SÉANCE DU 4 THERMIDOR AN II (22 JUILLET 1794) - N° 7 409 7 Le citoyen Garren, président du tribunal criminel des Hautes-Pyrénées, envoie à la Convention nationale un exemplaire des discours qu’il a prononcés le 20 floréal devant la société populaire de Tarbes, présidée par le citoyen Monestier (du Puy-de-Dôme), représentant du peuple. Mention au procès-verbal, renvoyé au comité d’instruction publique (l). [Le C" Garren au Cn présid. de la Conv.; Tarbes, 22 prair. Il] [ 2). Citoyen président, j’écris depuis 5 ans pour la révolution et pour le peuple, et j’appuye, autant que le puis, mes prédications par mes oeuvres. La convention nationale, par son Bulletin du 17 oul8 7bre dernier (vieux Stile) accueillit avec bonté mon discours sur la république françoise, et mes dialogues sur les devoirs des juges de paix, et le criminel discrédit des assignats, je t’addresse, Citoyen président, deux exemplaires d’un discours patriotique prononcé par moi, Le 20 floréal, en présence du Citoyen monestier (du puy du Dôme), vrai montagnard et digne représentant du peuple dans le département des hautes pyrénées. je fus nommé président du tribunal criminel pour avoir eu le courage bien facile de deffendre la cause de la liberté, et de braver les poignards du giron-disme. j’ai neuf enfans. La liberté fera leur richesse et leur bonheur, je n’ambitionne pour eux, et pour moi, que l’estime du peuple et de ses representans. s. et f. Garren [Discours prononcé le 20 Flor. II par le C" Garren, présid. du Trib. crim. du départ 1 des Hautes-Pyrénées devant la Sté popul. de Tarbes, présidée par le Citoyen Monestier (du Puy-de-Dôme), Représentant du peuple] (3). La Liberté, debout sur la cime d’une montagne, a dit à toutes les nations de l’univers : connoissez enfin vos intérêts et vos droits : veuillez être libres, et vous le serez. Levez-vous... marchez... suivez-moi; et il n’y aura plus de tyrans sur la terre. Plusieurs peuples, plongés depuis des siècles dans l’ignorance et la superstition, n’ont point entendu ce divin langage. La France, seule attentive à cette sublime invitation, accablée sous le poids de 14 siècles d’abus et de sottises, esclave des rois et de leurs suppôts qui beûvoient son sang dans des coupes d’or, la France, dis-je, a gravi courageusement la montagne, pour aller se ranger sous les drapeaux de la liberté. (1) P.V., XLII, 110. (2) C 314, pl.1254, p. 4. (3) C 314, pl. 1254, p. 5. Mais un nombre innombrable d’orgueilleux, de fripons et de traîtres ont resté en arrière ; savoir, les royalistes, les fédéralistes, les désorganisateurs de tout genre, les égoïstes et les modérés; et il n’a pas tenu à eux que le char du nouveau gouvernement, ne fût mille fois jeté dans l’ornière. Tous les rois de l’Europe ont frémi en voyant l’élan de la grande majorité du peuple français vers la Liberté. Ils ont tenu conseil entr’eux, et se sont coalisés pour tâcher de rendre vains les droits éternels de la nature et de la raison. Ils se sont indignés contre une nouveauté contredite par leur orgueil, et par la corruption de leurs cœurs. Ils ont prétendu que les nations leur appartenoient, et que 27 millions d’individus n’avoient pas le droit de délibérer, quand un seul ne le vouloit pas. Ils ont appelé cela troubler la paix des empires, outrager le ciel, et s’opposer au bonheur des peuples. Cependant la royauté tremblante a embrassé le sacerdoce et lui a dit : mon règne dépend absolument du tien, et ma cause est aussi la tienne. Tu vois l’orage terrible qui s’élève sur ma tête; aide-moi à le dissiper . Employé l’arme antique et utile du fanatisme contre une nation qui peut tout ce qu’elle veut. Rends son illusion éternelle, et empê-che-la de se comprendre. Nous partagerons entre nous le gain de cette œuvre. Alors les prêtres, toujours dominateurs par orgueil et par intérêt, les prêtres, très-profonds dans l’art de faire servir la religion à consacrer leurs crimes, ont secoué en tous lieux les torches du fanatisme. Ils ont allumé des haines, excité des troubles, armé les citoyens contre les citoyens. Ils ont créé l’abominable Vendée, et prêché, au nom d’un Dieu de paix, les massacres, le pillage et l’incendie. O enfer ! Les prêtres disent que tu existes, et pourtant tu ne t’es pas entr’ouvert pour les engloutir. Mais enfin la force morale du peuple est développée; il est remonté par de grands événemens aux sources oubliées et éternelles de la nature et de la raison : le voile de toutes les superstitions est déchiré. Citoyens ! Vous ne voulez plus être esclaves de cette hypocrite et ambitieuse Rome qui vous ordon-noit si ridiculement de croire à son infaillibilité, qui multiplioit les péchés du peuple pour avoir l’occasion de lui vendre plus d’indulgence, et qui mettoit ainsi le paradis aux enchères. Vous n’entendrez plus de caffards à capuchon ou sans capuchon, des ergoteurs à calotte ou sans calotte, disputaillant longuement et fastidieusement sur le jansénisme ou le molinisme, ou sur quelque ligne d’une bulle du pape, damnant tous ceux qui n’étoient pas de leur avis, et agitant toute une nation par d’absurdes et d’interminables débats. Vous ne voulez plus croire à des charlatans qui prétendoient savoir positivement ce que Dieu a fait et voulu faire pendant 7 000 ans; qui, tout en prêchant, à grands cris, la pénitence, s’enfonçoient dans la molesse et dans la plus crapuleuse débauche ; qui, tout en vous disant que leur royaume étoit dans l’autre monde, mangeoient tous les jours votre bien dans celui-ci. Nous ne serons plus scandalisés des jongleries monachales de ces pieux fainéans, rayonnans de SÉANCE DU 4 THERMIDOR AN II (22 JUILLET 1794) - N° 7 409 7 Le citoyen Garren, président du tribunal criminel des Hautes-Pyrénées, envoie à la Convention nationale un exemplaire des discours qu’il a prononcés le 20 floréal devant la société populaire de Tarbes, présidée par le citoyen Monestier (du Puy-de-Dôme), représentant du peuple. Mention au procès-verbal, renvoyé au comité d’instruction publique (l). [Le C" Garren au Cn présid. de la Conv.; Tarbes, 22 prair. Il] [ 2). Citoyen président, j’écris depuis 5 ans pour la révolution et pour le peuple, et j’appuye, autant que le puis, mes prédications par mes oeuvres. La convention nationale, par son Bulletin du 17 oul8 7bre dernier (vieux Stile) accueillit avec bonté mon discours sur la république françoise, et mes dialogues sur les devoirs des juges de paix, et le criminel discrédit des assignats, je t’addresse, Citoyen président, deux exemplaires d’un discours patriotique prononcé par moi, Le 20 floréal, en présence du Citoyen monestier (du puy du Dôme), vrai montagnard et digne représentant du peuple dans le département des hautes pyrénées. je fus nommé président du tribunal criminel pour avoir eu le courage bien facile de deffendre la cause de la liberté, et de braver les poignards du giron-disme. j’ai neuf enfans. La liberté fera leur richesse et leur bonheur, je n’ambitionne pour eux, et pour moi, que l’estime du peuple et de ses representans. s. et f. Garren [Discours prononcé le 20 Flor. II par le C" Garren, présid. du Trib. crim. du départ 1 des Hautes-Pyrénées devant la Sté popul. de Tarbes, présidée par le Citoyen Monestier (du Puy-de-Dôme), Représentant du peuple] (3). La Liberté, debout sur la cime d’une montagne, a dit à toutes les nations de l’univers : connoissez enfin vos intérêts et vos droits : veuillez être libres, et vous le serez. Levez-vous... marchez... suivez-moi; et il n’y aura plus de tyrans sur la terre. Plusieurs peuples, plongés depuis des siècles dans l’ignorance et la superstition, n’ont point entendu ce divin langage. La France, seule attentive à cette sublime invitation, accablée sous le poids de 14 siècles d’abus et de sottises, esclave des rois et de leurs suppôts qui beûvoient son sang dans des coupes d’or, la France, dis-je, a gravi courageusement la montagne, pour aller se ranger sous les