ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] 678 [États gén. 1789. Cahiers.] Mais de quelle manière procurer aux professeurs un sort tel que nous prenons la liberté de l’indiquer? Nous ne connaissons pas ce qu'on peut faire daus les différentes villes pour remplir cet objet sans charger l’Etat. Cependant nous croyons pouvoir dire avec confiance qu’il n’en est aucune dans laquelle on ne puisse facilement, par des réunions, par des extinctions, en un mot d’une manière ou de l’autre, assurer le revenu convenable. Nous croyons pouvoir observer ici qu’il serait utile d’accorder la vétérance aux professeurs, du moins après 25 ans d’exercice, en accordant au vétéran la moitié de ses honoraires; cette vétérance a lieu dans tous les collèges. Le sort des agrégés doit aussi recevoir quelque augmentation, parce que leurs travaux seront plus considérables. Si on veut éviter un très-grand inconvénient, le prix des graduations ne doit pas tourner au profit des facultés. Il en est résulté et il en résultera toujours les plus grands abus; les facultés attachées à leur devoir seront désertes et tous les étudiants se porteront vers celles où les exercices ne seront que de vrais simulacres. Si on veut que la réforme produise son effet et soit générale, il faut que les facultés n’aient aucun intérêt dans le nombre des graduations, et que l’honoraire des professeurs n’ait aucun rapport avec le plus grand ou le plus petit nombre des thèses, alors l’intérêt ne se trouvant plus en opposition avec le devoir ne sera plus un motif pour trahir ce dernier. Il semble que les sommes nécessaires pour les incriptions, les thèses et tous les actes différents devraien t être payées entre les mains du receveur des deniers royaux; ne serait-ce pas le cas* de faire un nouveau tarif qui serait le même pour toutes les universités ? Nous soumettons ces idées à la sagesse et aux lumières supérieures des Etats généraux. Mais nous croyons pouvoir garantir que le plan que nous. proposons produirait nécessairementune prompte révolution et que l’étude des lois deviendrait bientôt aussi florissante qu’elle est négligée. Arrêté en l’assemblée du 21 février 1789, et lu le 1er mars suivant. Signé : Robert de Massy ; de la Place ; Salomon de la Saugerie ; Perche; Destas ; Moutié fils; Pisseau; Lebon; Dufresneau; Moutié, recteur, et Laurent, commis greffier. CAHIER De doléances de la communauté des procureurs du châtelet d'Orléans (1). La communauté des procureurs du châtelet d’Orléans remontre très-humblement à Sa Majesté : Que depuis un temps considérable il s’est glissé dans l’administration de la justice civile des abus qui sont extrêmement onéreux pour le peuple et qu’il conviendrait réformer. Premièrement, Sa Majesté, par son édit du mois de juin 1771, a voulu, en supprimant les décrets volontaires et y substituant les lettres de rati-(1) Nous devons la communicaiion de ce document à M. Maupré, archiviste en chef du Loiret, qui a mis une extrême obligeance à nous en donner une copie collationnée. fication, éviter des frais aux vendeurs, et cependant la manière dont s’exécute l’édit dans la plupart des tribunaux du royaume occasionne des frais énormes, qui, le plus souvent, privent les vendeurs de ce qu’ils espéraient loucher, d’après leurs créanciers remplis, dans le prix de la vente qu’ils ont faite, mais encore privent les derniers créanciers hypothécaires des vendeurs de leurs créances. Il est bien vrai que Sa Majesté, • par sa déclaration de 1783, a remédié en partie à ces abus en fixant un délai de quarante jours pour par les vendeurs rapporter la mainlevée des oppositions. Il est facile de reconnaître ces abus pour ce qui concerne le bailliage d’Orléans, et en même temps il serait facile d’y remédier, sans que les droits des acquéreurs, vendeurs et opposants fussent compromis. Ces abus consistent en ce que faute, par les vendeurs de rapporter la main-levée des opposi-sitions dans les quarante jours, il s’introduit, sur requête présentée par l’acquéreur, une instance entre lui , son vendeur et les opposants , sur laquelle, dans les premières années de rétablissement des lettres de ratification, intervenait une sentence, qui dormait assignation en l’étude d’un notaire pour par l’acquéreur rapporter le prix principal et intérêts de son acquisition, par les opposants établir leurs créances, en rapporter et communiquer les titres, par les vendeurs les passer ou contredire, et de suite procéder à l’ordre et distribution, et ce tant en absence que présence; et