103 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 septembre 1789.] 1759 par les Anglais, restituée à la France en 1773, veut se rattacher à la mère-patrie, par un nouveau lien, en prenant sa place au sein de l’Assemblée nationale. La colonie s’étant assemblée le 26 février dernier, en apprenant la convocation des états généraux, autorisa son comité, séant à Paris, à solliciter la représentation qui lui était due. Le ministre du département des colonies ayant répondu que le Roi agréerait les demandes que MM. du comité feraient auprès de l’Assemblée nationale, pour obtenir cette représentation, MM. Chabert de La Gharrière, Gurt, marquis de Dam pierre et Boivin ont été députés par la voie du scrutin. Leurs pouvoirs auraient pu être plus directs et leur élection plus universelle, mais les circonstances, une distance de quinze cents lieues et le vœu de la colonie exprimé le 26 février, ont fait adopter cette élection du comité colonial, sauf confirmation. Quant au nombre de députés, le comité de vérification, prenant pour règle la proportion établie pour Saint-Domingue, propose de n’admettre que les deux premiers. La population actuelle de 16,000 colons, de 4,000 affranchis, de 120,000 noirs; la contribution de 2 millions à tous les impôts ; les 30 millions de denrées jetées dans la balance du commerce sont de nature à justifier la représentation de la Guadeloupe dans la mesure indiquée. M. le Président consulte l’Assemblée sur les propositions ducomité de vérification. MM. Chabert île La Gharrière et Gurt sont admis comme membres de l’Assemblée nationale, et MM.de Dampierre et Boivin comme suppléants, sur l’engagement pris par eux de rapporter la confirmation de leur nomination régulièrement faite par la colonie. Le comité de vérification fait un autre rapport. Le Gom brailles, territoire qui a été,pourladéputa-lion, affilié à l’Auvergne, demande une représentation particulière ; il prouve qu’il est une province séparée ; qu’autrefois il avait ses comtes particuliers. Le comité pense que Le Combrailles ayant concouru aux élections, sa requête ne peut être admise; mais que les pièces qui contiennent ses réclamations et l’énoncé de ses droits doivent être remises aux archives, pour y avoir tel égard que de raison, lorsqu’on réglera les intérêts particuliers des provinces. L’Assemblée adopte l’opinion de son comité. M. Mercier, membre du comité des rapports, rend compte à l’Assemblée des demandes du conseil de la ville d’Âuriilac, et du sieur Largueze, médecin, qui se plaint de vexations ; le peuple a voulu le pendre et le comité permanent a voulu le juger. L’opinion du comité a été que l’Assemblée nationale autorisât son président à envoyer au conseil d’Aurillac les décrets relatifs à la tranquillité publique, et à lui écrire que l’intention de l’Assemblée est que le sieur Largueze demeure, comme tout autre citoyen, sous la sauvegarde de la loi, et qu’il ne soit porté aucune atteinte à sa personne ni à ses propriétés que par des voies légales. Et quant à l’indication d’un tribunal pour faire, s’il y avait lieu, le procès du sieur Largueze, que l’Assemblée renvoyât cette affaire au pouvoir exécutif. Après une courte discussion, le président a posé ainsi la question : renverra-t-on simplement au pouvoir exécutif, ou ajoutera-t-on quelques détails à ce renvoi? L’Assemblée a adopté le renvoi simple; mais le Président a ensuite été autorisé à écrire dans les termes du comité ci-dessus énoncés, Le comité des rapports ayant demandé encore audience ou ajournement très-prochain, on l’a ajourné à la séance de demain au soir. M. le Président du comité des finances ayant ensuite demandé que. dans le cas où l’Assemblée désirerait qu’en rendant compte des pensions, le comité indiquât les réductions et suppressions qu’il croyait possibles et utiles, elle voulût bien l’y autoriser par un décret, le vœu de l’Assemblée a été interrogé, et elle a adopté l’opinion du comité des finances à la manière accoutumée. Un membre a réclamé ensuite que l’on imprimât la liste des pensions, le nom des pensionnés et les motifs des grâces. M. Duval d’Eprémesnil a demandé qu’on y ajoutât un état détaillé des traitements sur les régies, les fermes, les