405 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Pierre-Etienne Daslrel, seigneur de la Chabossière. André-Jacques Robert de La Voyrie, seigneur de laGros-setière. SÉNÉCHAUSSÉE DE VOUVANT, SÉANT A LA CHATAIGNERAIE. FAYE-MOREAU. Jacques-Louis Panon, seigneur de Faye-Moreau. Antoine Walch, seigneur de Chassenon. Louis-Henri Chantrau de la Jouberdrie, seigneur de Neufchaise. LA CHATAIGNERAIE. Alexis-René-Marie-Anne Moreau, seigneur du Plessis-Moreau. Henri-Modeste Briaud Le Bœuf, seigneur de Saint-Mars. Demoiselle Marie-Renée de Villiers de la Laurencie de la Roche, dame de Maillé. MOUILLERON EN PAREDS. Jean-Pbilippe-César Desprez de Montpezat, seigneur de la Grallière. Henri-Hélie Cossin, seigneur de Maurivet. René de Chouppes, seigneur de la Girardière. Charles-Gabriel Pidoux, seigneur de la Mosnerïe. SAINT-GERMAIN. Henri-Polycarpe Texier, chevalier de Saint-Germain. Dame Françoise de Béjarry. SAINT-HILA1RE-BE-VOUST. Jacques Gentet, seigneur de la Chevrelière. Honoré Bernardeau, seigneur de la Cossonière. SAINT-MARTIN -EARS. Marie-Thérèse-Victor de Mercier, chevalier, seigneur de Sain t-Marlin-Lars . Henri-Pierre-Benjamin de Bernon, seigneur de Puytumer. Charles-Louis-Désiré Seyères, seigneur de Champuy-dreaux . François -Prosper Pingot, seigneur de la Brechouère. SAINT-CYR-DES-GATS. Jean-Charles-Aimé de Philippes. Alexis des Roches. SAINT -SULPICE. Philippe-Cantin Lingier, chevalier, seigneur de Sainl-Sulpice. François-Joseph de Lauzon, seigneur de la Poupardière. François Perry, seigneur de Nieuil. THOUARSAIS. Charles-Henri Theronneau, seigneur du Fougeray. René-Gabriel Gaborin, seigneur de Puymain. Demoiselle Henriette-Fortunée-Jacquette de Salo, dame de la terre du Plessis. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances de l'ordre du tiers-état de la province de Poitou (1). PRÉAMBULE. Ecrasée sous le poids des impôts excessifs, courbée sous le fardeau plus accablant encore des abus qui se sont multipliés dans les différentes branches de l’administration, loin de céder à un flétrissant découragement, la province de Poitou n’en aura que plus de zèle et d’ardeur pour contribuer de toutes ses forces et se sacrifier, s’il le faut, à l’utilité commune et à la félicité ultérieure que tout promet à l’Etat. Bientôt régénéré dans toutes les parties, c’est du désordre inconcevable de nos finances, des (1) Nous publions ce cahier d’après l’ouvrage intitulé : Archives de l’Ouest, par M. A, Proust. [Province de Poitou.] vices d’une foule de nos lois, des abus et de la corruption de quelques-uns de nos usages, du sein même de nos divisions domestiques que va renaître un nouvel ordre de choses, capable de nous consoler de nos malheurs et de les détruire. Invariablement attachés au meilleur des rois et à la plus heureuse constitution, c’est en conservant avec soin cette constitution précieuse, c’est en la rendant fixe et durable, c’est en travaillant de concert à déraciner les abus nés dans toutes les parties que le roi et la nation resserreront encore davantage, s’il est possible, les liens de la confiance et de l’amour mutuel qui font leur force et leur félicité. C’est par là qu’ils feront reposer sur une base inébranlable la prospérité à laquelle la France a tant de droits par sa situation, la fertilité de son sol, l’active industrie de ses habitants et son attachement inébranlable pour ses souverains. C’est par là que la nation saura toujours se faire craindre de ses voisins jaloux de ses avantages. Pour conserver ces avantages, pour assurer à jamais la splendeur et la félicité de l’Etat, il faut surtout et avant tout affermir les fondements de la liberté publique, liberté également utile à la nation, dont elle nourrit la vigueur et l’énergie, et au souverain à qui il est infiniment plus doux, plus glorieux et plus sûr de régner sur des sujets libres qui l’aiment que sur des esclaves qui le craignent. Trop instruits par nos malheurs et par la funeste expérience du passé, on ne sera point en droit de nous reprocher une défiance hors de saison, lorsque nous demanderons que nos droits et privilèges soient consignés dans des titres solennels et inattaquables. Les altérations multipliées des droits de la nation, altérations qui n’ont pas moins fait le malheur de ses rois que les siens, nous imposent le devoir de prendre toutes les précautions que la prudence humaine peut suggérer. MANDAT IMPÉRATIF. Pour parvenir à ce but, il est essentiel que la province restreigne à certains égards fes pouvoirs de ses députés et qu’elle les mette par là dans l’heureuse impuissance de compromettre les droits de la nation. On demande en conséquence qu’il soit spécialement enjoint à ceux qui seront députés par le tiers-état de la province aux Etats généraux (en déclarant précisément les désavouer s’ils contreviennent à ce mandat spécial), de refuser leur consentement à l’imposition ou à la continuation d’anciens subsides, avant que les droits de la nation soient reconnus et constatés par une loi portée dans lesdits Etats généraux, et dont la promulgation précédera l’examen de toute autre matière, dans laquelle il sera solennellement dit entre autres choses : 1° Que le pouvoir législatif appartient conjointement au Roi et à la nation; 2° Que les Etats généraux ont seuls le droit d’assigner et fixer sur les demandes du Roi les fonds de chaque département, de consentir et répartir les subsides; 3° Que les Etats généraux seront tenus périodiquement de cinq ans en cinq ans, ou dans un moindre délai, si les Etats généraux le jugent nécessaire; 4° Que les députés aux Etats généraux ne pourront consentir la perception d aucun nouvel impôt, ni la continuation des anciens que pour l’in- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province de Poitou.] 407 [États gén. 1789, Cahiers.] tervalle du temps qui s’écoulera entre l’époque à laquelle les impôts seront consentis et celle à laquelle lesdits Etats généraux devront s’assembler de nouveau; 5° Que les Etats généraux détermineront leur organisation pour l’avenir sur les principes de l’égalité de la représentation du tiers-état à celle des autres ordres, qu’ils auront le droit de s’assembler aux époques par eux fixées, sans qu’il soit besoin de lettres de convocation; 6° Qu’il ne sera porté aucune atteinte à la liberté individuelle, si ce n’est dans une forme légale; que personne ne pourra être jugé que suivant les lois et par ses juges naturels; 7° Que tous les ordres réunis doivent contribuer, sans aucune distinction, exception ni modification, à tous les impôts et charges pécuniaires en proportion de leurs facultés. INSTRUCTIONS GÉNÉRALES. DOUBLEMENT DU TIERS. — VOTE PAR TÊTE. Après la promulgation de cette loi, les députés aux Etats généraux, sans être gênés par leurs pouvoirs qui, pour tout ne qui suit, auront toute l’étendue dont ils sont susceptibles, feront tous leurs efforts pour obtenir que les représentants du tiers-état soient en nombre égal à ceux du clergé et de la noblesse réunis, et que les voix soient comptées par tête et non par ordre, cette forme étant la plus propre à conserver les sentiments de conciliation qui doivent régner entre les députés, à faire taire l’esprit et les préjugés de corps et faire connaître plus exactement le vœu général. RÉFORME ÉLECTORALE. Ils demanderont que chaque sénéchaussée dé-ute directement aux Etats généraux, que le nom-re des députés soit proportionné à sa population et à ses contributions et que les élections se fassent par la voie du scrutin ; ils demanderont aussi que dans toutes les assemblées le tiers-état ait la faculté de se choisir un président et un secrétaire, puisque les deux premiers ordres jouissent de cet avantage et que cela est d’ailleurs nécessaire pour assurer la liberté des suffrages. ÉTATS PROVINCIAUX. Ils demanderont encore qu’il soit établi dans toutes les provinces du royaume des Etats particuliers, dont l’organisation sera déterminée dans l’assemblée nationale, de concert avec les députés de chaque province et de la manière la plus analogue à la position et à l’intérêt de chacune, de sorte que le tiers-état y ait toujours une représentation et une influence proportionnée à celle qu’il aura aux Etats généraux, et