[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1790.J gOi préférera échanger son titre contre des propriétés foncières. Dira-t-on que le remboursement en reconnaissances nationales gênera ceux des créanciers de l’Etat à qui leur fortune ne permettra pas d’acheter des domaines nationaux? Mais vaudrait-il mieux que, comme les assignats proposés, les reconnaissances nationales fussent à charge à la nation entière? et n’est-il pas juste que ceux-là qui, seuls, ont participé aux avantages de la créance, et qui, volontairement, ont couru un risque avec l’Etat, ne puissent en subroger d’autres à ce risque, si ce n’est à prix défendu et de leur consentement? Dira-t-on encore que les intérêts accordés aux reconnaissances nationales seront à charge au Trésor public? Mais, ou la totalité des domaines nationaux sera vendue au comptant, et en ce cas la nation pourra éteindre immédiatement la totalité des reconnaissances nationales ; ou il y aura des acquéreurs à terme, et alors les intérêts que devront payer ces acquéreurs compenseront naturellement ceux à payer aux porteurs de reconnaissances. Que l’on consulte d’ailleurs les lois de l’équité et les décrets de l’Assemblée nationale, et que l’on prononce si la nation, ne payant pas comptant, peut se dispenser de payer l’intérêt ! Il faut le dire, enfin : payer le principal seulement en assignats-monnaie, remboursables on ne sait quand, et ne portant point intérêt, que serait-ce autre chose qu’une banqueronte palliée? Mais dira-t-on encore (et nous nous attendons surtout à cette dernière objection) les ventes à terme exposent à des risques, nous le savons; mais si les ventes au comptant sont plus sures, d’un autre côté elles sont moins productives, en ce qu’elles diminuent beaucoup la concurrence, et cette observation, sans doute, est du plus grand poids dans une opération aussi immense. Les ventes au comptant sont avantageuses au riche, les ventes à terme sont favorables à cette classe nombreuse de citoyens moins aisés, qui ne sont pas les moins bons amis de la Révolution. Les ventes au comptant présentent le risque de ne point trouver assez d’acheteurs ; les ventes à terme celui de rencontrer des acquéreurs peu facultueux. Tout cela se compense. Loin de nous toutefois les soupçons injurieux qu’on s’est plu à répandre sur les acheteurs qui seront dans le cas d’acheter à terme. Eh quoi ! le peuple sera-t-il toujours calomnié? Ils le déclaraient indigne d’être libre ceux qui trafiquaient, jadis, de sa liberté; aujourd’hui ils le prétendent indigne de la propriété. Ah ! repoussons des assertions aussi affligeantes pour l’humanité. Et vous, Messieurs, sans préjuger si l’acquéreur sera plus ou moins opulent, donnez à tous des encouragements, des facilités, des sûretés, sans négliger aucune des mesures propres à mettre le Trésor public à l’abri des événements. Qu’à prix égal, celui qui offrira de payer comptant obtienne la préférence; renouvelez, augmentez même, si vous le croyez nécessaire, les précautions fixées par vos précédents décrets pour les ventes à terme des domaines nationaux, et vous aurez assuré à l’Etat une augmentation de produit importante, sans courir aucun des risques qu’on se plaît à exagérer. Quant à l’extinction des reconnaissances nationales, qui n’auraient pas été employées en acquisition de domaines nationaux vous déterminerez, Messieurs, de quelle manière elle devra s’opérer, soit par la voie du sort, soit par portions égales et au marc la livre des recouvrements à faire par la caisse de l’extraordinaire, sur le montant des ventes à terme. Nous ne donnerons pas plus d’étendue, Messieurs, à la discussion du mode de remboursement que nous avons l’honneur de vous proposer. Son mérite est d’être simple, et surtout juste, et nous savons combien ces deux titres sont recommandables à vos yeux. Nous n’avons ni l’ambition de croire, ni le désir de persuader que ce moyen seul puisse relever le crédit public. Trop de causes concourent à éloigner, en ce moment, la confiance générale, pour qu’on puisse se flatter de la rappeler par des moyens isolés et des opérations partielles. Que l’Assemblée nationale lève les obstacles qui retardent la vente des premiers 400 millions de biens nationaux ; Que la caisse de l’extraordinaire puisse bientôt éteindre une portion quelconque des 400 millions d’assignats en circulation ; Qu’il soit établi un ordre imperturbable dans l’administration des finances ; Que l’impôt soit décrété, imposé, perçu. Alors, mais alors seulement, l’ Assemblée nationale parviendra à rassurer les méliants et à faire taire la malveillance : alors, commençant à jouir du fruit de ses travaux, elle verra les capitalistes français et étrangers s’empresser de concourir à l’acnat des domaines nationaux, et rendre un numéraire considérable à la circulation. Et quel plus beau climat, quelles lois plus sages, quelle Constitution plus propre à inspirer de la confiance et à fixer des hommes qui sentent le prix de la liberté ! A Rouen, le 3 septembre 1790. Signé, les administrateurs composant le directoire du départe ment de la Seine-Inférieure : G. Herbouville, Gueudry, Lucas, Fouqtiet,de Corneille, Levavas-seur l’aîné, Levieux, Massé. Les administrateurs composant le directoire du district de Rouen : de Bonne, Bouvet, Lefebvre, Goube, Vidie, F.-N. Anquetin. Le conseil général de la commune de Rouen : d’Es-touteville, maire', Ribard, Bornainville, Fré-mont, Ducastel, la Chenez-Heude, P. Deschamps, Bademer, Belhoste, Ch. Delespine, Chef-d’Hostel, A. Hellot, Vimar, Tarbé, J. Col-lombel, Bertrand, A.-G. Dnpont, A.-F. Berée, M. Maillard, et Havard, secrétaire-greffier. Les syndics de la chambre du commerce séant à Rouen : Willart le jeune , P.-R. Quesnel, Le Breton, Le Gouteulx, Le Picard, Midy du Bosgue-roult, Le Febvre le jeune, de Montmeau. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 5 SEPTEMBRE 1790. Nota. M. Lebrun combattit avec force, dans la séance du 28 août, le plan de M. de Mirabeau relatif au remboursement de la dette publique et aux assignats. Il fit ensuite imprimer son discours avec de nombreuses variantes et additions et le compléta par une seconde opinion beaucoup plus étendue, mais qui n’a pas été prononcée. Nous insérons ici ces deux documents. 00� |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Opinion de M. Lebrun, député de Dourdan, membre du comité des finances , sur le projet de remboursement de la dette exigible en assignats forcés (1). PREMIÈRE OPINION. Messieurs, membre du comité des finances, c’est à regret, avec douleur que je me vois forcé de m’élever contre un projet qui a paru au comité des finances digne de la solennité de vos délibérations. Je vous l'avouerai, Messieurs, je ne croyais pas qu’il dût jamais parvenir à ce dangereux honneur. Je l’avais improuvé dans le sein du comité. Je n’étais pas descendu jusqu’à le combattre. Je le regardais comme un de ces funestes rêves dont le désespoir d’un ministre peut bercer un despote qui sommeille, mais qu’on n’oserait offrir à l’examen sévère d’une nation qui veut renaître à la liberté, et qui ne peut y renaître que par la justice. Et cependant, Messieurs, on vous a dit qu’il était juste ce projet; on vous a dit qu’il était grand ; on vous a dit qu’il était salutaire ; on vous a dit enfin qu’il était l’unique remède à tous vos maux; que sans cette mesure l’honneur de la France était flétri ; sans cette mesure plus de pain pour le pauvre ; plus de sûreté pour le riche ; plus d’Assemblée nationale, plus de Révolution. Qu’allez-vous devenir dans ce temps de besoin qui s’approche, dans ces jours si courts, dans ces nuits si longues, avec une industrie qui languit, avec des moyens toujours décroissants, avec des alarmes d’une guerre que