fourrages, les postes, les pays d’états, etc. M. lo Président a proposé â l’Assemblée de décréter l’impression de l’état nominatif des pensions, traitements, dons, etc,, avec la date et les motifs desdits pensions , traitements , dons, etc. L’Assemblée a adopté ce décret à la manière accoutumée. L’ordre du jour rappelait aux impositions. M. Ansop, au nom du comité des finances, a présenté un projet de décret tendant à faire confectionner des rôles pour imposer les privilégiés, de façon à augmenter les recettes du Trésor royal. M. de Rochebruné, M. Dubois de Crancé et M.de Villas combattent le projet du comité, et demandent que les non-privilégiés soient déchargés au prorata de ce que payeront à l’avenir les privilégiés. M. Bouche (1). Messieurs, les citoyens ne sauraient refuser le payement raisonnable des impôts sans nuire à leurs propres intérêts, sans faire un vol manifeste à la nation, et jeter le désordre dans l’administration de la chose publique. On a fort judicieusement comparé les impôts aux voiles d’un vaisseau. Les uns sont nécessaires à l’entretien du gouvernement et du monarque ; les autres servent à conduire, à assurer, à amener le vaisseau au port. Voilà, Messieurs, ce qu’il faut apprehdre au peuple, en même temps que vous vous occupez du soin tendre et constant de le soulager. En même temps qu’on le plaint, qu’on verse sur lui les larmes d’une juste pitié, il faut aussi savoir lui remontrer ses devoirs. Dans la matière des impôts, le bonheur public ne réside que dans l’exactitude a ies payer et dans l’équitable proportion à les établir. Lorsque dans un Etat tous les particuliers sont citoyens, que chacun y possède en paix par son domaine, ou que le prince y possède par son em-(1) L’opinion de M. Bouche n’a pas été insérée *u Moniteur. 104 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 septembre 1789.] pire, on peut mettre des impôts sur les personnes, sur les terres, sur la consommation, sur les marchandises. L’arbitraire paraît être le vice principal de la taxe sur les personnes. Cette méthode n’est point populaire, et presque toujours elle est inégalement appliquée. L’impôt appelé capitation nous en offre une preuve continuelle depuis près de 90 ans. Cependant on ne peut s’empêcher de convenir qu’elle ne serve puissamment de ressource dans les circonstances urgentes. On peut y avoir recours, mais ce doit être avec les plus grandes précautions, et, autant qu’il est possible, on doit, en l’établissant, consulter la fortune des particuliers et ne point en charger la dernière classe du peuple. Celui de tous les impôts qui paraît le plus sage, et qui est en effet le plus naturel dans son établissement, comme le plus aisé dans sa perception, c’est l’impôt sur les terres ; mais il exige deux choses : 1° Qu’il soit perçu à peu de frais ; 2° Que les terres imposées soient justement estimées. Un gouvernement ne saurait trop respecter l’industrie. La taxer, serait en quelque manière la punir de ce qu’elle produit dans la société une valeur qui n’y existerait pas sans elle; c’est ainsi que l’impôt sur les cuirs et l’orfèvrerie ont détruit dans le royaume cette branche importante de commerce. Cet impôt funeste établit d’abord des droits très-légers : le désordre des finances augmentant avec les dissipations, la cupidité et les besoins augmentèrent ces droits ; ils devinrent onéreux : l’artisan fut vexé, il se découragea, et porta enfin son industrie chez l’étranger. Je cite l’impôt sur les cuirs comme l’un de ceux dont on se plaint le plus généralement. De tous les impôts, celui qui paraît le plus susceptible de modération et de proportion, c’est l’impôt sur les denrées et les marchandises; il charge le peuple beaucoup moins que tout autre, et il est le plus fructueux pour le gouvernement. L’étranger en paye une partie, son principal mérite vient de ce qu’on n’en fait pas une demande formelle; enfin l’habileté du gouvernement peut le ménager de manière que le peuple ignorera s’il existe ou s’il le paye. Dans le moment, il est question d’examiner le projet d’arrêté, soumis à vos délibérations. J’ai très-peu de réflexions à faire à ce sujet. Si vous jugez à propos de le consacrer par un décret, il me paraît qu’après