[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1791.] M. l’abbé Ülaurrytlescénd de Ta tribune ( Applaudissements ironiques à gauche .) M. le Président, s'adressant aux commissaires-médiateurs : Messieurs, l’Assemblée nationale a entendu avec intérêt le compte détaillé que vous venez de lui rendre de votre mission; elle est satisfaite de votre zèle, et vous accorde les honneurs de sa séance. MM. Le Scène des Maisons et Verninac-Sairit-Maur sont introduits dans l’enceinte de la salle et sont accueillis par les applaudissements les plus vifs du côté gauche et des tribunes. L’ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur les principes et l’organisation de l’instruction publique. M. Talleyrand-Périgord, ancien évêque d’Autun , rapporteur, commence la lecture de son rapport dont la suite est renvoyée à la séance de demain (Voir ci-après ce document aux annexes de la séauce, page 447). M. le Président invite les membres de l’Assemblée à se réunir dans leurs bureaux respectifs pour y procéder à Y élection du président et de trois secrétaires. La séance est levée à deux heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE OU SAMEDI 10 SEPTEMBRE 1791, AU MATIN. Rapport sur l’instruction publique, fait, au nom du comité de Constitution , par M. Tal-leyrand-Périgord, ancien évêque d'Autun, administrateur du département de Paris (1). — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Les pouvoirs publics sont organisés : la liberté, l’égalité existent sous la garde toute-puissante des lois; la propriété a retrouvé ses véritables hases; et pourtant la Constitution pourrait sembler incomplète, si l’on n’y attachait enfin, comme partie conservatrice et vivifiante, l’instruction publique, que sans doute on aurait le droit d’appeler un pouvoir , puisqu’elle embrasse un ordre de fonctions distinctes qui doivent agir sans relâche sur le perfectionnement du corps politique et sur la prospérité générale. Nous ne chercherons pas ici à faire ressortir la nullité ou les vices innombrables de ce qu’on a nommé jusqu’à ce jour instruction. Même sous 4r* l’ancien ordre de choses, on ne pouvait arrêter sa pensée sur la barbarie de nos institutions, sans être effrayé de cette pHVation totale de lumières, qui s’étendait sur la grande majorité des hommes; sans être révolté ensuite et des opinions déplorables que l’on jetait dans l'esprit de ceux qui n’étaient pas,Jout à fait dévoués à l’ignorance, et des préjugés de tous les genres dont ' on les nourrissait, et de la discordance ou plutôt de l’opposition absolue qui existait entre ce qu’un (1) Voir ci-dessus, même séance, page Ml. enfant était contraint d’apprendre, et ôe qu’un homme était tenu de faire; enfin, de cette défé-rence aveugle et persévérante pour des usages dès longtemps surannés, qui, nous replaçant sans cesse à l’époque où tout le savoir était concentré dans les cloîtres, semblait encore, après plus de 10 siècles, destiner l’universalité des citoyens à habiter des monastères. Toutefois ces choquantes contradictions, et de plus grandes encore, n’auraient pas dû surprendre; elles devaient naturellement exister là où Constitutionnellement tout était hors de sa place; où tant d’intérêts se réunissaient pour tromper, pour dégrader l’espèce humaine; où la nature du gouvernement repoussait les principes dans tout ce qui n’était pas destiné à flatter ses erreurs ; où tout semblait faire une nécessité d’apprendre aux hommes, dès l’enfance, à composer avec des préjugés au milieu desquels ils étaient appelés à vivre et à mourir; où il fallait les accoutumer à contraindre leur pensée, puisque la loi elle-même leur disait avec menace qu’ils n'en étaient pas les maîtres; et où enfin une prudence pusillanime, qui osait se nommer vertu, s’était fait un devoir de distraire leur esprit de ce qui pouvait un jour leur rappeler des droits qu’il ne leur élait pas permis d’invoquer; et telle avait été, sous ces rapports, l’influence de l’opinion publique elle-même, qu’on était parvenu à pouvoir présenter à la jeunesse l’histoire dés anciens peuples libres, à échauffer son imagination par le récit de leurs héroïques vertus, à la faire vivre, en un mot, au milieu de Sparte et de Rome, sans que le pouvoir le plus absolu eût rien à redouter de l’impression que devaient produire ces grands et mémorables exemples. Aimons pourtant à rappeler que, même alors, il s’est trouvé des hommes dont les courageuses leçons semblaient appartenir aux plus beaux jours de la liberté; et, sans insulter à de trop excusables erreurs, jouissons avec reconnaissance des bienfaits de l’esprit humain qui, dans toutes les époques, a su préparer, à l’insu du despotisme, la Révolution qui vient de s’accomplir. Or si, à ces diverses époques dont chaque jour nous sépare par de si grands-intervalles, la simple raison, la saine philosophie ont pu réclamer, non seulement avec justice, mais souvent avec quelque espoir de succès, des chang'émentsdudis-pensables dans l’instruction publique; si, dans tous les temps, il a été permis d’être choqué de ce qu’elle n’était absolument en rapport avec rien, combien plus fortement doit-on éprouver le besoin d’une réforme totale, dans un moment où elle est sollicitée à la fois, et par la raison de tous les pays, et par la Constitution particulière du nôtre. Il est impossible, en effet, de s’être pénétré de l’esprit de cette Constitution, sans y reconnaître que tous les principes invoquent les secoués d’une instruction nouvelle. Forts de la toute-puissance nationale, vous êtes parvenus à séparer, dans le corps politique, la volouté commune ou la faculté de faire des lois, de l’action publique ou des divers moyens d’en assurer l’exécution ; et c’est là qu’existera éternellement le fondement de la liberté politique. Mais pour le complément d’an tel système, il faut sans doute que cette volonté se maintienne toujours droite, toujours éclairée, et que les moyens d’action soient invariablement dirigés vers leur but; or, ce double objet est évidemment sous l’influence directe et immédiate de 1’iastruction. La loi, rappelée enfin à son origine, est rede-