[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1789.] Ce droit est le plus beau, le plus ancien et le plus cher de ceux dont elle a constamment joui ; et l’on peut dire gue sa position, son étendue quoique circonscrite : l’air, le sol, le caractère de ses habitants, ses productions et surtout la nature des limites qui la séparent de ses voisins lui rendent son administration distincte et séparée nécessaire. Aussi, Messieurs, la crainte seule de se voir réunir au département de Bresse a excité les plus vives inquiétudes dans les campagnes ; des municipalités se sont assemblées, et toutes ont consigné de fortes réclamations dans des délibérations qu’elles ont adressées à la commission intermédiaire, en la priant d’y joindre son intervention pour prévenir et s’opposer à une pareille réunion. C’est dans cette circonstance, accompagnée d’une disette affreuse, suite des fléaux qui ont ravagé cette année toutes les récoltes de cette province pauvre, même les années d’abondance, que M. le ministre des finances a adressé à la commission intermédiaire divers décrets relatifs au recouvrement des impositions, et notamment à celui de la contribution patriotique. H l’invite à « employer l’influence qu’elle peut avoir dans la province, pour assurer l’entière et prompte exécution de ces divers décrets, d’où dépend le salut de l’Etat. » Les membres de la commission intermédiaire, dont on peut garantir l’union, le zèle et les efforts pour le bien public, viennent d’adresser à M. le premier ministre des finances, pour le mettre sous les yeux du Roi, et à chacun de ses députés, pour vous en donner connaissance, un mémoire qui mérite la plus sérieuse attention et qui vous sera lu quand vous l’ordonnerez. Il démontre leur zèle, leur bonne volonté pour seconder de tous leurs efforts l’exécution des décrets de l’Assemblée et des ordres du Roi et pour concourir personnellement par toutes sortes de sacrifices au salut de l’Etat. Ils assurent qu’il ne s’est fait encore que dix-huit cents livres de recette sur les impositions pour l’année courante, qu’il en est dû vingt-cinq mille d’arrérages de l’année dernière et que les seuls recouvrements certains à espérer promptement seront ceux des rôles de supplément des privilèges sitôt qu’ils seront confectionnés; mais que la misère du peuple est si grande, et ses alarmes si vives sur leur administration, qu’ils craignent que leurs efforts ne soient vains pour la perception des impositions courantes et réelles de la contribution patriotique qui devra être prise sur le plus trict nécessaire, si l'on ne rassure d’avance et promptement les campagnes sur leurs justes craintes. Enfin, Messieurs, ils demandent sur ce point l’intervention de M. le premier ministre des finances auprès de vous, et chargent leurs députés de vous faire connaître le vœu de la province et de s’opposer de tous leurs efforts à toute division du royaume qui tendrait à incorporer ou démembrer l' administration de Bugey. En conséquence, je déclare que je ne puis, non plus que mes collègues, y consentir, d’autant qu’il est facile de n’en faire qu’un seul département. DEUXIÈME ANNEXE. Réflexions de M. de Cocherel, sur le rapport du comité des Six concernant l'approvisionnement de Saint-Domingue (1). Mesieurs, j’ai lu attentivement le rapport de votre comité des Six, dont vous avez ordonné l’impression : par votre décret du mois d’août dernier, vous aviez chargé ce comité de recevoir les pièces respectives qui lui seraient remises par les députés du commerce et par les députés de Saint-Domingue. Le comité ne devait être composé, d’après votre décret, que de six membres de votre Assemblée, n’ayant aucun intérêt direct ni indirect à la question soumise à leur examen; et cependant dans le nombre de ces six membres, on compte quatre négociants ; on en appelle à leur propre témoignage (2). Le but de l’institution de ce comité était de vous éclairer sur la demande provisoire des députés de Saint-Domingue, tendant à obtenir dans tous ses ports d’amirauté l’introduction des bâtiments des Etats-Unis, qui leur offraient dans ces temps calamiteux de disette, des secours de farines que la France ne pouvait leur procurer. Les députés de Saint-Domingue vous disaient alors hautement que les trois ports d’entrepôt ouverts dans les temps ordinaires aux Etats-Unis