drapeaux de la liberté. (1) P.V., XLII, 110. (2) C 314, pl.1254, p. 4. (3) C 314, pl. 1254, p. 5. Mais un nombre innombrable d’orgueilleux, de fripons et de traîtres ont resté en arrière ; savoir, les royalistes, les fédéralistes, les désorganisateurs de tout genre, les égoïstes et les modérés; et il n’a pas tenu à eux que le char du nouveau gouvernement, ne fût mille fois jeté dans l’ornière. Tous les rois de l’Europe ont frémi en voyant l’élan de la grande majorité du peuple français vers la Liberté. Ils ont tenu conseil entr’eux, et se sont coalisés pour tâcher de rendre vains les droits éternels de la nature et de la raison. Ils se sont indignés contre une nouveauté contredite par leur orgueil, et par la corruption de leurs cœurs. Ils ont prétendu que les nations leur appartenoient, et que 27 millions d’individus n’avoient pas le droit de délibérer, quand un seul ne le vouloit pas. Ils ont appelé cela troubler la paix des empires, outrager le ciel, et s’opposer au bonheur des peuples. Cependant la royauté tremblante a embrassé le sacerdoce et lui a dit : mon règne dépend absolument du tien, et ma cause est aussi la tienne. Tu vois l’orage terrible qui s’élève sur ma tête; aide-moi à le dissiper . Employé l’arme antique et utile du fanatisme contre une nation qui peut tout ce qu’elle veut. Rends son illusion éternelle, et empê-che-la de se comprendre. Nous partagerons entre nous le gain de cette œuvre. Alors les prêtres, toujours dominateurs par orgueil et par intérêt, les prêtres, très-profonds dans l’art de faire servir la religion à consacrer leurs crimes, ont secoué en tous lieux les torches du fanatisme. Ils ont allumé des haines, excité des troubles, armé les citoyens contre les citoyens. Ils ont créé l’abominable Vendée, et prêché, au nom d’un Dieu de paix, les massacres, le pillage et l’incendie. O enfer ! Les prêtres disent que tu existes, et pourtant tu ne t’es pas entr’ouvert pour les engloutir. Mais enfin la force morale du peuple est développée; il est remonté par de grands événemens aux sources oubliées et éternelles de la nature et de la raison : le voile de toutes les superstitions est déchiré. Citoyens ! Vous ne voulez plus être esclaves de cette hypocrite et ambitieuse Rome qui vous ordon-noit si ridiculement de croire à son infaillibilité, qui multiplioit les péchés du peuple pour avoir l’occasion de lui vendre plus d’indulgence, et qui mettoit ainsi le paradis aux enchères. Vous n’entendrez plus de caffards à capuchon ou sans capuchon, des ergoteurs à calotte ou sans calotte, disputaillant longuement et fastidieusement sur le jansénisme ou le molinisme, ou sur quelque ligne d’une bulle du pape, damnant tous ceux qui n’étoient pas de leur avis, et agitant toute une nation par d’absurdes et d’interminables débats. Vous ne voulez plus croire à des charlatans qui prétendoient savoir positivement ce que Dieu a fait et voulu faire pendant 7 000 ans; qui, tout en prêchant, à grands cris, la pénitence, s’enfonçoient dans la molesse et dans la plus crapuleuse débauche ; qui, tout en vous disant que leur royaume étoit dans l’autre monde, mangeoient tous les jours votre bien dans celui-ci. Nous ne serons plus scandalisés des jongleries monachales de ces pieux fainéans, rayonnans de 410 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE santé, assez bas pour mendier du pain, quand ils étoient assez forts pour en gagner. Jeune et timide beauté, tu ne t’agenouilleras plus devant un homme assis ! Ta pudeur ne s’allar-mera plus d’être interrogée dans une guérite misté-rieuse, et souvent par un satire effronté, sur les secrets de ton lit nuptial, et tu n’auras plus à rougir de tant et de si impertinens interrogats. Homme ! tu dresseras dans ton cœur un autel à la vertu. Tu feras le bien, et, si tu fais le mal, Dieu saura bien te deviner, sans avoir besoin de l’intermédiaire d’un prêtre. Citoyens ! vous établirez, vous protégerez l’auguste religion des mœurs, et le saint culte de la patrie. Tel sera le grand, l’intéressant hommage que vous rendrez à l’Etre suprême. Elle est bien audacieuse et bien ridicule la révolte de ceux qui, méconnoissant la volonté générale, ont tenté de faire rétrograder 24 millions de Français marchant vers la Liberté, et formant un grand comité de surveillance qui écrasera par ses forces morales et phisiques, tous les ennemis de la révolution. Les traîtres passeront... Le peuple est éternel. Quel peut être le dénouement des sacrilèges complots des royalistes, sinon la vengeance du peuple et la mort de ces scélérats ? Quoi ! le royalisme foudroyé prétend se relever encore au milieu de la France libre ? Il n’y a désormais pour elle qu’un mode unique d’existence : c’est la république... l’éternité de la république... la république ou la mort... Les crimes des coquins ne décourageront jamais le nombre innombrable de patriotes qui veulent la Liberté, et qui trouveront toujours dans leur courage des ressources inépuisables pour la maintenir. La journée du 10 Août fit tomber bien de[s] masques ; mais ce ne fut que pour en changer. Alors vous vîtes des aristocrates, de scandaleux abonnés à la feuille de l’ami du roi, s’approcher de vous, se populariser, rechercher votre amitié, se précipiter dans les clubs, et aspirer à l’honneur d’en devenir membres. Ils feignirent de rachetter leurs crimes par des offrandes civiques; ils affluèrent aux fêtes publiques, et y battirent des mains tout aussi fort que les patriotes de 89 ; ils crièrent à pleine gorge : Vive la Liberté ! vive la République, une et indivisible ! fort bien : ... mais les fédéralistes de Lion crioient aussi cela derrière leurs redoutes tout en lâchant des bordées de coups de canon sur l’armée républicaine envoyée par la Convention nationale pour réduire cette ville infâme. Le République fut décrétée, et tout aussitôt ils singèrent les vertus républicaines, et grimacèrent le patriotisme de mille manières. L’hypocrisie devint un art. On vit l’aristocratie en cheveux courts, en bonnet rouge et en pantalons, prendre un[e] humble contenance, et se montrer sous les formes séduisantes de la sans-culotterie. Elle cachoit sous le manteau du patriotisme le poignard avec lequel elle se promettoit toujours d’assassiner la Liberté. C’étoient des frelons qui vouloient se mettre à portée de détruire ou de gâter le travail des abeilles. C’étoient des loups qui vouloient s’introduire dans le troupeau pour le dévorer. C’étoient des parloma-nes fallacieux dont la bouche étoit démentie par le cœur; mais la plupart furent signalés, repoussés et placés dans le rang que leur assignoient leurs œuvres depuis 89. Un bout d’oreille échappé par malheur, découvrit la fourbe et l’erreur... Les aristocrates grossièrement comédiens furent d’abord signalés; d’autres l’ont été un peu plus tard. Le gouvernement révolutionnaire achèvera de balayer l’aire et de faire justice de toute cette race perverse et contre-révolutionnaire ! Plusieurs espèces d’hommes se firent remarquer, comme il y en a peut-être encore. Par exemple les personnages à opinion exagérée, qui ont passé tout-à-coup de l’état d’insouciance et de torpeur, à une exaltation volcanique que des citoyens crédules et confians prenent pour du patriotisme. Ces êtres désorganisateurs affichent d’ordinaire une sincérité de principes qui n’est ni dans la loi, ni dans leur cœur. Ils voyent tout en noir : ils crient à tue-tête; ils poussent le peuple hors de la sphère de la révolution. Ils cherchent à l’agiter et à l’indigner en semant des défiances, et en répandant de fausses terreurs. Ils crient les mauvaises nouvelles; ils les répandent avec affectation, et ils font semblant d’ignorer les bonnes. Ils sont toujours d’avis d’étendre et d’aggraver les mesures prescrites par la loi. Ils proposent de faire démolir des maisons jusques aux fondemens pour chercher dans les décombres quelques grains de salpêtre. Ils disent au peuple