90 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1789.] donner aqx passions ennemies de l’ordre établi ; que la tranquillité, qui n’est pas moins que la li* berté un (jes éléments essentiels du bonheur, ne peut subsister avec le retour supposé fréquent de ces appels à ta nation ; qu’il est même impossible que l'union intime de toutes les parties qe l’em-pire* puissent supporter sans se rompre, ces vives secousses que les membres qui ont proposé cet appel ont cru pourtant aussi possibles que légales. Il faqt donc que s’il existe* et c’est sur qnpi vous aurez à vous décider dans un autre endroit de la Constitution lorsque voqs qgijprez la question de savoir si les représentants une fois élus peuvent apporter des ordres de leurs commettants pour quelque loi positive, questipp qui; décidera elle-même la manière dont le vœu national sera interrogé, question liée à celle que nous traitons et qui prouve la nécessité de lier ensemble toutes les parties de l’édifice; si cet appel existe, dis-je, comme c’est un grand mal politique, il faut qu’il soit rare, il faut qu’il n’ait lieu que pour des intérêts bien pressants, pour des atteintes bien funestes portées par les représentants aux droits sacrés de la nation et du Roi, il faut donc qu’à l’instapt même qu’il s’exécute, un acte éclatant apprenne aux peuples que leurs volontés sont méconnues. Üne loi que le prinçe aura suspendue vis-à-vis d’une première législature, refusée vis-à-vis d’une seconde, n’est plps une loi d’erreur ou de précipitation ou d’ignprance ; c’est un attentat à quelque droit ou à quelque pouvoir légitime : il’ faut donc que la législature qui la reprpduit soit dissoute et qu’une nouvelle législature soit convoquée au même instant, il le faut et ce n’est pas pour cela que le prince moptre la colère d'un despote , mais pour que cette dure nécessité soit une barrière de plus pour lui; il faut que la législature soit foudroyée pour que ce soit une barrière pour elle, et peux qui ont attaqué cette proposition de M, de Mirabeau, n’ont pas songé, qu’il lui avait donné la forme d’une loi pénale plutôt pour prévenir que pour punir et parce que le refus d’une lei, persèvéramment présentée, rompant toute harmonie et toute confiance entre le prince et les représentants ne peut plus laisser subsister leur rapprochement. Voilà ce que je pense du veto suspensif et ceux qui l’admettent et ceux qui admettent le veto absolu sont d’accord sur un point : c’est que la loi n’a le caractère dé loi, que par le vœu des représentants et je consentement du monarque. Sorfrefussfait de la loi, un projet sur lequel lui-même dqit désirer que la nation soit consultée ; qu’on lui demande ou sa volonté ou ses lumières, qu’on laisse pette puissance à l’opinion qui l’exercera peut-être mieux, ou qu’on demande et de nouveaux représentants et des mandats impératifs, c’est ce que vous pèserez dans votre sagesse. Je n’opine donc ni poqr le veto absolu, ni pour le veto suspensif, car je n’y vois qu’une question de mots et je dis tout simplement : La loi sera faite par les représentants de la nation et consentie par le Roi. M. Treîlhard (lj. Opinion sur le droit de sanction (2). Messieurs, je n’ai jamais conçu qu’on (1) L’opinion dé M. Treilhard ti’a pas été insérée au Moniteur. (2) Le compte inexact qui a été rendu de cette opinion dans plusieurs feuilles, m’a déterminé à faire imprimer ce résumé. (Noie de l’auteur.) put détruire le droit de sanction du Roi, sans altérer ie principe de la monarchie. 11 faut deux pouvoirs, mais il faut cjeux pouvoirs distincts, indépendants, c’est-à-dire, dont l’un ne puisse pas envahir l’autre arbitrairement et à son gré. Or, il est évident que si l’on ôte au pouvoir exécutif le droit de sanction, le Corps législatif pourra faire des lois qui enlèveront au pouvoir èxécutif toutes ses prérogatives, sans que ie pouvoir exécutif ait le droit de s’y opposer ; il pourra déclarer le pouvoir exécutif déchu de tops ses droits, le transporter dans d’autres mains, se l’attribuer même en totalité ou en partie ; et alors il n’v aura plus de monarchie, mais un gouvernement absolu, c’est-à-dire, le plus odieux et le plus détestable de tous les gouvernements. 