actuellement par une suite d’abus plus considérable, les sentences portent seulement assignation, pour être procédé à l’amiable, si faire se peut, dans le mois à la distribution, sinon les pièces mises entre les mains du juge, pour être par lui procédé à la distribution, ce qui peut, dans le cas où un seul opposant ou vendeur ne voudrait comparoir chez le notaire, occasionner des dépôts de la part des acquéreurs au bureau des consignations, et une distribution en justice ; ce qui ruine totalement les vendeurs et les derniers créanciers hypothécaires, au lieu que, par les premières sentences, on ne pouvait pas craindre de dépôt aux consignations, ni de distribution en justice, puisque faute pour quelqu’une des parties de se trouver chez le notaire au jour indiqué, on était en état de procéder tant en absence que présence. Mais polir remédier à tous ces abus, et pour le soulagement des peuples, il serait à propos de solliciter de la bonté de Sa Majesté une déclaration qui, en ordonnant l’exécution de celle de 1783, ordonnerait : 1° Que dans chaque contrat de vente ou adjudication faite en justice, et sur lequel il serait obtenu des lettres" de ratification, les parties seraient tenues de convenir du notaire chez lequel l’acquéreur ou adjudicataire, en cas d’opposition au sceau de ses lettres de ratification, serait tenu de rapporter le prix principal et intérêts de son adjudication ou acquisition. 2° Que d’après l’expiration des quarante jours accordés aux vendeurs par la déclaration de 1783, pour rapporter la mainlevée des oppositions, l’acquéreur ou adjudicataire serait tenu de faire dénoncer tant aux vendeurs qu’à tous les opposants, aux domiciles par eux élus, que le ..... , il faudrait un délai de quinzaine entre le jour de la dénonciation et de V assignation chez le notaire, il se transportera le... chez... notaire indiqué par le contrat de vente ou adjudication, pour rapporter le prix principal et intérêts de son acquisition, avec sommation tant aux opposants qu’aux vendeurs de s’v trouver, d’établir de la part des op- 679 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d'Orléans. J posants leurs créances de rapporter et communiquer leurs titres, et par les vendeurs en prendre communication, les passer au contredire, et de suite procéder à la distribution; 3° Qu’il fut ordonné qu’il serait procédé aux procès-verbaux de communication et distribution, tant en présence qu’absence, pour quoi ceux des créanciers opposants qui ne se trouveraient pas au jour indiqué demeureraient déchus de leurs créances ; 4° Qu’en cas de contestation entre les vendeurs et opposants ou entre quelques-uns d’eux, l’acquéreur serait autorisé à déposer en l’étude du notaire le prix principal et intérêts de son acquisition, quoi faisant qu’il en demeurerait entièrement déchargé; 5° Que sur les contestations les parties se pourvoiraient devant le juge auquel serait rapporté le procès-verbal pour ce qui concerne les contestations seulement et dépôt, lesquelles contestations seraient jugées, soit à l’audience, soit par appoin té, et que celui qui succomberait serait condamné non-seulement aux dépens qu’il ne pourrait employer contre son débiteur, mais encore serait condamné au coût du dépôt, et à payer les intérêts de ia somme déposée à compter* du jour du dépôt; 6° Que pour éviter toutes difficultés, ordonner que les oppositions seraient formées au bureau conservateur par le ministère d’un procureur dans ia même forme et de la même manière que les oppositions aux décrets volontaires étaient formées ; 7° Que pour ne point retarder les opérations de la distribution, faire défense à tous procureurs de former aucune opposition au bureau du conservateur, sans être porteurs des titres de créance de leurs parties et avoir un état certifié d’elles du montant desdites créances en principal, intérêts et frais, à peine par eux, dans le cas où iis n’auraient point comparu à l’assignation, de demeurer responsables des dommages-intérêts envers leurs parties; 8° Que tout opposant qui, par l’événement de la distribution, se trouvera rempli de sa créance, sera tenu eri son procureur de se transporter dans les trois jours au bureau du conservateur pour y faire enregistrer en marge de son opposition la mainlevée d’icelle, à peine de tous dépens, dommages-intérêts contre le vendeur ; pourquoi sera ajouté aux créances de l’opposant le coût de cette mainlevée. La communauté observe en second lieu qu’il serait avantageux pour les peuples de supprimer dans toutes les juridictions