidé; la nation a pu ce qu’elle a voulu; elle pourra ce qu’elle voudra. « Pour nous, Messieurs, si jamais les ennemis du dehors venaient sur nos frontières, notre pre mier soin, comme notre premier devoir, serait de leur présenter le livre immortel que vous avez écrit; nous leur offririons le tableau de notre liberté, et peut-être parviendrions-nous à faire de nos rivaux d’armes, les rivaux de notre bonheur; peut-être contribuerions-nous à réaliser le projet que vous avez conçu, de faire un peuple de frères de tous les peuples du monde. « Mais si nos ennemis s’obstinaient à vouloir nous attaquer, n’en doutez pas, Messieurs, nous leur apprendrions à redouter la force d’un peuple qui combat pour sa liberté ; rien ne nous coûterait pour la défendre. Heureux de transmettre à nos neveux, par le sacrifice même de nos vies, un exemple mémorable de l’amour qu’ils devront aux principes que vous avez fait renaître. » M. le Président répond : « La municipalité et la garde nationale de Montpellier ont donné des preuves non équivoques de leur patriotisme : favoriser la perception de l’impôt, secourir son frère indigent, acquitter généreusement sa contribution, voilà des traits qui caractérisent de vrais citoyens, de bons Français : votre zèle ne s’est pas renfermé dans vos murs, et vous avez porté chez vos voisins, avec l’esprit qui vous anime, la paix et la tranquillité. Que pourrait craindre des nations étrangères celle qui trouve chez elle tant d’amis de l’ordre et de la liberté? « L’Assemblée nationale vous permet d’assister à sa séance. » Une députation de la municipalité et de la garde nationale de la ville d'Agde est admise à la barre . L’orateur de la députation dit : « Messieurs, c’est au nom de Ja municipalité et des gardes nationales de la ville d’Agde, que nous vous présentons l’hommage le plus respectueux et l’adhésion la plus entière à tous les décrets émanés de votre sagesse ; cette ville a le malheur d’être calomniée : il existe à votre comité des Recherches une dénonciation faite par le commandant général de la garde nationale de Celle, qui porte que les révolutionnaires se flattent d’avoir pour eux la ville d’Agde. Nous démentons cette inculpation aussi fausse qu’injurieuse; et, dans ces circonstances, il est heureux pour tous les habitants d’une ville, qui n’a cessé 29 450 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790.1 de donner des preuves de son patriotisme, de vous assurer, par notre organe, qu’ils sont prêts à verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour le maintien de la Constitution, l’exécution de vos décrets et la défense de la patrie. « Nous osons vous supplier, Messieurs,, d’ordonner que le procès-verbal de cette séance fasse mention de notre justification. > M. le Président répond : « L’Assemblée nationale entend, avec une véritable satisfaction, les assurances de votre patriotisme, et le désaveu de sentiments que vous supposaient des ennemis de votre gloire. Sa justice ne lui permettra jamais d’adopter des inculpations sans preuve. Elle est persuadée que la municipalité et la garde nationale d’Agde se montreront toujours fidèles à la Constitution qu’ils ont juré de maintenir. Elle vous permet d’assister à sa séance. » La municipalité de Saint-Pierre de la Martinique, admise à la barre, dénonce une assemblée illégale tenue dans cette ville. Les paroisses patriotes de cette colonie se plaignent du despotisme qui les accable et qui leur ôte le fruit qu’elles attendaient d’une régénération à laquelle l’Assemblée nationale devait les faire participer. M. le Président répond : « L’Assemblée nationale prêtera toujours une oreille attentive aux pétitions des différentes municipalités de l’Empire. Elle ne cesse de s’occuper du bonheur de tous les Français dans quelque partie du globe qu’ils résident; et elle entend, avec une satisfaction particulière, les protestations de dévouement et les adhésions à ses décrets que lui présentent les habitants de nos colonies. « L’Assemblée nationale fera examiner vos demandes par MM. de ses comités. Elle vous permet d’assister à sa séance. » (On se dispose à passer à l’ordre du jour.) M. de Virieu. Beaucoup d’entre nous demandent la parole pour M. Malouet. M. Malouet. C’est une dénonciation importante que j’ai à faire. Plusieurs membres de la