[Etats gén. 1789 Cahiers. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ba/Hiage de Villers-Cotterets.J /[Ql bailliage de Villers-Cotterets, et nobles possédant fiefs, domiciliés dans son ressort. Signé à la minute des présentes : Barbançon ; de Bois-Massot ; d’Estrées ; le marquis de Thuily ; Yillepail ; le comte de Mootho-lon;le marquis de Mazancourt; le vicomte de Melun ; Foucault ; Bouverot ; Duhal ; le comte de Mazancourt ; le comte de Boursoune ; Preaudeau ; de Chemilly ; de Alercy ; Héricart de Thury, et Louis-F. Héricart deTlmry, secrétaire. CAHIER GÉNÉRAL Des plaintes , doléances et demandes de rassemblée générale du tiers-état du bailliage de Villers-Cotterets , avec les pouvoirs et instructions donnés par ladite assemblée à ses députés auxEtats généraux (1). Art. 1er. L’indépendance et Légalité réciproque des trois ordres de l’Etat, étant la base de la liberté publique, aucun des trois ordres ne peut être obligé pour les deux autres dans les assemblées nationales, soit des bailliages, soit des Etats généraux;, en conséquence, nous déclarons que, dans aucun cas, et sous quelque prétexte que ce puisse être, les trois ordres ne pouront délibérer en commun, ni opiner par tête, si ce n’est du consentement unanime des trois ordres; déclarons même que, dans le cas où, en vertu du consentement donné préalablement et séparément, les trois ordres délibéreraient ensemble, chacun d’eux a le droit de rompre rassemblée commencée, et de se retirer dans sa chambre, lorsqu’un seul des membres de l’un des trois le demandera. Art. 2. L’égalité de l’imposition entre tous les sujets du Roi, sans acception de la naissance, des dignités et des places, à raison des facultés de chacun, sera demandée comme une condition essentielle sans laquelle nos députés ne pourront consentir la continuation d’aucun impôt. Mais, en demandant cette justice, nous n’entendons point contester au clergé et à la noblesse leurs droits, honneurs, prérogatives et prééminences honorifiques, et tout ce qui n’est pas exemptions pécuniaires, contre lesquelles nous réclamons, et dont nous demandons absolument la suppression. Art-3. Les députés qui seront par nous nommés solliciteront les Etats généraux de prendre toutes les mesures nécessaires pour obtenir du Roi : 1° Que les bénéfices ne puissent s’accumuler sur la même tête ; qu’ils ne soient désormais donnés que de la manière la plus utile pour la religion et pour l’Etat, et que les riches bénéficiers soient tenus de résider dans leurs bénéfices. 2° Que la vénalité de la noblesse soit abolie, c’est-à-dire qu’aucune charge ni office ne puisse plus à l’avenir donner la noblesse ; mais que la noblesse ne soit désormais accordée par lettre du souverain que pour des services signalés rendus à l’Etat dans tous les genres ; et qu’il soit accordé, tous les ans , un anoblissement dans chaque province, sur l’acclamation publique et la demande des Etats provinciaux. 3° Qu’il soit accordé des encouragements de toute espèce aux jurisconsultes, aux commerçants, aux agriculteurs, aux artistes, et des distinctions publiques à tous citoyens qui s’en ren-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire , dront dignes par de grandes vertus, de grands talents et de grands services, 4° L’admission des roturiers dans les grades d’officiers. Art. 4. Pour assurer la liberté personnelle, il sera fait défense à qui que ce soit, autre que ceux qui, par état, prêtent main-forte à justice, d’arrêter aucun citoyen, de force, en vertu de quelque ordre que ce soit, sans en être responsable en justice ; en conséquence, aucun citoyen ne pourra être exilé, enfermé, ni molesté en sa personne ni en ses biens, que par un jugement légal; s’il arrive qu’un citoyen encoure la disgrâce de Sa Majesté, manque à sa patrie ou à quelqu’un de ses concitoyens, et qu’il se trouve, pour ce, détenu, il sera" remis, dans les trois jours, entre les mains de la justice réglée. A l’égard de la liberté individuelle, nous demandons que la loi qui Rassurera soit modifiée et accordée avec la sagesse et la circonspection que sauront y apporter les Etats généraux. Art. 5. La liberté de publier des opinions faisant partie de la liberté individuelle, puisque l’homme ne peut être libre quand sa pensée est