royales les greffes de présentations, qui ne sont d’aucune utilité aux parties pour parvenir aux jugements des procès, que les droits et frais que ces greffes occasionnent tombent sur la partie la 'plus indigente du peuple. Pour prouver la première de ces deux propositions, la communauté observe que ia présentation n’est pas seule suffisante pour empêcher l’obtention d’une sentence par défaut et la signification d’icelle à domicile de partie, puisque le défendeur est encore obligé de constituer procureur, et qu’une simple constitution de procureur serait suffisante, ainsi que cela se pratique dans quelques-unes des juridictions royales telles que les sièges des forets où il n’a point été établi des greffes de présentations, et dans les justices seigneuriales. Pour prouver la seconde proposition, la communauté observe que la plupart des citoyens de la classe la plus infortunée n’ont que des procès de peu de conséquence, soit pour avoir le payement de leurs ouvrages et fournitures de leur état, soit pour se défendre les uns contre. les autres de leurs prétentions respectives; qu’il n’v a point de procès où les droits de présentation pour les deux parties, droits de cédule, timbre et droits de procureur, ne coûtent à celui qui succombe quatre livres six sols en pure perte, vu que ce droit ne fait rien à l’affaire. Il serait d’autant plus facile de supprimer ces espèces de greffes que la plupart n’ont point été aliénés, qu’à l’égard de ceux qui l’ont été, ils l’ont été pour des sommes si modiques qu’il serait facile de les rembourser par les corps municipaux des villes où ils ont été établis. La communauté observe encore que Sa Majesté, en augmentant par son édit de 1774 le pouvoir des prési d iaux ,n’a eu en vue que le soulagemen t de ses peuples; que cependant le pouvoir qui est accordé aux présidiaux est plus onéreux que profitable. Pour le prouver, la communauté observe qu’avant l’édit de 1774 les présidiaux jugeaient en dernier ressort toutes les affaires personnelles et liquides, même les matières réelles, lorsque les demandeurs traduisaient devant les présidiaux, jusqu’à deux cent cinquante iivresoudix livres de rente et revenu annuel; qu’àce moyeu les procès de cette nature se trouvaient entièrement terminés, au lieu qu’aujourd’bui les présidiaux deviennent illusoires, et pourquoi ? C’est parce qu’ils ne peuvent juger en dernier ressort, sans au préalable avoir rendu un jugement qui statue sur leur compétence, duquel on peut appeler; d’où il s’ensuit pour le mercenaire, pour la classe la plus indigente des peuples un tort considérable; de manière qu’un pauvre ouvrier qui aura travaillé pour un riche particulier qui ne voudra pas lui payer une modique somme de 50 livres, se trouve obligé de perdre le fruit de son travail, plutôt que de suivre au parlement sur l’appel qu’aura interjeté son adversaire et relevé en la cour, et ce pour éviter de la part de cet ouvrier sa ruine totale, qu’occasionnerait son déplacement et les faux frais qu'il serait obligé de faire, et bien souvent faute d’avoir de quoi poursuivre au parlement le bien jugé du jugement de compétence. Pourquoi la communauté supplie très-humblement Sa Majesté de supprimer toute espèce de jugement dé compétence, et d’accorder aux présidiaux les mêmes pouvoirs pour juger en dernier ressort jusqu’à 2,000 livres ou 24 livres de rente ou revenu annuel, qu’avaient les présidiaux pour juger en dernier jusqu’à 250 livres ou 10 livres de rente ou revenu annuel. La communauté observe encore que ces jugements de compétence, la procédure qu’il faut tenir pour y parvenir, occasionnent des frais qui se montent, compris le coût et signification du jugement, au moins à 12 livres, par instance, qui tombent en pure perte sur la classe la plus indigente des sujets, puisque les dix-neuf vingtièmes au moins des procès qui se portent dans les présidiaux ne sont qu’entre des malheureux ouvriers, des journaliers, des gens de la campagne, qui se . trouvent à ce moyen surchargés de frais dont la classe des ecclésiastiques, celte des nobles et les plus riches du tiers-état sont exempts. La communauté observe encore que l’intention de Sa Majesté et des Vois ses augustes prédécesseurs a toujours été que la justice fût rendue à leurs sujets’, avec le moins de frais que faire se pourrait. Pour s’en convaincre, il ne s’agit que de jeter un coup d’œil sur les. différentes ordonnances rendues sur le fait de la justice 680 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] Cependant les droits