que le président en soit choisi alternativement dans les trois ordres par la voie du scrutin. Ges Etats seront chargés de l’administration de toutes les affaires de la province, ainsi que de la répartition et de la perception des impôts, afindela rendre moins arbitraire et moins onéreuse et de parvenir à des abonnements qui mettront à même de soulager les contribuables et de simplifier le code fiscal. CRÉATION D’UN COMITÉ NATIONAL DE SURVEILLANCE ET DE CORRESPONDANCE RECRUTÉ PARMI LES MEMBRES DES ÉTATS PROVINCIAUX. Aussitôt que les Etats demandés pour chaque province auront ôté établis, les députés demanderont l’établissement à Paris d’un comité national, composé de membres des trois ordres et pris dans les Etats provinciaux, selon la représentation actuelle des provinces aux Etats généraux et dans le nombre jugé nécessaire au service dont il sera chargé. Ce comité recevra les comptes des ministres, qui seront rendus publics par la voie de l’impression. Les membres de ce comité, renouvelés chaque année, toujours pris dans les Etats provinciaux et nommés par eux, seront autorisés à entrer en délibération avec les ministres du Roi, si quelques circonstances importantes et imprévues qui intéresseraient essentiellement l’honneur et la sûreté delà nation l’exigent, après toutefois qu’ils en auront donné connaissance aux Etats provinciaux ou à leurs commissions intermédiaires. Les Etats provinciaux adresseront au comité les instructions nécessaires, et ses délibérations ne pourront jamais être exécutées que provisoirement sous la condition expresse que le résultat en sera approuvé et sanctionné dans les Etats généraux suivants. FINANCES ET IMPOTS. DÉFICIT. — DETTE NATIONALE. L’Etat a des besoins qui ne sont que trop réels : il est constaté qu’il existe un déficit dont on n’a pas encore déterminé la profondeur, mais qui certainement est immense et que chaque jour accroît; nécessairement il s’agit de le remplir et de consolider la dette nationale. La gloire de l’Etat et l’honneur du nom français nous funt un devoir d’y satisfaire en prenant les précautions utiles à en prévenir le retour. En conséquence, les députés demanderont que la dette nationale soit discutée et reconnue à l’effet d’y proportionner l’impôt ; que l’emploi de ces subsides soit assuré et que la distribution en soit faite proportionnellement entre les trois ordres. Ce déficit connu et fixé ne peut être rempli que par des économies, des ressources extraordinaires ou de nouvelles branches de revenus. Il n’est pas besoin de dire qu’il faut avant tout rechercher des ressources. Ce vœu public ne saurait être incertain dans l’état de détresse où nous sommes réduits, et le Roi, en réformant sa propre maison, a fait éclater à ce sujet ses intentions et la bonté de son cœur. Indépendamment des réformes déjà faites, il en est encore beaucoup sans doute que les lumières des Etats généraux leur suggéreront; il en est même qui sont ou préparées ou annoncées depuis longtemps, mais qui ne sont pas encore accomplies. SUPPRESSION OU RÉDUCTION DES PLACES, PENSIONS, GRATIFICATIONS, ETC. La révocation des acquisitions et des échanges onéreux au trésor royal, la suppression ou la réduction des places inutiles, des appointements, pensions ou gratifications accordées sans de justes motifs, ou trop considérables, la réduction des dépenses dans toutes les parties qui en sont susceptibles diminueront encore les charges du trésor royal. La suppression des fermiers généraux, des receveurs et des administrateurs généraux et particuliers présente d’autres économies, en diminuant les frais de perception. Cette suppression trouvera de grandes facilités dans le nouvel ordre qui se prépare dans les finances; quand les Etats généraux auront fixé et fait la répartition de la masse des impôts, les différentes provinces, au lieu de paver à des receveurs particuliers des sommes indéterminées et qui augmentent en raison 408 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES de la progression des charges et de la misère publique, trouveront facilement des préposés qui se contenteront d’appointements fixes et modiques et verseront ensuite directement et sans autres frais leurs fonds au trésor royal. DOMAINES DE LA COURONNE. Les domaines de la couronne présentent une nouvelle ressource ; les réparations et la régie en absorbent presque totalement les revenus, et il est d’une utilité évidente qu’ils soient vendus sous l’inspection des Etats généraux. Le principe de l’inaliénabilité ne peut y former obstacle. Ce principe ne s’applique point à la nation assemblée, qui a incontestablement le droit de disposer et d’ordonner de la chose publique de la manière la plus convenable à l’avantagegénéral. On croit cependant devoir excepter de l’aliénation les forêts du Roi. La diminution des bois qui deviennent plus rares de jour en jour, les besoins de la marine, exigent que ces forêts restent entre les mains du gouvernement pour les administrer de la manière qui sera jugée la plus utile et la moins dispendieuse. En aliénant définitivement et sous la sanction des Etats généraux les domaines de la couronne, on croit qu’il est juste de rentrer en même temps en possession de ceux ci-devant aliénés ou engagés par le Roi, pour les aliéner de nouveau à des conditions plus avantageuses, si toutefois les possesseurs de ces domaines ne préféraient d’en fournir le supplément proportionné à la valeur actuelle, la plupart ayant été cédés à vil prix et la nation ayant toujours conservé le droit de les reprendre en remboursant les sommes déboursées. biens de l’église. Les biens l’Eglise présentent aussi de grands moyens, et si, sans diminuer le service des autels, on peut en appliquer une partie au soulagement de l’Etat, n’est-ce pas employer ces biens à leur véritable destination? Par cette raison, les députés aux Etats généraux demanderont que tous bénéfices consistoriaux, à l’exception de ceux à charge d’âmes, vacant ou venant à vaquer, soient mis en régie; que les revenus en soient versés dans une caisse particulière pour être employés, sous l’inspection des Etats généraux, à la libération des dettes de l’Etat ou à celles du clergé, si les Etats le jugent convenable. L’Eglise possède des rentes foncières sur lesquelles le gouvernement peut aussi faire une opération avantageuse sans être injuste en rendant une loi qui permettrait aux débiteurs delesamortir entre ses mains sur le pied du denier vingt-cinq ; il n’est presque personne qui ne profitât de cette faculté ; l’Etat se chargerait de constituer les rentes et emploierait les capitaux à l’extinction de ses dettes les plus onéreuses. On peut en agir de même pour les droits féodaux dus à l’Eglise. DES NOUVEAUX IMPÔTS. Si, malgré toutes ces ressources, il fallait un impôt, les députés veilleront principalement à ce qu’il porte sur les objets de luxe et surtout à ce qu’il ne soit pas mis un accroissement sur les tailles, qui sont excessives dans cette province ; ils représenteront en conséquence, aussi vivement que nous le sentons, la misère du peuple, l’excès énorme de ses charges, la désolation des campagnes et le danger d’achever la ruine de l’agriculture qui, dans un royaume aussi fertile, est le nerf et le soutien le plus sûr de l’Etat. Mais cette réclamation deviendra inutile si, comme PARLEMENTAIRES [Province de Poitou.] nous en avons la plus ferme espérance, la province obtient des Etats particuliers, puisqu’alors les Etats généraux ayant assigné et fixé les dépenses de chaque département et la masse totale des impôts directs et indirects, ils en feront la répartition entre les différentes provinces qui, à leur tour, les assigneront, répartiront et percevront à leur gré. DE LA CRÉATION INDISPENSABLE DES ÉTATS PROVINCIAUX. Profondément pénétrée de l’importance des Etats provinciaux, la province du Poitou charge spécialement ses députés d’en porter la demande au pied du trône et de l’appuyer de leurs plus vives instances. — De tous les objets d’administration, de tous les établissements particuliers, il n’en est peut-être aucun de plus utile et de plus fécond en avantages sans cesse renaissants. — Gouverné par des Etats provinciaux, le Poitou fera des efforts