722 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [�décembre 1789.] sont ordinairement plus grandes que celles à l'usage du peuple; aussi ne servent-elles aux chapitres que pour leur recette, et non pas pour payer ce qu’ils doivent. Je n’oserais pas encore •vous proposer l’unité des mesures; mais n’êtes-vous pas effrayés de savoir que la matrice de ces mesures particulières, toujours concentrée dans les mains des intéressés à l’agrandir, est soigneusement soustraite aux regards de la justice, et toujours méconnue du juge? Pour parer à tous ces inconvénients, je propose donc à l’Assemblée l’arrêté qui suit : PROJET DU DÉCRET. L’Assemblée nationale, toujours occupée des moyens de procurer la libre circulation des grains dans l’intérieur du royaume, expliquant, en tant que besoin, les articles 1 et 4 de son arrête du 4 août dernier, déclare qu’elle a entendu supprimer dès lors, sans indemnité, les droits de minage, stellage, leyde, coupelle, et tous autres droits perçus sur les grains, sous le prétexte d’inspection des mesures et de mesurage desdits grains. Décrète que, dans le royaume, le mesurage des grains sera de pure faculté, et ne se fera que sur la réquisition des parties, pour un ou plusieurs particuliers, préposés par les communautés, et assermentés par devant les juges des lieux, lesquels particuliers mesureurs seront, dans toute l’étendue du royaume, payés de leurs salaires à raison d’un sol par setier , dans la proportion de la mesure de Paris ; qu’à cet effet toutes les mesures actuellement en la possession de minagers et mesureurs seront incontinent remises aux officiers municipaux des lieux, et les matrices, même celles des mesures à l'usage particulier de quelques chapitres, abbayes, seigneurs et autres, pour leurs redevances personnelles, déposées aux greffes des juridictions, pour y avoir recours à l’effet de l’étalonnage. Décrète en outre que les droits de hallage, perçus sur les ventes de grains, sont dès maintenant supprimés ; déclare les halles appartenir aux communautés des lieux de leur situation, et seront les frais desdites halles remboursés par lesdites communautés, aux percepteurs des droits de hallage, suivant l’estimation qui en sera faite de gré à gré, ou par experts, et par le moyen d’une répartition qu’ordonneront les assemblées provinciales qui en détermineront le mode. L’Assemblée va aux voix sur le projet de décret du comité des rapports et il est décrété : 1° Qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la partie du rapport du comité qui propose des règlements très-sévères, et entre autres de décerner la peine de mort contre ceux qui manqueraient aux décrets de l’Assemblée qui interdisent l’exportation des grains, et qui en ordonnent la libre circulation dans le royaume ; 2° Que les comités de féodalité, de commerce et d’agriculture présenteront à l’Assemblée des projets de décret sur les moyens de supprimer, sans injustice, les droits de minage, hallage, péage, étalage, leyde et autres droits semblables. M. Dublaisel du Rieu, dont les pouvoirs ont été trouvés en bonne forme, est admis comme député de Boulogne-sur-Mer en remplacement de M. le duc de Yillequier, démissionnaire. M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin. ANNEXES à la séance de V Assemblée nationale du 22 décembre 1789. Précis de l'opinion de M. Duval d’Eprémes-nil, concernant le commerce de l'Inde et le privilège de la compagnie des Indes actuelle. J’ai rappelé en peu de mots l’importance de la question : G’est une grande question de commerce, c’est une grande question d’Etat : qu’il me soit permis d’adresser, en commençant, une prière à l’Assemblée: tâchons de nous entendre, écartons de la tribune, écartons de l’Assemblée, les passions humaines : elles n’ont rien à voir dans une affaire de pure politique et de calcul : délibérons, en hommes d’Etat, sur la question d’Etat : traitons en bons calculateurs la question de commerce. Evitons les maximes tranchantes. Les maximes tranchantes sont aussi dangereuses qu’elles sont commodes : elles dispensent de tout examen; elles plaisent à deux genres d’esprits qui se tiennent toujours aux extrémités de toutes les questions, aux esprits emportés, aux esprits paresseux ! Des maximes modérées, une grande circonspection, une vigilance infatigable dans l’application ; voilà ce qui distingue les législateurs sages et de vrais administrateurs. Je le dis, s’est écrié M. de Montesquieu, et il me semble n’avoir fait mon livre que pour le prouver; les hommes demandent à être gouvernés par l'esprit de modération. Tel est celui qui doit éclairer l’Assemblée nationale ...... Je fus sur le point d’ajouter.... Ah 1 Messieurs, ce grand homme s’est-il trompé ? Pensons à l’état du royaume, rentrons en nous-mêmes et prononçons.... mais je contins ce mouvement et j’entrai dans mon sujet. Deux questions : l’une générale et l’autre particulière : question générale, le commerce de l’Inde; question particulière, le privilège de la compagnie actuelle. Le commerce de l’Inde. — Peut-on l’abandonner ? Sommes-nous déterminés à supporter les privations qu’entraînerait l’abandon de ce commerce ? Non, sans doute : il faut donc évidemment le faire par nous-mêmes, ou devenir les tributaires des étrangers. Le faire par nous-mêmes 1 — Gomment ? par le moyen des particuliers ou d’une compagnie? Consultons l’expérience, remontons au principe. Ici, j’ai demandé à l’Assemblée la permission de jeter un coup d’œil sur l’histoire de la compagnie des Indes, supprimée en 1769 : j’ai rappelé des faits connus : j’ai fait voir cette compagnie naissant en 1664, à la voix de Louis le Grand et du sage Golbert, en présence et par l’avis d’une assemblée nombreuse, choisie dans tous les rangs et dans tous les états : languissante les premières années; s’élevant en 1689 à des profits considérables; successivement interrompue dans ses opérations , par la guerre qui suivit la dernière révolution, on devrait dire la véritable restaura-