238 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 décembre 1790.] de délibérer. La force armée est essentiellement obéissante ; « 6° Les citoyens ne pourront exercer le droit de suffrage dans aucune des assemblées politiques, s’ils sont armés, ou seulement vêtus d’un uniforme; « 7° Les citoyens ne pourront refuser le service dont ils seront requis légalement. « En conséquence, l’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les citoyens actifs et leurs enfants mâles, âgés de dix-huit ans, déclareront sonnellement la résolution de remplir au besoin ces devoirs, en s’inscrivant sur les registres à ce destinés. Art. 2. « L’organisation de la garde nationale n’est que la détermination du mode, suivant lequel les citoyens doivent se rassembler, se former et agir, lorsqu’ils seront requis de remplir leur service. Art. 3. « Les citoyens requis de défendre la chose publique, et armés en vertu de cette réquisition, ou s’occupant des exercices qui seront institués, porteront le nom de gardes nationales. Art. 4. « Gomme la nation est une, il n’y a qu’une seule garde nationale, soumise aux mêmes règlements, à la même discipline, et au même uniforme. » M. lia Révelllère. J’ai à vous proposer deux articles additionnels : je n’abuserai point de vos moments en les développant, je me contenterai de les lire. « Art. 1er. Les enseignes des gardes nationales porteront ces mots : « le peuple français » et ceux-ci : « la liberté ou la mort. » « Art. 2. Quelque changement que le temps apporte dans la forme des habits ou des gardes nationales, l’habit portera toujours les trois couleurs, bleu, rouge et blanc , et il sera écrit sur une des parties les plus apparentes des habits ou des armes les mots suivants : Constitution, Liberté, Egalité , et au-dessous : veillez. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de ces deux articles à son comité de Constitution.) M. le Président. Je viens de recevoir une lettre de M. le garde des sceaux, par laquelle il m’en envoie deux autres, l’une de l’électeur de Trêves, et l’autre du prince de Hesse-Darmstadt. (L’Assemblée renvoie ces lettres aux comités diplomatique et de féodalité.) M. de Paroy, député de Provins, demande par lettre une prolongation de congé pour quinze jours ou trois semaines. (Accordé.) M. Grasset, membre de la ci-devant Assemblée générale de Saint-Domingue écrit à M. le président pour demander l’autorisation de retourner à Saint-Domingue. Cette demande est renvoyée au comité colonial. (La séance est levée à trois heures.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 5 DÉCEMBRE 1790. Nota. M. Robespierre ayant fait imprimer et distribuer le discours qu’il ne put prononcer sur V organisation de la force publique, nous l’insérons ici comme faisant partie des documents parlementaires de l’Assemblée nationale. Discours sur V organisation des gardes nationales , par Maximilien Robespierre, député à l'Assemblée nationale. Messieurs, vous êtes tous convaincus que, de toutes les institutions qui vous restent à former, l’organisation des gardes nationales est celle qui doit avoir la plus puissante influence sur le sort de la liberté et sur la stabilité de votre ouvrage. Je me hâte donc d’en rechercher les principes, sans en prouver l’importance. Vous le savez : toutes les institutions politiques ne sont que des moyens de parvenir à un but utile à la société; et, pour bien choisir et employer les moyens, il est toujours nécessaire, il suffit souvent de connaître parfaitement le but et de ne le jamais perdre de vue. Examinons donc, avant tout, quel est l’objet précis de l’institution des gardes nationales, quelle est la place qu’elles doivent tenir, quelle est la fonction qu’elles doivent remplir dans l’économie politique, et toutes les règles de leur organisation s’offriront d’elles-mêmes à nous comme des conséquences palpables de ce principe. Ce serait en vain que nous chercherions ici des autorités ou des exemples étrangers parfaitement analogues. L’idée de 1 institution des gardes nationales, du moins telle que nous la concevons, est neuve; elle appartient à notre Révolution ; elle fut presque également inconnue et aux peuples libres, et aux peuples subjugués par le despostisme. Chez les premiers, les citoyens, nés soldats pour défendre la patrie, s’arment dans les dangers qui la menacent, repoussent les invasions des ennemis du dehors, et rentrent dans leurs foyers où ils ne sont plus que des citoyens. Quant aux autres (je parle des peuples modernes), ils entretiennent, ou plutôt leurs monarques entretiennent, à leurs dépens, des corps de troupes permanents qu’ils emploient alternativement pour combattre leurs ennemis étrangers et pour enchaîner leurs sujets. Tel est l’ordre de choses que vous avez trouvé, parmi nous, en commençant votre carrière. Je ne vous rappellerai pas ce qu’il devait vous coûter si, par un enchaînement extraordinaire d’événements dont l’histoire du monde n’offre pas un exemple, les soldats du despotisme n’étaient devenus tout à coup les soldats de la liberté... Les circonstances extérieures qui vous environnaient vous ont déterminés à conserver une armée nombreuse sur pied ; vous l’avez laissée entre les mains du prince ; mais en même temps vous avez senti que cette force, dangereuse à la liberté, jugée par vous un mal nécessaire, exigeait un puissant remède et vous avez appelé les gardes natio nales; ou plutôt, au premier cri de la liberté naissante, tous les Français ont pris les armes, et se sont rangés en bataille autour de son ber-