devenaient insuffisants dans des temps de calamité extraordinaire. Ils vous annonçaient que ces trois ports d’entrepôt des ressources inévitables à l’accaparement tant de la part du gouvernement que des négociants de ces trois ports, et qu’il n’aurait pas été dès lors étonnant que les négociants de ces trois ports fussent d’accord avec M. de Marbois, intendant de Saint-Domingue, pour demander l’exclusion des autres ports d’amirauté, et que ce n’est que par cette raison que les négociants des autres ports d’amirauté n’ont été ni appelés ni consultés par les administrateurs, ce dont ils se plaignent amèrement, et ce qui prouve combien le témoignage du commerce du Gap, dont s’étaye M. de Marbois, est intéressé, et devient par là même suspect. Les députés de Saint-Domingue vous ajoutaient que la faveur accordée à ces trois ports portait le caractère odieux d’un privilège exclusif au préjudice des autres ports d’amirauté, d’un privilège onéreux d’ailleurs à toutes les autres parties de la colonie, qui payent également les charges occasionnées par les précautions et mesures tendant à s’opposer à la contrebande, sans jouir du bénéfice accordé à ces trois seuls ports. Les députés de Saint-Domingue vous disaient qu’ils étaient expressément chargés de réclamer contre cette injustice faite à leurs commettants en faveur des trois villes principales dont ils se trouvaient plus ou moins éloignés dans une étendue de position de 250 lieues de côtes; ils vous demandaient, en conséquence, l’ouverture de tous les ports d’amirauté dans les temps de calamité, et la suppression alors des trois ports d’entrepôt (I) Les réflexions de M. de Cocherel n’ont pas été insérées au Moniteur. (2) Les six commissaires sont MM. le vicomte de la Merville, de la Jacqueminière, Roussillon, Fontenay, Lasnier de Yaussenay, Blanquart des Salines. Les quatre derniers sont commercants. 126 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. qui ne pouvaient leur être que d’une utilité très-dispendieuse. Les députés de Saint-Domingue ne vous laissaient pas ignorer qu’ils avaient fait à cet égard les réclamations les plus fortes auprès du ministre de la marine ; qü’il avaient sollicité en vain sa justice ; que le ministre de la marine leur avait protesté que rien ne pouvait le décider à permettre l’ouverture des ports d’amirauté, si vivement sollicitée par les propriétaires planteurs, que ce ministre leur avait ajouté que les principes prohibitifs dont les négociants des ports de mer réclamaient l’exécution seraient toujours pour lui des lois inviolables dont il ne s’écarterait dans aucun temps. Ce refus obstiné avait déterminé les députés de Saint-Domingue à citer à votre tribunal le ministre de la marine, dont l’opiniâtreté tendait à livrer aux horreurs de la famine la plus belle de vos possessions insulaires. C’est dans ces circonstances que M. l’évêque de Langres éleva la voix, prétendit qu’il n’y avait pas lieu à délibérer, et proposa de renvoyer vers le ministre de la marine, c’est-à-dire vers M. le comte de la Luzerne, son frère, les députés de Saint-Domingue pour obtenir l’objet de leur demande. Je vous exposai alors, Messieurs, que cette demande de M. l’évêque de Langres renfermait un cercle vicieux; en effet, vous disais-je, les députés de Saint-Domingue viennent se plaindre à votre tribunal du ministre de la marine et de M. de Marbois, l’un des administrateurs de Saint-Domingue, et M. l’évêque de Langres vous propose de renvoyer le jugement de cette question à ce même ministre; celte seule réflexion vous a suffi, Messieurs, et vous avez parfaitement senti alors le piège de la motion de M. l’évêque de Langres, et c’est par cette raison que vous avez jugé que les députés de Saint-Domingue ne devaient point être renvoyés au pouvoir exécutif; c’est d’après ce motif que vous avez décrété qu’il serait nommé un comité de six de vos membres, pour examiner la question qui vous était présentée, et vous en faire le rapport, afin de vous mettre en état de prononcer vous-mêmes provisoirement sur la plainte des députés de Saint-Domingue. Comment donc ce comité peut-il proposer aujourd’hui de renvoyer au pouvoir exécutif la décision d’une cause dont vous vous êtes réservé la connaissance par un décret, et que vous avez enlevée par celle raison au ministre de la marine, accusé à votre