qui ne seront pas infructueux pour l’encouragement de l’agriculture et du commerce, l’établissement et le soutien des manufactures, l’ouverture des canaux de navigation, des établissements de bureaux de charité qui faciliteront la destruction de la mendicité, et généralement pour toutes les entreprises qui lui conviennent; il s’occupera surtout de l’ouverture, de l’entretien des routes et des chemins vicinaux, qui désormais seront ordonnés par ceux qui les ont continuellement sous les yeux, surveillés avec l'exactitude de l’intérêt personnel, et par conséquent exécutés avec la plus grande économie. La province, instruite de sa propre misère, s’empressera de diminuer les fonds accordés jusqu’à présent pour cet objet. Ces avantages ne seront pas les seuls que la province retirera de ses Etats. Instruite de la portion d’impôt qu’elle aura à supporter, elle en fera la répartition avec plus de justice et d’égalité. On désire même qu’elle fasse comprendre dans un seul rôle qui contiendra les noms de tous les redevables toutes les contributions, ce qui procurera le triple avantage de la simplicité, de l’économie et d’une perception plus facile. En faisant la répartition des impôts de la province, les Etats supprimeront aussi ceux qui leur paraîtront les plus odieux pour les remplacer par d’autres plus simples et moins arbitraires. C’est ainsi qu’ils pourront supprimer le droit de centième denier en succession collatérale, droit que le génie fiscal semble avoir inventé pour faire naître la fraude afin d’en recueillir la peine, puisque après avoir fait une déclaration qui n’est pas contestée et muni d’une quittance, le débiteur n’en a pas moins à craindre pendant une longue suite d’années des poursuites en payement d’omission, fausse déclaration, amende et double droit, et ne jouit par conséquent d’aucun instant de tranquillité. L’impôt des francs-fiefs offre précisément les mêmes abus ; dans l’état primitif, tous les biens avaient la même qualité ; aucune distinction n’était admise ; tout était roturier. La patrie n’a admis la différence des biens nobles et roturiers que pendant la domination féodale : c’est dans les crises fâcheuses de l’Etat que l’on a surchargé les biens roturiers et exigé des droits exorbitants sur la propriété des biens nobles possédés par le tiers-état. — Depuis la fin du treizième siècle jusqu’à la fin du règne Louis XIV, des édits bursaux ont établi le droit de franc-fief dans des temps malheureux; les dix sous par livre ont été le dernier poids dont on les a surchargés; la cupidité des traitants a fait varier ce [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province de Poitou.] 409 droit dans le principal et l’accessoire, de manière qu’un père de famille paye 750 livres pour un bien noble de 500 livres de revenu. La mort de ce père de famille donne encore une nouvelle ouverture à ce même droit, sans avoir égard aux rentes dont il peut être chargé; il est même bon d’observer que la même propriété se trouve grevée au même instant du droit de rachat que notre coutume accorde au seigneur à toute mutation de vassal, de sorte que la réunion de ces deux droits enlève aux pères et aux enfants quatre années de revenus. Les Etats provinciaux supprimeront aussi le droit d’aides, également onéreux par les frais de perception qui en sont inséparables, par les recherches vexatoires qu’il occasionne et par les procès multipliés et ruineux qu’il fait naître et qui sont portés à un point dont il est difficile de se faire une idée. Ces procès sont surtout occasionnés par la confiance excessive et dangereuse accordée à des commis toujours intéressés à trouver des contraventions, à multiplier les procès-verbaux, afin d’obtenir la confiance de la régie ordinairement peu scrupuleuse sur le choix des moyens et qui, trop souvent, ne cherche à effrayer le timide artisan que pour lui vendre plus cher sa tranquillité. Ils supprimeront de même l’impôt sur l’industrie, droit exorbitant et dont la dénomination même annonce la constitution vicieuse, puisqu’il ne peut avoir d’autres effets que d’étouffer l’industrie elle-même, et devient absolument arbitraire dans la répartition. Le droit de marque sur les cuirs, droit énorme par sa quotité portée à 15 p. 0/0, droit mal entendu par les inconvénients de la marque que l’on est obligé de conserver jusqu’à la fin, ce qui empêche de couper les cuirs de la manière la plus avantageuse et en fait perdre des portions considérables, droit vexatoire par la reconnaissance toujours difficile et souvent impossible, attendu la faculté qu’ont les cuirs de s’étendre et se resserrer, droit funeste à notre commerce et capable de donner tout l’avantage à l’étranger, tandis que l’apprêt des cuirs, au lieu d’être l’objet d’un impôt, semblerait mériter une prime d’encouragement, droit enfin vicieux de toutes manières, ainsi que le prouve un mémoire présenté l’année dernière au ministre par les Etats de la province. Le désir de conserver l’égalité des contributions qui doit régner dans les différentes parties de la province et d’ouvrir partout des passages libres à la circulation intérieure engagera sans doute les Etats provinciaux à demander la suppression des privilèges des marches communes du Poitou, qui blessenttrop évidemment cette égalité etgêne toute circulation, et à faire rentrer dans le gouvernement et généralité du Poitou les différentes parties de la province qui se trouvent enclavées dans des généralités étrangères. Les Etats provinciaux doivent aussi obtenir que leurs séances aient une durée proportionnée à leurs travaux, et on croit que cette durée serait trop courte si elle ne s’étendait au moins à six semaines. ÉLECTIONS MUNICIPALES. Les officiers municipaux étant particulièrement chargés de l’administration des affaires delà commune, il est conforme à la raison que les ch arges municipales soient électives dans toutes les villes et paroisses de la province et que la nomination à ces charges soit faite particulièrement tous les trois ans à la pluralité des voix de la commune, en la présence de laquelle les officiers municipaux sortant des charges seront tenus de rendre compte de l’emploi des deniers durant leur administration. CLERGÉ. Les Etats généraux ont souvent réclamé contre les tributs contraires aux libertés de l’Eglise gallicane que la cour de Rome lève sous divers prétextes sur les Français. On pourrait donc, sans renoncer à l’unité de l’Eglise, employer au payement des dettes de l’Etat les sommes immenses qui sortent chaque année du royaume pour les annates, obtentions de bulles, de dispenses et autres. Le bien de la religion exige que les évêques résident dans leurs diocèses pour veiller sur les mœurs du clergé et édifier les peuples par leur exemple. D’ailleurs les dépenses que font les évêques dans leurs diocèses vivifient les provinces, y répandent l’argent et procurent l’avantage d’une consommation rapprochée ; enfin les évêques trouvent dans leurs diocèses moins d’occasions d’employer leurs revenus en superfluités que dans la capitale, et il leur reste conséquemment plus de moyens pour soulager les pauvres. Ainsi il est essentiel de tenir la main à Inexécution des canons et des ordonnances du royaume, et de solliciter une nouvelle loi qui autorise à saisir et à distribuer les revenus des évêques aux pauvres pendant le temps de leurs absences ; et comme les biens de l’Eglise sont essentiellement le patrimoine des pauvres, que les ecclésiastiques n’en sont que les dispensateurs et doivent, suivant les anciens canons, ne prélever que ce qui est nécessaire pour les entretenir décemment et distribuer le reste aux pauvres; qu’enfîn il est contraire au vœu de la religion que les ecclésiastiques de la première classe vivent dans la plus grande abondance, tandis que les vénérables pasteurs qui supportent le poids du service et qui exposent souvent leur santé et leur vie pour assister les mourants et leur donner les consolations de la religion, ne retirent pas même des biens ecclésiastiques une honnête subsistance, les députés demanderont qu’il soit prélevé sur les archevêchés, évêchés, abbayes et autres bénéfices des fonds suffisants pour procurer aux curés et à leurs