que, s’il n’a pas de pain, il faut qu’il boive de l’eau. Ils ne veulent qu’exciter des troubles pour se procurer une occasion favorable à leur brigandage. De bonnes gens les prennent pour de grands patriotes; ils se disent : Comment pouvoir monter à la hauteur de cet homme-la ? ...Eh bien ! cet homme-là n’est qu’un agitateur, un tartuffe, un frippon. Guettez-le dans sa vie privée ; vous le verrez tout occupé de lui-même; ne sacrifiant qu’à ses passions, et comptant pour rien la patrie. Il crie sans cesse que l’on se mette à la hauteur des circonstances publiques, et il reste à la hauteur des siennes. Il est gourmand, dissimulé, sans foi dans les contrats, mauvais père, mauvais mari, mauvais citoyen. Il fait des prédications patriotiques, mais il volerait, s’il le pouvoit, l’instant d’après. Que dis-je ! il assassinerait sa patrie si ses moyens répondoient à sa volonté. Il fraude tant qu’il peut en tout et partout. Il n’achète rien à la taxe, et il préfère le numéraire aux assignats. On a mis sa roupe en réquisition... Il faut bien qu’il la donne; mais cela le rend furieux. Il fait retentir sa maison des éclats de sa voix furibonde. Il cherche querelle à sa femme : il bat ses enfans. Il demande à son chien s’il est patriote. Il calomnie les fonctionnaires publics, et s’exhale en plaintes menaçantes ; puis il va arrêter les passans pour leur dire avec humeur qu’il a fait don de sa roupe à la patrie, et qu’il faut que tout le monde en fasse autant. Le patriotisme ne consiste point à crier bien fort, à parler avec rudesse, et à outrer les principes. Il consiste à aimer les lois et à les exécuter toutes. Il est incivique de vouloir être plus révolutionnaire que la loi, et plus sévère qu’elle, l’exaltation est vertu : l’exagération est un crime. Citoyens honnêtes ! vous qui suivez avec zèle et bonne foi la marche de la révolution ; vous qui faites de bonnes actions et qui dites peu de paroles, ne vous étonnez point des fanfaronades et des vociférations de ces hommes exagérés qui outrent les principes de cette sublime révolution, pour vous en dégoûter. La vertu n’est pas dans l’excès; elle est dans le 410 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE santé, assez bas pour mendier du pain, quand ils étoient assez forts pour en gagner. Jeune et timide beauté, tu ne t’agenouilleras plus devant un homme assis ! Ta pudeur ne s’allar-mera plus d’être interrogée dans une guérite misté-rieuse, et souvent par un satire effronté, sur les secrets de ton lit nuptial, et tu n’auras plus à rougir de tant et de si impertinens interrogats. Homme ! tu dresseras dans ton cœur un autel à la vertu. Tu feras le bien, et, si tu fais le mal, Dieu saura bien te deviner, sans avoir besoin de l’intermédiaire d’un prêtre. Citoyens ! vous établirez, vous protégerez l’auguste religion des mœurs, et le saint culte de la patrie. Tel sera le grand, l’intéressant hommage que vous rendrez à l’Etre suprême. Elle est bien audacieuse et bien ridicule la révolte de ceux qui, méconnoissant la volonté générale, ont tenté de faire rétrograder 24 millions de Français marchant vers la Liberté, et formant un grand comité de surveillance qui écrasera par ses forces morales et phisiques, tous les ennemis de la révolution. Les traîtres passeront... Le peuple est éternel. Quel peut être le dénouement des sacrilèges complots des royalistes, sinon la vengeance du peuple et la mort de ces scélérats ? Quoi ! le royalisme foudroyé prétend se relever encore au milieu de la France libre ? Il n’y a désormais pour elle qu’un mode unique d’existence : c’est la république... l’éternité de la république... la république ou la mort... Les crimes des coquins ne décourageront jamais le nombre innombrable de patriotes qui veulent la Liberté, et qui trouveront toujours dans leur courage des ressources inépuisables pour la maintenir. La journée du 10 Août fit tomber bien de[s] masques ; mais ce ne fut que pour en changer. Alors vous vîtes des aristocrates, de scandaleux abonnés à la feuille de l’ami du roi, s’approcher de vous, se populariser, rechercher votre amitié, se précipiter dans les clubs, et aspirer à l’honneur d’en devenir membres. Ils feignirent de rachetter leurs crimes par des offrandes civiques; ils affluèrent aux fêtes publiques, et y battirent des mains tout aussi fort que les patriotes de 89 ; ils crièrent à pleine gorge : Vive la Liberté ! vive la République, une et indivisible ! fort bien : ... mais les fédéralistes de Lion crioient aussi cela derrière leurs redoutes tout en lâchant des bordées de coups de canon sur l’armée républicaine envoyée par la Convention nationale pour réduire cette ville infâme. Le République fut décrétée, et tout aussitôt ils singèrent les vertus républicaines, et grimacèrent le patriotisme de mille manières. L’hypocrisie devint un art. On vit l’aristocratie en cheveux courts, en bonnet rouge et en pantalons, prendre un[e] humble contenance, et se montrer sous les formes séduisantes de la sans-culotterie. Elle cachoit sous le manteau du patriotisme le poignard avec lequel elle se promettoit toujours d’assassiner la Liberté. C’étoient des frelons qui vouloient se mettre à portée de détruire ou de gâter le travail des abeilles. C’étoient des loups qui vouloient s’introduire dans le troupeau pour le dévorer. C’étoient des parloma-nes fallacieux dont la bouche étoit démentie par le cœur; mais la plupart furent signalés, repoussés et placés dans le rang que leur assignoient leurs œuvres depuis 89. Un bout d’oreille échappé par malheur, découvrit la fourbe et l’erreur... Les aristocrates grossièrement comédiens furent d’abord signalés; d’autres l’ont été un peu plus tard. Le gouvernement révolutionnaire achèvera de balayer l’aire et de faire justice de toute cette race perverse et contre-révolutionnaire ! Plusieurs espèces d’hommes se firent remarquer, comme il y en a peut-être encore. Par exemple les personnages à opinion exagérée, qui ont passé tout-à-coup de l’état d’insouciance et de torpeur, à une exaltation volcanique que des citoyens crédules et confians prenent pour du patriotisme. Ces êtres désorganisateurs affichent d’ordinaire une sincérité de principes qui n’est ni dans la loi, ni dans leur cœur. Ils voyent tout en noir : ils crient à tue-tête; ils poussent le peuple hors de la sphère de la révolution. Ils cherchent à l’agiter et à l’indigner en semant des défiances, et en répandant de fausses terreurs. Ils crient les mauvaises nouvelles; ils les répandent avec affectation, et ils font semblant d’ignorer les bonnes. Ils sont toujours d’avis d’étendre et d’aggraver les mesures prescrites par la loi. Ils proposent de faire démolir des maisons jusques aux fondemens pour chercher dans les décombres quelques grains de salpêtre. Ils disent au peuple que, s’il n’a pas de pain, il faut qu’il boive de l’eau. Ils ne veulent qu’exciter des troubles pour se procurer une occasion favorable à leur brigandage. De bonnes gens les prennent pour de grands patriotes; ils se disent : Comment pouvoir monter à la hauteur de cet homme-la ? ...Eh bien ! cet homme-là n’est qu’un agitateur, un tartuffe, un frippon. Guettez-le dans sa vie privée ; vous le verrez tout occupé de lui-même; ne sacrifiant qu’à ses passions, et comptant pour rien la patrie. Il crie sans cesse que l’on se mette à la hauteur des circonstances publiques, et il reste à la hauteur des siennes. Il est gourmand, dissimulé, sans foi dans les contrats, mauvais père, mauvais mari, mauvais citoyen. Il fait des prédications patriotiques, mais il volerait, s’il le pouvoit, l’instant d’après. Que dis-je ! il assassinerait sa patrie si ses moyens répondoient à sa volonté. Il fraude tant qu’il peut en tout et partout. Il n’achète rien à la taxe, et il préfère le numéraire aux assignats. On a mis sa roupe en réquisition... Il faut bien qu’il la donne; mais cela le rend furieux. Il fait retentir sa maison des éclats