tribunal par les députés de Saint-Domingue? L’accusé ne peut être et juge et partie dans sa propre cause, et c’est ce qui arriverait,-Messieurs, si vous pouviez vous décider, d’après l’avis du comité des Six, à renvoyer la demande des députés de Saint-Domingue au pouvoir exécutif, c’est-à-dire au ministre du département de la marine, ou aux administrateurs de Saint-Domingue qui ne peuvent agir et qui n’agissent jamais que par la volonté absolue du ministre qui les fait mouvoir à son gré. Vous sentez d’ailleurs, Messieurs, que si les députés de Saint-Domingue étaient renvoyés au pouvoir exécutif pour obtenir l’objet de leur demande, ils s’empresseraient de se rendre dès aujourd’hui même chez le ministre de la marine pour lui en demander l’exécution. Le ministre, d’après ses principes connus et manifestés, ne manquerait pas de s’y opposer, et demain les députés de Saint-Domingue se verraient encore [19 novembre 1789. J dans la nécessité d’interrompre le cours de vos travaux, pour vous faire les mêmes réclamations et vous porter les mêmes plaintes du ministre de leur département ; alors vous nommeriez encore un nouveau comité pour examiner la demande des députés de Saint-Domingue, et pendant ce temps , cette province malheureuse dépourvue des secours de la France, se verrait dans la cruelle impossibilité de profiter de ceux qui lui sont offerts dans tous ses ports par les Etats-Unis ; pendant le temps qu’on délibérerait surses besoins elle serait dévastée par le plus cruel des fléaux, ou elle serait forcée d’employer des moyens viokmts , mais fondés sur le droit naturel , pour se procurer des subsistances, parce que le plus impérieux de tous les besoins ne saurait s’allier avec le respect pour les lois prohibitives, devenues elles-mêmes la cause de ce besoin. Je crois d’ailleurs, Messieurs, qu’il ne serait ni politique ni équitable d’abandonner le sort d’une grande contrée à l’arbitraire de deux administrateurs, en un mot de deux hommes susceptibles de passions, comme les autres hommes, de deux hommes qui pourraient être séduits par le commerce toujours intéressé à soutenir le système prohibitif.' Eh quoi! Messieurs, c’est dans un moment où vous travaillez à renverser les débris du despotisme que votre comité vous proposerait d’en raffermir le sceptre dans les mains de deux administrateurs puissants; placés à 2,000 lieues de l’autorité suprême, qui ne pourrait jamais assez tôt déployer ses forces pour s’opposer à l’abus du pouvoir arbitraire; le crime se consommerait, et vous n’auriez jamais que la triste et malheureuse ressource de punir, sans qu’il vous fût possible de sauver les victimes. Mais ce n’est pas ici le moment, Messieurs, de combattre un système aussi étrange que dangereux dans les’ circonstances cruelles où nous nous trouvons et de discuter les inconvénients qui pourraient résulter de l’abandon d’une autorité absolue en faveur des administrateurs d’une colonie placée à 2,000 lieues de la métropole. Ce n’est pas que je ne sois persuadé que le régime des colonies n’exige un pouvoir considérable, presque toujours en activité, mais il est des moyens d’organiser ce pouvoir ; ce n’est que dans les assemblées provinciales où doit se former le plan de notre constitution, qu’on pourra fixer avec sagesse les limites de cette autorité. Nous croyons donc que ce n’est pas le moment de les déterminer, et que vous voudrez bien suspendre votre jugement jusqu’à l’examen d’un plan de constitution qui sera fait sur les lieux avec les connaissances locales, par nos commettants eux-mêmes et qui sera envoyé à leurs députés pour vous être présenté afin d’obtenir votre sanction. En attendant, je demande que, vu l’impossibilité démontrée où se trouve la colonie de Saint-Domingue d’obtenir des farines de la métropole, obligée elle-même de s’en procurer chez l’étranger, vous décrétiez provisoirement qu’il sera permis aux Etats-Unis de l’Amérique de porter et d’introduire dans tous les ports d’amirauté de Saint-Domingue, les farines nécessaires à sa subsistance, avec pouvoir d’en recevoir le payement en denrées coloniales, aux clauses et conditions imposées d’ailleurs par l’ordonnance de M. du Ghilleau, et ce, jusqu’à ce qu’il en soit par vous autrement ordonné. Je ne réponds pas, Messieurs, aux diverses objections du commerce à cet égard, parce qu’il m’a 127 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1789.