ces mots, sans distinction i, il y a lieu de mettre ceux-ci : et sans exception de citoyens , de privilèges, de biens-fonds et de revenus. Je pense qu’après ces mots, pour toutes les impositions, on ne doit point mettre celui-ci, territoriales. La raison que j’ai à en donner, c’est que l'oraison est rédigée de manière que vous donneriez à penser que votre intention est d’établir tous les impôts sur les terres. Or, Messieurs, ce n’est pas là à quoi vous tendez. Mais comme il y a des provinces (la Provence en est une) où les citoyens nobles et de l’église ont contracté l’obligation de contribuer aux impôts depuis le premier janvier de cette année; comme il y en a (la Provence est encore de ce nombre) où l’année économique ou taillable commence au mois de mai; comme il y a des provinces, parmi lesquelles se trouve la mienne, où l’on paye les impositions par trimestre ; enfin, comme il y en a qui ont payé leur portion d’impositions, que d’autres n’ont pas payée, il n’est pas juste que les arrérages de celles-ci soient répartis sur celles-là , ni qu’elles supportent une partie des impôts non perçus dans quelques-unes qui ont vécu dans le trouble et l’anarchie. Alors, Messieurs, il est important, il est de votre justice, et j’en fais la motion très-expresse, que vous ajoutiez à votre décret le supplément suivant ; « Par son arrêté du ..... l’Assemblée nationale n’a point entendu déroger ni détruire les arrangements pris dans les provinces où les citoyens, membres de l’église et de la noblesse, se seraient obligés de contribuer en commun à toutes les impositions, depuis un temps antérieur au premier juillet de cette année. « L’Assemblée nationale n’a pas entendu non plus que les provinces, qui ont payé leur portion des impôts connus, soient chargées de nouveau pour les mêmes objets, ni davantage pour les impôts qu’on pourrait établir, par l’effet de la diminution des revenus publics, qui aura eu lieu dans d’autres provinces. « Enfin, quoique l’Assemblée nationale ait fixé dans son décret du ..... , les mois de juillet et d’octobre, pour le rôle à faire des impositions, elle n’a pas entendu pour cela changer l’ordre établi dans les provinces où ce rôle et les impositions à mettre sont fixés à des époques différentes, ni toucher à la manière de les mettre et d’en faire la perception. » Telles sont mon opinion et ma demande au nom de Ja province que j’ai l’honneur de représenter et de toutes les provinces qui sont dans la même position que la mienne. M. le comte de Custine parle sur l’impossibilité de continuer les emprunts et sur la nécessité de créer une Banque nationale (1). Messieurs, l’impossibilité de faire de nouveaux emprunts vient d’être démontrée par le peu de succès qu’ont eu les deux derniers votés par l’Assemblée nationale; rien n’avait cependant été oublié pour stimuler l’intérêt des prêteurs, dans le mode du dernier proposé par le premier ministre des finances. Quelle peut-être la cause d’un semblable évé� nement? Est-ce la crainte de voir la nation manquer à son premier engagement ? Peut-on s'arrêter à cette idée? Où faut-il donc chercher la cause de ce discrédit apparent ? Il ne faut pas douter que ce ne soit l’état de langueur de la caisse d’escompte qui, ne pouvant se livrer à de nombreuses spéculations d’escompte, ne peut plus seconder le système d’emprunt, établi par le premier ministre. Les principes de l’établissement de cette caisse d’escompte, et le but qu’on s’était proposé en la formant, sont développés dans les notes de mon plan de banque nationale, imprimé depuis le mois de février dernier. Une autre vérité, non moins certaine, est aussi consignée dans les mêmes votes ; je veux parler de la nécessité indispensable d’exiger de la caisse d’escompte de ne pas interrompre ses payements. Si elle avait été exacte à ne s’écarter jamais de ces principes, rien n’aurait pu altérer son crédit; mais, dira-t-on, les prêts qu’elle a faits au gouvernement ont forcé ses suspensions, ce serait une allégation que je n’entendrais qu’avec grand étonnement, car ces prêts n’ont été faits que par des créations de nouvelles actions, qui en ont fourni (1) L’opinion de M. de Custine n’a pas été insérée au Moniteur. 