de sa voix furibonde. Il cherche querelle à sa femme : il bat ses enfans. Il demande à son chien s’il est patriote. Il calomnie les fonctionnaires publics, et s’exhale en plaintes menaçantes ; puis il va arrêter les passans pour leur dire avec humeur qu’il a fait don de sa roupe à la patrie, et qu’il faut que tout le monde en fasse autant. Le patriotisme ne consiste point à crier bien fort, à parler avec rudesse, et à outrer les principes. Il consiste à aimer les lois et à les exécuter toutes. Il est incivique de vouloir être plus révolutionnaire que la loi, et plus sévère qu’elle, l’exaltation est vertu : l’exagération est un crime. Citoyens honnêtes ! vous qui suivez avec zèle et bonne foi la marche de la révolution ; vous qui faites de bonnes actions et qui dites peu de paroles, ne vous étonnez point des fanfaronades et des vociférations de ces hommes exagérés qui outrent les principes de cette sublime révolution, pour vous en dégoûter. La vertu n’est pas dans l’excès; elle est dans le SÉANCE DU 4 THERMIDOR AN II (22 JUILLET 1794) - NH 7 411 persévérant amour de la patrie, et dans l’accomplissement de la loi. Ceux qui parlent le plus haut d’honneur et de patriotisme, ne sont pas toujours les mieux fondés dans ces avantages. Le meilleur citoyen est celui qui remplit le mieux ses devoirs; Le soldat le plus patriote est celui qui observe le mieux la discipline. On peut être un fort bon patriote, sans avoir une moustache et du linge sale, sans porter le chapeau de travers, sans proférer de gros juremens, et sans avoir les poumons d’un cyclope. Dans sa dédaigneuse indolence, l’égoïste ne voit que lui, n’aime que lui dans l’état. Il est nul pour la révolution. Il ne s’intéresse point aux nouvelles publiques; et il ne cherche point à en savoir aucune; tout au plus, il s’enquête quelquefois des arrêtés des Représentans du peuple, et des travaux du comité de surveillance. Il n’est point fanatique; il attend même d’avoir la fièvre, pour croire en Dieu. Il n’a que faire qu’on ait dépendu les cloches, chassé les prêtres, brisé les hochets de l’hypocrisie et de la superstition. Il n’a d’autre regret que celui de se voir troublé dans ses jouissances particulières. Il voudroit couler les jours dans une douce oisiveté. Il voudroit qu’on ne fit aucune attention à. lui. Il vous pardonneroit la révolution, et crieroit bien fort vive la République ! pourvû que vous le laissassiez tranquille avec son aisance, ses bons repas, ses bosquets, ses boulingrins, sa mignone, ses passions et ses vices. Le modéré se montre un peu plus à découvert; mais l’indulgence est constamment un besoin de son cœur. Il parle quelquefois à demi-voix d’amnistie et de transaction. Il ne voudroit pas qu’on enfermât, et moins encore, qu’on guillotinât personne. S’il étoit préposé pour accorder des certificats de civisme, il iroit en distribuer sur les places publiques, même à ceux qui n’en demanderoient pas. Il écrit encore : je suis avec respect, Madame, votre très-humble et très-obéissant serviteur. C’est qu’il ne veut déplaire à personne. Personnage sans caractère, il se lie au parti le plus fort; il défend la cause des patriotes; mais il caresse en secret le parti des aristocrates. Il ne seroit pas fâché de voir arriver la contre-révolution, pourvu qu’elle s’opérât sans danger pour lui. Il iroit volontiers demain matin marcher à quatre pattes dans une anti-chambre et y monseigneu-riser un fat. Je dis que les égoïstes et les modérés, sous quelque forme modifiée qu’ils se présentent, sont de mauvais citoyens. Je dis qu’ils sont contre-révolutionnaires à leur manière... Celui qui aime la République, la sert; celui qui ne la sert pas, ne l’aime point : car, peut-on être froid ou indifférent envers ce qu’on aime ? Tout citoyen est comptable envers sa patrie, et du mal qu’il fait, et du bien qu’il ne fait pas. L’égoïste est comme ce soldat poltron qui se cache derrière une roche pendant que les autres se battent; c’est un lâche et vil sociétaire qui ne veut rien faire pour le profit de la société. Le vrai républicain ne s’isole point; il est toujours là pour remplir sa tâche. Il sait que la prospérité publique ne peut être que le résultat des efforts que chacun fait pour la procurer. Dans une monarchie il y a deux codes et deux patries. La société y est nécessairement partagée en maîtres et en esclaves, en oppresseurs et en opprimés; car la royauté et l’aristocratie ne sont que l’art d’opprimer les peuples, et de dévorer leur substance. Mais, dans un gouvernement qui a l’égalité pour base, chacun s’y intéresse comme à sa chose propre; chacun y déploie toutes les facultés de son être, et y concourt de bon cœur à servir la chose publique qui est sa propre affaire : car l’égalité produit la confiance mutuelle, la fraternité, l’union, l’amour du bonheur commun. Le vrai républicain est l’implacable ennemi du crime. Il le pourchasse partout où il le trouve; il le dénonce, à l’instant-même, avec intrépidité. Rien ne caractérise mieux un peuple libre, dit notre code pénal, que cette haine vigoureuse du crime qui fait de chaque citoyen un adversaire direct de toute [sic] infracteur des lois sociales. Mais, ne nous y trompons pas, dans un gouvernement libre, la dénonciation est une vertu. Il n’appartient donc qu’aux hommes vertueux à l’exercer. Toutes les bouches ne sont pas faites pour dénoncer et pour accuser. Avant de dénoncer des patriotes, il faut commencer par l’être soi-même. Si l’on accueilloit les dénonciations faites par des aristocrates, et appuyées par d’autres aristocrates, c’en seroit bientôt fait des patriotes et de la Liberté. Patriote de 89, sincère ami de la révolution, homme dont le cœur est vuide de tout sentiment de jalousie et d’intérêt personnel, et qui ne t’intéresses qu’au salut de la patrie, c’est toi surtout que je veux écouter, quand tu dénonceras un citoyen, et que tu amèneras des témoins qui te ressemblent, c’est-à-dire qui soient probes et irréprochables comme toi; car tu aimes nécessairement la justice, qui est le triomphe de l’innocence et de la punition des méchans. Tu ne veux pas l’oppression des patriotes, mais leur paisible et honorable existence, mais la repression de leurs ennemis et de tous les scélérats qui attentent à la Liberté... Parle : ton cœur est pur; tes preuves de patriotisme sont faites; je ne puis croire que tu aies cessé tout-à-coup d’aimer la Liberté, que tu sers avec tant de zèle depuis 5 ans. Tous les faits, toutes les présomptions sont en ta faveur; tu ne peux que faire l’office d’un bon citoyen, en énonçant des fautes ou des crimes que tu crois attentatoires au salut de la patrie, que tu chéris par dessus tout. Mais toi, homme vindicatif et sans mœurs, citoyen hétéroclyte, républicain d’hier, personnage suspect, qui, à l’appui de ta dénonciation, présentes des témoins certificateurs plus suspects encore ! toi, peut-être l’ami secret des aristocrates qui te caressent et te soudoyent, et qui viens dénoncer un patriote de 89, un vétéran de la révolution, et qui prétends verser en un instant l’opprobre sur toute sa vie révolutionnaire ! Entre aussi dans le sanctuaire de la justice ; il faut que tu sois entendu : les mesures de sûreté générale l’exigent. Qu’une lutte s’engage entre toi et le patriote éprouvé que tu dénonces. Mais si tu n’as que ta misérable assertion pour preuve; si tu mens à la justice, et si tu produis des témoins véreux, indignes de sa confiance ; en un mot si ton crime d’assassinat moral est reconnu constant : je demande que ta criminelle audace ne reste pas impunie. Je demande la peine du Talion SÉANCE DU 4 THERMIDOR AN II (22 JUILLET 1794) - NH 7 411 persévérant amour de la patrie, et dans l’accomplissement de la loi. Ceux qui parlent le plus haut d’honneur et de patriotisme, ne sont pas toujours les mieux fondés dans ces avantages. Le meilleur citoyen est celui qui remplit le mieux ses devoirs; Le soldat le plus