vicaires une augmentation convenable de revenus, à la charge par eux de ne plus faire de quête ni demander de casuel. Ils demanderont aussi la destination des prébendes particulières pour les curés et vicaires infirmes et indigents ; ils demanderont encore que les Etats généraux s’occupent de la réduction des revenus trop considérables des archevêchés, évêchés et autres bénéfices, afin que ces revenus soient employés aux réparations des églises et des presbytères, à l’établissement d’ateliers de charité pour le soulagement des pauvres, et des écoles gratuites pour J es campagnes pour l’instruction de la jeunesse, lesquels fonds seront sous l’administration immédiate des Etats particuliers de chaque province. DROITS DE BOISSELAGE. Le droit de boisselage étant un droit révoltant, les députés proposeront aux Etats généraux de prononcer sur l’abolition de ce droit ou d’autoriser les Etats provinciaux à faire à cet égard tous règlements convenables. L’incertitude de la jurisprudence et les contrariétés des arrêts modernes sur le fait des mesures et vertes dîmes de toute espèce, telles que celles qu’on lève ou qu’on prétend être en droit de lever sur les prairies naturelles et artificielles, trèfles, luzerne�/ sainfoins, i 410 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province de Poitou.' colzas, pommes de terre et autres fruits de nouvelle culture, entraînent des procès ruineux. Ces fruits étant particulièrement destinés à la nourriture des bestiaux aratoires dont le décimateur partage le produit, il serait important d’y remédier par un règlement qui fixât d’une manière certaine les droits des décimateurs et des redevables et qui réduisît les dîmes aux gros fruits. FONDATIONS D’HÔPITAUX. — VENTE DES RIENS DES MONASTÈRES. " Chaque arrondissement doit naturellementvenir au secours de ses pauvres; la déclaration du Roi de 1764 a des dispositions précises pour détruire la mendicité étrangère; il est donc indispensable que les députés sollicitent des établissements dans chaque ville et gros bourg, et, pour y parvenir, ils doivent demander le retour des différentes aumônes remises aux hôpitaux, la réunion des petits bénéfices simples situés dans l’arrondissement. et demander que ces réformes se fassent par les paroisses ou fabriques sans aucune autre formalité que celle de l'homologation des délibérations des paroisses sur la gestion royale. Un grand nombre de monastères d’hommes répandus dans cette province, monastères dans lesquels il n’y a que deux ou trois religieux pour consommer un revenu considérable, devrait être supprimé, les religieux renvoyés dans d’autres monastères pour compléter la’conventualité ordonnée par l’article 7 de l’édit du mois de mai 1768 et l’article 17 du titre 1er de l’arrêt du conseil du 25 avril 1783, rendu pour l’ordre de Gîteaux. Leur suppression produirait des sommes immenses pour acquitter les dettes du royaume, puisqu’on pourrait ordonner la. vente des” biens de ces mêmes monastères. Il y a eu plusieurs cessions d’abbayes et autres bénéfices à différents séminaires pour le soulagement des pauvres pères de famille, afin de procurer à leurs enfants une pension franche dans ces pieuses écoles ; mais ces places ne sont accordées qu’à la protection ; c’est un abus à réformer. Il est quelquefois des élèves qui obtiennent ces places par leur mérite, mais on les y voit avec regret et on les traite avec mépris. On ne connaît point l’administration de ces revenus; il serait instant d’obliger les séminaires d’en rendre compte devant les Etats provinciaux, et il serait urgent de régler les pensions franches qui seraien t accordées publiquement par lesdits Etats aux plus méritants des élèves pauvres. NOBLESSE. Cet ordre très-ancien et cependant bien moins respectable par sa haute antiquité que par les sentiments d’honneur, de désintéressement et de courage qui le caractérisent, mérite et obtiendra toujours tous les égards qui pourront s’accorder avec la justice. On le verra d’ailleurs sans jalousie conserver toutes les préséances et prérogatives que le tiers-état n’entend point lui contester, et puisqu’on lui demande de renoncer à ses privilèges pécuniaires, il faut le délivrer des entraves qu’il a reçues dans des temps de barbarie, et dont les lumières du siècle doivent le dégager. On croit en conséquence que les députés de la province aux Etats généraux doivent provoquer une loi qui permette à la noblesse de se livrer sans déroger à tous les genres d’occupations et à toutes les professions ouvertes au tiers-état. Cette demande est de justice rigoureuse; puisque tous les citoyens partagent les charges publiques, ils doivent avoir les mêmes ressources. En offrant ces nouvelles ressources à la noblesse, on croit qu’on doit en meme temps chercher à la rappeler à sa pureté primitive que sa multiplication excessive et sans choix a considérablement altérée ; elle ne doit plus être avilie et prodiguée sans distinction à la faveur et à la fortune ; en conséquence, la noblesse ne doit plus être attribuée à différentes charges. JUSTICE ET POLICE. L’administration de la justice étant une dette du souverain envers les peuples, devrait être gratuite, et, par une suite naturelle, la vénalité des charges devrait être entièrement et pour jamais abolie ; mais si la situation des finances ne permettant pas pour le présent de se livrer à cette idée, au moins serait-il nécessaire d’employer tous les moyens possibles pour que la justice fût moins dispendieuse et plus prompte. Ce principe posé, il est nécessaire de rapprocher les juges des justiciables et d’ériger à Poitiers un parlement pour éviter aux habitants de cette province les déplacements ruineux et la perte de temps que leur occasionne l’éloignement du parlement de Paris. 11 est à propos que la moitié des membres de ce parlement soit prise dans l’ordre du tiers, afin qu’il soit en équilibre avec les deux autres ordres et qu’il ne soit plus exposé à être la victime des ménagements, de la faveur ou de la prévention trop commune à toutes les classes de citoyens pour ses pairs. Il est encore nécessaire que les places y soient électives, tant pour la première formation que pour les remplacements successifs, et que cette élection soit confiée aux Etats provinciaux. Il est également essentiel d’augmenter la compétence en dernier ressort de toutes les sénéchaussées royales et de la porter jusqu’à la somme de 1,000 livres, afin que les justiciables ne soient plus obligés d’aller plaider au loin pour des objets d’un médiocre intérêt, à la charge toutefois que les jugements en dernier ressort seront rendus par sept juges au moins. Ces arrondissements étant encore insuffisants pour rapprocher les justiciables de leur juges, il est d’une nécessité urgente que les députés demandent avec la plus vive instance qu’il soit créé de nouveaux bailliages et sénéchaussées dans les lieux principaux où ils seront jugés nécessaires. Leur arrondissement serait fait suivant la convenance des lieux et Futilité des justiciables. Le même avantage des justiciables fait désirer que les députés sollicitent' une loi qui renouvelle les dispositions des anciennes ordonnances qui obligent les officiers des seigneurs de résider au chef-lieu de la justice, qui leur défendent d’être fermiers ni régisseurs des seigneurs. Il est à dédésirer aussi que toutes les justices qui ne sont pas assez étendues pour attacher les officiers sur** les lieux soient supprimées ainsi que celles qui existent dans les villes où il y a des sièges royaux, et que, dans tous les cas, il soit permis aux justiciables de se pourvoir devant le juge supérieur sans que les seigneurs puissent s’y opposer; et afin que les juges sortent de la dépendance des seigneurs, que leurs offices soient déclarés inamovibles. La population et l’importance des paroisses qui se trouvent éloignées des sièges royaux exigeant la présence d’un officier public pour le maintien de l’ordre et de la police, il semble qu’il serait à propos d’y établir un juge de paix dont la principale fonction serait de prévenir les procès en conciliant les parties. Cet officier serait pris parmi les membres de la municipalité, nommé par elle et amovible tous les trois ans. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province de Poitou.] 411 Cet établissement honore la Prusse et manque à l’humanité des Français. Le maintien de l’ordre naturel, qui veut que le cours de la justice soit libre sans acception de personne, exige la suppression de toutes les attributions particulières, droit de committimus et lettres d’évocation, ces sortes de privilèges étant toujours en faveur de l’homme puissant et au détriment du faible, qui se voit soustrait à ses juges naturels pour être traduit devant des juges étrangers et éloignés. SUPPRESSION DES INTENDANTS. Le ministre des finances, qui, par son génie et ses vertus, est devenu l’objet de la confiance et de la vénération publique, disait au Roi en lui parlant des intendants : « Votre Majesté peut aisé-« ment se faire une idée de l’abus et presque du « ridicule de cette prétendue administration : il « vient au ministre des plaintes d’un particulier' « ou d’une province entière, que fait-on? On com-« munique à l’intendant cette requête. Celui-ci, « en réponse, en conteste les faits ou les expli-« que toujours de manière à prouver que tout ce qui « a été fait par ses ordres a été bien fait. Alors on « écrit au plaignant qu’on a tardé de lui répondre « jusqu’à ce qu'on eût pris une connaissance « exacte de son affaire, et on lui transmet comme « un jugement réfléchi du conseil la simple ré • « ponse de l’intendant. » Ce tableau frappant et trop vrai des abus d’une administration arbitraire confiée à un seul homme fait désirer à la province la suppression de la juridiction des intendants, et les députés chargés de présenter ce vœu éprouveront d’autant moins d’obstacle pour le faire accueillir favorablement, que l’établissement des Etats provinciaux offrira au monarque et à ses sujets des moyens plus sûrs de conserver entre eux cette correspondance d’amour et de confiance si nécessaire pour leur bonheur mutuel. RÉFORMES NÉCESSAIRES A LA JUSTICE. Il est pareillement nécessaire de réformer et de réduire à un nombre modéré et suffisant les ministres inférieurs de la justice, qui ne vivent qu’aux dépens du malheureux. La simplification des formes judiciaires, les réformes nécessaires sur la multiplicité des droits perçus sur les actes, sur les vacations, et la refonte des ordonnances civiles et criminelles, des ordonnances de police, des règlements des eaux et forêts exigeant une longue discussion, si les Etats généraux ne peuvent dès ce moment s’occuper de ce travail, ils doivent confier le plan de cette réforme à des commissaires éclairés qui seront vivement frappés de l’inégalité et de la disproportion dans les peines; le travail de ces commissaires sera soumis ensuite à la révision de l’assemblée nationale. LOI SUR LES BANQUEROUTES. — TRIBUNAUX CONSULAIRES. L’intérêt du commmerce exige aussi que les députés demandent une nouvelle loi qui ordonne que celles concernant les banqueroutes frauduleuses soient observées et exécutées avec plus de rigueur et que la compétence des juridictions consulaires soit augmentée jusqu’à tel degré qui sera fixé par les Etats généraux. RÉVISION DES COUTUMES LOCALES. Les habitants du Poitou désirent depuis longtemps la révision de leurs coutumes, dont plusieurs articles ont été adoptés dans des temps d’ignorance et d’anarchie ; le progrès des lumières et de la raison fait espérer que cette réformation n’éprouvera point de difficulté et qu’elle sera confiée à des commissaires intègres qui y procéderont en présence et sur l’avis des députés des trois ordres. SUPPRESSION DES DROITS SUR LES OFFICES DE JUD1CATURE. Les magistrats , qui sacrifient leur fortune et leurs veilles au service de la patrie sans retirer la moitié de l’intérêt du prix de leurs charges, ne doivent pas encore être obligés de verser au trésor royal un droit exorbitant pour conserver la faculté d’èu être remboursés; en conséquence, les députés demanderont la suppression du centième denier sur les offices de judicature. RÉDUCTION DES DROITS DE CONTRÔLE. Les droits excessifs�et arbitraires du contrôle, si nuisibles à l’administration de la justice et du commerce, seront aussi réduits et consignés dans un tarif dont la clarté et la précision assureront une perception simple et modérée. SUPPRESSION DES JURÉS-PRISEURS. De nouveaux édits ont créé des offices dejurés-priseurs. Ce système ôte au citoyen la liberté de vendre ses meubles et effets; il lui faut payer les quatre deniers par livre sur le produit des ventes, droit qui nuit aux intérêts des particuliers et surtout à ceux des mineurs. La suppression de ces offices et des droits qui y sont attachés est réclamée avec justice en remboursant le prix à ceux qui les ont levés. FACULTÉS DE DROIT. Ces suppressions, ces réformes ne suffisent pas à l’intérêt des peuples pour ne les plus exposer au malheur d’être jugés par des magistrats peu instruits ; il serait nécessaire de réformer les facultés de droit; il serait nécessaire en outre que l’assiduité des professeurs et celle des étudiants fût surveillée de plus près et que les études fussent constatées par des examens et des épreuves plus sévères. PEINES CORPORELLES. Le soulagement de l’humanité ne rend pas moins important de demander que les lois qui admettent la conversion des amendes pécuniaires en peines corporelles soient supprimées. RÉGIME HYPOTHÉCAIRE. L’édit de 1771 concernant les hypothèques présente des obscurités qui ont donné lieu à une infinité de discussions. Les cours souveraines ont rendu des arrêts contraires sur différentes questions qui résultent de ses obscurités ; en conséquence, les députés demanderont des lettres patentes en interprétation des articles controversés: 1° que le délai de deux mois pour le dépôt du contrat soit prorogé à trois mois ; 2° qu’indépen-damment des formalités déjà existantes pour la publicité des contrats, il soit ordonné que le contrat soit affiché à la porte de l’église du domicile du vendeur, et qu’il soit suffisant d’en faire certifier le procès-verbal par le juge ou par le premier officier de la municipalité du lieu, qui sera tenu de le faire sans frais ; le vœu général le sollicite ainsi. EMPÊCHEMENTS DE MARIAGE. Le même motif nous engage à demander la suppression de l’homologation devant le juge 412 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province (le Poitou.] rova], de la nomination des tuteurs aux mineurs, pour les autoriser à contracter mariage. Cette formalité, outre qu’elle est coûteuse, est absolument inutile, puisque le siège royal ne peut, sous quelque prétexte que ce soit, se refuser à prononcer cette homologation. En sollicitant la suppression de cet abus, les députés aux Etats généraux sont priés de peser dans leur sagesse toutes les lois relatives au mariage, et d’empêcher que les frais ne puissent jamais gêner personne dans cette voie de la nature et d.e la bonne politique. FÉODALITÉ. La liberté fut dans tous les temps la base et la mesure de la prospérité des empires. Si, pendant plusieurs siècles, la France alangui dans l’ignorance, l’anarchie et la confusion, ces siècles furent ceux du régime féodal, où les seigneurs, se jouant de l’autorité qu’ils avaient usurpée, écrasèrent sous une égale servitude les biens et les personnes. Les temps odieux de la servitude personnelle sont enfin disparus, ou, si, dans quelques parties du royaume, le droit de mainmorte exerce encore son empire, ce droit flétri dans l’opinion publique, et que le Roi lui-même a déjà proscrit dans ses propres domaines, ne peut manquer de disparaître bientôt à son tour. Il reste donc à détruire la servitude foncière, moins révoltante sans doute dans l’ordre de la nature, mais peut-être aussi nuisible dans l’ordre social. Personne n’ignore qu’à l’exemple du commerce, l’agriculture tire son principal encouragement de la franchise et de la liberté ; on ne cultive qu’à regret l’héritage dont on doit partager les productions, tandis qu’on prodigue ses soins à la terre dont on est sûr de recueillir tous les fruits. L’intérét de l’agriculture exige donc qu’on rende à la terre sa liberté : l’ordre et la tranquillité des familles le demandent également. Vainement chercherait-on les moyens de tarir la source des procès