11 est de la sagesse du Corps législatif de se prémunir contre les actes qu’un instant d’erreur, de surprise ou d’enthousiasme pourraient lui arracher : cela est nécessaire surtout, lorsque le Corps législatif réside dans une Assemblée unique (car je crois qu’il ne faut qu’une Chambré, et je me réserve d’appuyer mon opinion quand on traitera directement celte question� Cela est indispensable singulièrement chez une nation vive, impétueuse, dont les délibérations peuvent quelquefois se former plutôt par une espèce d’élan que par une longue et mûre réflexion. C’est dans jes précautions que prendront contre eux-mêmes les membres dû Corps législatif, que leur prudence et leqr courage se manifesteront avec le plus d’éclat, il ne faut pas une vertu bien rare pour se raidir pontre la résistance et contre l’oppression : il suffit pour cela de céder au sentiment que la nature a gravé dans le cœur de tous les hommes ; mais se défier des surprises de l’intérêt personnel, redouter l’effet de ses passions, se prémunir contre ses propres entreprises et contre l’abus du pouvoir qui nous est confié, voilà des actes de sagesse dignes d’un Corps législatif ; c’est à ces traits qu’on reconnaîtra les représentants du peuple le plus éclairé de l’univers. Personne ne peut désavouer que le Roi soit une partie intégrante de la nation : il faut donc qu’il concoure à la formation de la loi ; il ne peut y concourir que par le droit de sanction; il serait dérisoire de le réduire à la qualité d’un simple citoyen, de le restreindre au droit d'un député ordinaire ou de président de l’Assemblée: ce n’est pas là, comme l’a avancé un des préopinants, le droit qui lui était seulement réservé par notre ancien gouvernement: lex sit consensu po-puli et constitutione regiâ. La sanction royale était donc nécessaire. Le peuple consentait à la loi, et le Roi la sanctionnait, ou plutôt le Roi avait l’initiative. C’était lui qui proposait la loi ; mais il ne pouvait la faire sans le consentement de la nation. On est donc bien peu fondé à argumenter de cet ancien état, pour prétendre que le Roi ne doit pas avoir un droit de sanction. Eu vain dit-on que ce droit mettra le pouvoir législatif dans la dépendance du pouvoir exécutif, parce que le Roi pourra, à son gré, sanctionner ou ne pas sanctionner la loi qui sera proposée. Distinguons avec soin la Constitution de la législation. Une nation a sans contredit le droit de se donner une Constitution: c’est de cette Constitution que les pouvoirs tiennent ou sont ceüsés tenir tous les droits. L’acceptation de jeUr part est nécessaire, parce qu’elle forme le contrat entre eux et la nation ; mais il faut se donner de garde de confondre cette acceptation, qtii n*est qu’une assurance que les personnes chargées des différents pouvoirs en rempliront les fonctions [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 17§9.[ QÎ dans toute leur étendue, avec la sanction qui forme le complément cTiine loi dans un gouvernement organisé. Pour peu qu’on y réfléchisse, on sentira que I(é pouvoir exécütif ne peut |qmais avoir d’intérêt à s’opposer à rexécütion d’une bonpe loi, et qu’il doit même avoir un intérêt contraire, bailleurs, la responsabilité des ministres nous garantit qu’ils ne conseilleront jamais au Roi dp refuser lia sano tion de ce qui sera juste ét utile. Le serment que les troupes prêtjentà la nation nous assure que le pouvoir exécutif ne pourra jamais abuser contre elle de l’autorité militaire, et enfin }a permanence des États (car je crois qu’ils doivent être permanent� et je le prouverai quand on agitera la question), ne permet pas même de soupçonner qu’il puisse y avoir le moindre danger dans l’exercice du droit de sanction. Tout pouvoir, vous a-t-on dit, émane de la na-tionj le pouvoir exécutif en émane lui-même ; et de la on a conclu que le Roi ne devait pas avoir le droit de sanctionner, parce qu’il serait contre la nature des choses qu’il pût arrêter l’activité du corps dont il tient son existence. Oui, sans doute, tout pouvoir émane de la nation, le pouvoir exécutif en émane, aussi ; maïs la conséquence qu’on voudrait en tirer n’est pas juste. Lorsqu’une nation se foripe en monarchie, lorsqu’elle distribue les pouvoirs, elle doit donner à chacun d’eux tout ce qui est nécessaire pour leur conservation ; sans cela la Constitution serait très-imparfaite ; la monarchie tendrait toujours à l’anarchie ou au despotisme, et les peuples se trouveraient dans un état voisin de l’esclavage ou de la guerre civile. Or, j’ai déjà prouvé jusqu’à l’évidence, que le droit de sanction était nécessaire pour la conservation du pouvoir exécutif : ce droit est donc de son essence, et l’on iie pourrait l’en priver sans les plus grands inconvénients. Que peut-on craindre de l’exercice de ce droit ? ou la loi proposée sera bonne ou elle seëa mauvaise; si elle est mauvaise, la nation, éclairée par la réflexion et par l’expérience, ne permettra pas qu’elle soit proposée une seconde fois; si elle est bonne, le Roi, éclairé aussi par les mêmes motifs, ne la refusera pas dans une nouvelle Assemblée. 