406 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 septembre 1789.) caisse nationale, jusqu’à l’époque où leur circulation, solidement établie, amènerait dans ces caisses l’or du royaume, et leur permettrait de se livrer aux spéculations que j’ai énoncées dans le plan de celte caisse, mis sous les yeux de l’Assemblée; mais pour parvenir à l’accréditer, il est nécessaire que l’Assemblée nationale décrète, en même temps , que les louis ne seront plus reçus dans la circulation qu’au poids, lorsqu’ils seront au-dessous d’un taux de frais que fixera l’Assemblée. Ce moyen est employé dans tous les pays où il y a du papier en circulation, en Angleterre et en Hollande, parce qu’en effet le commerce se fait avec plus de facilité avec du papier, et que l’or reste en dépôt dans les caisses nationales. Dès que cette caisse sera accréditée, les premières spéculations auxquelles il sera nécessaire qu’elle se livre seront le remboursement des rentes viagères placées sur les individus, qui sont dans l’époque de la vie où l’expérience prouve qu’il en meurt le moins ; ce qu’il est facile de connaître par les expériences. Mais ce qu’il est surtout essentiel de s’occuper de retrancher des dépenses, ce sont celles produites par les volontés incohérentes çt sans direction assurée de 60 districts, cette tumultueuse démocratie , aux mouvements de laquelle a tant de part un corps militaire peu discipliné, ne permettra jamais aucun ordre certain dans la capitale tant qu’une forme d’administration aussi vicieuse subsistera. Il n’est pas moins essentiel que l’Assemblée nationale s’occupe à supprimer, et cela immédiatement après l’établissement des municipalités et des assemblées dans les provinces, les milices bourgeoises des villes et des campagnes. J’ai développé mon opinion sur cet objet dans un mémoire que je mettrai sous les yeux de l’Assemblée nationale, en même temps que celui relatif à la constitution militaire. Je soumets ces réflexions à la sagesse de l’Assemblée, et j’ai l’honneur de lui proposer, d’après leur énoncé, de choisir dans son sein un comité de huit personnes chargé de rédiger, de concert avec le premier ministre des finances, un plan d’une caisse nationale, dont ce premier ministre fera lui-même le rapport à l’Assemblée. J’ai aussi l’honneur de demander à l’Assemblée, si elle accepte aussi cette proposition, de nommer ce premier ministre directeur de la caisse nationale ; de lui faire agréer cette nomination, et, sûre de cet agrément, de proposer au Roi d’y donner son acquiescement, afin que cet homme, si recommandable fctar ses vertus morales , si digne de la confiance de la nation pour l’emploi qu’elle lui destinerait , puisse se livrer uniquement aux hautes fonctions auxquelles l’aufa appelé la confiance d’une grande nation. M. Daude (1). Lorsque je me suis fait inscrire pour parler à mon tour sur l’objet soumis à la discussion, je me proposais de vous établir l’injustice, l’insuffisance et le danger du projet d’arrêté que votre comité des finances a concerté avec le ministre de ce département : les honorables membres qui ont obtenu la parole avant moi ont parfaitement développé les idées que j’avais à vous présenter, et je me garderai bien d’affaiblir ce qu’ils ont dit avec tant d’énergie. (1) L’opinion de M. Daude n’a pas été insérée au Mo - nùtur. J’applaudis à la déclaration faite par un de mes co-députés (1), au nom de la noblesse de mon bailliage, qu’en faisant le sacrifice de ses privilèges pécuniaires, elle n’avait entendu le faire que pour le soulagement du peuple, et non pour procurer une auamentation de recette au Trésor royal. 