esclave, . la liberté indéfinie de la presse sera établie par suppression absolue de la censure, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages, et de répondre personnellement, lui ou l’auteur, de tout ce que les écrits pourraient contenir de contraire à la religion dominante, à l’ordre général, à l’honnêteté publique et à l’honneur des citoyens. Art. 6. Le respect le plus absolu pour toute lettre confiée à la poste sera pareillement ordonné ; et on prendra les moyens les plus sûrs d’empêcher qu’il Y soit porté atteinte. Art. 7. Il sera reconnu, dans la forme la plus solennelle, par un acteauthentique et permanent, que la nation seule, assemblée en Etats généraux, du consentement exprès de chacun des trois ordres, a droit de s’imposer, c’est-à-dire d’accorder ou de refuser les subsides, d’en régler l’étendue, l’emploi, l’assiette, la répartition et la durée , d’ouvrir des emprunts, etc. ; et que toute autre manière d’imposer ou d’emprunter est illégale, inconstitutionnelle, et de nul effet. Art. 8. Les Etats généraux ne pourront consentir les impôts que pour un temps limité et jusqu’à la prochaine tenue des Etats, en sorte que cette prochaine tenue, venant à ne pas avoir lieu, tout impôt cesse de droit ; dans ce cas, autoriser les Etats particuliers à s’opposer à la levée desdits impôts, et même les cours souveraines à poursuivre comme concussionnaires tous ceux qui voudraient en continuer la perception. Art. 9. Le retour périodique des Etats généraux sera fixé à un terme court ; et dans le cas d’un changement de règne ou de celui d’une régence, ils seront assemblés extraordinairement dans un délai de six semaines ou deux mois; et on ne négligera aucun moyen propre à assurer l’exécution de ce qui sera réglé à cet égard. Art. 10. Les ministres seront .comptables aux Etatsgénéraux del’emploides fonds quileurseront confies , .et responsables auxdits Etats de leur conduite en tout ce qui sera relatif aux lois du royaume-"Art. il. La dette de l’Etat sera consolidée. Art. 12. L’impôt ne sera consenti qu’après avoir reconnu l’étendue de la dette nationale, et après avoir vérifié et réglé les dépenses de l’Etat. Art. 13, L’impôt consenti sera généralement et également réparti sur tous les citoyens sans ex- 192 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Villers-Cotterets.] ception ; et tout citoyen, qui sera convaincu d’avoir fait une fausse déclaration de ses biens, sera condamné à payer, pendant deux ans, le double de l’imposition qu'il aurait dû supporter. Art. 14. Il sera statué que, non-seulement aucune loi générale et permanente ne soit établie à l’avenir qu’au sein des Etats généraux, et par le concours mutuel de l’autorité du Roi et du consentement unanime de la nation; que ces lois, portant dans le préambule ces mots : De l'avis et du consentement des gens des trois Etats du royaume , etc., seront, pendant la tenue même de Rassemblée nationale, envoyées au parlement de Paris, les princes et pairs y séant, et aux parlements des provinces, pour y être inscrites sur les registres. Art. 15. Il sera arrêté que les lois, autres que les lois générales ou permanentes, ou bursales, c’est-à-dire les simples lois d’administration et de police, seront, pendant l’absence des Etats généraux, provisoirement adressées à l’enregistrement libre, et à la vérification des cours, comme il a toujours été pratiqué, mais qu’elles n’auront de force que jusqu’à la tenue de l’assemblée nationale, où elles auront besoin de ratification pour continuer à être obligatoires. Art. 16. La confirmation des capitulations et des traités qui unissent les provinces à la couronne, sera demandée ainsi que le maintien de toules propriétés particulières, dont le droit sera inviolable ; et il sera arrêté que nul ne pourra en être privé, qu’il n’en soit dédommagé au plus haut prix et sans délai. Art. 17. On s’occupera de la réforme de la législation civile et criminelle pour simplifier les formes de la procédure, en abréger le délai, et faire un tarif général des droits, épices, et autres frais; faire un arrondissement raisonnable de justices royales, et donner aux bailliages le droit de juger en dernier ressort jusqu’à une somme plus considérable que celle qui est actuellement déterminée. Art. 