patriote est celui qui observe le mieux la discipline. On peut être un fort bon patriote, sans avoir une moustache et du linge sale, sans porter le chapeau de travers, sans proférer de gros juremens, et sans avoir les poumons d’un cyclope. Dans sa dédaigneuse indolence, l’égoïste ne voit que lui, n’aime que lui dans l’état. Il est nul pour la révolution. Il ne s’intéresse point aux nouvelles publiques; et il ne cherche point à en savoir aucune; tout au plus, il s’enquête quelquefois des arrêtés des Représentans du peuple, et des travaux du comité de surveillance. Il n’est point fanatique; il attend même d’avoir la fièvre, pour croire en Dieu. Il n’a que faire qu’on ait dépendu les cloches, chassé les prêtres, brisé les hochets de l’hypocrisie et de la superstition. Il n’a d’autre regret que celui de se voir troublé dans ses jouissances particulières. Il voudroit couler les jours dans une douce oisiveté. Il voudroit qu’on ne fit aucune attention à. lui. Il vous pardonneroit la révolution, et crieroit bien fort vive la République ! pourvû que vous le laissassiez tranquille avec son aisance, ses bons repas, ses bosquets, ses boulingrins, sa mignone, ses passions et ses vices. Le modéré se montre un peu plus à découvert; mais l’indulgence est constamment un besoin de son cœur. Il parle quelquefois à demi-voix d’amnistie et de transaction. Il ne voudroit pas qu’on enfermât, et moins encore, qu’on guillotinât personne. S’il étoit préposé pour accorder des certificats de civisme, il iroit en distribuer sur les places publiques, même à ceux qui n’en demanderoient pas. Il écrit encore : je suis avec respect, Madame, votre très-humble et très-obéissant serviteur. C’est qu’il ne veut déplaire à personne. Personnage sans caractère, il se lie au parti le plus fort; il défend la cause des patriotes; mais il caresse en secret le parti des aristocrates. Il ne seroit pas fâché de voir arriver la contre-révolution, pourvu qu’elle s’opérât sans danger pour lui. Il iroit volontiers demain matin marcher à quatre pattes dans une anti-chambre et y monseigneu-riser un fat. Je dis que les égoïstes et les modérés, sous quelque forme modifiée qu’ils se présentent, sont de mauvais citoyens. Je dis qu’ils sont contre-révolutionnaires à leur manière... Celui qui aime la République, la sert; celui qui ne la sert pas, ne l’aime point : car, peut-on être froid ou indifférent envers ce qu’on aime ? Tout citoyen est comptable envers sa patrie, et du mal qu’il fait, et du bien qu’il ne fait pas. L’égoïste est comme ce soldat poltron qui se cache derrière une roche pendant que les autres se battent; c’est un lâche et vil sociétaire qui ne veut rien faire pour le profit de la société. Le vrai républicain ne s’isole point; il est toujours là pour remplir sa tâche. Il sait que la prospérité publique ne peut être que le résultat des efforts que chacun fait pour la procurer. Dans une monarchie il y a deux codes et deux patries. La société y est nécessairement partagée en maîtres et en esclaves, en oppresseurs et en opprimés; car la royauté et l’aristocratie ne sont que l’art d’opprimer les peuples, et de dévorer leur substance. Mais, dans un gouvernement qui a l’égalité pour base, chacun s’y intéresse comme à sa chose propre; chacun y déploie toutes les facultés de son être, et y concourt de bon cœur à servir la chose publique qui est sa propre affaire : car l’égalité produit la confiance mutuelle, la fraternité, l’union, l’amour du bonheur commun. Le vrai républicain est l’implacable ennemi du crime. Il le pourchasse partout où il le trouve; il le dénonce, à l’instant-même, avec intrépidité. Rien ne caractérise mieux un peuple libre, dit notre code pénal, que cette haine vigoureuse du crime qui fait de chaque citoyen un adversaire direct de toute [sic] infracteur des lois sociales. Mais, ne nous y trompons pas, dans un gouvernement libre, la dénonciation est une vertu. Il n’appartient donc qu’aux hommes vertueux à l’exercer. Toutes les bouches ne sont pas faites pour dénoncer et pour accuser. Avant de dénoncer des patriotes, il faut commencer par l’être soi-même. Si l’on accueilloit les dénonciations faites par des aristocrates, et appuyées par d’autres aristocrates, c’en seroit bientôt fait des patriotes et de la Liberté. Patriote de 89, sincère ami de la révolution, homme dont le cœur est vuide de tout sentiment de jalousie et d’intérêt personnel, et qui ne t’intéresses qu’au salut de la patrie, c’est toi surtout que je veux écouter, quand tu dénonceras un citoyen, et que tu amèneras des témoins qui te ressemblent, c’est-à-dire qui soient probes et irréprochables comme toi; car tu aimes nécessairement la justice, qui est le triomphe de l’innocence et de la punition des méchans. Tu ne veux pas l’oppression des patriotes, mais leur paisible et honorable existence, mais la repression de leurs ennemis et de tous les scélérats qui attentent à la Liberté... Parle : ton cœur est pur; tes preuves de patriotisme sont faites; je ne puis croire que tu aies cessé tout-à-coup d’aimer la Liberté, que tu sers avec tant de zèle depuis 5 ans. Tous les faits, toutes les présomptions sont en ta faveur; tu ne peux que faire l’office d’un bon citoyen, en énonçant des fautes ou des crimes que tu crois attentatoires au salut de la patrie, que tu chéris par dessus tout. Mais toi, homme vindicatif et sans mœurs, citoyen hétéroclyte, républicain d’hier, personnage suspect, qui, à l’appui de ta dénonciation, présentes des témoins certificateurs plus suspects encore ! toi, peut-être l’ami secret des aristocrates qui te caressent et te soudoyent, et qui viens dénoncer un patriote de 89, un vétéran de la révolution, et qui prétends verser en un instant l’opprobre sur toute sa vie révolutionnaire ! Entre aussi dans le sanctuaire de la justice ; il faut que tu sois entendu : les mesures de sûreté générale l’exigent. Qu’une lutte s’engage entre toi et le patriote éprouvé que tu dénonces. Mais si tu n’as que ta misérable assertion pour preuve; si tu mens à la justice, et si tu produis des témoins véreux, indignes de sa confiance ; en un mot si ton crime d’assassinat moral est reconnu constant : je demande que ta criminelle audace ne reste pas impunie. Je demande la peine du Talion 412 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE contre toi ; je demande que tu subisses le châtiment attaché au crime qualifié qui aura été l’objet de ta calomnieuse dénonciation. Citoyens, cette mesure est essentiellement juste; elle est la sauvegarde de la société. Si le droit de dénoncer étoit indéfiniment consacré, on ne peut prévoir jusqu’où iroit le scandale des dénonciations... Nul ne pourrait être patriote qu’avec la permission de ceux qui ne le sont pas. Citoyens, le bonheur du Républicain n’est autre chose que le bonheur de la République dont il est membre. Il ne le fait pas consister à être riche, mais vertueux. Oui, la vertu est l’âme d’une République démocratique. La tempérance, la frugalité, l’amour du travail en sont le nerf et l’appui; le luxe et la molesse en sont la peste. Ces vérités ont été dites : mais il faut les redire jusqu’à ce qu’elles soient réduites en pratique ; car de là dépend notre force et le maintien de la Liberté. Ouvrez l’histoire des Romains. Voyez ce Quintus-Cincinnatus qui, tiré deux fois de la charrue pour exercer le consulat et la dictature, va commander les armées romaines, se couvre de gloire, sauve deux fois sa patrie, se retire pauvre comme il étoit venu, et revient bêcher son jardin. Tant que la pauvreté individuelle fût honoré parmi les romains, tant qu’ils furent simples dans leurs mœurs, tempérans et sobres, ils furent conquérans; ils furent invincibles. C’est avec des consuls et des généraux laboureurs que Rome parvint au plus haut degré de gloire, et qu’elle subjugua l’Italie, l’Espagne, les Gaules et l’Affrique. Mais quand le luxe et l’ambition eurent rompu la sainte