11 est évident que lorsqu’un gentilhomme a usé de son privilège dans une paroisse, le montant de la cote dont il a fait prononcer la radiation a été reversé sur les autres taillables de cette paroisse; d’où il suit que, le privilège cessant, les choses doivent rentrer dans leur premier état, et que les taillables doivent être déchargés du fardeau qui leur avait été imposé à raison de ce privilège. J’adopte et je propose hautement les principes de l’honorable préopinant (2) qui vous a dit que toute augmentation dans les impôts était absolument impossible, et qu’il ne fallait chercher à combler le déficit, quel qu’il puisse être, que par des réformes et la plus sévère économie. Oui, Messieurs, il n’est plus temps de s’occuper à porter la recette au niveau de la dépense; la plus impérieuse nécessité nous commande de réduire la dépense au niveau de la recette, et la prudence exige même que la dépense soit au-dessous, afin de nous procurer des ressources pour les cas imprévus, et pour les bonifications que le travail en finance ne peut plus fournir. Le tableau que l’un des préopinants (3) a mis sous vos yeux, des malheurs et de l’énorme surcharge de notre province, a pu paraître exagéré à ceux qui l’ont jugé par un retour comparatif sur la position de leur pays; mais, Messieurs, ce tableau, tout effrayant qu’il est (4), serait susceptible encore de plus fortes expressions, si les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons ne nous faisaient pas un devoir rigoureux de mettre plus que delà modération dans nos plaintes et nos griefs contre le système oppresseur qui est parvenu, par ses excès, à dépeupler sensiblement une contrée centrale, agricole, et habitée par les hommes les plus sobres et les plus laborieux. Qu’il me soit permis de vous dire que cette malheureuse province attend de votre justice un soulagement que vous ne pouvez lui refuser, sans porter atteinte à vos principes. Rappelez-vous, Messieurs, que l’égalité proportionnelle des impôts est votre première loi ; qu’elle est la base (1) M. de Rochebrune. (2) M. Dubois de Crancé. (a) M. de Villas, député de Saint-Flour. � * (4) L’Assemblée provinciale d’Auvergne a démontré que les paroisses les plus soulagées payaient, en impôt direct, 14 sous pour livre, sans parler des impôts indirects qu’elles supposent. L’Auvergne s’est rédimée trois fois, à prix d’argent, de l’impôt de la gabelle, plus onéreux pour cette province que pour toute autre, à raison des bestiaux qu’elle élève et des fromages qu’elle fabrique; cependant un tiers de son territoire est, dans ce moment, soumis à la gabelle par les progrès et les usurpations successives de la ferme. Cette partie de la province éprouve une double injustice, en ce que le prix du dernier rachat ayant été additionné à la taille, elle paye sa part du rachat sans en jouir. Il est notoire que le taux de l’impôt n’est pas plus fort dans la partie rédimée que dans ia partie gabellée; on se propose même de démontrer, par la suite, que la partie gabellée supporte une contribution à la taille, bien plus forte que la partie rédimée, eu égard à leurs forces respectives ; il est au moins incontestable, dès ce moment, que l’impôt du spl est une surcharge pour la partie j’ajbel.l�e, à l'égard dé la partie rédimée, comme il est tine injustièe à l’égard de la ferme. [Assemblée nationâle.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]22 septembre 1789.J 407 du contrat social qui unit les diverses parties de l’empire, . comme elle est 1 objet et le terme de leur confédération. L’Auvergne ne demande que justice : elle veut payer sa portion afférente dans la masse totale de l’impôt ; mais elle ne doit, elle ne veut, et surtout elle ne peut dorénavant payer au delà. Les autres provinces, après avoir fait le sacrifice, ou plutôt l’abandon de leurs privilèges, n’oseraient pas aujourd’hui prétendre que celui qui recueille moins doit payer plus. Ce n’est pas pour consacrer, mais bien pour anéantir les disproportions, que nous sommes assemblés ; et cependant notre premier pas dans les finances a été un décret qui favorise certaines provinces d’une somme de 30 millions sur l’impôt de la gabelle; ce qui nous éloigne de plus en plus de l’égalité de contribution si désirée. Les préopinants ont démontré l’inconvenance et le danger qu’il y aurait de faire, même provisoirement, des rôles additionnels et séparés pour les privilégiés. Ces inconvénients seraient surtout incalculables en Auvergne, où les impôts portent directement sur les fonds et sont répartis en masse, de communauté à communauté. La faveur du privilège y a attiré, depuis plus d’un demi-siècle, une foule de propriétaires nobles ou ennoblis, dont les impositions ont reflué sur les paroisses, et ont porté la surcharge générale à un taux qu’il n’est plus dans la nature des choses