de contrôle, petit scel, droits réservés, timbre et parchemin, ensemble les huit sols pour livre des droits de greffe, ont non-seulement beaucoup augmenté les frais dans les instances, mais encore ont entraîné avec eux des abus considérables, puisque les règlements concernant les droits de greffe, écritures de procureurs ne sont plus observés, sous prétexte de faire valoir la formule, et les huit sols pour livre ; pourquoi la classe la plus indigente des citoyens se trouve soit écrasée par la multiplicité des frais, soit hors d’état faute d’argent, pour frayer aux dépens des procès, de pouvoir réclamer leurs droits; pourquoi il serait nécessaire en supprimant des greffes les parchemins huit sols pour livre des droits de contrôle au simple droit, ainsi que les droits réservés, ordonner de l’exécution des règlements, faire défenses aux greffiers et procureurs d’y contrevenir, et, en cas de contravention, ordonner que les juges locaux en auront connaissance en première instance et que leur sentence s’exécutera par provision, pour raison des restitutions qu’ils ordonneront nonobstant toutes oppositions, appellations, et arrêts de défenses qui pourraient être surpris par lesr dits greffiers et procureurs. La communauté observe encore que par une suite des abus, qui se sont introduits dans l’administration de la justice civile, il devient presque impossible pour la classe la plus indigente de pouvoir jouir du peu d’immeubles qu’ils recueillent de la succession de leurs parents ; et en effet il se trouve plusieurs pères de famille, qui laissent plusieurs enfants, et pour tout bien une petite maison qui ne peut être partagée entre les enfants, dont quelques-uns se trouvent mineurs, en sorte qu’il devient nécessaire de faire procéder à la vente par licitation de cet immeuble de peu de valeur. Il n’en coûtait de frais il y a quarante ans que soixante-dix à quatre-vingts livres, et l’adjudication ne coûtait au greffe, qu’environ trente livres; et aujourd’hui les frais d’une pareille licitation coûtent plus de deux cents livres, et l’adjudication coûte au greffe plus de quatre-vingts livres. Cette augmentation provient premièrement de ce qu’avant 1771 les sentences qui ordonnaient une licitation, s’expédiaient en papier et aujourd’hui elles s’expédient en parchemin. Secondement, des huit sols pour livres imposés sur les droits de greffe. Troisièmement, de ce que les sentences portant nomination d’experts s’expédiaient sur deux rôles, les sentences d’affirmation d’experts sur une demi-feuille, les jugements de continuation d’enchères ne se levaient point, et dans le cas où il était nécessaire de les lever, ils s’expédiaient en deux rôles. Aujourd’hui, par une suite d’abus, les sentences de nomination d’experts, prestation de serment d’experts se délivrent en quatre, cinq rôles et quelquefois six rôles, les jugements de continuation portant réception d’enchères se délivrent en . six rôles, et quelquefois en huit rôles, pourquoi il serait à propos de remédier à cet abus, en ordonnant que les greffiers ne pourraient délivrer ces jugements, dans le cas où ils en seraient requis, que sur deux rôles, ce qui éviterait à ce moyen des frais considérables. Il règne encore des abus considérables dans presque toutes les autres parties de l’administration de la justice civile, qu’il serait trop long de détailler ici et desquels abus la communauté, pour subvenir au soulagement de ses concitoyens, se fera un véritable plaisir d’en donner le détail, si elle en est requise, et en même temps d’indiquer ce qu’elle pense qu’il serait à propos de faire pour y remédier, et ne point consommer en frais ses concitoyens. La communauté, après s’être occupée des abus qu’elle a aperçus dans l’administration de la justice civile, croit devoir faire quelques représentations sur les objets suivants. Premièrement, elle observe que le franc-fief est un impôt si onéreux pour le tiers-état, notamment pour les cultivateurs, qu’ils se trouvent non-seulement privés des récoltes de leurs biens, mais encore du salaire de leurs travaux. La preuve de ce fait est sensible : les droits de franc-fief se perçoivent non-seulement tous les vingt ans, mais encore à toutes mutations, même en ligne directe, en sorte qu’un pauvre paysan, chargé de famille qui recueillera dans la succession de son père un héritage en fief de valeur de cent livres de produit, est obligé pendant deux ans de perdre le revenu de cet héritage, mais encore son travail, puisque d’un côté il est obligé de payer cent