Séance du 10 brumaire an III (vendredi 31 octobre 1794) Présidence de PRIEUR (de la Marne) La séance est ouverte à onze heures. 1 Un membre du comité de Correspondance, dépêches et archives, donne lecture des pièces suivantes : La société populaire de Ribérac, département de la Dordogne, appelle l’attention sur l’instruction publique; elle se plaint de ce que la profession d’instituteur, loin d’avoir obtenu encore en France la faveur et le lustre dont elle devroit être environnée, est au contraire, pour ainsi dire, vouée à l’oubli et au mépris. Elle demande s’il ne conviendroit pas d’ouvrir un concours pour tous les enseignemens publics ; et si, sans blesser l’ordre social et les principes de l’égalité, il ne deviendroit pas possible de créer dans chaque district, ou même dans chaque canton, une école publique et gratuite qui réuniroit diverses espèces d’enseignemens ; et si l’intérêt national n’exigeroit pas qu’on fît dispa-roître l’entrave qui prive les instituteurs de retenir auprès d’eux les jeunes élèves qu’ils ne devroient pas perdre de vue un instant. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité d’instruction publique (1). La société populaire de Ribérac présente à la Convention nationale une adresse dans laquelle elle exprime son voeu pour que la Convention veuille bien s’occuper, le plutôt possible, d’organiser l’instruction publique. C’est par l’absence des sciences et des arts, dit cette société, que le fanatisme, le régime féodal et la tyrannie ont acquis toute leur force et causé de si grands ravages. Après plusieurs observations sur la nécessité de faire jouir, le plutôt possible, (1) P.-V., XL VIII, 122. la République du bienfait de l’instruction, et de revoir les lois qui ont été faites sur cet objet important, la société termine par assurer la Convention que rien ne sauroit altérer la confiance et l’estime qu’elle a inspirées aux républicains de Ribérac, et lui réitère l’expression de son admiration pour le courage avec lequel elle a terrassé les factions. Elle jure de combattre, jusqu’à la mort, toute autorité rivale qui oserait s’élever contre la Convention, seul organe de la volonté suprême du peuple, et autour de laquelle tous les sentimens et toutes les volontés doivent se rallier (2). 2 La société populaire de Castelnau-de-Médoc, département du Bec-d’Ambès, félicite la Convention sur son décret du quatrième sans-culottide qui généralise le mode d’instruction et qui remplit le vide des fêtes décadaires par l’instruction. « Hâtez-vous, dit-elle, d’y joindre la pompe d’un spectacle qui charme les ennuis du peuple et le dispose à reprendre ses travaux. » Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité d’instruction publique (3). 3 La société populaire de Bayonne, département des Basses-Pyrénées, écrit qu’il est incontestable que les partisans du modérantisme et de l’aristocratie font mouvoir tous les ressorts pour paralyser l’énergie des républicains; et que le gouvernement révolutionnaire qui seul a comprimé nos (2) Bull., 11 brum. J. Fr., n° 768; M. U., XLV, 203. (3) P.-V., XL VIII, 122-123. SÉANCE DU 10 BRUMAIRE AN III (31 OCTOBRE 1794) - N° 4 223 ennemis secrets et frappé ceux qui se sont déclarés ouvertement, est nécessaire pour consolider la liberté, servir d’égide aux patriotes et porter la terreur dans l’âme des ennemis du peuple. Elle assure la Convention nationale de son dévouement. Mention honorable, insertion au bulletin (4). \La société populaire régénérée des sans-culottes de Bayonne à la Convention nationale, le 16 vendémiaire an HT] (5) Egalité, Liberté. Représentans d’un peuple libre. S’il est incontestable que les vrais amis de l’Egalité et de la Liberté sont prêts à sacrifier leurs biens et leurs vies pour raffermissement de la République une et indivisible, il est aussi incontestable que les partisans du modérantisme, de l’aristocratie font mouvoir tous les ressorts pour paraliser l’energie des