[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [2% avril 1790.J 2a£* Le district des Cordeliers, Messieurs,, soumet tout à votre inaltérable sagesse, mais il observe et il frémit. Il demande : 1° L’érection d’un nouveau tribunal spécialement chargé de connaître les crimes de lèsé-na-tion. Que ce tribunal où la qualité de magistrat sera le résultat d’une élection libre et éclairée et non celui de la vénalité, que ce tribunal composé de membres amovibles pris dans tous les départements du royaume, présente dans son ensemble un sénat majestueux, une juridiction solennelle et les dignes vengeurs de la patrie; 2° Que la création d’un nouvel ordre judiciaire soit accélérée, rien n’est plus pressant pour la liberté générale et la sûreté individuelle ; 3° Que par un décret de l’Assemblée nationale ayant effet rétroactif, il soit défendu dès à présent de rechercher les citoyens sur le fait de la Révolution désignée par ses époques et entre deux dates ; 4° Que toute dénonciation spéciale déjà faite contre des citoyens légalement assemblés, soit évoquée au comité des rapports de l’Assemblée nationale, les preuves y déposées, pour être'ren-voyées par elle aux tribunaux, s’il y a lieu, et qu’il appartienne aux seules assemblées légales de juger des cas où les citoyens pourraient s’y montrer répréhensibles ; 5° Que l’on puisse prendre à partie tout officier du ministère public qui violerait les décrets de l’Assemblée nationale, en recherchant les citoyens pour avoir discuté librement la vérité dans leurs assemblées légales, en vertu de ses décrets. Nous sommes avec respect, Messieurs, etc. M. Salomon de La Saugerie, député d1 Orléans, annonce que les notaires d’Orléans, deMou-lins et de plusieurs autres communautés, offrent un don patriotique montant à la somme de 2,286 Lyres. M-de Bonnal, évêque de Clermont , remet au bpreau des dons patriotiques la somme de 100 livres de la part des prêtres communalistes de Sainte-Anne, à Issoire, en Auvergne. M. Prieur donne lecture d’une adresse de la municipalité de Vassy, en Champagne, dans laquelle elle témoigne àl’Assemblée nationale sa gratitude pour le décret qui assure la prospérité de cette ville, connue par l’ancienneté de son dévouement, en y rappelant des familles que l’attachement à leurs opinions religieuses a forcées de s’expatrier. Elle adhère à tous les décrets de l’Assemblée nationale, qu’elle a juré de maintenir de tout son pouvoir ; elle offre en don patriotique les finances de ses charges municipales, montant à prés de 15,000 livres, et déclare qu’un citoyen originaire de cette ville est disposé à remettre dans les archives de l’Assemblée les plans détaillés de tous les bois et forêts de l’ancienne province de Champagne. M. Ramel-Ifogaret fait part à l’Assemblée d’une adresse des maire, officiers municipaux, notables et principaux habitants de la châtellenie de Lastours-de-Gabardès au département de l’Aude, qui, profitant du premier moment que leur procure la formation des nouvelles municipalités, offrent à la nation le sacrifice de tous leurs privilèges, et demandent la formation d’un canton composé de leur territoire, le partage des arme§ déposées dans le château de LàsiQurs, polir Iqs confier à leur milice nationale, , etc, L’ Assemblée nationale autorise M. le président à leur témoigner la satisfaction qu’elle à ressentie de leurs sentiments patriotiques, et renvoie leur demande à la prochaine assemblée de département. Les députés ex traordinaires de VUè dé Corsé sont introduits, et l’un d’eux prononce îe discoRn suivant que des applaudissements universels iqi terrompentà plusieurs reprises, et dont l’impression et l’insertionau procès-verbal soRt ordonnées: « Nosseigneurs, la Corse libre nous députe vers vous pour vous rendre grâces de l’avoir affranchie* Le despotime nous avait accablés ; mais, nous osons le dire, il ne nous avait pas soumis votre justice seule nous a conquis, et c’est à votre générosité que nous rendons les armes. NoRs haïsr-sions des maîtres dans le nom français, nous y bénissons des libérateurs et des frères, « Pendant quatre cents ans, nous avons combattu pour la liberté : nous avons versé dés Rots de sang pour elle, et nous n’avons pu l’obtenir : dans un jour vous nous l’avez donnée ; voyez si nous pouvons