qu’enfante la tyrannie féodale, souvent pour l’objet le plus mince. Vainement chercherait-on à inspirer à tous les citoyens l’esprit d’union et de bonne foi que l’existence de ces droits altère trop souvent. Quelle que soit l’origine de ces droits féodaux, ils existent ; les coutumes les ont consacrées, et à ce titre on doit les regarder comme une propriété. Si on prive les seigneurs, ce ne doit être qu’à la charge d’un rachat qui les indemnise. Le rachat n’est pas une chose injuste ; l’Etat a le droit de régler la forme des propriétés de la manière la plus avantageuse au bien commun. Longtemps on a vu les rentes sur les maisons de ville inamortissables ; le seul motif de l’embellissement des villes en a fait ermettre le rachat. L’intérêt bien plus vaste et ien plus puissant de l’agriculture et de la richesse de l’Etat exige impérieusement une loi pareille pour les droits féodaux personnels ainsi que pour les redevances nobles et foncières ; que la maxime : nulle terre sans seigneur, soit abolie, ainsi que les droits de banalités qui asservissent plus les personnes que les lieux et pèsent singulièrement sur le tiers. La tranquillité publique, si souvent troublée par les demandes en validité et les procès énormes qui en résultent, doit également porter à demander la suppression de cette espèce d’action. Les mômes motifs déterminent la province à demander que, jusqu’au rachat des droits féodaux, les seigneurs ou leurs fermiers soient tenus de recevoir en acquit de rentes seigneuriales les grains tels qu’ils auront été recueillis sur les domaines sujets à redevances, pourvu qu’ils soient nets et marchands, afin de faire cesser les abus qui à cet égard ont prévalu sur la loi. La même raison réclame contre les droits d’indemnité, prétendus parles seigneurs, lorsque les terres sujettes envers eux au droit de terrage ne sont pas ensemencées conformément à la coutume. Il est donc juste de solliciter une loi qui ordonne que l’action pour indemnité de non-culture sera prescrite après l’année expirée, si le seigneur ne l’a pas conservée par une sommation préalable, la contrariété des saisons et le mélange des seigneuries ne permettant pas toujours de remplir l’obligation imposée par la coutume. D’ailleurs il est conséquent de proroger à 29 années la poursuite d’une indemnité représentative d’un droit qui n’arrérage pas. L’intérêt de l’Etat exige encore que les droits d’échange qui mettent tant d’obstacles à l’agriculture et au commerce des biens, soient supprimés, sauf l’indemnité proportionnée pour les seigneurs qui les ont acquis. Il est un autre abus dont les effets retiennent l’essor de l’agriculture. Les garennes placées au centre du champ que le cultivateur couvre de ses sueurs, les fuies dont les volées innombrables dévorent les semences à peine confiées à la terre devraient être détruites, ou du rrioins le cultivateur autorisé, par suite du droit naturel, à repousser par la force tous les ennemis de ses moissons. LIBERTÉ DE LA PRESSE. Après avoir porté une réforme sévère, et établi l’ordre le plus avantageux de l’administration , les dépufés devront solliciter avec force la liberté indéfinie de la presse. Lorsque la province réclame cette liberté, elle n’entend pas que tout écrivain puisse impunément calomnier et outrager qui bon lui semble et se permettre d’odieuses personnalités; elle demande seulement que l’auteur d’un écrit relatif à quelque matière que ce soit, puisse le faire imprimer et exposer librement au jugement du public, et que si cet écrit contient des choses répréhensibles, il ne soit tenu d’en répondre qu’après l’impression et devant ses juges naturels. MILICES. — INSCRIPTION MARITIME. C’est aujourd’hui une vérité reconnue, que nulle distinction pécuniaire ne doit subsister entre les divers ordres de l’Etat. Comme cette maxime serait violée si l’on conservait la milice à laquelle le tiers-état est seul sujet, il sera du devoir des députés d’en demander la suppression. Les mêmes motifs, et de plus puissants encore, sollicitent la suppression des canonniers garde-côtes et des canonniers auxiliaires de la marine. C’est une institution récente, dont le but est de compléter le nombre des matelots nécessaires à la marine royale, par des hommes pyis au sort dans les paroisses voisines de la mer. C’est une sorte de peine qui devient de plus en plus l’effroi de ces paroisses, à qui elle ravit sans retour des bras précieux à l’agriculture et aux arts. On ne fait point à volonté un matelot d’un paisible laboureur ou d’un artisan ; ce dur métier demande la réunion de plusieurs qualités indispensables et surtout une constitution dirigée vers cet objet par l’éducation. Mais si des considérations politiques semblent exiger la conservation de tous ces corps militaires, il faudrait au moins céder au vœu de la raison, et supprimer toutes les injustes exemptions, dont l’effet est de ravir ou de faire payer à un prix excessif, au cultivateur, quelques do- (États gén. 1789. Cahiers.] . ARCHIVES P mestiques nécessaires, et d’en procurer à bas prix une foule d’inutiles, à l’ecclésiastique et au noble. UNIFORMITÉ DES POIDS ET MESURES. Les avantages qui reviendraient à l’agriculture. au commerce, aux manufactures, à l’industrie, aux arts, à toutes les professions et à tous les individus de l’uniformité des poids et mesures dans tout le royaume déterminent la province à réclamer l’adoption de cette mesure. On croit ne pouvoir points’attendre à l’opposition des seigneurs de fiefs à ce sujet; on aime à penser qu’ils sacrifieront sans répugnance, à l’utilité générale et publique, des droits purement honorifiques et qui d’ailleurs ne trouveraient pas grâce aux yeux de la raison et d’une saine politique. Le droit de régler les poids et mesures qui sont d’usage dans le commerce étant intimement lié à la police de l’Etat, est essentiellement inhérent à la souveraineté, et le souverain qui le concède ou plutôt qui en a toléré l’exercice est toujours fondé à le reprendre lorsqu’il voit que ce droit contrarie l’ordre public et l’harmonie de la société générale. RECULEMENT DES BUREAUX DES TRAITES. Le reculement des douanes aux frontières du royaume et la formatio.n d’un tarif clair, précis et uniforme, doit aussi être l’objet des réclamations des députés. La France, bornée dans la plus grande partie de sa circonférence par deux mers, un grand fleuve et des montagnes presque inaccessibles, n’est ouverte que d’un côté. Cette situation géographique devrait suffire seule pour déterminer à supprimer les bureaux des. traites intermédiaires et à les placer aux frontières, puisqu’il est évident que la difficulté de l’exportation et de l’importation des marchandises et denrées par les lieux d’un accès incommode, favoriserait la surveillance du fisc et diminuerait le nombre et le salaire de ses employés. SUPPRESSION DES GABELLES. La suppression des gabelles délivrerait d’une guerre intestine les provinces sujettes à cette imposition et les pays qui sont limitrophes ; elle rendrait à l’agriculture, au commerce et aux arts les bras des fraudeurs et des préposés à réprimer la fraude. Le moyen de remplacement qu’on va proposer ajouterait à ces avantages : qu’on calcule ce que les gabelles font rentrer dans les coffres du Roi, ce qu’elles coûtent en frais de perception et la valeur du sel qu’on fournit ; ce capital formé, qu’on déduise des gabelles le montant du sel qu’on leur délivre et qu’elles auront la liberté d’acheter -, qu’ensuite on leur fasse payer la somme réduite, c’est-à-dire le produit net qu’elles donnent au Roi et les frais de perception qu’elles imposeront sur elles, soit comme accessoires dans les rôles de tailles ou de telle autre manière que les Etats provinciaux jugeront convenable. Par cette opération, les provinces de gabelle réuniront auxpremiers avantages de la suppression celui de confondre à leur profit le bénéfice que le traitant fait sur elles, et le trésor royal y gagnera tous les frais de perception. Ce bénéfice conséquent diminuera d’autant la dette nationale. Cette manière d’opérer, évidemment lucrative, est marquée au coin de la justice. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer que, dans la distribution de la masse générale de la taille, on a pris en considération les frais immenses de perception que supportaient les provinces de gabelle ; qu'en conséquence, pour balancer la somme de leurs impositions à ieurs forces, on ne leur a ÉLÉMENTAIRES. [Province de Poitou.] 413 donné qu’une mince portion détaillé, et le surplus de ce qu’elles auraient dû supporter a été réparti à leur décharge sur les pays rédimés. Par cette voie indirecte, ces derniers pays n’ont conservé que le nom de rédimés, tout en perdant les effets de leur rédemption par l’assujettissement à la portion de taille épargnée aux provinces de gabelles, et cette portion de taille est, pour les pays rédimés, la représentation des frais de perception que payent les provinces de gabelles. Si on comprend dans 1’abonnement général qui aura lieu pour les pays rédimés la taille qu’ils payent actuellement, il est juste de comprendre dans celui qui aura lieu pour les provinces de gabelles le montant des frais de perception qu’entraîne cette imposition. Le commerce des sels doit être rendu à sa liberté naturelle et primitive : il recevra de cette liberté une activité nouvelle qui contribuera au bien de l’Etat, et si une réforme salutaire n’était pas apportée dans cette partie, la ruine entière de ce commerce serait inévitable. Déjà l’avilissement des prix des sels dans le bas Poitou a forcé les propriétaires d’abandonner la culture de leurs salines, et le découragement devient de jour en jour plus général. La suppression des gabelles entraîne nécessairement celle de la régie du tabac, et les députés sont chargés de la solliciter. MAITRISES ET JURANDES. La province invite également ses députés à représenter vivement les funestes effets que produisent les maîtrises et jurandes par rapport aux ouvriers, dont plusieurs sont dans l’impossibilité de prendre ou de continuer leur métier par le défaut de sommes nécessaires pour payer lesfrais des droits de réception. Ils feront valoir les principes d’équité, de morale et de politique consignés dans l’édit du mois de février 1777 et attesteront qu’on a trompé l’autorité lorsqu’on lui a fait dire, dans l’édit du mois d’août de la même année, que les droits et frais, pour parvenir à la réception dans les corps et communautés réduits à un taux très-modéré et proportionné au genre et à Futilité du commerce et de l’industrie, ne seront plus un obstacle pour être admis dans les corporations. En conséquence, les députés demanderont la suppression des maîtrises et jurandes, à la charge seulement que celui qui voudra exercer un métier sera tenu de se faire inscrire sans frais sur un registre de la police. INTÉRÊT DE L’ARGENT. L’agriculture, le commerce, les arts et toute industrie en un mot ne peuvent se développer, ni former d’entreprises utiles sans avances et sans capitaux. Les transactions journalières .qui sont faites pour se procurer des capitaux ne laissent pas que d’être gênées par nos, ordonnances qui défendent de retirer les intérêts d’une somme dont la propriété n’est pas aliénée. L’inobservation habituelle de ces lois, qui ont pu être utiles autrefois, prouve qu’elles contrarient maintenant le vœu général. L’expérience et la saine politique enseignent qu’il faut rendre les emprunts plus faciles, en les débarrassant de toutes formalités. Le meilleur moyen de parvenir à ce but est de provoquer une loi qui autorise l’intérêt des sommes prêtées sur de simples billets exigibles à terme. L’effet de cette loi ne peut être que d’imprimer à la circulation en numéraire un mouvement vif et rapide propre à ranimer l’essor de l’industrie française et à compenser les désavantages qu’elle ressen [Province de Poitou.] 414 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de ce que le taux de l’intérêt est plus bas chez les nations étrangères que parmi nous. MARÉCHAUSSÉES. Instituée pour faire respecter les lois de la société, pour veiller au maintien de la sûreté et de la tranquillité publique, la maréchaussée, par l’ordre et l’activité de son service, remplit aussi parfaitement qu’il est possible le but de son établissement. Les brigades de ce corps, dispersées sur une trop grande étendue, n’étant pas proportionnées aux besoins de la province, les députés demanderont une augmentation de brigades suffisantes pour maintenir le bon ordre. Ces nouveaux établissements ne deviendraient pas onéreux aux provinces en supprimant les inspecteurs des maréchaussées et en déférant l’inspection de ce corps aux Etats provinciaux. PASSEPORTS. L’expérience a dévoilé un abus qui produit des désordres, et dont la province demande la réforme. Les passeports dont les vagabonds ont la précaution de se munir ne sont le plus souvent revêtus que d’une simple signature ou de cachets inconnus aux officiers de la maréchaussée. Ce défaut d’authenticité, qui entraîne après lui des surprises contraires au bien public, fait désirer que ces passeports soient à l’avenir délivrés gratuitement et qu’ils soient munis d’un cachet uniforme par tout le royaume, qui serait changé de temps en temps et envoyé à toutes les maréchaussées. ÉCOLE MILITAIRE. Les ordonnances militaires nous paraissent contenir quelques dispositions contre lesquelles le tiers-état du royaume élève un cri général. Les unes sont celles qui affectent aux seuls enfants de la noblesse le titre d’élèves de l’école royale militaire et six cents places, dans dix collèges ou pensionnats tenus par des ordres religieux ou des congrégations ecclésiastiques, dans lesquels ils sont élevés aux frais du Roi jusqu’à quinze ans. A cet âge, ceux qui se destinent à la profession des armes sont placés parmi les cadets gentilshommes établis dans les différents corps de troupe. Ceux qui sont appelés à la magistrature ou à l’état ecclésiastique sont envoyés ou entretenus dans d’autres collèges, jusqu’à ce qu’ils soient reçus, les premiers, licenciés endroit, les seconds, docteurs en théologie. L’exclusion prononcée contre le tiers des lieux destinés à former des citoyens est une flétrissure injuste et qu’il n’a pas méritée. Les mêmes motifs qui parlent en faveur des enfants de la noblesse militent en faveur des siens, puisque tous les pères ont consacré leurs jours, sacrifié leurs biens et prodigué leur sang au service de la patrie. Cette exception est d’ailleurs onéreuse à l’ordre du tiers et contraire à ses intérêts pécuniaires. En conséquence, les députés demanderont avec instance que le tiers-état soit admis à toutes les dignités et à toutes les prérogatives de la noblesse. HARAS. L’établissement des haras dans les provinces prouve chaque jour qu’il en résulte des avantages dignes d’être pris en considération. L’agriculture mérite à tous égards des encouragements. Les découvertes essentielles faites par les agriculteurs et les gardes-haras doivent être rendues publiques. On sollicite avec empressement des gratifications pour ceux qui se distingueront dans l’une ou l’autre partie, et, pour la satisfaction publique et l’encouragement, il est important que le public soit informée des gratifications qui seront accordées par les Etats provinciaux auxquels cette administration sera confiée. LOGEMENT DES GENS DE GUERRE-Les fournitures pour les casernements et logements des gens de guerre doivent être supportées par les trois ordres. PROTESTANTS RÉFUGIÉS. L’administration des biens des fugitifs, dont nous voudrions oublier la source, devait cesser depuis l’édit qui a rendu à la société des hommes qu’un zèle outré en avait séparés en envoyant nos frères, leurs héritiers ou représentants en possession des biens de leurs familles. En conséquence, les députés demanderont que les biens qui se trouvent saisis soient restitués à leurs héritiers ou représentants ; que la régie chargée d’en percevoir les revenus soit supprimée, et que jusqu’à la justification de la qualité d’héritiers, cette régie soit confiée aux Etats provinciaux. PROPRIÉTÉS DES CLOTURES DES CHAMPS. Les habitants de cette province sont justement alarmés par les prétentions de plusieurs seigneurs de l’Anjou. C’est en vain que dans ladite province le propriétaire cultive sur les extrémités de son champ les arbres qu’il a plantés, et qu’il en perçoit les fruits ; cette