720 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 décembre 1789.] de moyens actifs pour secourir utilement les pauvres, elle ne doit pas se mêler de projets étrangers à son pouvoir, et qui pourraient altérer la juste confiance des préceptes qu’elle doit ménager avec la plus grande circonspection. M. Gillet de la Jacquemlnière ouvre l’avis de décréter qu’en attendant que l’Assemblée ait pris des mesures pour extirper la mendicité, elle laissera à chacune des municipalités le soin de pourvoir à la subsistance des pauvres. L’Assemblée renvoie le mémoire de la commune au comité d’agriculture. Les députés de Saint-Domingue demandent qu’on passe à la discussion de la subsistance de cette colonie. La priorité est accordé au comité des rapports sur la subsistance du royaume. M. Héhrard, au nom du comité des rapports, propose un décret en cinq articles dans lesquels la peine de mort est prononcée contre tous ceux qui seront convaincus d’avoir exporté des grains. — Un article prononce la suppression des droits de minage, hallage, péage et autres. Plusieurs membres déclarent que ce projet de décret est ignoré du comité des rapports/ M. Hébrard répond qu’il a été autorisé par le comité, qui a beaucoup de peine à se réunir au complet, à rédiger ce décret de concert avec MM. Emmery et Salomon qui avaient déjà un travail prêt sur cette matière. M. le vicomte de Mirabeau. Les comités nous apportent des projets de décrets qui sont l’œuvre d’un petit nombre de membres; cela vient de ce que les mêmes personnes font à la fois partie de cinq ou six comités différents; je demande qu’à l’avenir les députés ne puissent être appelés qu’à un seul comité, afin qu’ils puissent s’occuper des affaires avec plus d’exactitude. Cette motion incidente n’a pas de suite. La discussion du projet de décret est reprise. M. I�e Pelletier de Saint-Fargeau. Des lois trop sévères, bien loin de produire l’abondance, ramèneront la disette. Quant à la peine de mort, c’est une grande question de savoir si le droit de la prononcer appartient au législateur; mais en supposant qu’il rat nécessaire et utile de la prononcer, ce ne pourrait être que pour les délits les plus graves. Ce n’est pas dans le dix-huitième siècle qu’on doit consacrer une erreur des siècles précédents. Quant aux droits de minage et autres, les uns appartiennent à la nation, et l’Assemblée pourra en disposer ; mais d’autres appartiennent à des particuliers et on ne peut les en priver sans une juste indemnité. M. Haiti cl in, député de Morlaix (1). Messieurs, lors de votre arrêté du 29 août dernier, vous vous êtes occupés des moyens de faire succéder l’abondance à la disette. Vous avez ordonné la libre circulation des grains dans l’intérieur du royaume, et vous avez défendu l’exportation de l’étranger. Je désirais alors vous dénoncer une entrave à cette circulation, un reste de la barbarie féodale, qui consiste à faire payer aux citoyens, même les plus malheureux, le droit d’acheter leurs subsistances, et aux laboureurs le droit de livrer les grains qu’ils ont vendus; je voulais vous dénoncer le droit de mesurer les grains, espèce de tyrannie qui empêche continuellement la libre circulation que vous avez envie d’établir; il est connu sous différentes dénominations, et appelé tantôt leyde stellage, tantôt coupelle, écuelie, minage, etc., etc. Mais en ce qui concerne la subsistance, je ne pus obtenir la parole au moment de votre délibération sur la liberté du commerce des grains. Aujourd’hui, que vous voulez bien m’entendre, je prends la liberté d’observer, Messieurs, qu’il ne suffit pas de permettre la libre circulation des grains ; qu’il faut encore empêcher, détruire tout ce qui peut s’opposer à cette liberté, source de l’abondance. « Le commerce des grains, affranchi de toute gêne et de toute crainte, peut seul suffire à tous les besoins, prévenir les inégalités de prix, les varations subites et effrayantes, qu’on a vu trop souvent arriver sans causes réelles. » Ces principes, établis par Sa Majesté dans une déclaration qu’en 1776 elle a promulguée pour le bien de ses peuples, ont porté le Roi à délivrer le commerce des fonctions incommodes de quelques offices créés pour son inspection. Il a supprimé, dans tous ses domaines, les droits de mesurage sur les grains. Non content de ce sacrifice, il a encore libéré ses peuples d'un droit de havage, qui se percevait dans les marchés au profil; des exécuteurs des sentences criminelles, et s’est chargé d’indemniser, à ses propres frais, les officiers qu’il privait de cette rétribution. G’est ainsi que le Roi a fait tout ce qui dépendait de lui pour affranchir le commerce des grains de toute espèce d’impôt. Si les grains sont encore assujettis à quelques droits, c’est en faveur, c’est au profit seulement des seigneurs laïques ou ecclésiastiques. Pour établir combien les fonctions de mesureurs sont nuisibles au commerce et à la libre circulation des grains, j’employerai les propres expressions de Sa Majesté. « Le prix (1) auquel les blés seront élevés, a déterminé Sa Majesté à s’occuper de plus en plus de lever tous les obstacles qui peuvent ralentir la libre circulation des grains, en gêner le commerce, et rendre plus difficile la subsistance de ceux de ses sujets qui souffrent de la rareté et du haut prix des denrées. Elle a reconnu que parmi ces oblades, un de ceux qu’il est le plus pressant d’écarter, est la multitude de droits de différentes espèces auxquels les grains sont encore assujettis dans les balles et marchés. En effet, ces droits ont non-seulement l’inconvénient de surcharger la denrée la plus nécessaire à la vie, d’un impôt qui en augmente le prix au préjudice des consommateurs, dans le temps de cherté, et des laboureurs, dans le temps d’abondance ; ils contribuent encore à exciter l’inquiétude des peuples, en écartant des marchés les vendeurs, qu’un commun intérêt y rassemblerait avec les acheteurs. Sa Majesté a cru, en conséquence, que la suppression de ces droits, est un des plus grands biens qu’elle pourrait procurer à ses peuples. * Si la suppression des droits sur les grains est un des plus grands biens que le Roi ait pu faire (1) Celle motion n’a pas été inséré au Moniteur. (1) Arrêté du conseil, du 13 août 1775.