Républicains. Nous pensons, que l’acte constitutionel offre dans les momens actuels une marche trop lente pour déjouer leurs complots liberticides : Le gouvernement révolutionnaire a seul comprimé nos ennemis secrets, a frappé ceux qui se sont déclarés ouvertement et nous a élevé à une hauteur innaccessible aux contre-révolutionaires et aux tirans coalisés; c’est à cette hauteur qu’il faut se maintenir, se fixer jusqu’à la paix, jusqu’alors point de demi-mesures, point de pas rétrogrades, que la malveillance soit sans cesse atterrée par vos décrets, que les conspirations dont les fronts commençoient à se dérider à l’aspect du modérantisme, soient plus que jamais courbés sous les loix révolutionnaires. Nous vous demandons donc, Représentans du peuple, la continuation de ce gouvernement qui, en servant d’egide aux patriotes portera la terreur dans l’ame de l’ennemi du peuple et ne sera fatal qu’a lui seul. Marchés, fideles mandataires, dans cette carrière révolutionnaire, aplanissés les obstacles qui s’opposent a l’affermissement de la République une et indivisible sans laquelle nous ne voulons ni ne pouvons exister et comptés toujours sur la reconnoissance et l’entier dévouement des sans-culottes composant la société populaire de Bayonne. Docteur, président, Jean Hus, Descande fils, Lambert, secrétaires. 4 La société populaire de Nîmes [Gard] fait l’éloge de la conduite des représentans Perrin et Goupilleau [de Montaigu], qui ont combattu tour à tour le fanatisme, l’aris-(4) P.-V., XL VIII, 123. (5) C 325, pl. 1406, p. 33. tocratie, le feuillantisme, le fédéralisme et les partisans du scélérat Robespierre. « Si quelque faction contre-révolutionnaire vouloit, dit-elle, lever l’étendard de la révolte contre la Convention et les principes de liberté et d’égalité, les vrais patriotes sauront se lever et écraser les ennemis de la patrie. » Renvoyé aux comités de Salut public, Sûreté générale et Législation réunis (6). Adresse de la société populaire régénérée de Nîmes à la Convention nationale il). Nîmes, le 26 vendémiaire, l’an troisième de la République française, une et indivisible. Citoyens Représentans, Il est parvenu jusqu’à nous qu’un être immoral qui est dans votre sein (Borie), s’efforce, avec le secours de la calomnie, de vous persuader que les représentans du peuple Perrin et Goupilleau faisoient dans notre département la contre-révolution; et il en donne l’affirmative, le traître ! parce que, dit-il, la société populaire de Nîmes n’a point manifesté son approbation sur leurs opérations. Représentans, la société populaire de Nîmes avoit juré de ne parler des représentans Perrin et Goupilleau qu’après que leur mission seroit finie ; mais le calomniateur, animé par les mânes de Robespierre, nous force à rompre le silence, et à vous prémunir contre le scélérat qui voudroit vous tromper par l’imposture. Représentans, nous ne vous dirons que deux mots : les représentans Perrin et Goupilleau se sont conduits jusqu’à présent dans leurs opérations, à la satisfaction des patriotes qui n’ont jamais dévié de la ligne révolutionnaire qui ont combattu tour-à-tour le fanatisme, l’aristocratie, le feuillantisme, le fédéralisme; et enfin, qui ont terrassé en dernier les partisans sanguinaires du scélérat Robespierre. Représentans, ceux qui vous félicitent d’avoir anéanti la faction Robespierre dans Robespierre lui-même ne crient si fort que pour se faire oublier eux-même; laissez-les aboyer, ces hommes de sang; les vrais patriotes sont là; et si quelque faction contre-révolutionnaire vouloit relever l’étendard de la révolte contre la Convention et ses principes fondés sur la liberté et l’égalité, les vrais patriotes sauront se lever, et d’un seul coup écraseront tous les ennemis de la patrie. Salut et fraternité. Signé, Labrousse, président, Lacombe, Richaud, Michel, Bavtd, Barbuse, secrétaires. Insertion au bulletin. (6) P. V., XL VIII, 123. (7) Débats, n° 768, 581-582.