jouissance non contestée n’assure pas encore la propriété. Le seigneur se croit en droit de s’en emparer sur le fondement qu’ils sont sur les chemins situés dans sa justice. Déjà le conseil du Roi a été frappé de ces réclamations. Les commissions intermédiaires des administrations provinciales d’Anjou et de Poitou, touchées de l’injustice de ces demandes des seigneurs, sont intervenues pour les faire rejeter. Les députés seront donc chargés de présen ter le vœu du Poitou à cet égard et d’employer tous leurs efforts pour faire anéantir des prétentions que l’exemple de l’Anjou a déjà fait naître dans la province, quoique ce procédé soit si évidemment contraire à l’agriculture, à la propriété et à la tranquillité publique. COMMISSAIRES A TERRIERS. Ils demanderont aussi que les lettres patentes du 20 août 1786, concernant les droits des commissaires à terriers, soient révoquées et que les anciens règlements à cet égard soient renouvelés, afin de diminuer et réduire à un taux modéré des droits qui sont devenus excessifs et ruineux. LES EXEMPTÉES DE L’IMPOT. Les îles de Noirmoutiers et de la Gronnière, son annexe, et celle de Bouin,qui font partie de la province de Poitou, ne payent aucun impôt, mais elles rachètent cette exemption par des travaux immenses souvent impuissants contre l’impétuo-| sité des mers. ; L’île Dieu n’est non plus comprise au rôle des impositions. La dépense pour la conservation de ses digues n’est pas égale à celle des autres Des, mais le sol est absolument ingrat, les habitants tirent toutes leurs provisions du continent et n’ont d’autre industrie, d’autres ressources que le service de la marine. Ces quatre îles ne paraissent donc pas devoir être comprises dans le territoire de la province, i puisqu’elles ne peuvent être imposées proportionnellement dans la répartition générale du Poitou 4 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province de Poitou.] 415 [États gén. 1789. Cahiers.] sur la propriété foncière. Du reste, les habitants de ces îles demandent à n’être plus réputés étrangers et que, traités comme sujets de l’Etat, ils soient assimilés au régime générai de la province. Telles sont les doléances, plaintes et remontrances de l'ordre du tiers-état de la province de Poitou. Plein de confiance dans la bonté de son auguste souverain, le tiers-état du Poitou espère qu’il adoucira ses maux : sa parole sacrée lui en est un sûr garant : le tiers-état du Poitou charge aussi ses députés d’offrir à LL. MM. l’hommage de son inviolable fidélité, de son amour, de son respect et de sa reconnaissance. Fait et arreté en rassemblée générale de l’ordre du tiers-état de Poitou en la salle du collège de la ville de Poitiers, le 22 mars 1789 avant midi. PROTESTATION De quelques membres de l'assemblée du tiers-état contre les termes du cahier de l'ordre et les opérations électorales. Les soussignés, députés du tiers-état à l’assemblée générale de la province de Poitou, après avoir entendu la lecture, du cahier de ses plaintes et doléances rédigé par les commissaires, Considérant que la limitation des pouvoirs donnés aux députés et fixés par les sept articles préliminaires insérés dans le cahier, est contraire au vœu du règlement et ne laisse auxdits députés que la perspective d’un désaveu humiliant ou d’une impossibilité de concourir au bien général de la nation ; Considérant que les droits de propriété doivent être sacrés et qu’on ne peut y porter atteinte sans blesser les lois constitutionnelles de la monarchie ; Considérant que le rachat des droits féodaux et fonciers, sans le consentement des propriétaires, ne tend qu’à diminuer les richesses foncières, à les réunir dans les mains d’un petit nombre d’individus, à multiplier les capitalistes dont les facultés inconnues échappent nécessairement à la juste répartition de l’impôt ; Considérant que les projets de séquestre, suppression et réunion relatifs aux biens ecclésiastiques sont aussi peu réfléchis que mal combinés ; Considérant que ces pians de réforme ne tendent qu’à fomenter les semences de division entre les trois ordres dont la réunion est si essentielle pour rétablir la constitution monarchique dont les fondements sont en quelque sorte ébranlés, et pour mettre un frein à des abus énormes, aussi affligeants pour le cœur paternel du Roi que destructifs de la liberté et de la fortune des citoyens; Considérant que l’influence égale dans �“délibérations publiques, une contribution uniforme des trois ordres à toutes impositions réelles ou personnelles, assurée par le vœu commun des deux premiers ordres, devant écarter toute idée de privilège et d’intérêt personnel, on ne doit plus s’occuper que de la chose publique ; Considérant encore que les observations importantes présentées par deux des quatre commissaires chargés de la rédaction du cahier, n’ont point échappé aux lumières et à la sagacité de M. le président, qui a fait à cette occasion la plus vive motion; Ont arrêté que MM. les commissaires procéderaient à la révision du cahier de la province, seraient instamment priés d’y réformer la limitation des pouvoirs, et la menace d’un désaveu formel injurieux aux députés de l’ordre du tiers ; D’écarter toute idée qui, sans établir les véritables droits de la nation, ne contiendront en effet qu’une menace d’insurrection contre l’autorité royale; De supprimer tous les articles qui peuvent donner atteinte à la propriété qui doit être respectée par tous les ordres des citoyens ; De demander le renvoi aux Etats provinciaux de tous les objets et réformes que réclament les besoins locaux de la province, mais qui, dans le moment, ne feraient que partager l’attention nécessaire à des objets plus importants. Les soussignés se permettent en outre d’observer que le cahier de la province devait être approuvé et sanctionné, avant qu’il pût être procédé à la nomination des députés ; Que la forme prescrite par le règlement pour les élections n’a point été régulièrement observée; que des négociations ont préparé et réglé les suffrages avant le scrutin. Cependant le soin que tout homme délicat doit avoir d’écarter jusqu’à la moindre idée d’intérêt particulier, de jalousie ou de discussion, le mérite personnel de plusieurs des .dépu tés déjà nommés, le désir pressant de rendre une foule de citoyens à leur état, à leur famille, retiendra de justes protestations contre une opération illégalement commencée et peut-être plus illégalement suivie. Mais consigner dans un acte public, consacrer par sa signature des motions supérieures au monarque bienfaisant qui nous appelle à sa confiance, renverser l’ordre social au lieu de l’établir, attaquer la propriété au lieu delà défendre, solliciter en apparence la paix si désirée et attiser le feu de la discorde, ce serait substituer la licence à la liberté, l’effervescence au patriotisme. Si par impossible cette motion dictée par l’amour de la patrie n’était pas favorablement accueillie, les soussignés protestent de se pourvoir suivant le règlement. (Suivent trente-deux signatures.) CAHIER Des plaintes, doléances et remontrances du bailliage et sénéchaussée de Poitiers (1). La bonté du souverain nous rassemble, son cœur paternel nous a déjà fait connaître ses vues de bienfaisance. Il nous demande les moyens d’assurer la félicité publique, de lui rendre le calme et la tranquillité, qu’il ne peut trouver que dans le bonheur de ses sujets; ils nous offre son amour et sa confiance, et ne veut de nous en retour que ces mêmes sentiments. Il veut rétablir la nation dans Rentier exercice de tous les droits qui lui appartiennent ; c’est de Rassemblée nationale qu’il espère voir renaître l’ordre dans toutes ses parties. Ce sont les Etats généraux qui peuvent, seuls, opérer la consolidation de la dette publique, qui peuvent, seuls, consentir les impôts. Le désir de Sa Majesté est de préparer les voies à cette harmonie, sans laquelle toutes les lumières et toutes les bonnes intentions deviennent inutiles; elle sent le prix inestimable du concours des sentiments et des opinions; elle veut y mettre la force, elle veut y chercher son bonheur; elle secondera de sa puissance les efforts de tous (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.