SÉANCE DU 4e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (SAMEDI 20 SEPTEMBRE 1794) - N° 9 301 des moyens puissans contre nos ennemis : cent cavaliers jacobins et un vaisseau de guerre. Notre malheureuse commune, successivement déchirée par les factions des royalistes, des fédéralistes ; justement punie de ses crimes et de sa rébellion envers la patrie, al-loit respirer sous les lois sévères mais consolantes de la République, lorsque Robespierre nous replaça sous le despotisme le plus horrible, sous le règne dévorant du brigandage le plus effréné. Grâce à l’énergie de vos décrets et de la résolution forte des représentans que vous nous avez envoyés, nous sommes encore une fois rendus à la liberté; mais soyez en garde contre les hypocrites calomniateurs qui, dans ce moment, fuyent Commune-Affranchie, pour venir vous entourer et vous tromper ; ces hommes ne peuvent avoir une bonne intention. Le patriote probe et sincère ne cherche pas à se soustraire à l’œil de ses juges. Nous vous prions, au nom de notre commune, de jeter promptement vos regards sur les moyens de relever son commerce ; il est actuellement anéanti ; nos ateliers, nos manufactures sont dépourvus de tous les objets de première nécessité; ils semblent avoir été livrés au pillage royal sous l’autorité du crime. Vous avez déjà beaucoup fait, en établissant dans l’ame de nos concitoyens la sécurité et la justice ; rendez-nous à nos droits de citoyens français ; nos sentimens sont républicains, bientôt notre commerce recevra le mouvement et la vie, et des milliers de bras paralysés par les factions, tourneront leur force, leur vigueur et leur industrie vers la prospérité de la République. Vive la République, vive la Convention nationale (21) ! [Le président leur répond que la Convention, qui a dû punir avec sévérité Lyon coupable et rebelle, rendra à Commune-Affranchie, purgée des scélérats qui l’avoient égarée, l’éclat et la prospérité auquel son industrie lui donne le droit de prétendre. Un membre demande qu’on rapporte le décret qui déclare cette commune en état de siège] (22). COLLOT D’HERBOIS : Le comité de Salut public après avoir consulté celui de Commerce, avait préparé un rapport tendant à rendre à Commune-Affranchie le commerce qui alimentait ses habitants : ce rapport avait pour but de revivifier l’industrie en la ramifiant, c’est à dire en faisant des avances aux ouvriers industrieux, en les mettant à même, par ce moyen, de faire valoir leurs talents, en les délivrant du honteux servage où les retenaient des entrepreneurs cupides ; ce rapport avait pour but de prendre les mesures nécessaires relativement au séquestre et relativement à l’échange des produits du travail de cette commune avec l’étranger; enfin il avait pour but de répandre l’instruction parmi les habi-(21) Bull., 4e jour s.-c. ; Moniteur, XXII, 16 ; Débats, n° 730, 571. (22) Débats, n° 730, 572. tants de cette commune, puisque l’ignorance a causé les égarements dans lesquels ils ont été entraînés par des conspirateurs. Au moment où ce rapport allait être fait, Couthon a emporté les pièces, elles doivent se trouver sous les scellés. Ce rapport était un sommaire des réflexions des représentants envoyés en mission près de cette commune (23), et de celles des comités de Salut public, de Commerce et d’Agriculture. Comme cet objet est du plus grand intérêt, je demande le renvoi de la pétition aux comités, et s’il était possible de trouver dans les papiers de Couthon notre précédent travail, je demande qu’il leur soit transmis, parce qu’il pourra leur présenter des idée utiles. PRIEUR (de la Marne) : C’est avec satisfaction que les amis de la liberté doivent voir l’essor généreux que de toutes les parties de la République on contribue à faire prendre à notre marine. Déjà plusieurs départements ont fait l’offrande à la patrie de vaisseaux de ligne, et tout nous présage que bientôt nous serons en état de