[Assemblée nationale.] AliCHLVES PARLEMENTAIRES. [26 mai 1791.) parlements des côtes et de l’intérieur, qui fournissent le moins d’hommes à l’armée. « En rapprochant les fixations des départements depuis Dunkerque jusqu’au département de l’Ain, on trouvera que l’armée auxiliaire présente, depuis la frontière jusqu’à 25 ou 30 lieues dans l’intérieur, une force de 32,000 hommes qu’il sera toujours facile de rassembler en peu de jours, et de porter où l’on voudra. » (Ce décret est adopté.) Un membre propose à l’Assemblée de décréter additionnellement l’article suivant : « Le rassemblement des soldats auxiliaires destinés à compléter ou augmenter un régiment, lorsqu’il y aura lieu, se fera également dans le chef lieu du département, à un - jour indiqué; les officiers ou sous-ofticiers, chargés de la conduite de ces soldats au régiment dans lequel ils seront incorporés, se rendront au même lieu, d’après les ordres du ministre, et après avoir passé la revue à la tête du corps d’auxiliaires, qui entrera dès ce moment à leurs ordres, ils seront chargés de sa police et conduite jusqu’à l’arrivée au régiment. La solde des soldats auxiliaires en pied de troupes de ligne, datera de ce jour, et ils recevront au moment 3 sols par lieue de distance de leur municipalité au chef-lieu de département. » (L’Assemblée renvoie cet article à son comité militaire pour lui en rendre compte.) Un membre demande que les articles qui doivent former le complément des décrets sur les mines et minières, soit incessamment mis à l’ordre du jour. (Cette motion est adoptée.) L’ordre du jour est la discussion du projet de décret des comités de féodalité , de Constitution , des domaines , de commerce et d' agriculture , relatif aux baux à convenants et domaines congéa-bles (1). M. de La Galissonnière. Messieurs, je vais avoir l’honneur de vous présenter quelques observations sur le projet de décret qui vous est soumis, tout en appuyant les bases élémentaires sur lesquelles il est établi. M. Tronchet. Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je propose à l’Assemblée, pour accélérer ses travaux, une manière fort simple. Le comité vous a proposé un projet de décret; il vous a développé les principes et les bases des différents articles du projet de décret, dans un rapport imprimé qui a été distribué ; quant à présent, je ne vois encore personne contre les propositions du comité, il me semble que ce serait perdre beaucoup de temps que d’entendre un discours qui est fort long, pour appuyer les principes posés par le comité, tant qu’ils n’auront pas été interdits. Indépendamment de cela, j’ai déjà eu l’honneur d’observer à l’Assemblée qu’il n’y avait véritablement dans cette question qu’un seut point essentiel : quelle est la nature du contrat à convenant ? A qui donne-t-il la propriété ? Est-il contestable que la propriété du fond reste au pro-(1) Voyez Archives parlementaires, tome XXV, séance du 10 mai 1791, p. 721, le rapport de M. Arnoult et le projet de décret des comités sur cet objet. 489 priétaire foncier, et que le domanié n’a autre chose que la propriété du superflu, propriété perpétuellement rachetable ? Voilà le seul principe à discuter d’abord, parce que tout ce que l’on pourra contredire ensuite sur les articles du comité ne dégénérera qu’en amendement de celui-là. Ainsi, je demande si quelqu’un est en état de contester ce principe fondamental posé par le comité : s’il s’en présente, on répondra ; mais si personne ne se présente pour lecombaitre, toute discussion sur cet objet doit être fermée, parce qu’elle ne peut dégénérer qu’en amendements particuliers sur les articles du comité et qu’il est plus expédient de discuter divisément article par article. M. de La Galissonnière. Sans écarter la motion d’ordre faite par M. Tronchet, je vous observe que si quelqu’un conteste les principes avancés par M. Tronchet, je demande, comme dejustice, la réplique. (Oui! oui!) Un membre demande que la question soit ajournée à la prochaine législature. M. Coroller du Moustoir. Lorsqu’il s’agit de déterminer