barrière des mœurs; lorsque les voluptés eurent pris la place de la tempérance; lorsque de très-riches fripons furent parvenus à corrompre le peuple, et à en acheter les suffrages; alors il n’y eut plus de centre d’unité. L’égoïsme et l’intérêt particulier isolèrent les citoyens ; les passions régnèrent ; l’état fut en proie aux factions désorganisatrices ; on ne s’entendit plus, et la liberté romaine fut ensevelie en un instant dans les plaines de Pharsale, et le despotisme mit dans les fers les vainqueurs du monde; et Rome, cette maîtresse de l’univers, fût enlacée par une exécrable série d’oppresseurs rois, et entr’autres, par les Tibère, les Caligula, les Néron... monstres dont à regret je cite ici les noms. On vit cet infâme Caligula avilissant le peuple romain, jusqu’à faire proclamer son cheval consul de Rome, et disant qu’il souhaiterait que le peuple n’eut qu’une tête, pour avoir le plaisir de la couper. O romains ! ô Pompée ! Vous n’étiez donc plus républicains, lorsque vous doutâtes si des hommes libres pourraient triompher de la tyrannie. Quoi ! votre courage fut abattu, parce qu’un homme appelé César passa effrontément le Rubicon pour marcher contre vous, avec 5 000 esclaves et 300 chevaux ! Et vous ne sçûtes pas périr jusqu’au dernier, plutôt que de consentir à votre ignominie ! Et vous souffrîtes que des esclaves vous frappassent au visage ! ô honte ! ô ignominie éternelle ! Pompée, tu vécus trop pour ta gloire; tu vis flétrir en un jour les lauriers que tu avois cueilli, dans les trois parties du monde... et en voulant fuir un tyran, tu allas te précipiter lâchement dans les bras d’un autre qui mit à profit ta confiance même pour t’égorger. Brutus est plus grand que toi. Romains, à quoi pensiez-vous, lorsque vous souffrîtes qu’Auguste et Antoine, ces usurpateurs audacieux de votre souveraineté, marchassent tranquillement contre Brutus et Cassius, les vengeurs et restaurateurs de votre Liberté ? Ah! c’est que vous étiez avilis et corrompus; c’est que les intrigans régnoient sur vous, et que la vénalité des charges étoit publique, c’est que l’argent remplaçoit les vertus républicaines, et que de riches ambitieux disposoient des dignités et des emplois de la République. Tel est le déplorable effet de la corruption des mœurs, dans un gouvernement démocratique. Profitons des éloquentes leçons que nous donnent les siècles et les peuples qui ont passé sur le globe. Soyons vertueux, pour ne pas redevenir esclaves. Les vertus des citoyens sont les armées de l’intérieur. Imitons la simplicité et l’autérité des mœurs antiques; ce fut par elles qu’existèrent pendant plus de 500 ans, des Républiques qui existeraient encore, si les hommes qui les composoient n’avoient pas cessé d’être vertueux. Activité, fraternité, union. Point de luxe, point d’excès ; point d’autre ambition que celle de concourir au bonheur de la patrie. Voilà la véritable gloire du vrai républicain; voilà le charme et l’intérêt de sa vie. Modestes sans-culottes, n’enviez pas les richesses entassées par les Harpagons; la loi fera justice de leur superflu. Cette bonne œuvre est commencée. Le vrai sans-culotte a le cœur plus haut que tous les événemens; il a le courage de supporter les privations; il se croit heureux avec sa liberté, sa pauvreté, le témoignage de son cœur et son sabre bien fourbi. Souvenez-vous toujours des hauts et puissants coquins du vieux régime, de ces vexateurs atroces dont il falloit adorer les crimes, en courbant la tête sous leur verge de fer. Que voyiez-vous alors ? Une tyrannique inégalité, soumettant à une poignée d’hommes privilégiés toute la masse de la nation ; mille droits fiscaux pesant sur elle ; des droits féodaux dégradans et ruineux pour l’agriculture; une magistrature vénale et perverse, à qui l’argent tenoit lieu de vertus; des exclusions outrageantes interdisant souvent au mérite l’entrée en certaines charges de ce maudit gouvernement, les talens et la probité embastillés; le foible n’osant point avoir raison contre le fort; la vertu n’osant contredire le vice, ni le regarder en face ; le luxe scandaleux d’une infinité de prêtres qui faisoient jeûner le peuple, pendant qu’il suoit pour eux; la misère, l’avilissement l’accablement de ce même peuple; voilà les maux que vous avez fait cesser en conquérant la liberté; ils seraient bien plus grand encore, si le despotisme pouvoit vous vaincre ; Ne vous y trompez pas : Vos ennemis sont des fanatiques et des cannibales... jugez ce que vous deviendriez si vous tombiez dans leurs mains. La bonhomie politique n’est pas de saison : c’est par l’énergie du peuple, c’est par la sévérité des mesures révolutionnaires, que sera maintenu le triomphe de la Liberté. Que le patriote respire, et que l’aristocrate soit comprimé; Tel doit être le grand effet du gouvernement révolutionnaire - Sans cela, point de salut. La molesse dans les mesures, et l’indulgence pour les coupables seraient un 412 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE contre toi ; je demande que tu subisses le châtiment attaché au crime qualifié qui aura été l’objet de ta calomnieuse dénonciation. Citoyens, cette mesure est essentiellement juste; elle est la sauvegarde de la société. Si le droit de dénoncer étoit indéfiniment consacré, on ne peut prévoir jusqu’où iroit le scandale des dénonciations... Nul ne pourrait être patriote qu’avec la permission de ceux qui ne le sont pas. Citoyens, le bonheur du Républicain n’est autre chose que le bonheur de la République dont il est membre. Il ne le fait pas consister à être riche, mais vertueux. Oui, la vertu est l’âme d’une République démocratique. La tempérance, la frugalité, l’amour du travail en sont le nerf et l’appui; le luxe et la molesse en sont la peste. Ces vérités ont été dites : mais il faut les redire jusqu’à ce qu’elles soient réduites en pratique ; car de là dépend notre force et le maintien de la Liberté. Ouvrez l’histoire des Romains. Voyez ce Quintus-Cincinnatus qui, tiré deux fois de la charrue pour exercer le consulat et la dictature, va commander les armées romaines, se couvre de gloire, sauve deux fois sa patrie, se retire pauvre comme il étoit venu, et revient bêcher son jardin. Tant que la pauvreté individuelle fût honoré parmi les romains, tant qu’ils furent simples dans leurs mœurs, tempérans et sobres, ils furent conquérans; ils furent invincibles. C’est avec des consuls et des généraux laboureurs que Rome parvint au plus haut degré de gloire, et qu’elle subjugua l’Italie, l’Espagne, les Gaules et l’Affrique. Mais quand le luxe et l’ambition eurent rompu la sainte barrière des mœurs; lorsque les voluptés eurent pris la place de la tempérance; lorsque de très-riches fripons furent parvenus à corrompre le peuple, et à en acheter les suffrages; alors il n’y eut plus de centre d’unité. L’égoïsme et l’intérêt particulier isolèrent les citoyens ; les passions régnèrent ; l’état fut en proie aux factions désorganisatrices ; on ne s’entendit plus, et la liberté romaine fut ensevelie en un instant dans les plaines de Pharsale, et le despotisme mit dans les fers les vainqueurs du monde; et Rome, cette maîtresse de l’univers, fût enlacée par une exécrable série d’oppresseurs rois, et entr’autres, par les Tibère, les Caligula, les Néron... monstres dont à regret je cite ici les noms. On vit cet infâme Caligula avilissant le peuple romain, jusqu’à faire proclamer son cheval consul de Rome, et disant qu’il souhaiterait que le peuple n’eut qu’une tête, pour avoir le plaisir de la couper. O romains ! ô Pompée ! Vous n’étiez donc plus républicains, lorsque vous doutâtes si des hommes libres pourraient triompher de la tyrannie. Quoi ! votre courage fut abattu, parce qu’un homme appelé César passa effrontément le Rubicon pour marcher contre vous, avec 5 000 esclaves et 300 chevaux ! Et vous ne sçûtes pas périr jusqu’au dernier, plutôt que de consentir à votre ignominie ! Et vous souffrîtes que des esclaves vous frappassent au visage ! ô honte ! ô ignominie éternelle ! Pompée, tu vécus trop pour ta gloire; tu vis flétrir en un jour les lauriers que tu avois cueilli, dans les trois parties du monde... et en voulant fuir un tyran, tu allas te précipiter lâchement dans les bras d’un autre qui mit à profit ta confiance même pour t’égorger. Brutus est plus grand que toi. Romains, à quoi pensiez-vous, lorsque vous souffrîtes qu’Auguste et Antoine, ces usurpateurs audacieux de votre souveraineté, marchassent tranquillement contre Brutus et Cassius, les vengeurs et restaurateurs de votre Liberté ? Ah! c’est que vous étiez avilis et corrompus; c’est que les intrigans régnoient sur vous, et que la vénalité des charges étoit publique, c’est que l’argent remplaçoit les vertus républicaines, et que de riches ambitieux disposoient des dignités et des emplois de la République. Tel est le déplorable effet de la corruption des mœurs, dans un gouvernement démocratique. Profitons des éloquentes leçons que nous donnent les siècles et les peuples qui ont passé sur le globe. Soyons vertueux, pour ne pas redevenir esclaves. Les vertus des citoyens sont les armées de l’intérieur. Imitons la simplicité et l’autérité des mœurs antiques; ce fut par elles qu’existèrent pendant plus de 500 ans, des Républiques qui existeraient encore, si les hommes qui les composoient n’avoient pas cessé d’être vertueux. Activité, fraternité, union. Point de luxe, point d’excès ; point d’autre ambition que celle de concourir au bonheur de la patrie. Voilà la véritable gloire du vrai républicain; voilà le charme et l’intérêt de sa vie. Modestes sans-culottes, n’enviez pas les richesses entassées par les Harpagons; la loi fera justice de leur superflu. Cette bonne œuvre est commencée. Le vrai sans-culotte a le cœur plus haut que tous les événemens; il a le courage de supporter les privations; il se croit heureux avec sa liberté, sa pauvreté, le témoignage de son cœur et son sabre bien fourbi. Souvenez-vous toujours des hauts et puissants coquins du vieux régime, de ces vexateurs atroces dont il falloit adorer les crimes, en courbant la tête sous leur verge de fer. Que voyiez-vous alors ? Une tyrannique inégalité, soumettant à une poignée d’hommes privilégiés toute la masse de la nation ; mille droits fiscaux pesant sur elle ; des droits féodaux dégradans et ruineux pour l’agriculture; une magistrature vénale et perverse, à qui l’argent tenoit lieu de vertus; des exclusions outrageantes interdisant souvent au mérite l’entrée en certaines charges de ce maudit gouvernement, les talens et la probité embastillés; le foible n’osant point avoir raison contre le fort; la vertu n’osant contredire le vice, ni le regarder en face ; le luxe scandaleux d’une infinité de prêtres qui faisoient jeûner le peuple, pendant qu’il suoit pour eux; la misère, l’avilissement l’accablement de ce même peuple; voilà les maux que vous avez fait cesser en conquérant la liberté; ils seraient bien plus grand encore, si le despotisme pouvoit vous vaincre ; Ne vous y trompez pas : Vos ennemis sont des fanatiques et des cannibales... jugez ce que vous deviendriez si vous tombiez dans leurs mains. La bonhomie politique n’est pas de saison : c’est par l’énergie du peuple, c’est par la sévérité des mesures révolutionnaires, que sera maintenu le triomphe de la Liberté. Que le patriote respire, et que l’aristocrate soit comprimé; Tel doit être le grand effet du gouvernement révolutionnaire - Sans cela, point de salut. La molesse dans les mesures, et l’indulgence pour les coupables seraient un SÉANCE DU 4 THERMIDOR AN II (22 JUILLET 1794) - N°7 413 moyen sûr d’assassiner le peuple, et d’amener la contre-révolution. Mais, disent les modérés, ceci est bien long... On nous fait peur... Quand finira ce grand mouvement révolutionnaire ? Il finira bien lorsque les ennemis de la patrie cesseront de le rendre nécessaire. Il finira lorsque les principes éternels de la justice et de la raison cesseront d’être méconnus par les tyrans que le peuple abhorre, et qu’il ne craint pas. Il finira, ce grand mouvement révolutionnaire, lorsqu’il aura fait justice de tous les coquins, de tous les contre-révolutionnaires, et que leurs têtes seront tombées sous la hâche de la loi : car, pour que la Liberté vive, il faut en exterminer les ennemis. Lâches égoïstes ! vils modérés ! il vous sied bien de montrer du dégoût pour les mesures révolutionnaires, pendant que 1 200 000 Français font, au péril de leur vie, un rempart de leurs corps pour empêcher que l’ennemi n’arrive jusqu’à vous. Il vous sied bien de vous impatienter à table ou au lit, pendant que le soldat de la patrie, couché sur la dure, s’expose à la mort, pour vous en exempter, et pour protéger vos jouissances particulières. Que le peuple se tienne en garde contre les suggestions perfides des tartuffes et des menteurs qui disent des paroles, et ne montrent pas des vertus. Ceux-là sont ses plus dangereux ennemis qui, abusant de sa crédulité, l’égarent en le caressant, couvrent de fleurs le précipice pour qu’il ne le voie pas, et, par des interprétations captieuses, l’emmènent à violer la loi qu’il respecte et qu’il aime, parce qu’elle est son propre ouvrage. Quel horrible crime que celui de tenter d’égarer le peuple, pendant qu’il se repose sur l’exécution de la loi, dans le calme de ses vertus, et le silence du respect ! Citoyens ! point de République sans union et sans bonne foi. L’énergie nationale consiste dans l’union vraie et intime des patriotes, dans le concert de leurs désirs et de leurs volontés, tendantes au même bien aimé de tous. On parle beaucoup d’union; mais quand serons-nous bien unis en effet ? Quand est-ce que cette sainte loi de l’humanité, qui prescrit de faire aux autres ce que nous voudrions qui nous fut fait, Quand, dis-je, cette loi, qui embellit les pages de la constitution, sera-t-elle dans tous les cœurs, et se retracera-t-elle dans toutes nos actions ? Quand est-ce qu’ils seront dégagés des entraves de l’égoïsme, de l’amour-propre et de l’orgueil ? Quand verrons-nous des républicains s’aimer et se rechercher avec franchise, compatir indistinctement aux maux de leurs frères, et les secourir par tous les moyens qui sont en leur pouvoir ? Quand est-ce que nos cœurs seront confondus dans un sentiment commun de dilection fraternelle et d’amour de la Patrie ? Ah ! c’est alors que nous serons vraiment républicains. S’il existoit dans le cœur de quelques-uns d’entre vous des levains d’aigreur et d’animosité, je vous conjure en ce jour solemnel de faire à la patrie le sacrifice de votre sensibilité, d’étouffer tous les ressentiments dans les douces étreintes d’une généreuse fraternité. Il est bien mauvais le prédicateur qui se contente de demander que la haine et la vengeance soient ajournées. Il faut les éteindre... Il faut les oublier. Citoyens, anéantissons la dernière espérance des despotes. Qu’ils frémissent, en voyant l’heureux accord de nos sentimens et de nos vœux ! N’ayons qu’une volonté, qu’un cœur; car nous n’avons tous qu’un même intérêt. Que le dernier complot formé contre la Liberté tourne au profit de la Liberté même ! qu’il serve à fortifier en nous ce caractère de grandeur et de fermeté, supérieur à tous les dangers, à tous les complots des monstres coalisés contre la France; montrons cette fermeté tranquille qui fait pâlir les tyrans. Songez que la nation française aimeroit mieux disparoître toute entière de dessus le globe, plutôt que de consentir à redevenir esclave. Ah ! ce ne sera pas par nous, ce ne sera pas par le peuple de cette contrée que le saint nom de la liberté sera jamais souillé... Le feu du patriotisme ne cessera d’embraser nos cœurs auprès des neiges éternelles des monts-Pyrénées. Nous avons fait des sacrifices... nous sommes prêts à en faire encore... rien ne doit coûter à des cœurs passionnés