cinquante livres pour le droit de franc-fief, y compris les dix sous pour livre, ce qui fait une année et demie ; d’un autre côté il est obligé de payer pendant ces deux années la taille, impositions accessoires, corvée, le tout relativement à cet héritage, et la seconde année il paye encore les vingtièmes. Si cet enfant vient à décéder au bout de deux ans, il faudra encore que son fils recommence à payer les mômes sommes. Ajoutez à cela que si l’héritage lui advient de succession collatérale il est encore obligé de payer le centième denier, les dix sous pour livre, le profit de rachat au seigneur, qui est le revenu de l’année, en sorte qu’il est plus avantageux pour un cultivateur roturier de renoncer à une succession féodale, que de l’accepter, d’où il suit que l’on peut regarder que les droits de franc-fief avec les accessoires emportent, année commune, le quart du revenu des biens féodaux possédés par les roturiers; qu’il serait à propos de supprimer totalement ce droit; qu’en le supprimant, les héritages _ féodaux seraient d’une plus grande valeur, mieux cultivés, et par conséquent d’un plus grand produit. La communauté observe encore que la corvée qui a été fixée au quart de la taille est un impôt onéreux non-seulement pour le cultivateur, mais même pour les pauvres journaliers de campagne qui, à peine, peuvent gagner du pain pour leur pauvre famille qui, souvent, est nombreuse et dans la dernière misère ; que les gens de la campagne ne devraient pas payer la corvée personnellement; que l’impôt de la corvée devrait être rejeté' sur la propriété et payé par chaque propriétaire an prorata de sa propriété dans chaque paroisse. La raison en est bien simple, ce n’est point ce pauvre journalier qui rompt les chemins ; ce sont les voitures de luxe, les grosses voitures dont on se sert pour tirer les productions de la terre et pour le commerce, et par conséquent il est de l’équité naturelle que l’impôt de la corvée soit accessoire de l’impôt mis sur la propriété. Il serait encore nécessaire pour le bien des peuples que les deniers levés pour la corvée restassent dans la paroisse où ils sont levés, c’est-à-dire qu’ils fussent déposés dans un coffre qui serait mis dans un lieu sûr, fermant à trois serrures et clefs différentes, pour l’une _ desdites clefs être remise au syndic de la paroisse, une au curé, et la troisième à la personne qui serait choisie par la commune ; que les deniers fussent ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Orléans.] 681 [États gén. 1789. Cahiers.] employés dans la paroisse au rétablissement : premièrement, des chemins royaux, qui se trouveraient dans la paroisse , et ensuite à l’entretien des autres chemins qui se trouveraient dans la paroisse; et ce par adjudication qui en serait faite devant les juges locaux, à la requête du ministère public sans aucuns frais. La communauté observe encore qu’il serait à propos de supprimer l’impôt sur le sel, de permettre le commerce de cette denrée, de permettre la plantation du tabac en France, et d’en permettre le commerce ; ce serait un avantage d’autant plus grand pour les campagnes, que d’un côté on éviterait toutes espèces de recherches et de concussion de la part des employés sous prétexte de fraude ; que d’un autre côté il y a en France plusieurs terres propres à la culture du tabac; que les fermiers étant obligés d’acheter le tabac de l’étranger, il sort de la France plusieurs millions qui y resteraient, et pourraient être employés à l’augmentation du commerce , qu’en permettant le commerce du sel sans aucun impôt, la France, qui est un pays très-fertile en pâturages, se trouverait tout aussitôt couverte d’une plus grande quantité de bestiaux qui amélioreraient les héritages par une plus grande abondance d’engrais, enfin qu’il serait à propos de supprimer la taille et accessoires, et tous les autres impôts qui subsistent actuellement, et dont la perception coûte infiniment à l’Etat ; que pour remplacer tous les impôts, acquitter la dette de l’Etat, maintenir la splendeur du trône, il serait à propos : Premièrement, d’établir un impôt territorial, qui se payerait en argent, sur tous les biens-fonds du royaume, qui se lèverait par paroisse, comme la taille se lève actuellement, qui serait porté par quartier aux hôtels de ville qui les feraient passer directement au Trésor royal ; qu’à l’égard des immeubles, fictifs, dire que tous les propriétaires de ces sortes de biens contribueraient audit impôt territorial, en retenant par les débiteurs de ces