11 est un pouvoir au-dessus de tous les autres, c’est Teiüpire de la raison qui dirige à la fin l’opinion publique ; et cettë opinion est un torrent auquel rien ne peut résister. Si le pouvoir exécutif avait le malheur de refuser la sanction d’une bonne loi, s’il avait le malheur plus grand encore de persister dans ce refus, bientôt i’opi-nion publique lui apprendrait qu’il, doit abjurer son erreur ; et son intérêt personnel ne le laisserait pas balancer dans le choix de ces deux partis: ou des’tlonorer par une rétràctation, ou de së compromettre par un refus plus longtemps soutenu. ; Je he prétends cependant pas qu'il né puisse jamais y avoir d’inconvénient dans' l’exercice du droit de sanction; tel est le sort de toutes les institutions humaines , qu’elles portent un principe de dépérissement et de destruction. Quel est l’établissement dans lequel on ne puisse prévoir une possibilité d’abus? Mais des objections, même plausibles, contre une chose d’ailleurs démontrée bonne, oe sont pas un motif pour la rejeter. Nous sommes réduits à choisir entre des institutions imparfaites, celles qtii présentent le moins d’inconvénients. J’en trouve beaucoup moins à donner le clpoit de sanction, que de le refuser. Tout ce qui peut résulter de plus fâcheux du droit de sanction, c’est qu’une bonne loi poprra éprouver des retards ; c’est un malheur , sans doute, mais l’anéantissement de ce droit nous laisserait toujours à la veillé d’pn changement dans la Constitution, et pourrait entraîner la dissolution de l’empire ; cet inconvénient est bien plus grave. Et qu’on ne cherche pas dans le passé des motifs d’iqquiétude pourTavenir ; ripn rie ressemble moins a l’étaL passé) que l’état actuel ; tout est changé: nous n’avions pas de constitution fixe et nous allons eu avoir une ; nous vivions sous le despotisme ministériel, etnousvivronsdésormaissous la seule autorité de la loi qpe nous nous serons nous-mêmes donnée. Il pe nous resté plus d’ennemis, ou, s’il en reste, je n’en connais qu’un, et nous le portops en nous-mêmes; c’est cette inquiétude, respectable, sans doute, dans son principe, mais bien dangereuse par ses effets , qui, pour nous faire courir après un mieuiç, très-souvent cbiqaérique, nous expose â perdre le bien que nous tenons. Je pense donc que dans notre Constitution , pour laquelle la sanction n’est pas nécessaire , nous devons donner au pouvoir exécutif le droit de sanctionner les lois qui seront faites à l’avenir. M. VoideJ (IR Opinion si�r leÇ sanction royale (2). Messieurs, lorsque dans votre déclaration des Droits 4e l’homme et du citoyen yous ave? consacré, comme la base de tout gouvernement libre, cette grande et belle maxime ; que le principe de toute souveraineté réside essentiel leriftnt dans le peuple; gu’apcun corps, qu’aucun individu ne peut avoir d’autorité qui n’en émane expressément; qu’aucune fonction publique rie peut être considérée comme la propriété de celui qui l’exerce ; vous avez contracté envers le monde entier rengagement solennel et sacré, de donner aux Français une Cqnstitutiori qui soit la conséquence de ees principes. Cependant, Messieurs) ati moment dé commencer ce grand ouvrage qui doit nous couvrir de gloire ou de mépris, selon que nous l’aurons bien ou niai fait, j’aperçois avec douleur dans l’Assemblée une inquiétude sourde, une défiance secrète; triste présage, avant-coureur funeste des plus grandes calamités. Fatigués des longs efforts que nous avons faits pour enfanter l’esprit publié; nous livrerions-nous dp ne au découragement, lorsque nous sommes prêts à recueillir les fruits de pos travaux, et que polir les achever heureusement, nous avons plus que jamais besoin de l’union intime et de l’accord parfait de trios forces el de nos volontés. Qu’est-ce que la sanction royale? Cette , question, Messieurs, est absolument neuve; et si la presque totalité des cahiers l’énonce formellement, il en est peu, il n’eu est peut-être point (1) L'opinion de M. Yoidel h’a pàs ëté insérée au Moniteur. (2) J’avais demandé la pàiolé à Pouvéttüre de la séance du l*r septembre; j’étais inscrit sut la listé; cependant je n’ai pas pu parler. Si je fais anjonrd’tini imprimer ipon opinion, ee n’est pas peur écïairjer i’As-semblée, mais je veux manifester mon avis sur l’objet le plus importanCde la Constitution. (Note deM. Voidet.