être ingrats et rebelles 1 « Nosseigneurs, toute l’Europe admire vos travaux, toute la France vous remercie de yos lois ; mais il n’est point de département qui les admire plus, qui en sent mieux le prix que la Corse. « Il n’est pas un de vos décrets qui n’ait’ rétqr bli un droit, brisé une entrave, donné un bienfait au peuple. Jugez si ses sentiments seront variables. « En comparant notre état passé avec ce que nous sommes, ce que nous allons être, tout accroît notre gratitude et cimente notre attachement. « Nous étions une nation faible, un Etat borné; devenus Français, nous sommes une nation puissante, nous avons la force d’un grandëmpire,, nous jouissons de tous ses avantages V il devient' le garant de notre tranquillité, et nous sommes pour lui un port de défense et de commeree* « Le fondement solide de toute union» Avantage mutuel, garantit la nôtre : oui, Nosseigneurs, soyez-en certains, la France n’a point de peuple plus dévoué, l’Assemblée nationale dé sectateurs plus zélés, la constitution et le roi de sujets plus fidèles que le peuple corse. « Ce tableau de nos devoirs en retrace qp à nos, cœurs, d’autant plus cher, que vous-mêmes l’avez consacré, et qu’il tient aux sentiments que nous vous offrons : en vous parlant de reconnaissance, nos compatriotes n’ont pu manquer de se rappeler parmi ceux qui ont combattu pour la défense de leur liberté, l’homme qui leur en peignait ê| vivement les charmes; et par un seutimept de justice ils ont voulu que celui qu’ils eurent à, leur tête dans leur infortune, fut à leur tête le jour de leur triomphe et de leqr félicité. « Ce devoir acquitté, ils je redemandent av$p instance, pour avoir sous leurs yeux l’exemple de ses vertus, pour profiter de ses lumières dans l’observation des lois que vous faites, pour le§ aider à réparer les maux d’un régime qui a tout dévasté. « Cette dernière pensée, en nous affligeant s.ur l’état de notre patrie, nous porté vers une aqtre qui nous console. « En venant des extrémités d,e la Efàuce, et la traversant presque entière, nous avons parfont le spectacle de la joie et de la prospérité, et "pajîout 256 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 avril 1790.] nous avons entendu en attribuer le bienfait à l’Assemblée nationale. « Partout nous avons entendu bénir sa sagesse, louer son ouvrage ; et quand nous vous apportons l’hommage de notre gratitude et de notre respect, ce n’est pas celui de la Corse seule, c’est celui de toute la France, devenue notre patrie commune. » M. Paoli prend ensuite la parole, et l’Assemblée, après lui avoir donné les plus vifs applaudissements, veut que son discours soit imprimé et transcrit sur le procès-verbal: « Messieurs, ce jour est le plus heureux et le plus beau de ma vie. Je l’ai passée à rechercher la liberté et j’en vois ici le plus noble spectacle. J’ai quitté ma patrie asservie, je laretrouve libre : je n’ai plus rien à désirer. « Je ne sais, depuis une absence de vingt ans, quels changements l’oppression aura faits sur mes compatriotes: ellen’a pu être que funeste, car l’oppression ne sait qu’avilir ; mais vous venez d’ôter aux Corses leurs fers, vous leur avez rendu leur vertu première. « En retournant dans ma patrie, mes sentiments ne peuvent pas vous être douteux. Vous avez été généreux pour moi, et jamais je n’ai été esclave. Ma conduite passée, que vous avez honorée de votre suffrage, vous répond de ma conduite future ; j'ose dire que ma vie entière a été un serment à la liberté ; c’est déjà l’avoir fait à la constitution que vous établissez. Mais il me reste à le faire à la nation qui m’adopte, et au souverain que je reconnais, c’est la faveur que je demande à l'auguste Assemblée. Signé : Paschalde paoli.» L'Assemblée ordonne aussi l’impression et l'insertion au procès-verbal, de l’extrait des minutes des délibérations de l'assemblée convoquée à Bastia, le 22 février 1790, extrait dont la lecture a été faite par l’un des députés corses extraordinaires, et qui suit : Extrait des minutes des délibérations de l'Assemblée convoquée à Bastia , le 22 février 1790. Séance du 24 février 1790, au soir. M. Petriconi, président, a dit: « Plusieurs raisons se réunissent à provoquer notre respect et notre reconnaissance envers l’auguste Assemblée nationale ; en