détruire cette puissance navale dont l’Angleterre s’enorgueillit. Je saisis cette occasion pour vous faire connaître l’état dans lequel sont les constructions du port de Brest; elles se poursuivent avec cette activité que le génie de la liberté peut seul enfanter; il est impossible d’ajouter rien au dévoûment des marins pour le triomphe de la République. Je dois vous dire aussi qu’il existe à Brest une immense quantité de marchandises qu’il serait convenable de livrer à la circulation. Je demande donc que le comité de Salut public et celui de Commerce soient chargés de prendre des mesures pour établir la circulation de ces marchandises de toute nature, sucres, cafés, draps et autres. [Un membre annonce que les dispositions nécessaires sont faites à cet égard.] (24) GUYOMAR : La Convention nationale a annoncé qu’elle veut protéger le commerce ; mais il ne faut pas s’en tenir à l’énonciation des principes, il faut les faire suivre de l’exécution. A Commune-Affranchie, les scélérats et les intrigants qui l’avaient égarée ont été punis ; vous devez justice aux bons citoyens. Il est bon de rappeler ici ce qui a été dit hier par un de nos collègues, parce que cela est arrivé surtout à Commune-Affranchie. On a mis les scellés chez une multidude de citoyens ; et lorsqu’on les a levés il ne s’est plus rien trouvé des effets qui devaient y être. On a parlé contre l’aristocratie et contre les riches, mais on ne vous parle pas des brigands ; on ne vous parle pas de ceux qui se sont enrichis par des dilapidations, qui ont regardé la République, ses domaines et les biens des citoyens comme leur proie. Nous voulons nous opposer à l’agiotage et à la cupidité mercantile, fléaux de la société ; (23) Les Débats, n° 730, 572, font état de 12 députés envoyés en mission. (24) Débats, n° 730, 572. 302 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mais nous ne devons pas permettre qu’on pille tous les individus qui ont quelque fortune et quelques moyens, si nous ne voulons anéantir le commerce en renonçant à la justice. Vous recevez aujourd’hui une pétition de Commune-Affranchie ; il faut y faire droit. Mettez-vous en garde contre les calomnies. Pocholle et Charlier ne sont pas suspects; ils vous ont dit que l’esprit de Commune-Affranchie est bon ; appliquez donc maintenant les conséquences des principes que vous avez posés sur la protection due au commerce. Le premier pas est de ranimer la confiance; les principes ne sont pas douteux, il est aisé de les proclamer; mais les phrases ne suffisent pas, il faut qu’elles soient immédiatement suivies de l’action. DESRUES : Notre collègue Prieur a annoncé qu’il existait à Brest et à Lorient une immense quantité de marchandises. J’ajoute que, par les mesures prises par le comité de Salut public et la commission des approvisionnements, elles sont déjà en route pour leurs diverses destinations. LAPORTE : La Convention nationale est trompée depuis trop longtemps sur l’état de Commune-Affranchie. Après la rébellion de cette commune, vous dûtes faire un exemple éclatant de justice nationale ; mais lorsque les chefs furent frappés, lorsqu’il n’était plus question que de rappeler la confiance, de raviver le commerce et les branches d’industrie dont le site de cette commune la rend susceptible, alors se forma contre elle une nouvelle conjuration de fripons, de dilapidateurs du patrimoine du peuple. ( Vifs applaudissements .) Des hommes atroces, avides de sang, se portant héritiers de l’aristocratie, s’attachèrent à un dominateur sous l’appui duquel ils se flattaient de conserver les fruits de leurs crimes. Ce dominateur était Robespierre, il peignait ces hommes couverts de crimes comme des patriotes opprimés, tandis que les représentants du peuple étaient bien convaincus que ce n’était qu’une horde d’intrigants qui n’aspiraient qu’à envahir les places, et au partage des biens de ceux que frappait le glaive de la loi. Vos