de tolérer. Dans tous les pays où la taille est moitié réelle, moitié personnelle, les privilégiés doivent être assujettis à l’une et à l’autre; ils doivent supporter, dans le lieu de l’assiette de leurs biens, la cote de propriété ou personnelle, comme celle d’exploitation ou réelle; et les facultés quelconques, les rentes nobles, foncières ou constituées, dîmes de toute nature et champarts, doivent contribuer aux subsides en raison de leur produit. Ges vérités n’ont pas besoin d’être appuyées; vous les avez consacrées dans votre déclaration des droits de l’homme et dans vos célèbres arrêtés du 4 août. On vous a déjà dit, Messieurs, que les impôts directs excédaient la juste mesure de leur rapport avec le produit net des terres; on vous a fait pressentir les malheurs qui résulteraient d’une erreur systématique prolongée plus longtemps sur cette matière, et vous avez certainement aperçu la nécessité de convertir au plus tôt, en contributions indirectes, sur les objets de luxe et de consommation, une partie du fardeau qui écrase les culti vateurs. J e n’ajouterai qu’une sim pie réflexion : La balance de votre commerce extérieur exige que le prix de nos denrées nationales ne soit pas supérieur à celui des mêmes denrées dans les Etats voisins. Ce prix est le thermomètre invariable delà main-d’œuvre; d’où il suit qu’en élevant le prix de vos denrées par un surcroît d’impôt sur les terres, vous rendez les opérations de commerce sur les échanges et les exportations, nulles et impossibles, vous appelez, au détriment de votre numéraire et de vos fabriques, l’importation des marchandises étrangères, et vous ne pouvez plus entrer en concurrence pour les vôtres dans aucun marché de l’Europe. Ne serait-il pas d'ailleurs aussi déraisonnable en morale qu’en politique, de forcer les journaliers à mettre leurs services à un prix disproportionné au bénéfice de leur travail? Loin de nous, Messieurs, ce système destructeur qui tend à rejeter tous les impôts sur les propriétés foncières; prémunissons-nous contre les sophismes intéressés des non-propriétaires et des agioteurs; gardons-nous de former, dans la nation, une nouvelle classe de privilégiés, infiniment plus dangereuse que la double aristocratie dont le patriotisme de cette Assemblée a prononcé l’extinction. Les provinces ne voient pas sans douleur un revenu de 200 millions soustrait à toute imposition; elles ne voient pas sans peine les sacrifices énormes que le gouvernement fait depuis longtemps pour tenir le pain à bas prix dans des villes privilégiées qui absorbent tout le numéraire du royaume ; elles n’ignorent pas que ces divers sacrifices retombent sur elles, en augmentant la pénurie du TJrésor public, et elles attendent de votre justice le redressement de leurs griefs à cet égard. Daignez observer, Messieurs, que, par une suite d’emprunts successifs, et par l’effet de la conversion annuelle des intérêts en capitaux, les capitalistes accapareraient tout le numéraire, et s’engraisseraient ainsi de tous les malheurs publics, si, par des impôts sur les consommations, vous ne balanciez pas les avantages de la non-retenue qui leur a été assurée. S’il est vrai, comme nous l’a dit un honorable membre de cette Assemblée (1), que le créancier de l’Etat peut dire : cet intérêt est à moi, car pour prix de mon capital; il m’a été assuré par la nation; le cultivateur ne peut-il pas répliquer doublement: cette terre est à moi, car, pour prix de l’argent que j’ai donné, la loi m’en a garanti la propriété et la jouissance, et les fruits quelle porte sont dus à la sueur dé mon front? Les droits féodaux, les charges et les privilèges avaient été aussi assurés par la natiori pour prix d’un capital. Messieurs, per-mettez-moi une dernière réflexion : plus vous rendez les emprunts publics favorables aux prêteurs, et plus vous privez l’agriculture et le commerce des ressources qui leur manquent, à moins que vous ne vouliez accorder aux emprunts particuliers le même privilège qu’aux emprunts publics, et détruire l’usure en détail, comme l’honorable membre dont j’ai rappelé les expressions l’a détruite en gros dans son opinion sur l’emprunt. Je reviens, Messieurs, à l’ordre du jour et à l’avis de M. Dubois