18. Nous demandons la suppression des droits de péages, hallages, minages et des banalités, celle des grandes gabelles, leur conversion en un prix modéré du sel ; et la fixation claire, précise et modérée des droits domaniaux et de contrôle ; enfin, la suppression des droits d’aides, et leur remplacement par un droit simple et d’une facile perception. Art. 19. On demandera la réintégration des privilèges des villes du royaume en ce qui concerne la libre élection des officiers municipaux, et l’entière disposition des revenus des communes , lesquelles ne seront plus soumises à l’inspection des commissaires départis , ni à celle du ministère. Art. 20. Le rétablissement ou la formation des Etats particuliers organisés sur le modèle des Etats généraux, avec entre autres différences cependant que les premiers se tiendront tous les ans, qu’ils auront seuls une commission intermédiaire toujours subsistante pendant le temps qu’ils ne seront pas assemblés, ainsi que des procureurs généraux-syndics, chargés de veiller spécialement aux intérêts de leurs concitoyens, ei de mettre opposition, par-devant les cours, à l’enregistrement des lois locales et momentanées, promulguées dans les intervalles de la convocation de l’assemblée nationale, lorsqu’elles pourront contenir des clauses contraires aux privilèges de leurs provinces, et sous la condition expresse que les Etats provinciaux ne pourront, sous aucun prétexte, consentir qu’il soit perçu aucun impôt, subsides, ni octrois, à quelque titre que ce soit, qui n’auraient pas été préalablement accordés par les Etats généraux. Art . 2 1 . On demandera l’établissement des meilleurs moyens d’assurer l’exécution des lois du royaume, "en sorte qu’aucune ne puisse être enfreinte sans que quelqu’un en soit responsable. Art. 22. On demande l’abolition de toutes commissions particulières, évocations au conseil, com-mittimus; la suppression des bureaux des finances, et des tribunaux d’exception. Art. 23. Il est adjoint aux députés de ce bailliage d’insister, autant qu’il sera possible, pour qu’il soit statué, dans l’assemblée des Etats, sur tous les articles ci-dessus, préalablement à toute autre délibération, et surtout avant de voter pour l’impôt. Art. 24. Après l’obtention de tous lesdits articles, ou, au moins, après que nos députés auront fait leur possible pour l'obtenir et y faire statuer, il sera permis aux députés de délibérer sur les subsides, et alors on exigera : 1° Le tableau exact et détaillé de la situation des finances. 2° La connaissance approfondie du montant du déficit et de ses véritables causes. 3° La publication annuelle des états de recette et de dépense, auxquels sera jointe la liste des pensions, avec l’énonciation des motifs qui les auront fait accorder. 4° La reddition publique des comptes par pièces justificatives, à chaque tenue des Etats. 5° La fixation motivée des dépenses des divers départements. 6° L’extinction de tous les impôts distinctifs, et l’égalité de la répartition. 7° Le reculement des douanes jusqu’aux frontières du royaume. 8° Le refus à l’avenir et la suppression actuelle de tous privilèges exclusifs qui seraient destructeurs du commerce, de l’industrié et de l’agriculture. 9° La suppression des capitaineries de chasses. 10° La suppression des recettes générales et des caisses particulières, pour faire passer directement au trésor royal, par la voie des Etats provinciaux, le produit: des impôts. 11° La révision, dans l’assemblée nationale, de toutes les lois rendues sur quelque matière que ce soit, depuis la tenue des Etats de 1614, pour, les unes, être consenties ou modifiées, et les autres abrogées, attendu que les simples enregistrements des cours souveraines n’ont pu suppléer au consentement de la nation, et conséquemment leur imprimer le caractère de la loi. Art. 25. Ces objets, une fois réglés, les députés pourront, au nom de l’assemblée générale de ce bailliage, consentir à l’octroi des seuls subsides qu’on jugera absolument nécessaires aux besoins réels et indispensables de l’Etat ; et pour le remplacement des impôts actuels, qui seront abolis en totalité, on préférera les taxes peu nombreuses, d’une perception simple, facile, et toujours limitée au terme de la convocation de l’assemblée nationale. Art. 26. Il est expressément recommandé aux députés de demander la réforme dans l’administration des biens de l’Eglise, et la dotation de tous les cufés du royaume, d’une manière à les mettre en état d’accorder les secours dont leurs paroisses auront besoin ; la conservation des maisons religieuses rentées qui sont utiles ; et dans le cas de la nécessité de leur suppression, leur conversion en établissements utiles sur les lieux, [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Villers-Cotterets.] 