} semblé inutile de les réfuter avant d’avoir combattu l’avis de votre comité. Si cependant vous voulez me permettre de répondre aux objections qu’on pourrait me faire , j’engage MM. les députés du commerce à se présenter et à m’attaquer ; mais je les prie de poser des principes, et de les suivre avec ordre et méthode : en divisant chaque objection et en y répondant succinctement, la question sera bien mieux éclaircie que par un discours oratoire. Je ne vous rappellerai donc pas, Messieurs, les divers mémoires instructifs que nous vous avons remis sur la question agitée dans ce moment ; je n’ajouterai qu’un moyen qui me paraît décisif pour déterminer votre jugement : En 1778 , MM. d’Argout et de Vaivre , administrateurs de Saint-Domingue, rendirent une ordonnance qui permettait l’introduction des batiments neutres dans tous les ports d’amirauté de cette île, avec pouvoir de se charger en denrées coloniales. Cette ordonnance n’a pu, n’a dû avoir lieu que pour prévenir une grande disette. Si la crainte de la disette a été plus fondée dans la circonstance actuelle que dans celle de la guerre en 1778, une pareille ordonnance devait plutôt avoir lieu dana la circonstance actuelle que dans celle de la guerre de 1778. Or, il est évident que la disette a été plus grande dans cette circonstance que dans celle de la guerre de 1778. En effet, en 1778 la France ne manquait pas de farines. En 1778, la France fournissait des farines par des convois à ses colonies. En 1789, la France a manqué de farines; elle ne pouvait donc en fournir à ses colonies; donc la disette est plus grande en cette circonstance qu’en 1778; donc, puisqu’en 1778 les administrateurs ont cru devoir ouvrir tous les ports d’amirauté aux étrangers, à plus forte raison dans la circonstance actuelle où la disette est plus grande, les administrateurs devaient plutôt être autorisés à ouvrir tous les ports d’amirauté aux étrangers ; je ne sais ce qu’on peut répondre à cet argument. Il est donc évident, d’après cela, que M. le comte de la Luzerne, ministre de la marine, ne pouvait ni ne devait provoquer la cassation de la sage ordonnance de M. du Chilleau, conforme à celle de MM. d’Argout et de Vaivre en 1778, sanctionnée par le Roi ; et puisqu’il l’a fait, il doit compte à l’Assemblée nationale de ses motifs, et je demande qu’il vienne se justifier d’une conduite qui tend à la perte de la plus florissante, de la plus riche des colonies françaises. Mais les négociants des ports de mer avancent hardiment, pour le disculper, que MM. d’Argout et de Vaivre n’ont rendu en 1778 leur ordonnance que parce que les trois grands ports étaient fermés par les escadres anglaises, et qu’on ne pouvait être approvisionné que par les petits ports de la côte qui n’étaient pas bloqués. Je demande 1° à MM. les négociants des ports de mer, dans quel temps de la guerre ils ont vu nos trois grands ports bloqués par trois escadres anglaises (1). (1) L’ordonnance dont il s’agit est du 20 juillet 1778. L’amiral Parker, dont on veut sans doute parler, commandait le Rubis, le Bristol, le Niger et le Glascoio. Sa croisière n’a commencé que le 27 septembre et a fini absolument le 15 décembre, après avoir été interrompue deux fois dans cet intervalle. Gomment cette petite et unique escadre aurait-elle Nos trois grands ports sont le Gap, le Port-au-Prince et les Gayes; je les prie de nommer l’époque de ces blocus et les noms de ces escadres. Ge nouveau trait historique est inconnu à tous les habitants de Saint-Domingue, à tous les officiers de la marine française et anglaise ; il n’est connu que des négociants des ports de mer ; ils l’ont imprimé avec assurance dans leur réplique aux députés de Saint-Domingue; c’est à eux à faire connaître la vérité de ce fait. Je demande 2° aux négociants des ports de mer comment il serait possible que trois escadres anglaises puissent bloquer les trois ports principaux de Saint-Domingue, dont le premier est placé au nord, le deuxième au sud, et le troisième à l’ouest, c’est-à-dire presqu’au centre de la colonie, sans que la communication des autres petits ports ne fût interceptée? Je ne puis, en vérité, m’imaginer que les négociants des ports de mer aient voulu parler sérieusement aux représentants de la nation, en