de Grancé, qu’il a si fortement exprimé. Nous1 ne connaissons ni les différences, ni les ressources que les localités peuvent offrir dans chaque province. Tel impôt serait nul ou onéreux dans une généralité, qui serait très-productif et d’une perception facile dans une autre; d’où je conclus que votre travail, en cette partie, doit se borner à fixer, par des règles générales et uniformes, la portion contributive de chaque province, dans la masse générale de l’impôt, réduite à celle du besoin absolu; que nous devons laisser à chaque assemblée provinciale le soin de l’assiette, du recouvrement et du versement au Trésor public, de là portion de subsides que vous lui assignerez, et qu’ainsi il devient plus instant que jamais d’organiser les administrations provinciales, de les mettre en activité dans le mois prochain, et de leur adresser le brevet général, en une seule ligne, de la somme totale de leur contribution, y compris le remplacement de la gabelle (2). (1) M. l’évêque d’Autun. (2) Dans la séance du 19 de ce mois, j’ai demandé, au nom de mon bailliage la suppression totale! dü régime des gabelles, et j’ai conclu subsidiairement à ce que la partie de ''Auvergne qui a été âssujettie à là gabelle par une usurpation de la ferme soit réintégrée daris la franchise qui lui a été assurée par plusieurs rachats successifs, à prit d’ârgeïit. 108 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 septembre 1789. Ici, Messieurs, je vous ferai encore remarquer la nécessité d’autoriser les assemblées provinciales à adopter le mode de répartition, recouvrement et versement que les localités exigeront. Elles trouveront un premier soulagement dans la diminution des frais du régime fiscal. Ainsi, par exemple, la réduction du nombre des collections, le bail à rabais de la collecte, avec les précautions nécessaires, la suppression des receveurs généraux et particuliers, remplacés par des commis à appointements fixes, avec caution, l’abolition des abonnements des villes, des privilèges des maîtres de poste, des cotes d’office, garde-étalon, etc., etc., produiront sans doute des bonifications. Il y en aurait une très-grande dans la répartition proportionnelle des vingtièmes actuels ainsi que vous l’a observé un honorable préopinant (1) ; mais il faudrait commencer par anéantir le régime despotique des directeurs et contrôleurs, si on conserve ce genre d’impôt (2). Ce n’est pas tout, Messieurs, il convient aujourd’hui d’abroger, pour toujours, la déclaration de 1705, qui s’opposait à la réunion de plusieurs cotes sur un même taillable, dans le même rôle; celles de 1726 et 1728, qui autorisaient les transports, presque toujours frauduleux, de cotes d’une paroisse dans une autre ; celle de 1762, qui ordonnait la division d’une cote, moitié en personnel, moitié en réel, et généralement toutes celles qui, n’étant fondées que sur la distinction des ordres et des propriétés, avaient introduit des différences, soit entre les personnes, soit entre les biens. 11 convient aussi de réduire dès à présent à douze mois l’année fiscale. Rien n’est plus embarrassant que l’enchevêtrement d’un exercice dans l’autre : le peuple ne gagne rien à cette prorogation, parce qu’il est obligé de payer chaque mois à deux collecteurs, ce qu'il ne payerait qu’à un. C’est encore ici une invention fiscale pour multiplier les agents, embrouiller les comptes et grossir les frais. Dans le cas, Messieurs, où vous n’adopteriez pas l’avis de M. Dubois de Crancé, et où vous ordonneriez la continuation provisoire des impôts actuels, il me reste un devoir, bien cher à mon cœur, à remplir auprès de vous, en soumettant à votre justice une pétition expresse du bailliage que j’ai l’honneur de représenter. Mon cahier me charge de vous demander l’exécution pure et simple de la déclaration du Roi, du 28 octobre 1788, sans avoir égard aux modifications insérées dans l’arrêt d’enregistrement de la cour des aides de Clermont-Ferrand. Le conseil aurait déjà fait droit sur cette demande, si les circonstances le lui avaient permis, dans ces moments de trouble et de discrédit ; mais ce qu’il n’a pas fait, l’Assemblée nationale le fera, et sa décision sera respectée. Veuillez bien m’honorer