193 tels que collèges, séminaires, maisons de charité, et autres; enfin, une loi qui assure l’exécution des baux faits par les gens de mainmorte, même après leur décès ou démissiona et dans tous les cas possibles, ainsi que ceux faits par les personnes et propriétaires grevés de substitutions. Art. 27. On demande que l’on détermine une seconde tenue des mêmes Etats généraux, sans nouvelle élection, qui aura lieu avant le retour de la première époque de l’assemblée périodique ; à laquelle tenue seront renvoyées toutes les autres propositions de réforme, dont les diverses parties de l’administration seront évidemment susceptibles, et qui ne pourraient que détourner l’attention des députés des objets plus importants qui leur sont recommandés. Mais pour mettre la deuxième assemblée à portée d’adopter les plans les plus sages, Sa Majesté sera instamment suppliée de former, dans l’intervalle des deux tenues, divers comités de magistrature, guerre, marine, finance, agriculture, commerce, arts, etc., composés des hommes les plus intègres, les plus éclairés, que lui désignera la voix publique, et qui appelleront encore le concours de toutes les lumières de la nation. Art. 28. Retirer aux seigneurs censitaires, gens de mainmorte, la faculté de céder le retrait dudit droit censueL Art. 29. Obliger chaque paroisse à nourrir ses pauvres ; et obtenir une loi qui détermine, d’une manière raisonnable et favorable à l’agriculture et à la population, le nombre de charrues que chaque fermier pourra exploiter. Art. 30. Tous les cahiers des différentes paroisses seront remis aux députés du bailliage pour leur servir de mémoire et d’instruction à l’assemblée des Etats généraux, pour, après ladite assemblée, lesdits cahiers être, par lesdits sieurs députés, remis au greffe de ce bailliage et y rester déposés ; le tout, afin que les supplications, les doléances et les demandes des laboureurs, des pauvres habitants des campagnes, des citoyens qui sont opprimés depuis si longtemps, puissent être connus dans toute leur étendue, et ne soient pas exposés à être restreintes et morcelées, en les réduisant à un seul cahier. Art. 31. Nous donnons à nos députés les pouvoirs généraux et suffisants pour proposer, remontrer, aviser et consentir, ainsi qu’il est porté aux lettres de convocation, et à l’article 45 du règlement du 24 janvier dernier; et à l’égard des pouvoirs particuliers, nous en donnons, dès à présent, de tels semblables que ceux qui seront donnés aux députés du clergé et de la noblesse par leurs ordres respectifs. Signé, en la minute du présent : Lemaire; Guilliot; Dequen; Edart; Michel; Pottier; Gibert; Marsaux ; Guilliot de Ploisy ; Dauré; Parisis ; Tassart; Picot; Latitte; Aubry; Sivé ; Martin ; Villecocq ; Dufresne ; Turlin ; Desmoulins ; Gorbie ; Giroust ; Gaillard ; Massiette ; Chartier ; Gampion ; Hutin ; Méry ; G. Ménard ; Mocquet ; Bergeron ; Leclerc ; Besson ; Bergeron; Gouprant; Benoist; Guibert; Hutin; Glarê; Bou-nier ; Sivé ; Crosnier ; Manscourt ; Desjardeins ; Bourniche; Gatté; Milhau ; Minouflet;' Pottier; G. Gopendart; Guesnet; Beugneaux ; Reculez; Creté ; Leclerc ; Lebeaux ; Fagnet ; Leroi ; Oualle ; G. Bartelot; Despres ; Despeagne ; Deschamps; Goquelin ; Leroi; Gacougne, Du Royou ; Veron ; A. Thurier; Filliou; Cauchemé; Bail I iet ; Desmoulins; Lecler ; Melaye ; Israël ; AubriDubochet ; Fillion ; Lelong ; Vuatebled; Ducellier; Roussy ; Viet; Bayot ; Hamonier ; Lefèvre ; Veron ; Pugnant , Bernier; Lamy ; Dubarle ; Hautefeuille; Lavoisier ; Gaillard; Daiiré; Longuet; Boquet; Vigreux; David ; Grimbert; Bourgeois ; Ruelle , et Coutard. Collationné et certifié véritable par moi, greffier en chef du bailliage de Villers-Cotterets, soussigné. Signé Deqüeü. lre Série, T. VI. 13