le courage et l’intérêt vous conseillent de braver, mais que tant de circonstances désastreuses peuvent rendre si terrible? On vous a montrés, pleins jusqu’ici d’une juste confiance dans votre sagesse, passant tout à coup de l’idolâtrie à la fureur ; renversant l’hôtel de la Patrie pour relever celui du despotisme, ramené aux pieds de cette aristocratie qui n’est plus, et expiant les outrages qu’il lui a faits par des outrages plus grands contre ceux qui ont été ses défenseurs fidèles et ses plus fermes appuis. Ainsi en vous remplissant tout à la fois d’espérances et de terreur, on s’est flatté peut-être de vous précipiter, sans réflexion dans la plus téméraire des déterminations. Mais, Messieurs, ce n’est pas avec de pareils leviers qu’on fait mouvoir, dans de grandes circonstances, une grande assemblée représentative. Plus on lui exagère les avantages d’un projet, plus elle veut les constater et les approfondir. (lj Cette première opinion n’était que le premier cri de l’indignation contre un projet que je regarde comme désastreux. Je ne m’étais pas préparé à le combattre, parce qu’il m’avait paru que la majorité du comité se refusait à l’adopter, et parce qu’en effet le comité, ne l’a point adopté. Je pensais qu’il serait repoussé par le premier mouvement de l'Assemblée, ou que du moins, elle en aurait ordonné l’impression pour le livrer au jugement du public. Mais quand je vis un orateur distingué le soutenir de toute la vigueur de son éloquence ; quand j’appris qu’il prenait consistance dans des assemblées articulières, je me hâtai de jeter ces idées, encore rutes, que j’aurais développées avec plus d’étendue à la tribune, sans cette malheureuse timidité, qui, plus encore que la faiblesse de mon organe, atténue mes moyens. [5 septembre 1790.] Plus on lui montre de terreurs et de dangers, plus elle rassemble de lumières et de courage, plus elle met de sang-froid et de maturité dans ses délibérations. Hier, Messieurs, vous n’entendîtes que vanter le projet de liquidation ; vous le discutez aujourd’hui. Hier, c’était l’orviétan merveilleux qui devait rajeunir la France et cicatriser toutes ses blessures. Aujourd’hui, peut-être, vous n’y verrez que le faial poison qui doit tuer l’Assemblée nationale et la Constitution. Vous avez une dette d’environ trois ou quatre milliards. Je ne compte point les rentes viagères que le temps rembourse pour vous. Vous avez donc une dette d’environ trois ou quatre milliards. C’est certainement une charge très pesante ; et je conçois qu’il serait d’un extrême avantage d’en éteindre tout à coup la moitié, les deux tiers avec de modiques capitaux, surtout avec des capitaux qui sont tombés dans nos mains par la plus heureuse des fortunes, et qui n’ont presque point compté jusqu’ici dans les revenus de l’Etat. Si cette opération est juste, si elle peut se faire sans une grande et fatale convulsion, mon avis est que vous l’adoptiez, que vous l’adoptiez aujourd’hui plutôt que demain. Mais examinoes-en les procédés. On sépare de votre dette une portion qu’on regarde comme exigible, dont une partie l’est en effet, et on vous propose de la rembourser. Jusque-là rien de plus loyal et de plus juste. Mais nous n’avons point d’argent. Avec quoi rembourserez-vous ? « Avec quoi! avec les biens ecclésiastiques... Mais ces biens sont-ils égaux au capital de la dette qu'on veut vous faire rembourser?... Qu’importe qu’ils soient égaux? S’ils ne le sont pas, il faut qu’ils le deviennent. » Mais c’est là, ce me semble, une cession de biens, une ... Je n’ose pas ici prononcer ce funeste mot, ce mot que vous avez déclaré infâme et qui l’était avant que vous l’eussiez déclaré. « Vous avez raison, me dit l’auteur du projet, aussi n’est-ce pas là mon opération. Je rembourse en effet la dette; je la rembourse avec un numéraire territorial, un bel et bon papier qui exprimera bien le capital entier de la dette. « Seulement je ne lui assignerai qu’un modique intérêt, ou je ne lui en assignerai point du tout. « Voilà mes créanciers dans l’embarras: ils ont des capitaux, et point de revenus. Ges vendeurs d’argent ne voudront point de leur papier, ou n’en voudront qu’à une perte énorme. « Moi, je vais les sauver. Je leur livre les biens nationaux, chacun se hâtera d’en prendre pour son capital, et ce capital décrié, chacun le donnera, certes, pour une mesure bien modique de propriétés effectives. « Ainsi j’aurai remboursé loyalement la dette, et j’aurai vendu chèrement, bien chèrement des propriétés qu’il faut vendre. » Voilà, sans doute, une combinaison très savante; mais elle n’est pas neuve; c’est celle que font tous les jours ces gens dont vous avez défendu de prononcer le nom. Ils se font des créanciers pour se faire des acheteurs ; et ces acheteurs forcés, il faut qu’ils se contentent de la marchandise qu’ils veulent bien leur vendre, et au prix qu’ils veulent leur fixer. L’opération qu’on vous propose n’est donc point juste, elle est donc indigne de la majesté d’une [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1790.] nation, et la proposer à l’Assemblée est un outrage. Si vous êtes forcés de manquer à la foi des conventions, n’y manquez du moins qu’avec la loyauté d’une grande nation. « Dites à vos créanciers : La nation ploie sous le fardeau de sa dette. Ses ressources sont grandes, sont immenses ; mais c’est au temps de les régénérer et de les féconder. Des propriétés du plus grand prix n’attendent que des acheteurs, et c’est sur ces propriétés, dont la vente est certaine, que nous affectons votre payement, sans rien altérer de l’hypothèque générale que nous vous avons donnée sur tous les biens de la nation. » Mais cette vente demande du temps pour être faite, pour être bien faite et cependant s’il fallait vous payer 5 0/0 d’intérêt, l’impôt serait excessif, la nation ne pourrait pas respirer. Dans deux ans, dans trois ans, plus tard s’il le faut, nous serons justes, nous le serons, et nous compenserons la perte d’intérêts que les circonstances nous forcent de vous faire éprouver. Dès ce moment, vous pouvez concourir pour l’acquisition de ces biens, et vos capitaux y seront reçus pour leur valeur entière. Certes, Messieurs, vous n’avez point "de créancier qui n’avoue cette conduite franche, qui ne se soumette à des mesures que les conjonctures nécessitent, mais qui du moins sont légitimés par la justice. Calculons maintenant les effets de l’opération qu’on vous propose, et suivons-en les .détails. Vous avez des dettes liquides : celles-là, je conçois qu’on peut les rembourser tout à l’heure; mais encore faut-il les rembourser au créancier véritable. 11 faut donc une liquidation même pour les créances liquides. Cette liquidation, vous n’en avez encore déterminé ni le mode ni les agents. 