(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 août 1T90.] AAI qui auront déterminé le jugement, seront exprimés. « La quatrième, enfin, contiendra le dispositif du jugement. » M. Thoaret. Nous allons entrer dans la discussion du titre V, intitulé : De la forme des élections . Trois questions se présentent d’abord : l°les; juges seront-ils nommés en chaque district par les électeurs du district, ou seront-ils nommés par les électeurs de tous les districts du département réunis ? 2° Les électeurs procéderont-ils seuls aux élections, ou pourront-ils s’adjoindre par é'ections six administrateurs et six gens de loi ? 3° Les électeurs, qui auront été nommés administrateurs, pourront-ils, en cette première qualité, participer à l’élection des juges? La nomination faite par tous les électeurs du département, présente cet avantage, que les justiciables ne seront jamais jugés que par des juges nommés par eux ; l’intrigue et la cabale ne présideront jamais à des élections faites par la totalité des électeurs du département. On ne peut pas m’opposer la difficulté de réunir les électeurs, dî la dépense que ce rassemblement pourrait occasionner, puisque les élections n’auront lieu que tons les six ans ; je demande qu’on discute la première des trois questions que j’ai soumises. M. Regnaud (de Sain t-Jean-d' Angely ) . Les élections seront nécessairement mieux faites par les seuls électeurs du district. Il est impossible que, dans un département, tous les citoyens se connaissent, et il arriverait qu'on serait obligé de donner sa voix à des gens dont on ne connaîtrait à peine les noms, mais qui seraient désignés par telle ou telle personne de sa connaissance: un autre inconvénient est celui de faire attendre les électeurs dans le chef-lieu de département, jusqu’au moment où les citoyens appelés à la redoutable fonction de juger leurs semblables, auraient envoyé leur acceptation ; je demande, en conséquence, que l’Assemblée décrète que les juges de chaque district seront nommés par les électeurs de chaque département. M. le Président met successivement aux voix les trois questions posées par le rapporteur du comité de Constitution. Première question. Les juges de district seront-ils élus par les électeurs du district, ou par les électeurs du département ? (L’Assemblée décide que les juges de district seront élus par les électeurs de district.) M. le Président. Voici la seconde question : Adjoindra-t-on six hommes de loi aux électeurs ? (Cette seconde question est écartée par la question préalable.) M. le Président. Nous passons à la troisième question: Les électeurs, devenus administrateurs, resteront-ils électeurs ? (L’Assemblée décide que les électeurs, devenus administrateurs, pourront, en leur qualité d’électeurs, concourir à l’élection des juges.) M. Thonret, rapporteur. Messieurs, nous arrivons maintenant au titre v du nouveau projet sur l’ordre judiciaire, intitulé: de la forme des Élections. Le titre se composait de cinq articles mais comme les articles 2 et 3 concernaient le mode d’élection des juges d’appel, ils tombent •naturellement ét il ne reste à délibérer que sur les aritclesl, 4 et 5. Pour mettre les dispositions qu’ils renferment en concordance avec les décrets que vous venez de rendre, voici les articles nouveaux que nous vous proposons: Art. 1er. «Pour procéder à la nomination des juges du district, les électeurs du district, convoqués par le procureur-syndic, se réuniront au jour et au lieu qui auront été indiqués par la convocation ; et après avoir formé l’assemblée électorale dans les formes prescrites par l’article de la première section du décret du 22 décembre dernier, ils éliront les juges au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages. » Art. 2. « Les électeurs de tous les districts convoqués par les procureurs-syndics se réuniront au jour et au lieu qui auront été fixés par le directoire de département, et indiqués par la convocation des procureurs-syndics, et éliront tous ensemble cinq juges par chacun des districts du département. » Art. 3. « Lorsqu’il s’agira de renouveler les juges après le terme de six ans, les électeurs seront convoqués quatre mois avant l’expiration de la sixième année ; de manière que toutes les élections puissent être faites, et les procès-verbaux