leur débitant, dans un mémoire imprimé et revêtu de 23 signatures, des assertions aussi singulières, pour ne rien dire de plus. Je demande 3° aux négociants des ports de mer, en quoi le blocus des escadres anglaises aurait pu; nuire aux batiments neutres, avec qui elles n’étaient pas en guerre, et auxquels, par cette raison, l’ordonnance de MM. d’Argout et de Vaivre avait permis l’entrée dans tous nos ports indistinctement. Je ne puis en deviner la raison; MM. les négociants des ports de mer vous l’apprendront sans doute. Je me permettrai de leur demander encore l’explication de ce système nouveau, celui des ports d’entrepôt, pour empêcher l’accaparement. J’ai toujours cru au contraire que c’était un moyen infaillible pour l’exciter et l’encourager. En effet, je suppose queîParis manque de farines ; je suppose que pour approvisionner Paris, le ministère ne veuille permettre aux fournisseurs étrangers d’introduire des farines que dans les ports de Marseille ou du Havre, ne sera-t-il pas facile aux négociants de ces deux ports de former ce qu’ils appellent une spéculation, d’acheter de concert toutes les farines importées dans leurs ports, d’en cacher une partie, afin d’en occasionner la rareté, et d’en augmenter le prix par ce moyen ? Cette opération est simple, et ne pourrait avoir lieu si la permission d’introduire les farines était générale et s’étendait jusqu’à Paris, qui, par ce moyen, se trouverait soulagé des frais de transport, d’achat, de commission, etc. Certes, cette seconde hypothèse offre moins de ressources à l’accaparement que la première, c’est-à-dire que celle de deux ou trois ports d’entrepôt. Qu’entendent donc MM. lesinégociants des ports de mer, quand ils nous apprennent qu’il ne faut avoir que la plus légère idée de commerce pour être persuadé de leur principe? Nous nous flattons encore qu’ils voudront bien nous le développer. Nous leur avouerons que nous sommes peu versés dans les principes commerciaux; nous pensons qu’il voudront bien en conséquence, nous pardonner nos erreurs. Je finis, Messieurs, et je vais dissiper les influé sur une ordonnance du mois de juillet 1778? et si Ton donnait une permission par la seule crainte de n’avoir pas de farines, comment la refuserait-on avec la certitude de n’en pas avoir? 128 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 novembre 1789.] craintes que les négociants témoignent à l’Assemblée nationale sur la ruine totale du commerce de France, si on permet, dans un temps limité, l’introduction des bâtiments des Etats-Unis dans nos port d’amirauté. Je n’ai qu’un exemple à leur offrir pour les rassurer. Pendant les cinq années de la dernière guerre, tous les ports d’amirauté et autres ont été ouverts indistinctement à tous les bâtiments étrangers, même pour le cabotage ; eh bien ! cette permission, quia duré cinq ans, a-t-elle anéanti le commerce français? l’a-t-el!e frappé comme d 'un coup de tonnerre , pour me servir des expressions des négociants des ports de mer ! non sans doute. Eh! pourquoi donc une permission provisoire, limitée et bornée à la vente des farines nécessaires à la subsistance de la colonie, et au retour en denrées coloniales, pour l’objet seulement du payement de ces farines pourrait-elle frapper , aujourd’hui, d’un coup de tonnerre le commerce français? Les lois prohibitives, exercées même dans des temps delà plus grande calamité, seraient donc les seules barres électriques, les seuls paratonnerres qui pourraient préserver de la foudre l’édifice de ces trésors commerciaux. Un second exemple que MM. les négociants des ports de mer nous citent encore eux-mêmes, celui d’une pareille ordonnance à celle de MM. d'Ar-gout et de Vaivre, rendue en 1757 par M. le marquis de Vaudreuil et M. de la Porte-Lalanne, serait bien fait cependant pour dissiper toutes leurs craintes, et les réconcilier avec les députés de Saint-Domingue, qui se bornent à la demande d’unsimple provisoire pour les farines étrangères, et en reconnaissance de cetle justice qu’ils appelleront, s’ils veulent, un bienfait, ils déclarent renoncer en faveur de la mère patrie, qui se trouve elle-même dans un état de calamité, à la portion de subsistances qu’ils ont lieu d’attendre de sa bienveillance. Nota. MM. les députés du commerce, pour s’opposer au décret que sollicitent les députés de