11 faudra quelque temps pour les déterminer; mais il en faudra surtout pour la faire, cette liquidation. Jusqu’à ce qu’elle soit faite, vos créanciers seront incertains; ils ne seront point remboursés; il faudra, dans vos principes, leur payer leur intérêt en entier. Vous avez d’autres dettes qui ne sont pas liquides, qui ne seront de longtemps liquidées, ce sont les finances d’oftices. Avant que cette masse énorme ait passé par le creuset des liquidations des années, beaucoup d’années s’écouleront. Vous ne jouirez point ou de la réduction, ou de la cessation d’intérêts; car vous n'aurez point remboursé. Vos créanciers n’oseront acquérir. L’époque de leur liquidation et le montant de leurs créances seront toujours incertains. Voilà les difficultés avant le remboursement. Mais calculons les difficultés, les angoisses, les convulsions qui vont le suivre. Vous jetez 1,900 millions d’assignats à vos créanciers et les créanciers les distribuent aux leurs. Ces créanciers ne sont pas tous des capitalistes qui puissent acquérir. Ce sont des marchands qui ont des marchandises à payer; des fabricants qui ont des salaires à payer. Ce sont souvent des malheureux qui ontbesoin de pain. Il faudra que vos assignats deviennent du pain, des marchandises et des salaires. Eh ! Messieurs, consultez l’expériencede tous les temps et de tous les pays, vous verrez ce que 60$ deviennent le papier quand il faut qu’on s’en serve pour se procurer le nécessaire. Il se fond successivement, et les denrées s’élèvent au double, au triple de leur valeur. Alors le malheursux est sans subsistance. Alors le gouvernement ne reçoit plus que du papier, tout se transforme en papier dans sa main, et cependant tous les employés demandent leur salaire, le soldat demande sa subsistance, et nos vaisseaux attendent leur armement. J’y remédierai, s’écrie M. de Mirabeau. Je décompose mon lingot de papier et j’en fais une monnaie de 24 livres. Mais M. de Mirabeau songe-t-il que sa monnaie de 24 livres lui est presque aussi incommode que son lingot de 200 livres ? Il faudra que cette monnaie se décompose à son tour, il faudra qu’elle trouve de l’argent ou qu’il n’y ait point de denrées au-dessous de 24 livres. Résoudrez-vous vos assignats en fractions plus petites ? Mais dans quelles mains mettrez-vous ces fractions ? Gomment en garantissez-vous la fidélité? Comment le peuple pourra-t-il se garantir des falsifications ? Gomment se garantira-t-il de ses inquiétudes, de ses soupçons ; des inquiétudes et des soupçons que la malveillance aura bien soin de lui inspirer ? Je ne vous parle point de vos rapports avec les étrangers ; de la défaveur du change, de la ruine de votre commerce et de vos manufactures. Il n’y a point de commerce, point de manufactures si la main-dœuvre ne peut être à bas prix quand la main-d’œuvre se payeeû papier. Ce sont donc de vaines, de funestes spécula-* tions que celles qu’on vient vous offrir. On dit qu’elles sauvent la Révolution, et moi je dis qu’elles tuent et la Révolution et l’Assemblée. En effet, Messieurs, du moment où votre délibération aurait consacré cette funeste mesure, avant que vos 1,800 millions d’assignats soient seulement commencés, l’argent fuit et disparaît. Ces commotions, dont le bruit sourd se fait déjà entendre dans les provinces, se communiquent à Paris, tout s’ébranle, et vous cessez d’être, parce que vous ne pouvez être que par la confiance. Dès lors votre Constitution tombe avec vous. Je ne sais pas si elle tomberait tout entière, je ne crois pas. Mais quel avantage n’aurait pas le despotisme ou l’aristocratie pour renverser tout cet édifice, toujours encombré de ruines et de débris ? Ces aristocrates ont des propriétés, ces aristocrates ont du crédit encore. Ils trouveraient de l’argent, ils ranimeraient les travaux et feraient bientôt renaître la circulation. Peut-être aussi le clergé sortirait-il de ses ruines. En modifiant les dîmes, on viendrait à bout d'y ramener le cultivateur. En sacrifiant les moines, qui aussi bien se sont abandonnés, on trouverait déjà une masse immense de biens à vendre, et des aristocrates ou des créanciers pour les acheter. On les achèterait sans inquiétudes, parce que l’ombre du clergé serait là pour les vendre. Cette magistrature ferait aussi ses sacrifices. Elle abandonnerait une partie de sa finance, elle renoncerait à ses intérêts. Et vous verriez, Messieurs, que peut-être dans 604 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1790.) quelques mois, votre Constitution ne serait plus qu’un souvenir. Ah! n’exposons pas à ce funeste retour un édifice commencé sur un si vaste plan, et ne sacrifions pas aux rêves de l’inexpérience le salut et la gloire des générations futures. Je conclus qu’il n’y a pas à délibérer sur le projet de liquidation qui vous est présenté. SECONDE OPINION. Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de vous soumettre mon opinion sur la mesure qu’on vous propose. Je l’ai fait à ma misérable manière ; jetant mes pensées en masse, croyant toujours avoir trop dit, et toujours pressé de laisser la tribune à qui saura mieux dire. Cependant, Messieurs, il faut bien traiter cette question avec plus d’étendue, puisque enfin vous avez cru qu’elle devait arrêter vos regards ; puis-ue la décision que vous porterez fera la destinée e la France et la vôtre. On emploie, Messieurs, dans cette affaire deux sortes de raisonnements, les uns extérieurs et auxiliaires ; insuffisance du numéraire, nécessité de doubler le numéraire, influence heureuse de cette opération sur le commerce, sur l’agriculture, sur l’industrie. Les autres internes, et pour ainsi dire personnels à cette Assemblée, la nécessité de diminuer les impôts, la nécessité de lier tous les intérêts à l'intérêt de la Constitution. Tous ces raisonnements, je vais les discuter. On vous a dit, Messieurs, que le numéraire nous manquait. Ce n’était pas là précisément ce qu’on devait vous dire. Si on avait voulu être vrai, si on n’avait pas voulu vous faire illusion, on devait vous dire que l’emploi manquait au numéraire, que la confiance manquait aux possesseurs du numéraire ou à ceux qui pouvaient employer le numéraire d’autrui. L’état équivoque de vos colonies suspend les armements et les spéculations du commerce. Dès lors il faut que vos manufactures chôment, il faut que vos denrées restent invendues , il faut que l’ouvrier sans travail tombe dans la misère et dans la mendicité. Le trouble est dans vos provinces ; le fermier ne paye pas, le débiteur ne paye pas ; il faut que le propriétaire suspende ses dépenses ; il faut que le créancier attende ses capitaux ; il faut par conséquent que le marchand souffre, et avec le marchand tous les agents du commerce et des besoins. Si les dépenses particulières cessent, il faut que les revenus publics cessent, car les revenus publics ne se composent que des dépenses particulières. Ajoutez à cette cause première les insurrections qui partout ont anéanti ou énervé le recouvrement des impôts, effrayé les imaginations, écarté les propriétaires, et vous trouverez tous vos malheurs dans ce malheur unique, l’absence de la confiance et de la circulation. Quand vous doubleriez le numéraire effectif, le numéraire effectif serait toujours stagnant, jusqu’à ce que la confiance en eût désobstrué les canaux. J’ai fait autrefois quelques expériences sur la circulation du numéraire. J’ai trouvé qu’à Paris, dans les temps d’ordre et de prospérité, un sac de 100 pistoles faisait en un jour la fonction de près de 12,000 livres, qu’un million en argent y représentait en effet 12 millions et souvent davantage. Ce n’est donc poiDt la quantité du numéraire qui nous manque, c’est la circulation du numéraire, et vous n’obtiendrez de circulation que par le retour de l’ordre, par le retour de la justice, par le retour des perceptions, par le rétablissement enfin de la force publique sans laquelle il n’y aura jamais ni ordre, ni justice, ui revenus particuliers, ni revenus publics. Je me suis trompé, Messieurs, quand j’ai dit que le numéraire effectif, fût-il doublé, resterait stagnant jusqu’à ce que la confiance, jusqu’à ce que le retour de l’ordre eussent désobstrué parmi nous les canaux de la circulation. Je me suis vraiment trompé : j’aurais dû vous dire que le numéraire, nécessairement sans emploi parmi nous, irait enfin chercher ou son emploi ou sa sûreté dans les pays étrangers. Ceux qui le possèdent, ce numéraire, calculent par habitude, et ils calculent par intérêt et par nécessité. Quiconque est condamné, par les circonstances, à tenir son numéraire oisif, est réduit à vivre de ses capitaux, et dans cet état il prévoit nécessai-* rement le terme où ses capitaux manqueront à sa subsistance ou à celle