380 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE liciter la liberté de retourner à mon domicile pour y trouver les secours et les commodités qui deviennent nécessaires au rétablissement de ma santé. J’ose donc te prier, citoyen président, de vouloir bien présenter ma demande à la Convention et j’espère que tu ne refuseras point de l’appuyer de ton suffrage. Je suis avec fraternité ton collègue et concitoyen, Girault, député des Côtes-du-Nord, âgé de 58 ans, section de la commune rue de la Mortellerie n° 46. P. S. La faveur que je réclame deviendrait imparfaite, si l’on ne daigne, en même temps, m’accorder le bris ou la levée des scellés, apposés sur la porte de l’appartement même, ce qui depuis un an m’a privé presque absolument de linge et d’habits. [Le représentant Saurine au président de la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (105) Citoyen président, Le citoyen Saurine, l’un des soixante douze députés, qui depuis plus d’un an sont sous le décret d’arrestation, tourmenté de douleurs et menacé de la ruine totale de sa santé, faute d’un air libre et salubre, sollicite la Convention nationale de rentrer chez lui, pour y faire les remèdes convenables et absolument nécessaires. Salut et fraternité. Saurine. [Le représentant Gerente, détenu à la maison d’arrêt des Anglaises, rue de l’Oursine, à la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (106) Citoyens collègues, Ma santé foible et délicate avant mon arrestation est absolument délabrée par la lon-geur d’une détention de 13 mois. J’avois cependant réuni toutes mes forces pour attendre le terme fixé par la Convention, comme il paroit par ce qui s’est passé hier dans la séance, que ce terme peut être retardé, et que mon état exige des remèdes prompts, et qu’il m’est impossible de les faire dans la maison d’arrêt où je me trouve, je demande qu’il me soit permis de me retirer auprès de ma femme et dans mon domicile à Paris. Olivier-Gerente, député de la Drôme. (105) C 323, pl. 1381, p. 9. (106) C 323, pl. 1381, p. 10. [Le représentant Fleury, détenu aux Carmes, à la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (107) Citoyens collègues, J’ai porté dans ma prison une infirmité qui est devenue très grave. Je demande la faculté de me retirer dans mon logement à Paris pour me faire donner des secours. C’est le seul moyen que me permet la médiocrité de ma fortune. Fleury, député des Côtes-du-Nord. Un secrétaire fait lecture des lettres de plusieurs députés détenus qui demandent à être transférés dans leur maison pour rétablir leur santé. Ces demandes, converties en motion par plusieurs membres, la Convention y adhère (108). Un nouveau membre, parmi ceux qui sont détenus, ayant demandé la permission d’aller dans son domicile rétablir sa santé, Goujon a pris la parole pour s’opposer à cette liberté (109). GOUJON : Je demande la parole. Plusieurs membres : C’est pour troubler l’Assemblée. GOUJON : Il se peut que la politique ait des règles que j’ignore ; pour moi, je ne connais que celles de l’égalité. Hier il s’est élevé une discussion sur nos collègues détenus, et la Convention a chargé ses trois comités d’examiner s’ils devaient ou non rentrer dans le sein de la Convention ; cependant, je vois aujourd’hui que, sans un rapport préalable, et sous prétexte de maladie, plusieurs demandent à se retirer chez eux et à y rester sans garde. Déjà, m’a-t-on dit, l’un d’eux s’est présenté ici et a pris sa rétribution comme les autres députés. ( C’est faux! s’écrient plusieurs membres). (110) [Plusieurs voix : Nommez-le, nommez-le : la preuve du fait.] (111) J’ai deux observations à faire sur la demande qui vous est présentée : la première, c’est que, si nous faisons rendre compte à nos prédécesseurs de ce qu’ils ont fait pour la liberté, d’autres viendront après nous, qui nous demanderont compte aussi de nos actions ( On applaudit). La seconde, c’est que, si cette décision blesse l’égalité, tout homme détenu, ayant les mêmes droits aux yeux de l’humanité, doit être également soutenu par la Convention. Il me paraît contraire au régime de l’égalité qu’un fonctionnaire public puisse, lorsqu’il est malade, se faire traiter hors de la prison où il est détenu ( Murmures) . (107) C 323, pl. 1381, p. 18. (108) J. Paris, n” 34; Débats, n” 760, 467; Mess. Soir, n 796. (109) Mess. Soir, n° 796; Moniteur, XXII, 338. (110) Moniteur, XXII, 