peu de mois elle a consommé, avec une sagesse et une constance supérieures à toute expression, une constitution qui assure à jamais la liberté de la France ; elle a rétabli la société dans ses droits précieux dont on avait presque perdu la connaissance. Toutes les distinctions nuisibles au bien public sont supprimées; une administration simple et un gouvernement tutélaire doivent être le réeime du vaste royaume dont nous faisons partie. Vous n’ignorez point notre association à l’empire français, vous voyez rendus à la patrie nos bons patriotes que les douloureuses vicissitudes des temps passés en avaient éloignés. « Il est nécessaire que nous fassions connaître les sentiments qui nous animent, ceux de notre respect et de notre reconnaissance. « Après quoi l'assemblée, délibérant, a arrêté: qu’elle félicite l’Assemblée nationale du grand œuvre de la nouvelle constitution; qu’elle déclare solennellement son entière adhésion à tous ses décrets et délibérations, revêtus de la sanction royale; qu’elle les accepte avec promesse et serment de les faire exécuter : elle déclare regarder comme ennemis de la patrie et criminels de lèse-nation tous ceux qui voudront s’opposer à l’exécution desdits décrets. « Qu’elle fait éclater le transpost de la joie la plus vive pour la solennelle déclaration du 30 novembre dernier, par laquelle la Corse est déclarée partie intégrante de l’empire français, et qu’elle manifeste son plaisir sur le retour de ses concitoyens que les ruines de l’ancienne liberté de la Corse en avaient éloignés. « Que pour justifier d’une manière solennelle les sentiments dont cette nation est justement pénétrée pour l’auguste Assemblée nationale, il sera élu et nommé une députation, composée de quatre députés, pour présenter à l’auguste sénat le tribut de respect et de la gratitude de la Corse. « Que les mêmes sentiments d’hommage,' de vénération et de reconnaissance seront présentés à Sa Majesté, qui a daigné sanctionner le décret de réunion de cette île à la nation française; que cette réunion, en se voyant pour toujours unie à cet empire, a calmé les communes inquiétudes. « Que le général de Paoli, se trouvant à Paris, est prié de se joindre à cette députation et d’en être le chef. « Et la présente déclaration a été signée: « Signé: le comte de Petriconi, président; Giubega, secrétaire; Benedetti, secrétaire. « Collationné avec la minute dans le secrétariat du comité supérieur de Corse. Bastia le 26 mars 1790. Signé : Gentite, président; Poggi, secrétaire. » M. le Président leur répond en ces termes : Messieurs, un peuple né pour l’indépendance, un peuple dont la France admira le courage tant qu’elle eut à le combattre, et dont elle n’a vraiment achevé la conquête que le jour où elle l’a rend u à laliberté, devait sans doute goûter mieux qu’aucune autre partie de l’empire, le prix d’une constitution qui rend à l’homme tous ses droits, et qui promet au citoyen bonheur, gloire et prospérité. L’hommage que vous venez offrir à l’Assemblée nationale est digne de vous et d’elle; elle fixe ses regards avec complaisance sur les députés d’une nation tière et généreuse qui, désormais, ne fera plus qu’une avec la France, et elle se plait à reconnaître au milieu de vous, celui qu’un choix libre mit jadis à votre tête, et qu’un des décrets dontl’Assemblée glorifie le plus vient de rendre à nos vœux : Elle aime à distinguer en lui le héros et le martyr de la Liberté. Enfants adoptifs de la France, recevez d’elle le bonheur qu’elle vous a préparé, et payez-la par votre amour et par cette fidélité que vous venez de lui jurer si solennellement. Vouez le même amour et cette même fidélité à ce monarque à qui nous i’avonsjurée,àceroi citoyen qui fait la gloire d’un peuple, à ce roi restaurateur de notre peuple et de notre liberté. Les Romains allaient chercher des filsdans desfamillesétrangères;la France en trouve dans une nation voisine • et ces enfants de son adoption, qu’elle a appelés à partager et ses droits et son nom, ne lui sont ni moins chers ni moins précieux que les autres. L’Assemblée nationale a reçu vos serments ; elle vous permet d’assister à sa séance. » L’Assemblée nationale ordonne que la réponse de M. le président sera imprimée. Un des députés corses prend la parole et dit :