de sa famille. Malheureusement , dans les circonstances où nous nous trouvons, il peut prévoir un danger plus terrible : celui qui menacerait sa prospérité, et sa vie à cause de sa prospérité. Il se tourmente donc pour se reconstituer des revenus ; et ne pouvant spéculer en France avec sécurité, il porte ses regards sur d’autres contrées, sur ces contrées heureuses où le commerce et l’industrie prospèrent à l’abri des lois, et loin des convulsions de l’anarchie. C’est là qu’il va déposer ses capitaux : c’est de là, qu’au retour de la tranquillité, il les rapportera grossis de l’intérêt modique auquel la vigueur du crédit et l’activité de la circulation réduisent l’argent dans ces pays fortunés : et voyez, Messieurs, combien une pareille spéculation offre de chances et d’avantages. On jouit sans inquiétude : si les maux de notre malheureuse patrie se prolongent, on s’est ménagé un asile; si ces maux se calment et cèdent à la sagesse et au temps, alors les capitaux replacés dans un pays épuisé y retrouvent des propriétés avilies, dés établissements abandonnés; enfin, le champ le plus vaste, le champ le plus fécond pour les spéculations lucratives. Et, ce que font, ce que doivent naturellement faire les citoyens, il faut bien que les étrangers, créanciers de l’Etat, le fassent; ils vendent leurs créances, ils achètent notre numéraire, ils le remportent dans leur patrie, et ne nous laissent que de stériles papiers. Après cela, Messieurs, devrais-je combattre ces vains sophismes, à l’aide desquels on s’est flatté de vous persuader qu’une grande, qu’une immense émission d’assignats augmentera réellement votre numéraire, que votre numéraire augmenté vivifiera lecommerce, vivifiera votre culture et votre circulation ? J’ai quelque honte de répéter ces puérils jeux de mots devant une Assemblée dont j’ai tant de fois admiré les lumières, qui m’a tant de fois étonné par la rapidité, par la sûreté de soq tact et de ses conceptions, mais enfin ces jeux de mots que vous avez eu la patience d’entendre, vous aurez la justice de les laisser réfuter. [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1790.) gQ5 11 faut du numéraire pour vivifier le commerce. Oui, mais du numéraire effectif , mais du numéraire qui soit du numéraire partout ; de ce numéraire avec lequel on puisse payer le travail de l’ouvrier, payer la subsistance de l’ouvrier, acheter enfin et le sac de blé et la livre de pain. Or, Messieurs, un papier, quel qu’il soit, ne sera jamais ce numéraire-là, si la confiance, si la certitude de l’échanger à chaque instant contre de l’argent ne lui donne pas le droit de l’être. Avec des assignats, j’achèterai un bien national, si je trouve un bien national qui me convienne, ou si j’ai besoin et nécessité d’acheter même celui qui ne me conviendra pas. Mais inutilement avec des assignats, je me présenterai chez le boulanger, chez le fermier, si le boulanger, si le fermier ne sont pas forcés de me vendre leur pain, leur blé pour des assignats ; inutilement je demanderai à l’artisan son travail pour un assignat, si lui-même, avec un assignat, ne peut pas satisfaire à tous ses besoins. Il faut à ces gens-là une valeur plus grossière, un numéraire qui se pèse, qui se décompose à volonté, qui soit numéraire dans tous les lieux et dans tous les temps. On me dit qu’un bon papier vaut de l’argent, vaut mieux souvent que de l’argent. Oui, un bon papier vaut quelquefois mieux que de l’argent. Mais un bon papier, c’est celui qui, à un terme fixe, peut se convertir en argent, ou qui, à chaque instant, au premier mouvement de ma volonté, peut me rendre en argent la valeur qu’il exprime. Encore un tel papier ne vaut pas autant que de l’argent dans tous les lieux et dans tous les temps. Je suis à Bordeaux, je dois à Paris ; pour payer ma dette, il faudrait que je fisse voilurer à Paris mon argent, il faudrait que je courusse le risque du transport. Je prends une bonne lettre de change sur Paris, bien. payable, à un jour déterminé. Cette lettre n’est pas de l’argent à Bordeaux, mais elle est de l’argent à Paris, et je dois, pour obtenir cet argent, donner au moins une partie de ce qu’il m’en coûterait pour faire voiturer le mien, une partie encore du prix auquel j’évalue les risques du transport. Mais j’ai mon argent à Bordeaux, et je n’ai pas besoin d’argent à Paris : votre lettre de change, cet argent que vous avez à Paris, m’est inutile. Si vous voulez que je l’achète, il faut que vous-mêmes vous me payiez une partie ou la totalité de ce que vous coûterait le transport de votre argent, de Paris à Bordeaux, une partie du prix que vous mettez aux risques de ce transport. Dans tous ces cas, le papier n’est que le signe certain d’un argent qui existe ailleurs, d’un argent qui se présentera pour remplacer le signe, à l’heure précise qui lui est indiquée. Mais un papier qui n’a point d’époque fixe pour se convertir en argent ne peut jamais valoir d’argent, ne peut jamais en faire exactement les fonctions. Un tel papier, quand on lui donne un cours forcé, n’est réellement, suivant l’expression énergique de M. de Mirabeau, qu’un impôt levé le le sabre à la main. Un pareil papier, l’argent, les denrées doivent le fuir. Il faut donc qu’il aille chercher l’argent; il faut donc qu’il reçoive la loi de l’argent et de celui qui le possède. Il faut qu’il la reçoive dans tous les cas et dans tous les lieux, puisque l’assignat a besoin de l’argent, et que jamais l’argent n’a besoin de l’assignat. L’assignat sera donc repoussé dans toutes les transactions volontaires; ou bien il n’y paraîtra que pour s’avilir, ou, ce qui revient au même, pour renchérir le prix de la main-d’œuvre, le prix de toutes les denrées, le prix de tout ce qui peut s’acheter ou se vendre. Et il 3’avilira d’autant plus que le numéraire sera plus rare. Or, Messieurs, le numéraire est rare, parce qu’il n’a point d’emploi solide, et parce qu’il a été et parce qu’il ira chercher chez les étrangers de l’emploi et de la sûreté. Dans cet état de choses, croirez-vous ce qu’on vous a dit, que le numéraire fictif ranimera votre commerce, votre industrie, votre culture. Le négociant, le fabricant, le cultivateur ne se gouvernent pas, Messieurs, par les calculs imaginaires des faiseurs de projets. Aussi ce n’est pas pour eux que les faiseurs de projets étalent leurs déplorables calculs. Ce sont des filets tendus à l’ignorance de cette multitude qui se repaît de mots, qui se nourrit d’espérances et de chimères, qui, toujours agitée par le flot des. opinions, est toujours le jouet de l’illusion et toujours la victime de la crédulité. Le négociant, Messieurs, s’il a plus de dettes que de créances, acceptera vos assignats. Ils lui sauveront la honte et lui laisseront les profits de la banqueroute. S’il a plus de créances que de dettes, il repoussera vos assignats. Car, pour faire son commerce, il faudra qu’il convertisse, ou en argent ou en denrées, les assignats qui lui resteront. Je vous ai démontré que, pour les convertir en deurées, il faudrait qu’il perdît toute la différence que le cours des choses et l’émigration du vendeur mettront entre l’assignat et l’argent. Possesseur une fois d’une denrée surachetée, ce sont d'autres risques, d’autres pertes qui l’attendent. Le consommateur diminue en raison de ce que le prix de la denrée augmente. La chance de la vente diminue donc, et la chance de la vente ne saurait diminuer que le prix de la denrée ne baisse à son tour. Ainsi le négociant, le marchand, perdront nécessairement à l’achat, et perdront nécessairement à la vente. Us ne porteront point à l’étranger des marchandises françaises qui ne pourraient plus soutenir la concurrence des marchandises importées par les autres nations. Ils n’achèteront point à l’étranger des denrées qu’il faudrait nécessairement payer en argent. Dans une pareille crise, il faut que le négociant, que le marchand se condamnent à l’inaction, et leur inaction produit nécessairement l’inaction et la ruine de vos manufactures. Et sans manufactures, que devient ce peuple immense qui ne subsiste que par elles? Quant aux cultivateurs, nous en avons parmi nous. Interrogeons leur franchise, et prions-les de nous éclairer de leur expérience et de leurs calculs. Us vous diront, Messieurs, qu’ils ne connaissent que les réalités : ou de l’argent ou des denrées qu’ils puissent convertir en argent, ou un papier avec lequel ils puissent être sûrs d’obtenir ou de l’argent ou de la denrée, quaud l’un ou l'autre leur seront nécessaires. 