une loi qui régit un million d’habitants, on ne peut traiter cet objet à une séance du soir. Je soutiens que c’est le raffinement le plus subtil de la féodalité. La loi du domaine congéable influe de la manière la plus désastreuse sur l’agriculture : elle en détruit toute la prospérité, et il est possible de vous prouver quelle soumet l’homme et la chose à la servitude la plus affreuse; il est possible de prouver que, tant que subsistera votre domaine congéable dans la province de Bretagne, votre Révolutionne s’opérera jamais, parce que, pour avoir 10,000 livres en rente convenantielle, vous avez 10,000 hommes soumis au propriétaire foncier. Ces hommes sont tellement soumis que père, mère, enfants, tous sont sous la dépendance du seigneur. Il y a ici des apologistes des domaines congéables, il y en a malheureusement trop, même parmi les députés de Bretagne : je l’atteste à la face de l’univers entier, le domaine congéable n’est point assez connu dans l’Assemblée ; c’est une nature de bien, tellement particulière, et qui entraîne des inconvénients tellement graves, que vous craindriez de le maintenir si vous en connaissiez toutes les conséquences. Or, Messieurs, la question première que vous avez à traiter, celle que je vous supplie d’examiner, c’est la question de savoir si le domaine congéable sera maintenu, oui ou non; le domaine congéable ne peut pas subsister, dès que vous avez détruit la féodalité et l’usage de mainmorte. M. Le Délst de Botidoux. Cette matière est tellement intéressante, que je demande qu’on mette cette discussion à l’ordre du matin. On verra par quels affreux moyens les ci-devant parlementaires de Bretagne qui étaient intéressés à cette question, ont aggravé le sort domanier. Les coutumes accordaient aux domaniers les bois blancs. Ces parlementaires les leur ont enlevés par leurs arrêts de règlement; les coutumes accordaient aux domaniers les arbres fruitiers : Eh bien! les parlementaires ont fait qu’en vertu d’un arrêt, il se trouve que les pommiers et les châtaigniers ne sont plus des arbres fruitiers. Plusieurs membres insistent pour que la discussion soit reprise. 490 [Assemblée nationaïe.r ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (27 mai 1791.] (L'Assemblée, consultée, décrète que la discussion sera reprise.) M. I�elay-Grantugen présente des observations sur le projet du comité et propose un projet de décret sur cette matière (1). M. de I�a Galîssonnière. La convention du domaine congêable est celle par laquelle le propriétaire d’un fonds de terre, en affermant ce fonds pour un temps déterminé, vend, par le même acte, au colon ou fermier, les bâtiments qui sont sur ce fonds, à condition que ce colon, lors de sa sortie, sera remboursé de la valeur de ces mêmes bâtiments, par le propriétaire qui, à ce moyen, rentre en possession, tant du fonds qu’il n’avait pas aliéné, et pour lequel on lui payait un fermage quelconque, que des édifices qu’il n’avait aliéné qu’à titre de réméré. Si le fermier ne sort pas à la fin de son bail, il continue de jouir par tacite reconduction , et le propriétaire conserve toujours le droit de l’expulser, en lui remboursant la valeur des édifices à dire d’experts. Tel est le bail à domaine congêable, connu dans la seule province de Bretagne, et que l’on s’efforce de représenter comme un reste, soit de la servitude mainmortable, soit du régime féodal. Je pose en fait que ces conventions existent en Bretagne depuis plus de 1,000 ans, c’est-à-dire plusieurs siècles avant le régime féodal... Le bail à titre de mainmorte , est un contrat par lequel le propriétaire en grévant de charges foncières l'immeuble qu'il aliène , donne des entraves à la liberté de l’aliénataire. Ce dernier est obligé de résider sur le lieu ; si ses enfants n’habitent pas avec lui au jour de sa mort, ils n’héritent point. S’il meurt sans héritiers directs, tous ses biens, meubles ou immeubles, dans quelque province qu’ils soient situés, deviennent la propriété du seigneur. Aucune de ces conditions ne se trouve dans la convention à titre