Saint-Domingue, attestent que l’ile de Saint-Domingue est abondamment pourvue de farines, que par conséquent ce décret devient inutile. MM. les députés de Saint-Domingue répondent qu’en admettant même l’exactitude et la vérité des états de subsistances fournis par messieurs du commerce, contre lesquels cependant ils protestent, ils doivent conclure tout au plus, et MM. les députés de Saint-Domingue concluent avec eux, que l’abondance des farines, sans doute étrangères, qu’ils annoncent, n’est due qu’à la sage ordonnance de M. du Chilleau, qu’elle en prouve même la nécessité ; donc il était déraisonnable et injuste d’en prononcer la cassation ; donc la prorogation en devient nécessaire; donc les députés de Saint-Domingue sont fondés à en solliciter la prorogation, puisque les besoins de la France ne lui permettent pas encore de fournir à ses colonies leur approvisionnement ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TIIOURET. Séance du vendredi 20 novembre 1789 (1). M. Salomon, l’un des secrétaires , donne lecture du procès-verbal des deux séances de la veille. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Il est ensuite fait lecture des adresses ci-après : Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la commune de la ville de Gusset en Auvergne. Adresse du conseil permanent de la ville de Nîmes. Il déclare qu’il s’opposera de tout son pouvoir à toute convocation d’Etats provinciaux et d’assemblée générale ou partielle qui ne serait pas faite conformément aux décrets de l’Assemblée. « S’il s’est élevé, dit le conseil permanent de Nîmes, des doutes injurieux à notre province, n’imputez pas à tout le Languedoc ce qu’a produit dans la ville de Toulouse l’intérêt bien connu de quelques privilégiés, tentative infructueuse repoussée par tous les bons citoyens. « Nous voyons avec plaisir et confiance le Roi et l’Assemblée nationale au milieu des braves Parisiens, qui trois fois ont soutenu l’édifice chancelant de la liberté, et qui, garants aujourd’hui de l’indépendance de nos assemblées, sauront respecter un dépôt que toutes les provinces surveillent. » Adresse de trois religieux de l’abbaye de Saint-Galais, bas Vendômois, qui approuvent l’abandon des biens de la congrégation de Saint-Maur, fait entre les mains de l’Assemblée nationale, sous les conditions d’une pension viagère de 1,800 livres à chacun des sujets, et de i’nabileté à posséder les bénéfices-cures et à remplir les chaires de l’enseignement public. Adresse du même genre, de cinq religieux de la même congrégation de l’abbaye de Saint-Flo-rent-le-Vieil. Adresses de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Flavigny, en Bourgogne; elle supplie l’Assemblée de s’occuper sans cesse de l’organisalion des assemblées provinciales et municipales, et de rédiger au plus tôt les lois interprétatives des arrêtés du 4 août. Délibération de la vallée d’Ossau, composée de dix-huit communautés en Béarn, contenant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. Elle renonce en conséquence à tous ses droits, privilèges et exemptions particuliers, espérant néanmoins que la nation maintiendra dans leurs provinces, leurs coutumes pour ce qui regarde les droits successifs. Adresse de la communauté de Gaumont en Li-magne, renfermant l’adhésion la plus expresse à tous les décrets de l’Assemblée nationale. Adresse du même genre de la ville de Grisolles dans le haut Languedoc, qui demande une justice royale. Délibération des communautés de Saint-Bonnet-de-Galaure, Ghâteauneuf, Ratière et-Saint-Avit en Dauphiné, contenant une adhésion absolue aux décrets de l’Assemblée et une protestation formelle contre la convocation des Etats de la province, et du doublement fait par la commission intermédiaire. Délibération de l’assemblée municipale et électorale de la commune de Rouen, par laquelle elle improuve, de la manière la plus forte, l’arrêté de la chambre des vacations du parlement de Rouen, le regardant comme un attentat contre la nation, contre les habitants de la Normandie, que l’on a osé mettre en jeu dans un acte de cette importance, sans leur assentiment, et que l’on tente d’abuser en suggérant que des considérations de province doivent l’emporter sur le bonheur réel qui doit résulter, pour tout le royaume, d’un régime uniforme dans l’administration et l’ordre judiciaire.