15 septembre 1790. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] Ils vous diront que les assignats, s’ils ue s’échangent pas en argent, à volonté, sont la mort de l’agriculteur, la mort du travail, et nécessairement la mort de l’ouvrier. Je me suis trop appesanti, Messieurs, sur des Yérités si triviales, si bien seuties, il y a huit mois, sur des vérités que confirme douloureusement tous les jours le sort des 340 millions d’assignats déjà livrés à la circulation. Je passe aux raisonnements internes, aux raisonnements de circonstance, aux raisonnements que j’appelle personnels à l’Assemblée. Il faut diminuer les impôts : une émission d’a-signats et le remboursement de 1,900,000,000 livres de créances exigibles diminueront les impôts de 100 millions. Messieurs, quand nos concitoyens nous envoyèrent ici, ils ne nous dirent pas : Diminuez la somme des impôts-, nos concitoyens savaient qu’il existait un énorme déficit. Ils savaient qu’il existait une dette énorme. Nos concitoyens voulaient combler le déficit; ils voulaient acquitter honorablement la dette. Ils nous commandèrent de faire l’un et l’autre. La seule espérance qu’ils se permirent, ce fut que les impôts justement répartis pèseraient moins sur le pauvre. Que des impôts destructifs del’industrie feraient place à des impôts mieux combinés. Ils nous demandèrent d’être libres, mais ils nous imposèrent le devoir d’être justes. Tout doit être subordonné à cette volonté première, à cette volonté que la nation n’a jamais révoquée, qu’elle ne révoquera jamais. Et si elle la révoquait, Messieurs, un autre devoir vous resterait à remplir ; celui de cesser d’être les représentants d’une nation avilie et indigne de la liberté. Ce serait bien alors qu’il faudrait la rendre au despotisme et à la servitude, cette nation dégénérée qui n’aurait cherché dans une Constitution nouvelle que les abus de l’injustice et de la licence. Mais je veux qu’il faille diminuer les impôts; je veux qu’il le faille : et certes, personne ne désire plus que moi qu’on le puisse. Il y a, Messieurs, deux manières de diminuer les impôts. On peut, sans en changer la quotité, élever les facultés et les moyens des contribuables. Et cette manière de les diminuer est certainement la meilleure. C'est par le rétablissement de l’ordre; c’est par une combinaison heureuse de tous les moyens de prospérilé, qu’on arrive à ce terme; et c’est uniquement à ce terme que nous devons tendre. On peut enfin diminuer réellement la quotité de l’impôt. Mais vainement vous la diminuez, quand une administration vicieuse, quand des causes actives de misère vont chaque jour atténuant les facultés du peuple, quand les sources du travail sont fermées pour lui, et qu’au lieu de créer de nouvelles richesses par son industrie, il est réduit à consumer ses capitaux. Depuis un an, Messieurs, la France a perdu plus de deux milliards de valeurs effectives. Calculez ce qu’auraient gagné tant de bras condamnés à une inaction ou volontaire ou forcée, tant de vaisseaux qui périssent inutiles dans vos ports, en attendant que vous ayez rendu au commerce la sécurité et la confiance, tant de capitaux que la crainte a enfouis ou resserrés, que les émigrations ou l’inquiétude ont portés chez l'étranger. Yous verrez qu’aucune diminution d’impôt ne peut compenser ces pertes; qu’aucune diminution d’impôts ne peut les mettre au niveau de nos facultés toujours décroissantes. Mais, Messieurs, cette vaine diminution, comment a-t-on encore pu se flatter de l’obtenir par l’étrange mesure qu’on vous propose? On vous a démontré mille fois par le raisonnement, l’expérience vous démontre tous les jours que l’effet le plus certain d’une émission de papier, quel qu’il puisse être, est d’élever le prix des denrées, et que le prix doit nécessairement s’élever de toute la différence que le cours des échanges met entre le papier et l’argent. Si vous n’aviez que des dettes à rembourser, et point de dépenses à faire, vous pourriez impunément vous jouer de la foi publique et du malheur de vos créanciers. Mais vous avez des dépenses à faire, une armée à nourrir, des vaisseaux qu’il faut armer ou construire, des salaires de toute espèce à payer. Yos dépenses, vos achats, vos salaires, tout s’élèvera pour vous comme pour vos créanciers. On vous promet cent millions de diminution sur les impôts, avec les assignats. Et moi, Messieurs, je vous garantis qu’avec les assignats, il faudra nécessairement augmenter ou les impôts ou la dette. Mais on se trompe encore, on vous trompe du moins, quand on vous dit que vous pouvez tout à coup rembourser dix-neuf cents millions de capitaux et vous décharger de cent millions d’intérêts. Pour rembourser, Messieurs, il y a un mode à établir, des procédés à suivre, des liquidations à opérer. Or, Messieurs, vous n’avez encore fixé aucun mode de remboursement, déterminé aucun des procédés, constitué aucun des instruments d’une liquidation. Tout ce qu’on vous présente sous le nom de dettes exigibles, n’est pas, Messieurs, .un amas de bordereaux qu’on puisse, en un instant, échanger contre des assignats. C’est bien la moindre, l’infiniment moindre partie de votre dette que celle qui existe aujourd’hui sous cette forme. Tout le reste, Messieurs, demande un examen sévère, une vérification attentive pour conserver, et les intérêts de l’Etat, et les droits du créancier. Une de vos dettes les plus liquides, ce sont certainement les fonds d’avance des compagnies financières. Eh bien, Messieurs, ces fonds d’avance-Ià, vous ne pouvez pas encore les rembourser à l’instant où vous le voudriez. Yous ne le pouvez pas, si vous voulez être justes ; et c’est à une nation juste que j’ai l’honneur de parler. Le financier, Messieurs, a emprunté par des obligations, il a emprunté sur ses billets. Dans l’un ou dans l’autre cas, il a payé les intérêts des sommes qu’il empruntait en effets au porteur qui écherront successivement jusqu’au dernier terme de sa ferme ou de sa régie. Si vous remboursez le financier sans précaution, vous pouvez compromettre l’intérêt de ses prêteurs. Si vous le remboursez avant l’expiration de son bail, de sa régie, vous le laissez soumis au payement des effets au porteur qu’il a souscrits, lors même qu’il aura remboursé les capitaux dont les effets au porteur n’étaient que l’intérêt. [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1790. J 6Q7 « Qu’il se fasse rendre les effets, en remboursant les capitaux. » Mais pour se les faire rendre, il faudrait que ces effets fussent dans les mains de son créancier ; et ces effets-là sont des effets circulants que le créancier a livrés, et dont il est impossible de suivre la trace, Ges effets-là sont des effets sans cause exprimée, que le créancier pourrait ne pas rendre, quand ils seraient encore dans ses mains. Pour être justes, vous ne pouvez donc rembourser les compagnies de finance qu’à l’expiration de leur régie ou de leurs baux, si vous voulez les rembourser en assignats sans intérêts. Ou