encore d’un moment d’attention ; l’intérêt pressant de ma province l’exige; car, pour qu’elle puisse faire le recouvrement des impôts, il faut qu’elle puisse en faire la répartition. Dans l’ancien régime, la répartition était faite par un ou deux assesseurs, à tour de rôle. L’édii (1) M. le baron de Montboissier. (2) On pourrait employer dans la nouvelle administration ceux de ces messieurs qui, comme le sieur Sauvat, contrôleur à Saint-Flour, ont fait preuve de loyauté et de patriotisme. Les anciens receveurs des tailles, qui ont bien mérité de leur patrie par la douceur de leur recouvrement, devraient aussi obtenir la préférence pour la recette du nouvel impôt. de 1600 leur défendait, sous peine d’abus, de diminuer leurs propres cotes et celles de leurs parents. Cette précaution était infiniment sage. Dans le régime actuel, la répartition est faite par les membres de la municipalité et par des notables adjoints, librement élus et investis de la confiance des tail labiés. Ce nouvel ordre de choses fait cesser toute espèce de crainte. Le nombre des répartiteurs étant considérable, il n’est pas de taillable qui ne soit parent avec l’un ou l’autre de ces assesseurs. Si donc l’édit de 1600 pouvait leur être appliqué, les rôles ne pourraient être qu’une copie servile des précédents, ou bien il faudrait que chaque taillable obtînt une ordonnance de MM. les élus pour faire autoriser les assesseurs non parents à régler sa cote. La déclaration du Roi, du 28 octobre 1788, fondée sur la confiance due à un corps de municipaux et d’adjoints librement choisis, avait autorisé les municipaux à régler les cotes les uns des autres, et les non parents à régler celles des parents des membres et adjoints de la municipalité, à la charge que celui dont on réglerait la cote, ou celle de ses parents, serait tenu de se retirer pendant la délibération. Rien n’était assurément plus sage. Cependant la cour des aides, qui peut-être n’a pas vu sans inquiétude l’établissement des municipalités, a cru devoir les assujettir à la disposition de l’édit de 1600. Il est bon de remarquer que les rôles de 1789 étaient déjà faits au moment où cet arrêt d’enregistrement a paru : ils n’étaient pas encore vérifiés par les élus ; mais ils n’étaient pas moins arrêtés, délibérés et signés. Il y avait donc une double injustice de vouloir que ces rôles, conformes à une déclaration bien connue, dussent l’être plutôt à un arrêt qui n’existait pas encore. Quoi qu’il en soit, tous les particuliers qui ont éprouvé des augmentations bien méritées (et parmi eux se trouvent au premier rang divers privilégiés), ont cherché à profiter des modifications de l’arrêt pour vexer les municipalités par des plaintes en abus. Certes, si ces particuliers se croyaient surtaxés, la voie du surtaux leur était ouverte, mais celle de l’abus leur était interdite, et cependant il existe un nombre effrayant de procès uniquement fondés sur cette prétendue contravention à un édit qui était révoqué par le fait et par le droit. La commission provinciale, les bureaux intermédiaires et toutes les municipalités de ma province espèrent avec confiance, Messieurs, que vous leur rendrez justice, en proscrivant les modifications antimunicipales de l’arrêt de la cour des aides. C’est ainsi qu’une province, trop longtemps oubliée, ressentira le premier effet du pouvoir législatif, qu’elle contribue à former par ses représentants, pour le bonheur général de la France. C’est ainsi que nous verrons enfin les provinces les plus éloignées se rapprocher du centre de la justice et de la bienfaisance. En me résumant, j’adopte l’avis proposé par M. Dubois de Crancé, et je propose pour amendement l’abrogation des déclarations de 1705, 1726, 1728, 1762, et toutes autres fondées sur l’ancienne distinction des personnes et des biens ; la cassation des modifications apportées par les cours des aides à la déclaration du 28 octobre 1788, la conversion de toutes demandes en abus, en demandes en surtaux, pour raison des rôles de la présente année 1789, et la suppression des directeurs et contrôleurs des vingtièmes, en confiant la répartition de cet impôt aux administrations provinciales. L’heure étant avancée, M. le président renvoie