présentés au roi deux mois avant la tin de cette sixième année. » Art. 4. « Si, par quelque évènement quece puisse être, le renouvellement des juges d’un tribunal se trouvait retardé au delà des six ans, les juges en exercice seront tenus de continuer leurs fonctions jusqu’à ce que leurs successeurs puissent entrer en activité. » (Ges articles sont mis aux voix et adoptés.) M. d’André, président , quitte la présidence pour se retirer par devers le roi. M. de Bonnay, ex-président , occupe le fauteuil. M. Thonret, rapporteur , donne lecture des articles du titre VI qui sont adoptés, sans discussion, ainsi qu’il suit : TITRE VU De l'installation des juges. Art. 1er. « Lorsque les juges élus auront reçu les lettres patentes du roi, ils seront installés en la forme suivante. Art. 2. « Les membres du conseil général de la commune du lieu où le tribunal sera établi, se rendront en la salle d’audience, et y occuperont le siège. Art. 3. « Les juges introduits dans l’intérieur du parquet prêteront à la nation et au roi, devant les membres du conseil général de la commune, pour ce délégués par la Constitution, et en présence de la commune assistante, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume, d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, ët de remplir, avec exactitude et impartialité, les fonctions de leurs offices. Art. 4. « Après ce serment prêté, les membres du conseil général de la commune, descendus dans le parquet, installeront les juges, et au nom du peuple prononceront pour lui l’engagement de porter au tribunal et à ses jugements le respect et l’obéissance que tout citoyen doit à la loi et à ses organes. Art. 5. « Les officiers du ministère pdblic së- 0Q3 [Assemblée nationale.] roüt reçus, et prêteront serment devant les juges, avant cl etre admis à l’exercice de leurs fonctions. Art. 6. Additionnel. « Les juges de paix seront tenus, avant de commencer leurs fonctions, de prêter le même serment que les juges de district, devant le conseil général de la commune, et en présence de la commune assistante du lieu de son domicile. » M. le Président. M. Thouret, rapporteur , a la parole pour développer les principes qui ont dirigé le comité de Constitution dans la rédaction des articles du titre VII, intitulé : DU iVUNiSTÈRE PUBLIC. (Un profond silence s'établit.) M. Thouret, rapporteur (1). Messieurs, depuis que vous avez décrété, d’une part, que c’est au peuple de nommer les juges, et qu’ils doivent être temporaires ; et, d’autre part, que c’est au roi de nommer les officiers du ministère public, et qu’ils doivent être à vie, le comité s’est vu forcé à méditer plus attentivement sur la constitution particulière qu’il convient, d’après ces nouvelles bases, de donner au ministère public. Vous n’avez pas, sans doute, entendu déroger au principe fondamental sur lequel la Constitution générale du royaume est établie. Ce principe est que le peuple élise les fonctionnaires publics, auxquels il confie tous les pouvoirs qu’il peut dé' léguer directement : il n’y a d’exception qu’à l’égard de la magistrature suprême de l’Etat, que la nation a conférée béréditairement. A côté de ce principe, vous en avez consacré un autre, qui est que toutes les fois que le peuple délègue pat-élection, sa délégation n’est que temporaire. Quant aux diverses agences dans l’ordre du pouvoir exécutif, c’est le roi qui y nomme, et qui peut le faire à vie. La conséquence indubitable qui sort de là, est que les officiers du ministère public étant nommés à vie par le roi, sont ainsi constitués agents du pouvoir exécutif dans l’ordre judiciaire; car c’est à ce titre seul qu’ils peuvent avoir été soustraits à l’élection populaire et à la mission .temporaire. En remettant leur nomination au roi, vous avez marqué l’influence dont il jouira dans l’administration de la justice. Ces agents de la couronne ne doivent point porter le nom de procureurs du roi ; car le roi , considéré comme chef du pouvoir exécutif, ne doit point paraître devant les tribunaux dans l’état d’une partie qui plaide; mais en qualité de premier magistrat il doit avoir auprès des tribunaux des commissaires pour veiller, en son nom, à l’observation des lois, et assurer l’exécution des jugements. Analysons maintenant les fonctions du ministère public, qui, d’après