[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [21 juin 1791.] 389 M. Regnaud (de Saint-Jean d'Angély). M. Bar-nave est prêt ; il faut le faire avertir. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Si l’Assemblée le permet, un de MM. les secrétaires va lui communiquer un arrêté très court qui vient de m’être envoyé par la section de la Croix-Rouge. M. Tuant de Ta Bonverie. Non ! il n’y aurait pas de raison pour ne pas écouler tous les arrêtés de toutes les municipalités. Il faut renvoyer aux départements. M. Robespierre. Je demande que la section soit entendue. (Non ! non !) . M. Gaultier - Biauzat. Est-ce comme section? Elle ne peut être entendue. Est-ce comme individu? Elle peut l’être. M. Robespierre. Lorsqu’il s’agit du salut public, le flbuple seul peut y pourvoir. (Applaudissements). M. Tuant de Ta Bonverie. Le département est là et c’est par lui que la section peut se faire entendre. M. Robespierre. C’est parce que le département est là que je demande que la section soit entendue. . M. le Président. J’observe que la section ne demande pas à être entendue. C’est un arrêté qu’elle a pris et qu’elle envoie à l’Assemblée nationale, et duquel elle désire que l’Assemblée prenne connaissance. M. Gaultier-Biauzat. Cette section n’avait pas le droit de délibérer. Un membre ; Elles sont légalement convoquées. M. Robespierre. 11 est indécent qu’un membre de cette Assemblée refuse d’entendre une section. Le peuple peut être trahi. (Murmures.) M. Régnier, secrétaire. 11 est impossible de s’opposer à la lecture de la pièce que j’ai entre les mains; bien qu’en forme de délibération, elle n’est néanmoins qu’une simple adresse à l’Assemblée nationale; elle contiennes protestations de fidélité et d’attachement de la section de la Croix-Rouge à tous les décrets de l’Assemblée, nonobstant le départ du roi. (Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne la lecture de l’arrêté de la section de la Croix-Rouge.) M. Régnier, secrétaire , donne lecture de ce document qui est ainsi conçu : SECTION DE LA CROIX-ROUGE. Extrait du registre des délibérations des assemblées générales de la section de la Croix-Rouge. (Du mardi 21 juin 1791.) « L’assemblée générale de la section de la Croix-Rouge, légalement convoquée, « A arrêté que, malgré le départ, la fuite et la disparition du roi et de sa famille, la section de la Croix-Rouge, pleine de confiance aux lumières de l’auguste Assemblée nationale, et animée des sentiments de la plus parfaite soumission à ses décrets, est résolue de se conformer, avec le plus grand zèle et la plus parfaite exactitude, aux ordres et aux mesures de l’Assemblée nationale, dans les circonstances critiques où se trouve la capitale. « Et le présent arrêté, à l’instant sera envoyé et porté à l’Assemblée nationale, par MM. Millier, Traislin, Gard, Amandry et Poupard, et par tous autres citoyens porteurs d’icelui. « Pour extrait collationné conforme à la minute. « Signé : C.-N. DE BeaüVAü, président; Boucher-René, secrétaire provisoire. » (L’Assemblée applaudit à la lecture de cette adresse, en ordonne l’insertion dans le procès-verbal, et passe à l’ordre du jour). M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du Code pénal (1). M. Te Pelletier-Saînt-Fargeau, rapporteur. Messieurs, vous avez adopté les articles 7 et 8 de la première section du titre II du Code pénal; toutefois un membre de cette Assemblée ayant demandé que cette adoption ne fût pas définitive et qu’il lui fût possible de présenter quelques observations, vous avez décidé que ces articles seraient de nouveau soumis à la délibération. Nous allons donc les reprendre ; les voici : Art. 7. « Hors les cas déterminés par les précédents articles, tout homicide commis volontairement envers quelques personnes, avec quelques armes, instruments, et par quelque moyen que ce soit, sera qualifié et puni ainsi qu’il suit, selon le caractère et les circonstances du crime. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Te Pelletter-Saïnt-Fargean, rapporteur, donne lecture de l’article 8~ ainsi conçu : « L’homicide commis sans préméditation sera qualifié de meurtre, et puni de la peine de 20 années de chaîne. » M. Pison du Galand. J’observe à l’Assemblée que la manière dont est conçu le premier article contrarierait son intention très manifeste d’appliquer la peine de mort à tout meurtre qui ne serait pas excusable. Effectivement, Messieurs, si on ne prend pas les précautions les plus sérieuses, si on n’apporte pas l’attention la plus scrupuleuse à qualifier cette espèce de meurtre, il me paraît de toute évidence qu’on s’écartera des vues de l’Assemblée. II est aisé de se figurer qu’avec cette expression, tout meurtre non prémédité ne sera puni que de 20 années de chaîne ; par exemple, une vengeance sera préméditée et pour la satisfaire on fera élever une rixe. Je demande donc, que le meurtre, toutefois qu’il n’a pas pour principe la légitime défense de soi-même ou une provocation extrêmement grave, soit puni de la même peine. M. Garat aîné. Décréter, comme le propo-(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 376. 390 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] sent vos comités, que l’homicide non prémédité sera qualifié de meurtre seulement, pour n’être puni que de 20 années de chaîne, ce serait prendre une mesure dangereuse. On vous propose, d’autre part, de décréter que l’homicide prémédité sera qualifié d’assassinat et puni de mort. Mais l’homme qui en attaque un autre, qui le renverse, qui le met hors de combat et qui revient sur lui pour l’assommer, ne commet-il pas un assassiuat prémédité? Il en est une foule d’autres du même genre qui ne le sont pas moins. L’article qui vous est soumis me paraît donc incomplet puisqu’il ne distingue pas les diverses nuances dont le crime qui en est l’objet est susceptible, et qui peuvent le rendre plus ou moins grave, non plus que les différentes peines qui devraient y être appliquées. Je demande qu’il soit renvoyé aux comités pour un plus mûr examen. M. Boutteville-Bumet*. Les comités ont très bien distingué l’homicide prémédité de celui qui ne l’est pas, et il suffit de qualifier exactement l’espèce du délit, afin que les jurys ne se trompent pas dans sa nature. J’appuie l’article du comité. M. Moreau. Je demande que la peine de mort simple soit appliquée dans le cas de meurtre simple. M. Régnier. Le décret rendu sur la peine de mort n’admet aucune nuance, si ce n’est dans l’appareil du supplice ; en suivant l’avis de M. Moreau, on punirait également celui qui, dans un moment de passion, aurait frappé et tué sans intention mauvaise et celui qui aurait assouvi une affreuse vengeance. J’appuie l’article du comité. M. Tuaut de E