250 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 novembre 1789.) en soulagement de la capitale ou de la province qu’ils habitent lesquelles s’appliqueront ainsi les ressources de contribuables qui, au point de vue de la propriété, sont des étrangers. La proclamation du 16 octobre a répandu l’alarme dans la province de Champagne. Le gentilhomme qui n’a d’autre fortune que la métairie qu’il fait valoir, le cultivateur ci-devant tail-lable qui n’a d’autre ressource que son champ, voient avec douleur tous les grands propriétaires non-seulement porter leur fortune hors de la province, mais encore ne rien payer des impositions dont elle est accablée. Les contribuables domiciliés seraient victimes d’une énorme lésion si une partie de la matière imposable était soustraite à l’impôt, si le plus riche propriétaire, adoptant le séjour de la capitale, était par cela même dispensé d’acquitter sa portion des charges de l’Etat. En conséquence, je propose à l’Assemblée le décret suivant : « L’Assemblée persistant dans son décret concernant les impositions, et expliquant l’article 4 du décret du 26 septembre, décrète que pour 1790 tous les propriétaires seront imposés à raison de leurs revenus sur le rôle de chacune des communautés dans l’enclave desquelles leurs biens se trouveront situés. » M. Gaultier de Biauzat. Le projet de décret est juste, aussi je l’appuie à la condition qu’il ne s’applique pas seulement à une réclamation particulière, mais qu’il soit étendu à tout le royaume. M, Prieur. Si les choses restaient dans l’état où elles sont, il en résulterait que les citoyens qui ont abandonné leur patrie dans cet instant de crise seraient récompensés de leur désertion en ne payant pas d’impôts. Plusieurs observations particulières sont faites, et l’ajournement demandé. M. Dubois de Crancé. La Champagne, qui avait toujours été tranquille, est actuellement en désordre ; la commission intermédiaire est menacée... Si vous ajournez cette affaire, les rôles qui devaient être faits il y a trois mois ne le seront plus... Rendez du moins le décret pour ma province; mais craignez que les autres ne se plaignent, si cette faveur ou cette justice est bornée à la Champagne. M. Ansosi. La motion mérite un sérieux examen, elle ne doit pas être décidée à la légère et il y aurait tout avantage à la renvoyer au comité des finances qui en ferait rapport. Cet avis est fortement appuyé. L’Assemblée consultée décide que la motion est renvoyée au comité des finances et ajournée à jeudi. M. de Sainte-Aldegonde, député d'Avesnes. Messieurs, c’est du sein des cloîtres que sortent les plus grands exemples de générosité. Ce sont des femmes ayant renoncé aux joies de la famille qui donnent les plus fortes preuves de patriotisme, et la lettre dont je vais donner lecture à l’Assemblée nationale en est un nouvel et éclatant exemple : « Monsieur, le chapitre des dames chanoinesses de Maubeuge, désirant depuis longtemps seconder les vues de l’Assemblée nationale en contribuant en quelque chose au bien commun, a vu avec regret que le don qu’il avait fait sous le régne de Louis XV de l’argenterie de son église ne lui permettait plus de contribuer à l’augmentation du numéraire. « 11 n’en a été que plus empressé à porter sur l’autel de la patrie une offrande qui pût lui être agréable. « Voulez-vous bien, monsieur le comte, vous charger de présenter à l’Assemblée nationale le contrat que nous avons l’honneur de vous adresser, portant constitution au profit de notre chapitre d’une rente sur les domaines de sa Majesté, au capital de 147,000 livres? « Nous nous estimerons heureuses si ce sacrifice est reçu avec autant d’indulgence que nous avons de plaisir à le faire. « Nous avons l’honneur d’être, monsieur, vos très-humbles et très-obéissantes servantes. « De Lannove, abbesse; de Ghistelle, de Ghis-teüe-Saint-Florin, d’Oultremont, d’Andelot. » M. Ic comte de Saint-AIdegondc dépose sur le bureau le contrat cle rente. L’Assemblée applaudit à cet acte de patriotisme et autorise M. le président à écrire aux dames chanoinesses de Maubeuge pour leur exprimer sa satisfaction. M. le Président lève la séance en indiquant celle du soir pour six heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du mardi 24 novembre 1789, au soir. La séance a été ouverte par la lecture d’une adresse de la ville de Landau, dans laquelle les habitants de cette ville offrent l’hommage de leur reconnaissance, celui de leur adhésion à tous les décrets de l’Assemblée nationale, l’assurance de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour les soutenir ; enfin la renonciation et l’abandon de tous privilèges quelconques de ville impériale. M. Blin, membre de l’ancien comité des rapports, entretient l’Assemblée d’un affaire assez singulière. La municipalité de Marvejols, en Gévaudan, a rendu un arrêt contre le sieur Gaymond comme coupable du crime de lèse-nation, pour avoir ouvert une lettre. Voici dans quelles circonstance ; Le sieur Gaymond se rend à la poste pour y recevoir des lettres qui lui étaient adressées. Le directeur de la poste lui en présente une adressée au comité dont il est membre. Ceux qui l’entou-rent le pressent de l’ouvrir pour apprendre les nouvelles ; il résiste d’abord parce qu’elle ne lui est pas adressée nominativement; enfin il l’ouvre. 11 est dénoncé et la municipalité déclare, par acclamation, que le sieur Gaymond a encouru l’excommunication civile ; qu’il est incapable d’ entrer dans aucune charge civile, sous réserve toutefois de faire sanctionner l’arrêté par l’Assemblée nationale. Le comité des rapports pense que le sieur Gaymond n’est coupable que d’imprudence, qu’il