si vous voulez les rembourser aujourd’hui, il faut que vous ne le fassiez qu’avec de l’argent ou avec des effets qui portent intérêt, et un intérêt de 5 0/0. Vos autres dettes, Messieurs, sont ou des dettes arriérées qu’il faut discuter ou vérifier, ou des finances d’office, ou des contrats qu’il faut liquider. Toutes ces opérations vous demandent du temps, vous demandent des formalités, vous demandent une multitude d’instruments choisis. Vous avez fixé, me dira-t-on, vous fixerez le taux du remboursement des offices, ü’abord, Messieurs, vous ne l’avez pas fixé; vous ne pouvez pas le fixer de manière qu’il ne faille que remettre le titre pour recevoir le remboursement. Défendez-vous à vos liquidateurs de faire votre condition meilleure que votre fixation ne semble le faire? Payerez-vous, à ce titulaire qui présente un contrat d’acquisition inférieur à la fixation que vous avez décidée, lui payerez-vous plus qu’il n’a payé lui-même? Mais ne vous faut-il pas rendre justice aux créanciers des titulaires? ne faut-il pas vérifier les oppositions? Ne faut-il pas enfin donner au remboursement la solennité des formes? Rien de tout cela, Messieurs, ne se fait qu’avec le temps, et ne peut se faire qu’avec un très long temps. Et ce n’est pas avec toute sorte d’instruments que vous pouvez le faire. Il vous faut des hommes instruits, des hommes d’une probité connue, d’une réputation épurée; et ces hommes-là, ce n’est pas l’ouvrage d’un jour pour les trouver. Quelque activité que vous mettiez dans votre marche, cette opération ne peut pas être commencée avant 1791 : elle ne peut pas être terminée avant quatre ou cinq ans. Tout ce qui ne sera pas remboursé, il faudra que vous en payiez les intérêts. 11 faudra donc que vos impositions, si elles peuvent diminuer, ne diminuent que successivement et en proportion des remboursements. Je passe au dernier motif, au plus puissant de tous, celui d’attacher tous les intérêts aux intérêts de la Constitution. C’est un grand motif, en effet, le plus grand des motifs qui puisse influer sur nos délibérations. Mais, Messieurs, je pense moi que s’il est un écueil où la Constitution puisse se briser, c’est l’opération même qu’on prétend vous faire adopter. . Les créanciers de l’Etat ont des créanciers à leur tour. L’Etat leur doit en masse, ils doivent en détail à leurs créanciers. Ces créanciers des créanciers de l’Etat sont presque toujours des citoyens paisibles qui ont préféré aux spéculations hardies le placement tranquille et sûr de leurs modestes capitaux. La masse de ces gens-là est considérable, est immense à Paris. C’est de leur consommation journalière que se nourrit le commerce de Paris. C’est de leurs bienfaits que subsiste une grande ■ partie de cette population réduite, depuis un an, à ne vivre que de ses faibles épargnes ou de la compassion publique. Ges gens-là, Messieurs, ne connaissent point les spéculations foncières. Paris est, pour eux, toute la France, et une possession lointaine est, à leurs yeux, une possession nulle. Les assignats, arrivés là, y porteront le désespoir et la mort. Aussitôt la source de la bienfaisance est tarie. Le pauvre est sans pain et le domestique sans ressource. Et au milieu de cette commotion soudaine, songez-vous, Messieurs, aux dangers qui environneraient la Constitution ? Tous nos malheurs seraient ses crimes, et le désespoir invoquerait le despotisme et les tyrans, qui jamais ne frappèrent de si terribles coups. « Mais le créancier vendra ou prêtera ses « assignats à celui qui voudra acquérir des pro-« priélés. » Mais l’acquéreur, Messieurs, fera la loi à celui qui aura besoin de prêter, parce que le nombre des prêteurs sera immense. Il lui fera la loi, parce que l’assignat sera décrié par l’intérêt réuni des spéculateurs. Il lui fera la loi, parce que l’assignat sera décrié par sa disproportion avec le numéraire, par sa disproportion avec la quantité des biens destinés à l’absorber. Ces biens, Messieurs, que l’exagération a tant vantés, la partie de ces biens que vous avez marqués pour être vendus, je ne crois pas qu’elle excède 15 à 1,600,000,000 livres. J’excepte les fonds morts, plus morts aujourd’hui que jamais. Vous avez supprimé les dîmes, vous avez réservé les forêts et les bois. Les droits féodaux n’existent plus , et personne ne sera tenté d’acheter le hasard et la chance équivoques de leur payement ou de leur remboursement. Je ne crois donc pas, Messieurs, que ces biens puissent excéder 15 à 1,600,000,000 livres, dans l’état où vous les avez réduits. Vos 2,400,000,000 livres d’assignats se balanceront donc avec cette somme : et de là, une baisse .certaine de 50 0/0 dans les mains de ceux qui seraient tentés de les employer en terres. De là une baisse bien plus forte dans les mains de ceux qui n’auront ni le goût ni la faculté de les convertir en terres. Tous ces calculs que l’intérêt a bientôt faits, tous ces calculs dont la crainte ou la cupidité exagéreront encore les désavantages, répandront dans toute la France la consternation et le deuil. Le désespoir calomniera toutes vos opérations et le désespoir général les renversera toutes. Ce tableau que je vous présente à Paris, vous le trouverez dans toutes les provinces, et il ne vous restera pas un asile où vous puissiez vous dérober au spectacle des fortunes que vous aurez détruites et des malheureux que vous aurez faits. Attende qui l’osera la funeste explosion de ce projet désastreux. Pour moi, je le déclare, au moment où je pourrai craindre qu’il ne soit adopté par vous* 608 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1790/ je croirai la partie perdue, et j’irai dans ma solitude, pleurer toute ma vie et les biens que nous aurons manqué de faire, et les maux que nous aurons faits. Mais supposons, Messieurs, que l’Assemblée nationale et la Constitution échappent à ces dangers que je regarde, moi, comme inévitables : la Constitution périra par le succès même de cette fatale opération. L’esprit de votre Constitution est d’appeler les citoyens à la propriété, de diviser les propriétés, pour multiplier les citoyens. C’était là le but, et certainement un but très patriotique, des travaux de votre comité d’aliénation. L’émission des assignats et leur avilissement nécessaire dérangent toutes ces vues, rompent le cours de ces utiles spéulations. Ce sera le riche, Messieurs, qui achètera les assignats avilis ; ce sera avec ces assignats, qui ne représenteront pour lui que la moitié de la valeur qu’ils expriment, qu’il s’offrira à la concurrence du pauvre. Avec 1,000 livres qui ne lui auront coûté que 500 livres, il combattra contre le fermier, contre le cultivateur réduit à mettre, dans cette lutte inégale, 1,000 livres en argent effectif. Il l’emportera donc toujours, parce qu’avec ce même capital de 1,000 livres il doublera ses forces et ses moyens; il écrasera son rival. C’était avec le temps, c’était avec les profits mêmes de son exploitation que le pauvre cultivateur devait acheter ces biens, vos décrets le lui avaient promis. À l’exécution de cefte promesse tenaient les succès de l’agriculture, les succès de l’industrie, les progrès de la population, le retour de la prospérité, des vertus et des mœurs, au milieu de nos campagnes. Les assignats remettront toutes ces propriétés nouvelles dans les mains du riche; par conséquent, ils remettront encore d’un côté le pouvoir et la domination, de l’autre, l’avilissement et la servitude. Du moins, sous les anciens possesseurs, ces terres nourrissaient ou l’industrie ou la fainéantise du pauvre. Les fermiers s’enrichissaient sous une administration paternelle. La population se pressait autour de ces établissements, inutiles d’ailleurs, et qui, sous tout autre point de vue, appelaient la