338. (111) Débats, n° 760, 467. SÉANCE DU 2 BRUMAIRE AN III (23 OCTOBRE 1794) - Nos 33-36 381 [Il me paroît contraire à l’égalité qu’on accorde la liberté à nos collègues détenus sous le prétexte de rétablir leur santé. L’humanité demande que les détenus malades aient un régime propre à se rétablir, mais il ne faut pas qu’on puisse dire que les représentans du peuple ont le privilège d’aller où ils voudront pendant que les autres sont obligés de rester dans les fers.] (112) Plusieurs membres : Nos collègues sont innocents; nous demandons leur liberté. PENIERES : Je tiens la pièce imprimée; je demande à prouver qu’ils doivent être sur-le-champ mis en liberté. Plusieurs membres : Nos collègues gémissent dans les fers, et Carrier est libre ! (Bruit) (113). [Reubell s’est porté avec précipitation à la tribune. Eh bien! a-t-il dit, je demande qu’ils soient tous mis en liberté.] (114) [Il se fait un grand tumulte dans l’assemblée. Plusieurs membres demandent la parole pour des motions d’ordre : ils veulent parler ensemble.] (115) [De toutes parts on demande l’ordre du jour sur la motion de Goujon, et qu’il soit permis au député malade de se retirer chez lui.] (116) On réclame l’ordre du jour sur la proposition de Goujon. La Convention passe à l’ordre du jour, et permet au député malade de retourner chez lui (117). La Convention nationale décrète que les citoyens Ruault, Michet, Ribéreau, Forest, Saint-Prix, Estadens, Rouzet, Olivier Ge-rente, Saurine, Girault, Fleury, Dabray, Hecquet, Rabaut, Laurenceot, Moysset, Ferroux, Descamps, Daunou, Amyon, représentans du peuple, détenus dans diverses maisons d’arrêt de Paris, pourront se faire transférer de suite dans leurs domiciles à Paris, pour y rétablir leur santé (118). 33 La Convention nationale, après avoir entendu [SAINT-MARTIN, au nom de] son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Pierre-François Sylvestre, menuisier, natif de Châteaugiron, départe-(112) J. Paris, n° 34. (113) Moniteur, XXII, 338. (114) Mess. Soir, n° 796. (115) M. U., XLV, 43; Débats, n” 760, 467. (116) J. Mont., n° 10. (117) Moniteur, XXII, 338 ; Débats, n 760, 467 ; Ann. Patr., n° 661; Ann. R.F., n° 32; C. Eg., n° 796; F. de la Républ., n” 33; Gazette Fr., n” 1025; J. Fr., n° 758; J. Mont., n° 10; J. Perlet, n° 760; J. Univ., n° 1793; Mess. Soir, n° 796; M. U., XLV, 42; Rép., n” 33. (118) P.-V., XLVm, 15. C 322, pl. 1363, p. 13, minute signée de Guimberteau, rapporteur. ment d’Ille-et-Vilaine, lequel, après deux mois huit jours de détention, a été acquitté et mis en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris du 8 vendémiaire dernier; Décrète que, sur le vu du présent, la Trésorerie nationale paiera audit Sylvestre la somme de 200 L, à titre de secours et indemnité. Ce décret sera inséré au bulletin de correspondance (119). 34 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [SAINT-MARTIN, au nom de] son comité des Secours publics sur la pétition des citoyens Duparc et Issen-tier, faisant partie des Nantais acquittés et mis en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris du 28 fructidor dernier; Décrète que, sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera à chacun des susnommés la somme de 1000 L, à titre de secours et indemnité. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (120). 35 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [SAINT-MARTIN, au nom de] son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Etienne Jouanneau, volontaire de la première réquisition, natif de Meung département du Loiret, lequel, après 9 mois de détention, a été acquitté et mis en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris du 24 vendémiaire dernier; Décrète que, sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera audit Jouanneau la somme de 900 L, à titre de secours et indemnité. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (121). 36 La Convention nationale, après avoir entendu [SAINT-MARTIN, au nom de] son comité des Secours publics sur la pétition de (119) P.-V., XLVTII, 15. C 322, pl. 1363, p. 14, minute de la main de Saint-Martin, rapporteur. Bull., 3 brum. (suppl.). (120) P.-V., XLVIII, 15-16. C 322, pl. 1363, p. 15, minute de la main de Saint-Martin, rapporteur. Bull. , 3 brum. (suppl.). (121) P.-V, XLVIII, 16. C 322, pl. 1363, p. 16, minute de la main de Saint-Martin, rapporteur. Bull., 3 brum. (suppl.).