pour la Liberté... Eh ! n’est-il pas aussi naturel de l’aimer que de respirer ? Nous appartenons moins à nous-mêmes qu’à la patrie... Mourir, s’il le faut, pour elle, est notre devoir... Nous l’avons mille fois juré... Nous serons plus que des parleurs... Nous serons fidèles à nos sermens. L’impétuosité française vient de franchir les barrières que le tyran espagnol avoit posées... ses innombrables satellites ont éprouvé en grand de quoi est capable l’anthousiame républicain... Ils ont fui, les lâches, ou se sont laissés prendre à milliers !... Ils ont emporté leurs rosaires et leurs chapelets, et ils ont bandonné 300 pièces de canon, d’immenses comestibles, et d’innombrables effets de campement. Les Français, comme un torrent débordé, ont renversé de vive force tout ce qui s’opposoit à leur passage. Puissent-ils mettre bientôt, dans Madrid, les saints d’or et d’argent en état d’arrestation !... Puissent -ils voir de près la face blasée du tyran Charles, et planter l’arbre de la liberté sur les débris de son trône foudroyé. Mais souvenons-nous des Cartaginois vainqueurs à Capoue... Que les succès n’amolissent pas nos cœurs... Soyons calmes et austères... C’est au gouvernement révolutionnaire que nous sommes redevables de cette éclatante et signalée victoire, qui est le présage certain de l’éternité de la République française... Oui, que des mœurs austères, vraie force de la République, achèvent ce qu’elles ont si heureusement commencé. A bas tous les trônes de la tyrannie. ...Vive la République !... Périssent tous les ennemis du peuple ! (l). (l) Signé Monestier, présid.; Torné, v. présid.; Bernard, Chaussade, Garrigues, Robert, secrétaires. Imprimé par ordre de la Sté popul. A Tarbes, de l’Imprimerie Républicaine de Lagarrigue Imprimeur du Département des Hautes - Pyrénées . SÉANCE DU 4 THERMIDOR AN II (22 JUILLET 1794) - N°7 413 moyen sûr d’assassiner le peuple, et d’amener la contre-révolution. Mais, disent les modérés, ceci est bien long... On nous fait peur... Quand finira ce grand mouvement révolutionnaire ? Il finira bien lorsque les ennemis de la patrie cesseront de le rendre nécessaire. Il finira lorsque les principes éternels de la justice et de la raison cesseront d’être méconnus par les tyrans que le peuple abhorre, et qu’il ne craint pas. Il finira, ce grand mouvement révolutionnaire, lorsqu’il aura fait justice de tous les coquins, de tous les contre-révolutionnaires, et que leurs têtes seront tombées sous la hâche de la loi : car, pour que la Liberté vive, il faut en exterminer les ennemis. Lâches égoïstes ! vils modérés ! il vous sied bien de montrer du dégoût pour les mesures révolutionnaires, pendant que 1 200 000 Français font, au péril de leur vie, un rempart de leurs corps pour empêcher que l’ennemi n’arrive jusqu’à vous. Il vous sied bien de vous impatienter à table ou au lit, pendant que le soldat de la patrie, couché sur la dure, s’expose à la mort, pour vous en exempter, et pour protéger vos jouissances particulières. Que le peuple se tienne en garde contre les suggestions perfides des tartuffes et des menteurs qui disent des paroles, et ne montrent pas des vertus. Ceux-là sont ses plus dangereux ennemis qui, abusant de sa crédulité, l’égarent en le caressant, couvrent de fleurs le précipice pour qu’il ne le voie pas, et, par des interprétations captieuses, l’emmènent à violer la loi qu’il respecte et qu’il aime, parce qu’elle est son propre ouvrage. Quel horrible crime que celui de tenter d’égarer le peuple, pendant qu’il se repose sur l’exécution de la loi, dans le calme de ses vertus, et le silence du respect ! Citoyens ! point de République sans union et sans bonne foi. L’énergie nationale consiste dans l’union vraie et intime des patriotes, dans le concert de leurs désirs et de leurs volontés, tendantes au même bien aimé de tous. On parle beaucoup d’union; mais quand serons-nous bien unis en effet ? Quand est-ce que cette sainte loi de l’humanité, qui prescrit de faire aux autres ce que nous voudrions qui nous fut fait, Quand, dis-je, cette loi, qui embellit les pages de la constitution, sera-t-elle dans tous les cœurs, et se retracera-t-elle dans toutes nos actions ? Quand est-ce qu’ils seront dégagés des entraves de l’égoïsme, de l’amour-propre et de l’orgueil ? Quand verrons-nous des républicains s’aimer et se rechercher avec franchise, compatir indistinctement aux maux de leurs frères, et les secourir par tous les moyens qui sont en leur pouvoir ? Quand est-ce que nos cœurs seront confondus dans un sentiment commun de dilection fraternelle et d’amour de la Patrie ? Ah ! c’est alors que nous serons vraiment républicains. S’il existoit dans le cœur de quelques-uns d’entre vous des levains d’aigreur et d’animosité, je vous conjure en ce jour solemnel de faire à la patrie le sacrifice de votre sensibilité, d’étouffer tous les ressentiments dans les douces étreintes d’une généreuse fraternité. Il est bien mauvais le prédicateur qui se contente de demander que la haine et la vengeance soient ajournées. Il faut les éteindre... Il faut les oublier. Citoyens, anéantissons la dernière espérance des despotes. Qu’ils frémissent, en voyant l’heureux accord de nos sentimens et de nos vœux ! N’ayons qu’une volonté, qu’un cœur; car nous n’avons tous qu’un même intérêt. Que le dernier complot formé contre la Liberté tourne au profit de la Liberté même ! qu’il serve à fortifier en nous ce caractère de grandeur et de fermeté, supérieur à tous les dangers, à tous les complots des monstres coalisés contre la France; montrons cette fermeté tranquille qui fait pâlir les tyrans. Songez que la nation française aimeroit mieux disparoître toute entière de dessus le globe, plutôt que de consentir à redevenir esclave. Ah ! ce ne sera pas par nous, ce ne sera pas par le peuple de cette contrée que le saint nom de la liberté sera jamais souillé... Le feu du patriotisme ne cessera d’embraser nos cœurs auprès des neiges éternelles des monts-Pyrénées. Nous avons fait des sacrifices... nous sommes prêts à en faire encore... rien ne doit coûter à des cœurs passionnés pour la Liberté... Eh ! n’est-il pas aussi naturel de l’aimer que de respirer ? Nous appartenons moins à nous-mêmes qu’à la patrie... Mourir, s’il le faut, pour elle, est notre devoir... Nous l’avons mille fois juré... Nous serons plus que des parleurs... Nous serons fidèles à nos sermens. L’impétuosité française vient de franchir les barrières que le tyran espagnol avoit posées... ses innombrables satellites ont éprouvé en grand de quoi est capable l’anthousiame républicain... Ils ont fui, les lâches, ou se sont laissés prendre à milliers !... Ils ont emporté leurs rosaires et leurs chapelets, et ils ont bandonné 300 pièces de canon, d’immenses comestibles, et d’innombrables effets de campement. Les Français, comme un torrent débordé, ont renversé de vive force tout ce qui s’opposoit à leur passage. Puissent-ils mettre bientôt, dans Madrid, les saints d’or et d’argent en état d’arrestation !... Puissent -ils voir de près la face blasée du tyran Charles, et planter l’arbre de la liberté sur les débris de son trône foudroyé. Mais souvenons-nous des Cartaginois vainqueurs à Capoue... Que les succès n’amolissent pas nos cœurs... Soyons calmes et austères... C’est au gouvernement révolutionnaire que nous sommes redevables de cette éclatante et signalée victoire, qui est le présage certain de l’éternité de la République française... Oui, que des mœurs austères, vraie force de la République, achèvent ce qu’elles ont si heureusement commencé. A bas tous les trônes de la tyrannie. ...Vive la République !... Périssent tous les ennemis du peuple ! (l). (l) Signé Monestier, présid.; Torné, v. présid.; Bernard, Chaussade, Garrigues, Robert, secrétaires. Imprimé par ordre de la Sté popul. A Tarbes, de l’Imprimerie Républicaine de Lagarrigue Imprimeur du Département des Hautes - Pyrénées .