rentes au prorata de l’impôt territorial ainsi qu’il se pratique pour le dixième ; Secondement, de laisser subsister la capitation, même l’augmenter si besoin, pour être levée dans chaque paroisse sur tous les habitants de cette même paroisse sans aucune distinction ni exemption, pour les deniers être pareillement portés aux hôtels de ville et de suite versés au Trésor royal. On observe qu’il y a dans les anoblis et le tiers-état beaucoup de riches commerçants qui ne possèdent presque point de biens fonds ou rentes et dont la fortune est employée dans leur commerce ; que cependant il serait juste qu’ils contribuassent aux charges de l’Etat. Pourquoi il serait à propos de laisser subsister l’impôt appelé industrie, même l’augmenter ; ces particuliers ne pourront se plaindre, puisqu’ils profiteront de la suppression de tous les impôts qui subsistent actuellement et qu’ils payent comme les autres sujets, tels que les droits d’aides, gabelles, tabac et autres. On observe que le vignoble d’Orléans est considérable et fait la principale richesse des campagnes de l’Orléanais, occupe bien des bras et fait une des principales branches du commerce; que cet hiver dernier les vignes ont été gelées, qu’il faudra les couper au pied et en arracher la majeure partie ; que le val de la Loire a été inondé par le débordement de cette rivière que plusieurs maisons ont été détruites; que presque tous les habitants du val ont perdu leurs charniers, leurs meubles, bestiaux et vins de la dernière récolte ; qu’il serait à propos de subvenir à leurs besoins par la décharge des impôts pour plusieurs années, de diminuer pour la suite [les impôts des paroisses qui ont été inondés, vu que les terres ont été dégradées et ensablées en partie. Enfin le droit de scel des jugements et sentences du présidial est ruineux pour le public et surtout pour les ouvriers, et autres gens du peuple qui demandent une modique somme de 50 livres, 100 livres, et si ce sont quatre héritiers ou impétrants, le droit de 4 livres 16 sols est quadruplé; Signé: Gallard , doyen, député; Lenormand, sous-doyen, député; Foucher le jeune, syndic, commissaire; Percher, commissaire; Carnayillier, syndic, commissaire. Le double a été joint au cahier de doléances du tiers état de la ville d’Orléans. Orléans, le 5 mars 1789. Signé : Grignon de Bonvalet, maire. CAHIER Dés plaintes et doléances de la communauté des conseillers du Roi , notaires au châtelet d'Orléans (1). Toutes les classes des sujets de Sa Majesté ont aujourd’hui le droit de se plaindre hautement et d’élever leurs voix contre les abus énormes et multipliés qui se sont glissés dans le royaume. Le souverain bienfaisant qui le gouverne vient d’autoriser la nation entière à recueillir de toute part les réclamations de tous ses sujets sans exception pour les porter au pied du trône et s’occuper des moyens de remédier à tous les maux. Les notaires, que l’exercice de leur profession rend en quelque façon les confidents de tous les citoyens, les dépositaires des secrets des familles, et par conséquent les témoins habituels des effets funestes des abus et des malheurs de l’opprimé, semblent être particulièrement à portée de mettre sous les yeux de la nation une grande partie des objets qui doivent en ce moment fixer son attention. Mais si d’un côté le patriotisme les engage à travailler à mettre au jour les ressources employées par le crédit de l’homme puissant pour accroître son opulence, étendre ses privilèges et rejeter le fardeau des dettes de l’Etat et du service de la société sur les classes inférieures, les causes des fortunes trop rapides, les dangers de la vénalité des officiers (sic) honorifiques et procurant la noblesse, la considération attachée uniquement à la fortune et l’humiliation et le découragement des sujets les plus utiles à l’Etat, enfin tout ce qu’ils aperçoivent de contraire à l’ordre social et à l’égalité qui doit régner dans une état libre, d’un autre côté, au moyen de ce qu’ils acquièrent de connaissances, particulièrement dans l’exercice de leurs fonctions et par la voie de la confiance que tous les ordres leur accordent, il semble qu’ils ne peuvent les développer qu’avec toute la réserve qui leur est imposée par la discrétion qui tient essentiellement à leur état. Sous ce dernier point de vue, les notaires d’Orléans croient devoir laisser au zèle éclairé d’une infinité de citoyens de l’ordre du (1) M. Maupré, archiviste en chef du Loiret, a eu la complaisance de nous envoyer une copie collationnéa de ce document.