sa constitution actuelle, ne peuvent plus être que celles qui dépendent essentiellement du pouvoir exécutif. Le comité en a remarqué trois qu’il lui a paru nécessaire de définir, et de fixer avec exactitude. Premièrement, le roi, comme chef du pouvoir exécutif, doit maintenir, dans l’exercice de la justice, toutes les lois qui intéressent l’ordre général ; et, comme il vaut* mieux prévenir les infractions qui pourraient être faites à ces lois, que de les réprimer par la cassation des jugements, après qu’elles sont commises, il est sage que toutes les fois que les tribunaux ont à prononcer (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du dis� cours de M. Thouret. [4 août 1 790.) sur l’application des lois générales, les commissaires du roi soient entendus pour le maintien de ces lois, dont l’exécution lui est confiée. Secondement, le roi, comme chef du pouvoir exécutif, doit faire exécuter les jugements, parce que c’est de cette exécution que dépend celle des lois mêmes sur lesquelles les jugements sontfon-dés. Ses commissaires doivent poursuivre, per-sonnellementetd’office, l’exécution des jugements qui intéressent directement l’ordre public. Quant aux jugements qui ne touchent qu’à l’intérêt privé des parties, les commissaires du roi, lorsqu’ils seront requis, devront en assurer aussi l’exécution par toutes les voies de droit, et même en provoquant le secours de la force armée, si son intervention devient nécessaire. Cette fonction de faire exécuter les jugements convient mieux aux commissaires du roi, comme agents du pouvoir exécutif, qu’aux juges; car ceux-ci ont rempli leur office lorsqu’ils ont jugé. Le jugement, une fois rendu, est remis sous la protection de la force publique, dont il est bon que les juges ne soient pas les ministres ni les promoteurs : on conserve mieux ainsi la dém rcation des pouvoirs; on prévient aussi la pa-lialité dont les juges ne se défendent pas toujours, lorsqu’il s’agit des intérêts de leur autorité mé :unn;,e. Troisièmement, le roi, comme chef du pouvoir exécutif et de la police générale, doit veiller sur la conduite des juges, et réprimer, par voie d’avertissement et de salutaires réprimandes, des écarts qui, n’ayant pas encore le caractère de la prévarication ou de la forfaiture, pourraient y conduire par la suite, ou du moins altérer, dans l’opinion publique, la confiance et le respect pour la justice. Celte surveillance indispensable ne peut plus être exercée que par l’entremise et sur les insu actions des commissaires du roi, puisqu’il iTexuie p us ni hiérarchie, ni supériorité déterminée eu lie les tribunaux. Il est une autre fonction, celle d’accus 'our public, que les procureurs du roi exerçaient, que l’habitude pourrait faire regarder comme essentielle au ministère public, et dont la délégation mérite l’attention la plus sérieuse depuis que le ministère public, au lieu d’être un ministère populaire, est devenu une agence du pouvoir exécutif. Je m’arrête ici pour répondre au sophisme qui m’attend. On pourra dire que V Assemblée a dé?- légué au roi le ministère public , que l'accusation en a toujours fait partie , et a été exercée par des officiers appelés gens du roi , ou ses procureurs; qu 'ainsi la question n est plus entière. Je réponds: 1° que quand l’Assemblée a décidé que le peuple élirait les juges, elle n’entendit alors décider que cela, et non la latitude des fonctions. et de l’auiorité qui seraient confiées aux juges : elle s’en est occupée depuis. De même quand elle a décidé que le roi nommeiaitie ministère public, elle n’a pas entendu décider quelle serait la latitude des fonctions et de l’autorité du ministère public. Tous les détails d’une Constitution ne se font pas à la fois; il faut donc réduire strictement chaque décret partiel à son objet spécial, et ne pas supposer décidé ou préjugé ce qui n’a été ni éclairci, ni médité, ni même soumis au débat. Or, je demande si, en accordant au roi la nomination du ministère public, on a discuté ce qu’il convenait que ce ministère fût dans la Constitution actuelle, ce qu’il doit être, étant établi ministériel et à vie , auprès des juges électifs et temporaires ; si, enfin, on a entendu que cette importante partie des pouvoirs publics échapperait seule àla révision ARCHIVES PARLEMENTAIRES.