suppression. Mais de riches, de trop riches propriétaires n’auront que des fermiers que pressera leur avarice. Ils n’auront que de grosses fermes pour s’épargner les détails d’une gestion compliquée ; et loin des fermiers, loin des grosses fermes, fuit toujours la population. Le fermier n’emploie que le moins de bras qu’il lui est possible ; le fermier ne travaille point pour l’avenir, il n’améliore rien : sa ferme n’est pour lui qu’un lieu de passage, et tout ce qui l’environne est étranger pour lui; importun, s’il lui offre des malheureux à soulager, souvent odieux s'il offre des concurrents à son industrie. J’entends crier de tous côtés : Que mettez-vous donc à la place? Ce que je mets à la place?... Eh ! quand je n’y mettrais rien, seriez-vous pis? seriez-vous aussi mai? Voilà du poison, dit un médecin à son malade; ne le buvez pas. — Donnez-moi mieux, ou je le bois. — Ah 1 malheureux, commence par jeter ton poison, et nous verrons ensuite si l’art ou la nature peut te ramener à la vie. On vous avait présenté un premier projet pour la liquidation de la dette, ou du moins pour la vente des biens nationaux : vous ne l’avez pas encore discuté. On vous en présente un second ; tout s’ébranle, on s’impatiente ; l’enthousiasme égaré ne voudra pas en laisser mûrir un troisième. C’est ce second projet qu’il faut adopter, s’écrient de toutes parts des spéculateurs avides, de prétendus oracles en finance, qui tourmentent l’opinion publique par leurs discours, par leurs écrits; des étrangers qui ont su se faire des créanciers dont ils ont envoyé les capitaux dans ü’autres terres, et qu’ils rembourseront en papiers décriés. Des hommes perdus de dettes, qui veulent noyer leur honte dans le public naufrage. Des citoyens, d’honnêtes citoyens abusés par ces clameurs, et qui, pleins du sentiment des maux qu’ils éprouvent, croient à tous les remèdes qu’on leur vante, ne voient dans le discrédit des assignats que les pertes des capitalistes, et ne calculent pas les affreux contre-coups qui retomberaient sur le commerce, sur l’industrie, sur le travail et sur l’indigence. J’ai démontré que le projet était inadmissible sous tous ses rapports, qu’il était funeste, le plus funeste de tous les projets. Je pourrais m’arrêter là ; j’aurais rempli le devoir du citoyen, du représentant delà nation. Cependant il faut bien aussi offrir mes idées ; et quand j’ai révélé les maux qui nous menacent, montrer les espérances et les ressources ui nous restent ; cette tâche est pour moi plus ifficile, plus pénible que pour tout autre. Je ne parle pas des talents et des lumières qui me manquent. Mais... pourquoi ne l’avouerais-je pas ?... Ma conduite, mon silence l’ont déclaré tant de fois 1 J’avais apporté dans l’Assemblée nationale mes opinions et mes principes; et au milieu du torrent qui a emporté nos délibérations, je suis resté immobile dans mes principes et mes opinions. Ces principes, ces opinions, aucun parti n’a le droit de les invoquer en sa faveur. J’ai voulu la liberté ; j’ai voulu une révolution ; mais j’ai voulu une liberté mesurée dans sa marche , une révolution graduée dans ses effets. J’ai voulu que tous les citoyens se ralliassent à la Constitution par le sentiment de l’intérêt commun ; mais j’aurais voulu que l’intérêt commun, l’intérêt général, capitulât avec les intérêts particuliers. Je suis soumis à tout ce qu’a décrété la majorité de l’Assemblée. Mais j’ai regretté, je regrette encore que la rigueur inexorable des principes ait douloureusement froissé tant d’opinions que le temps seul aurait usées et détruites, rompu tant d’habitudes qui, d’elles-mêmes, se seraient évanouies. O sage Angleterre ! tu as su être modérée dans ta sagesse ! Tu as posé tous les principes de la liberté ; mais c’est aux progrès de la raison et du temps que tu en as confié le développement. Tes principes sont éternels, et la liberté croît toujours, plus belle et plus vigoureuse. Avec de pareilles dispositions, je serai suspect. Mes vues, mes calculs seront accusés par un patriotisme aveugle, ou plutôt par l’intérêt caché sous le masque du patriotisme. N’importe. Je dois tout au bien public, tout, jusqu’à ma vie, [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (5 septembre 4790.] 609 jusqu’à mon repos, qui m’est plus cher que ma -vie. Nous avons une dette exigible, actuellement exigible; nous en avons une qui ne peut l’être que quand elle sera liquidée. Notre dette exigible, soit en ce moment, soit après la liquidation, ne monte pas exactement à 1 ,339,741 ,813 livres. D’abord, des charges de finances, plusieurs seront remboursées en tout ou en partie par les débets, et j’évalue modérément ce qui en sera remboursé de cette manière à. 10.000.000 liv. Toutes ces charges ne doivent pas être remboursées : il y en a qu’il serait imprudent de rembourser# Telles sont les charges des payeurs des rentes. Les payeurs des rentes sont garants et de l'exactitude et de la légitimité de leurs payements. Il faut que leur finance soit là pour en répondre. Un cautionnement en immeubles ne répond de rien, ou du moins il s’évanouit sous la main qui veut le saisir. Vous ne rembourserez donc point la finance des payeurs des rentes. Vous ne dénaturerez point les titres de rentes, vous y perdriez, vos créanciers y perdraient : je l’ai démontré ailleurs ; je le démontrerai encore quand il en sera besoin. Voilà 31 millions qui ne sont point remboursables , qui ne sont point exigibles; ci ....... 31.000.000 Le cautionnement des administrateurs du Trésor public est un cautionnement nécessaire. Vous ne leur demanderez point un cautionnement en immeu blés. Un homme qui aurait 1 ,200,000 livres en immeubles libres ne se livrera point à cette administration. Je ne prêterais point ; personne, je crois, ne voudrait prêter ses immeubles à la responsabilité d’un administrateur qui ne serait pas ou son fils ou son père. Je ne puis penser qu’on donne au Trésor public moins de trois administrateurs, et par conséquent je suis autorisé à réserver leur cautionnement; ci ........ 3.600.000 Les jurés-priseurs sont supprimés, leur remboursement est affecté sur le revenu même dont ils jouissaient. Je ne puis porter leur finance à la dette exigible; ci ......... 7.000.000 Dans les 60 millions de finance des secrétaires du roi de la grande chancellerie, on a compris 24 millions qui sont constitués et inexigibles. Ces 24 millions sont le produit d’un emprunt fait en 1770 Report ..... 51.600.000 liv. sous le nom des secrétaires du roi; ci ....................... 24.000.000 Dans les cautionnements des compagnies de finance , on a compris 48 millions, qui représentent les fonds d’exploitation de la ferme générale. Ces fonds existent en sel, en tabac, en ustensiles : ils seront remboursés du prix du tabac, du sel, des ustensiles; ci ...... 48.000.000 On a présenté comme exigible la dette entière du clergé, et celle qui est connue sous le nom d 'ancien clergé. La dette dite de l’ancien clergé n'est point une dette du clergé. Elle a été créée par le gouvernement, constituée sur les revenus de l’Etat, sur les aides et gabelles, C’est le payement des arrérages; ce n’est point l’hypo-thèque du capital qui a été rejeté sur le clergé. Les intérêts s’élèvent ou paraissent s’élever à 332,000 livres. J’espère que quand la comptabilité sera apurée, ces intérêts ne seront pas de plus de 250,000 livres. Quoi qu’il en soit, il faut retrancher de la dette exigible le capital de .................... 