collègues ont lutté longtemps pour vous faire connaître la vérité. Robespierre et Couthon ont été plus forts, ils l’ont emporté ; on nous a exilés de la Convention pour que nos voix ne fussent pas entendues. Enfin le jour de la vérité est venu ; la révolution du 9 thermidor a rappelé à Commune-Affranchie des hommes probes, elle a expulsé des fripons. Déjà ses habitants respirent, les ateliers s’ouvrent, les manufactures reprennent leurs travaux, et il ne faut plus qu’un paternel regard de la Convention sur cette malheureuse commune pour lui rendre son ancien éclat. (On applaudit .) Mais, et je dis ceci pour l’instruction du comité de Sûreté générale, il faut se mettre en garde contre les manoeuvres de ces individus coupables que nous avons destitués ; les motifs de notre conduite à cet égard ont été vérifiés par les représentants qui nous ont succédé, et ils les ont approuvés : cette conduite nous a mérité les bénédictions du peuple dans les derniers moments de notre mission. Aujourd’hui ces hommes auxquels nous avons arraché le masque, que nous avons livrés au mépris qu’ils méritent, que nous avons mis dans l’impuissance de faire le mal, ils arrivent à Paris pour tromper les comités et les Jacobins. Vous ne trouverez dans ces hommes que des fripons qui avaient pour chefs Couthon et Robespierre, qui promettait pour récompense à ses satellites les dépouilles de ceux qu’ils sacrifiaient à ses vengeances. Il est donc enfin arrivé le jour où il nous est donné de faire éclater la vérité, après 14 mois d’exil, après avoir été en butte à toutes les calomnies et à toutes les persécutions; eh bien, Pocholle et Charlier sont là, ils connaissent Commune-Affranchie, ils peuvent assurer que les habitants sont bons citoyens, dévoués à la République, et qu’ils marchent le pas de charge contre les intrigants. Je dis cela, et je le répète pour que les comités et les Jacobins n’écoutent point les scélérats qui se sont rendus à Paris, et qui feraient beaucoup mieux de s’occuper à rendre leurs comptes que de jeter le trouble ici. ( Vifs applaudissements .) Le peuple de Commune-Affranchie est bon, mais il est peu éclairé; il a besoin d’instruction, sans quoi il est à craindre que le premier intrigant ne lui jette de la poudre aux yeux. Surveillez cette commune ; tenez-y à poste fixe un représentant. Des hommes investis de la confiance nationale ont mis la loi sous leurs pieds et y ont substitué leurs volontés ; les séquestres ont été violés ; le jour arrive où ces délits vont être connus; les coupables s’agitent et sèment le désordre; ils parlent des dangers de la patrie, mais leur véritable mobile est la crainte de se voir arracher le masque dont ils se couvrent. Le décret que vous avez rendu hier a porté la terreur dans leur âme. Je demande que la Convention se fasse rendre compte de l’exécution de ce décret à l’égard de cette clique intrigante de Commune-Affranchie. Plusieurs voix : Pour tous ceux que le décret concerne. N... : Vous ne ramènerez la prospérité dans le commerce de Commune-Affranchie qu’en rapportant le décret qui met cette ville en état de rébellion et de siège ; j’en demande le rapport. La Convention (25) décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de l’adresse des députés de la société populaire de Commune-Affranchie, et renvoie aux comités des Finances, de Commerce et d’Àgriculture, de Salut public et de Sûreté Générale, la motion faite de rapporter le décret qui déclare Commune-Affranchie en rébellion et en état de siège, pour qu’il lui soit fait un rapport dans trois jours (26). (25) Débats, n° 730, 572, attribuent cette dernière intervention à Bentabole. (26) Moniteur, XXII, 16-18 ; Débats, n° 730, 571-572 ; Gazette Fr., n° 994 ; J. Mont., n° 144, Mess. Soir, n° 763 ; Ann. Patr., n° 628 ; C. Eg., n° 763 ; F. de la Républ., n° 441 ; J. Fr., n° 726 ; M. U., XLIII, 558 ; Rép., n° 275 ; J. Perlet, n° 728 ; J. Paris, n° 629.