partie gauche de la salle : Portez-la à la police. M. de Vlrleu. C’est à la police de l’Assemblée qu’elle doit être portée. (On demande l’ordre du jour.) M. Malouet. Il n’est pas d’ordre du jour plus pressant que de faire connaître des projets atroces, et d’assurer le châtiment de leurs auteurs; vous frémiriez, si l’on vous disait qu’il existe un complot formé pour arrêter le roi, emprisonner la reine, la famille royale, les principaux magistrats, et faire égorger cinq à six cents personnes, Eh bien, c’est sous vos yeux, c’est à votre porte, que des scélérats projettent et publient toutes ces atrocités; qu’ils excitent le peuple à la fureur, à l’effusion du sang; qu’ils dépravent ses mœurs et attaquent, dans ses fondements, la Constitution et la liberté. Les représentants de la nation seraient-ils indifférents, seraient-ils étrangers à ces horreurs? Je vous dénonce le sieur Marat et le sieur Camille Desmoulins. (Il s'élève beaucoup de murmures dans la partie gauche de la salle.) Je n’ose croire que ce soit du sein de l’Assemblée nationale que s’échappent ces éclats de rire, lorsque je dénonce un crime public ..... Quand j’aurais rendu une plainte contre Camille Desmou-lins, ce n’est point une injure particulière que j’ai voulu venger. Après un an de silence et de mépris, j’ai dû me rendre vengeur d’un crime public. Lisez le dernier n° des Révolutions de France et du Brabant. En quoi pourrions-nous * nous y méprendre? Est-il de plus cruels ennemis de la Constitution que ceux qui veulent faire du roi et de la royauté un objet de mépris et de scandale, qui saisissent l’occasion de cette fête mémorable, où le roi a reçu de toutes les parties de l’Empire des témoignages d’amour et de fidélité, pour nous parler de l’insolence du trône, du fauteuil du pouvoir exécutif ? Camille Desmoulms appelle le triomphe de Paul-Emile une fête nationale, où un roi, les mains liées derrière le dos, suivit dans l’humiliation le char du triomphateur; il fait de ce trait historique une allusion criminelle à la fête fédérale ..... Avant de vous dénoncer ces attentats, j’ai essayé de provoquer la surveillance du ministère public; l'embarras du magistrat, qui m’annonçait presque l’impuissance des lois, a redoublé mon effroi. Quoi donc, ai-je dit, si les lois sont impuissantes, qui nous en avertira, si ce ne sont les tribunaux? c’est à eux à annoncer à la nation le danger qui la menace; sinon, qu’ils étendent un crêpe funèbre sur le sanctuaire de la justice; qu’ils nous disent que les lois sont sans force, qu’ils nous le prouvent en périssant avec elles ; car ils doivent s’offrir les premiers aux poignards de la tyrannie. Vous dénoncer le péril de la liberté, de la chose publique, c’est y remédier, c’est assurer le châtiment des crimes qui compromettent l’une et l’autre : ne souffrez pas que l’Europe nous fasse cet outrage, de croire que nos principes et nos mœurs sont ceux de Marat et de Camille ûesmoulins; ce sont là les véritables ennemis de la chose publique, et non ceux qui souffrent de vos réformes. L’homme passionné de la liberté s’indigne d’une licence effrénée, à laquelle il préférerait les horreurs du despotisme; je demande que le procureur du roi au Châtelet soit mandé, séance tenante, pour recevoir l’ordre de poursuivre, comme criminels de lèse-nation, les écrivains qui provoquent le peuple à l’effusion du sang et à la désobéissance aux lois. (Il s'élève dans une partie de l'Assemblée des murmures , dans l'autre des applaudisse - ment s .) M. Malouet fait lecture de quelques fragments d’une feuille de l 'Ami du peuple, intitulés: C'en est fait de nous. Voici l’un des paragraphes de cet imprimé: « Citoyens de. tout âge et de tout rang, les mesures prises par l’Assemblée ne sauraient vous empêcher de périr : c’en est fait de vous pour toujours, si vous ne courez aux armes, si vous ne retrouvez cette valeur héroïque qui, le 14 juillet et le 5 octobre, sauva deux fois la France. Volez à Saint-Cloud, s’il en est temps encore, ramenez le roi et le dauphin dans vos murs, tenez-les sous bonne garde, et qu’ils vous répondent des événements ; renfermez l’Autrichienne et son beau-frère, qu’ils ne puissent plus conspirer; saisissez-vous de tous les ministres et de leurs commis; mettez-les aux fers; assurez-vous du chef de la municipalité et des