de domaine congêable, le propriétaire ne fait que rentrer en possession de son fonds, qu’il n’avait pas aliéné, et des édifices dont il rembourse la valeur. L’usement de Rohan, dans lequel le fermier venant à mourir sans enfants, le propriétaire rentre, sans remboursement en possession des édifices, n’a plus de rapport avec le bail à titre de mainmorte. Le propriétaire n’a acquis et n’exerce aucun droit sur le reste de sa succession. C’est purement et simplement un bail à vie sur plusieurs têtes. A la vérité, la tenue indivisible doit passer à un de ses enfants : c’est ordinairement le dernier né, condition en faveur du tenancier, puisqu’elle recule le terme de l’extinction de la descendance. Mais dans un bail à vie sur plusieurs têtes, ne faut-il pas déterminer celle sur laquelle portera la chance? D’ailleurs, lorsqu’un fermier mourant a plusieurs tenues et plusieurs enfants, chacun d’eux devient fermier d’une tenue : le plus jeune cesse d’être favorisé. L’usement de Rohan, le seul de cette nature dans la province, n’est donc autre chose qu’un contrat aléatoire. Le domaine congêable ne dérive point du régime féodal auquel il est très antérieur. Une délibération du directoire de Quimperlé pose en principe et en fait : (1) Ce projet de décret a été inséré dans le tome XXV des Archives parlementaires, séance du 10 mai 1791, p. 731. 1° Que le fermier du domaine congêable n’est pas plus tenu de redevance féodale envers les bailleurs que le simple fermier ; 2° Que les ci-devant nobles ne possèdent pas un tiers des domaines congéables, et les ci-devant seigneurs n’en possèdent pas le dixième ; 3° Que les propriétaires de toutes les classes mettent journellement en domaines congéables, des métairies, des pièces de terres et même des maisons ; que la majeure partie des maisons de la ville de Lorient sont tenues à ce titre, et que les propriétaires n’ont cependant aucun droit ni de fief, ni de justice : enfin, que les subsides et charrois exigés des fermiers ne sont que partie du prix de la ferme. Les domaines congéables ne ressemblent pas davantage aux baux à rente foncière, puisqu’il n’y a pas aliénation du fonds. C’est sur ces principes que je me fonde pour attaquer plusieurs articles du projet de décret, proposé par les comités de féodalité, de Constitution, des domaines, de commerce et d’agriculture, comme destructeurs de là propriété. L’article 11 porte qu’à l’expiration des baux actuels, il sera libre aux domaniers qui exploitent de se retirer et d’exiger le remboursement de leurs édifices, pourvu que leurs baux aient encore 2 ans à courir , et cependant, qu’il serait libre aux domaniers non exploitants de se retirer à l’échéance précise des baux, et d’exiger le remboursement. Cet article tend au dépouillement des propriétaires-, et une coalition des domaniers qui n’était pas imaginaire, les forcerait, par la nécessité d’un remboursementsimultanéau-dessus de leurs facultés, d’abandonner leurs propriétés ; la seconde partie de l’article permettrait les do-raaniers non exploitants qui sont tous capi talistes, de forcer la main aux propriétaires en les forçant de vendre à vil prix, ou d’abandonner. L’article 23 est encore plus vexatoire, en ce qu’au défaut de remboursement, le domanier pourra faire vendre les édifices qu’il aura fait estimer : qu’en cas d’insuffisance du prix, il pourra faire vendre le fonds, et qu’en cas encore d’insuffisance, il pourra se pourvoir par les voies de droit pour le payement du surplus... Un propriétaire ne serait-il pas assez malheureux de perdre son fonds, sans courir encore le danger de perdre toute sa fortune? M. de La Galissonnière demande la radiation de ces 2 articles, et propose des amendements sur plusieurs autres. (La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.) M. le Président, lève la séance à dix heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du vendredi 27 mai 1791 (1) . La séance est ouverte à 9 heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin, qui est adopté. (1) Celte séance est incomplète au Moniteur .