534 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 septembre 1790.] quelque considérable qu’elle soit, circonscrite dans d’heureuses limites, et bornée par des rives opulentes, ne viendra pas comme deux milliards d’assignats, c’est-à-dire comme un torrent dévastateur, entraîner dans son cours, et les comptoir des villes, et les cabanes des laboureurs. Sans doute, les besoins urgents de nos finances, pour la fin de cette année et le commencement de la prochaine, exigeront encore une nouvelle émission d’assignats ; mais du moins qu’elle soit de peu d’étendue, et simplement proportionnelle au déficit du Trésor public; mais du moins qu’elle soit sans cet intérêt qui doit la discréditer ; qu’elle soit annoncée invariablement comme la dernière. Prenons alors les moyens les plus prompts d’accélérer la perception des impôts, de mettre le niveau entre la dépense qui, n’est point encore parfaitement connue, et la recette à exiger des contribuables. Augmentons d’efforts, doublons le temps, s’il est possible, et travaillons la nuit et le jour à cet important objet. C’est le palladium de la Constitution ; c’est le salut du peuple : c’est la loi suprême. Par cette double émission, et d’assignats très-limités, et de quittances de finance, nulle convulsion, aucun déchirement déplorable. Ah ! ne devenons pas, je vous en conjure, semblables à ces empiriques qui, lorsqu’on aurait pu guérir sans froissement, sans séparation cruelle, avec des calmants et le baume du temps, prennent hardiment le fer et le feu, et viennent, inconsidérément, porter les angoisses et la douleur sur des êtres d’autant plus respectables, qu’ils sont malades et sensibles. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, a décrété ce qui suit : 1° Il sera incessamment procédé à la liquidation de la dette publique ; et, à cet effet, il sera adjoint trente nouveaux membres à chacun des comités de liquidation et de judicature, pour reconnaître chaque partie des créances exigibles et arriérées ; 2° Immédiatement après, il sera délivré à chaque créancier, dont la créance aura été liquidée, une quittance de finance, ou reconnaissance de sa valeur, suivant la forme qui sera déterminée; 3° Les quittances de finance seront divisées en coupons de 1,000, 500, 300 et 200 livres; et il leur sera fixé un intérêt annuel de 3 0/0, décroissant, d’année en année, de 1/2 0/0 ; 4° Tout porteur de quittances de finance sera admis à l’acquisition des biens nationaux, et celui qui en versera pour une somme plus considérable aura, à enchères égales, la préférence sur l’argent; 5° Le comité des finances présentera incessamment Je projet d’une nouvelle émission d’assignats proportionnelle aux besoins de cette année et du commencement de la prochaine. M. de Folleville. Je demande l’impression du discours de M. Delandine, afin qu’on puisse en faire la comparaison avec celui de M. de Mirabeau. M. de Croix. Je crois que l’impression serait une faute, pour le cas où l’Assemblée décréterait la création des assignats. M. de Folleville. Cela prouverait, au contraire, que l’Assemblée s’est décidée en connaissance de cause. (L’impression du discours de M. Delandine est ordonnée.) M. Dnbois-Craneé. Je demande l’impression du discours de M. Pétion. M. de Laehèze. Je demande celle de tous les discours qui seront faits sur cette matière. (L’impression du discours de M. Pétion est décrétée à une très grande majorité.) M. le Président. Je viens de recevoir de M. de La Tour-Du-Pin une lettre et des pièces relatives à l 'insurrection de Nancy, dont un de MM. les secrétaires va donner lecture. Lettre de M. de, La Tour-du-Pin. « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous adresser une lettre de M. de Souillé et du directoire du département de la Meurthe. Je ne crois pas devoir perdre un moment pour vous communiquer les originaux. Je n’ai pu encore faire connaître ces nouvelles au roi, mais je suis sûr que je préviens ses intentions. » Copie de la lettre de M. de Bouillê à M. de La Tour-du-Pin (1). De Nancy, le l#r septembre 1790. Messieurs, j’ai été trop occupé de toutes les manières depuis que je suis entré dans cette ville, pour avoir pu vous faire le rapport de tout ce qui s’y était passé. J’ai prié Monsieur votre fils de vous en instruire sur-le-champ, et j’ai l’honneur de vous en envoyer aujourd’hui le récit. J’ai réuni, le 31 dans la matinée, à Frouard et Champigneulle, sur la route de Pont-à-Mousson à Nancy, les troupes destinées à faire exécuter les décrets de l’Assemblée nationale. J’y avais fait joindre les grenadiers et chasseurs de la garnison de Metz ; je voulais connaître l’esprit des troupes ; je jugeai à leurs dispositions que je pouvais tout entreprendre avec elles, et qu’elles regardaient les régiments de la garnison de Nancy comme des rebelles à la loi. J’étais également satisfait du zèle et de la bonne volonté des gardes nationales de Metz et des environs. Je reçus, à onze heures et demie, une députation de la municipalité et des soldats des régiments de la garnison de Nancy; il y avait même aussi un député des carabiniers. Je leur donnai audience au milieu des soldats dont on avait peine à calmer la fureur et l’emportement. Je leur répétai ce que j’avais exprimé dans ma proclamation, et je dis aux soldats, que i’ordonnais que les trois régiments sortissent de la ville, et qu’alors je ferais exécuter l’arrêt prononcé contre eux par le décret; que je voulais qu’avant, MM. de Noue et de Malseigne fussent remis en liberté. Ces députés de la municipalité me demandèrent à ne pas rentrer dans la ville, craignant d’être égorgés par le peuple qui avait pillé les arsenaux et enlevé plus de 4,000 fusils. On entendit tous les soldats crier à ceux de Nancy, qu’ils étaient des traîtres et des rebelles, et ils me (1) Le Moniteur ne donne qu’un extrait de ce mé» moire.