6.640.000 et plus. De la dette véritable du clergé, plus de la moitié va s’éteindre sans remboursement. En effet, je suis fondé à croire que plus de la moitié appartient aux diocèses, auxévêques, aux abbayes, aux chapitres, etc. Une autre partie appartient à des établissements publics qu'il faut conserver, des hôpitaux, des maisons d’éducation qu’il faudrait doter s’ils ne l’étaient pas, qu’on rembourserait donc inutilement avec des assignats sans intérêts, puisqu’il faudrait leur donner en secours ce qu’on leur refuserait en intérêts. J’évalue et je suis fondé à évaluer le capital de ces deux divisions à ................... 100.000.000 Je ne sais pourquoi on veut rembourser avec des capitaux tout cet arriéré des départements qu'on devrait rembourser sur des revenus. On voulait se mettre à jour ; on a tiré une ligne entre le présent et le passé. Je trouve très bien qu’on ait tiré la ligne. Mais paurais affecté chaque année une somme au remboursement de l’arriéré ; j’aurais appliqué à ce remboursement les sommes destinées à des dé-A reporter.. 1" SÉRIE. T. XVIII, 51.600.000 liv. A reporter ..... 230.240.000 liv. 39 010 {Assemblée natfonale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [s septembre iWO.f Report ..... 230.240.000 Liv. dépenses qui s’arriêrent nécessairement tous les ans. Jamais la marine, jamais la guerre, jamais les payeurs des rentes ne payeront, dans une année, ce qui écherra dans une SlOIléô Le présent doit toujours servir à combler le passé. Je ne puis donc porter à la dette exigible qu’une partie de l’arriéré. Je l’évalue à 50 millions. Je payerai le reste et avec les sommes qui s’arrérageront, et avec un fonds annuel. A retrancher, ci 50.000.000 Total. ......... 280.240.000 liv. RÉCAPITULATION. Débets des charges de finance ......... . ............. Finances des payeurs et contrôleurs des rentes ........... Finances des administrateurs du Trésor public ............. Finances des jurés priseurs.. Fonds d'avance des fermiers généraux ..... . ........... ... Rentes de l’ancien clergé. . . . Capital de rentes créées sous le nom des secrétaires du roi.. Capital de rentes du clergé.. Arriéré des départements. . . 10.000.000 liv. 31.000.000 3.600.000 7.000.000 48.000.000 6.440.000 24.000.000 100.000.000 50.000.000 Ce n’est point une dette exigible que le capital des actions de la compagnie des Indes. Aucune partie de ces emprunta n’a une époque fixe et individuelle de remboursement. Aucun créancier individuel ne peut dire : «Vous devez me rembourser, tel jour, telle année. » Les pays d’Etats prêtaient leur crédit ; U était de l’iQtérêt de leur crédit que chaque année amenât l’extinction d’une partie des emprunts qu’ils couvraient de leur nom. C’est à eux que le remboursement a été promis, ce n’est point aux prêteurs. C’est eux qui, s’ils existaient encore, s’ils avaient besoin de leur crédit, pourraient exiger que chaque année on leur fît les fonds des remboursements stipulés avec eux, uniquement avec eux, et pour eux. Mais les créanciers n’ont en ce moment aucune prétention à former. Toute justice sera remplie, si avant la dernière époque ou à la dernière époque assignée au remboursement complet de chaque emprunt, la nation leur a rendu leurs capitaux. Rien donc ne force à précipiter un remboursement qui n’est pas dû, un remboursement que le créancier regardera comme un malheur, au terme où il sera dû, si les affaires publiques sont alors ce qu’elles doivent être sous une Constitution libre, sous un Corps législatif permanent. Je vais maintenant présenter le tableau de la dépense publique, telle que l’ont faite nos décrets et telle que je la conçois en ne remboursant que ce qu’il est nécessaire de rembourser, en le remboursant sans secousse et sans convulsion. Total à déduire de la dette exigible ................ ..... 280.240.000 liv. Reste pour la dette exigible. 1.059,501.813 liv. J’observe que la plus forte partie de cette dette n’est pas exigible aujourd'hui, ne le sera pas au premier janvier 1791, ne le sera que longtemps après. Ainsi les finances des receveurs et trésoriers ne le seront qu’après les comptes rendus et apurés. Et s'il fallait suivre la marche lente du passé, ce serait l’affaire de dix années. Les finances des offices divers ne seront exigibles qu’après la liquidation. J’ajoute que la liquidation atténuera ces finances. Les fonds des compagnies de finance ne sont pas exigibles aujourd’hui. Nous ne sommes au terme ni des baux ui des régies. Mais d’ailleurs, et je l’ai déjà observé, les financiers ont contracté, pour la plupart, pour toute la durée de leur régie. Ils ont payé les intérêts en billets au porteur; si vous les remboursez, ils seront ruinés, car ils ne pourront pas, en remboursant leurs créanciers, se faire rendre les billets d’intérêts qu’ils ont souscrits. Il faut réunir à la masse de cette dette, les 400,000,000 livres d’assignats, et votre dette exigible à diverses époques successives formera un capital de ................ 1.459.501.813 liv. Ce ne sont point des dettes actuellement exigibles que ces remboursements annoncés sur les emprunts faits directement, ou bous le nom des pays d'états. DÉPENSES PUBLIQUES. Maison du roi....,,.,,,, 25.000.000 liv. Maison des princes, frères du roi : rentes apanagères de tous le§ princes apanagés 6,000.000 (!) Département de la guerre... 88.000,000 Département de la marine.,, 47,OQO.OOQ Département des affaires étrangères ..................... ... 6,300.000 Traitement des ministres et autres que le roi appellera au Conseil (2) ................ ... 460.000 bureaux de l’administration générale ..................... 650.000 Direction et bureaux du Trésor public (3) ......... . . ..... . 809,000 Ponts et chaussées, direction, école, assemblée ..... ........ 206,020 Travaux communs des ponts et chaussées. ... . .......... ... 3.000.000 Invalides, Quinze-Vingts. , . . , 700,000 A reporter ..... 172.125.020 liy* (1) Si cette fixation est adoptée, le rerenu des biens donnés en apanage, et repris par la nation, couvrira cette dépense. Si l’Assemblée nationale est plus sévère, le Trésor public y gagnera. J’ai donc pu ne pas faire entrer cet objet en ligne de compte. (2) On doit se rappeler que le traitement des • ministres de la guerre, de la marine et des affaires étrangères est compris dans les dépenses de leur départe-filent. (3) Cette fixation n’est pas encore adoptée par l’Assemblée nationale ; mais ie la crois suffisante, quelle que soit l’organisation du Trésor public. (Aisemblét natton&ie.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [5 septembre 1790. J, Report ..... 472.125.020 liv-Primes et encouragements.. . 4.000.000 Académies, universités, enseignements publics ....... .. 900.000 Edifices religieux commencés. 400.000 Bibliothèque du roi. « ..... .* 110.000 Dépôts divers ..... . ......... 10.000 Jardin du roi ............. . . 100.000 Académie de peinture , de sculpture .............. *..*.» 50.000 Dépenses imprévues ........ 3.000.000 Etablissements de colonies dans l’intérieur de la France* en Corse, etc. (1) ................ 500.000 Sessions de la législature (2). 5.000.000 Pensions.*...... ......... .. 15.000.000 Comptabilité (3) ............ 300.000 Payeurs des rentes et contrôleurs ...... 600.000 DETTES. Rentes payées à l’Hôtel de Ville (4) ..................... 152.000.000 Autres rentes perpétuelles payées par les fermes, régies, et le trésorier de la ville (5). . * 4.000.000 Rentes dues par le clergé, ou payées sur les revenus du clergé, qui ne sont point éteintes, ou qui ne doivent pas être remboursées (6). ..... ...... . . 3.700.000 Rentes viagères, autres que celles payées à t’Hôtel de Ville (7) 3.000.000 Intérêts et remboursement de l’emprunt de septembre 1789 (8) 5.200.000 A reporter ..... 369.995.020 liv. (4) Ce serait une vue digne de l’Assemblée, et certainement bien mile au succès de la Constitution, de faire de pareilles colonies. Tant d’individus sans propriété sont toujours dangereux pour un peuple libre, pour un peuple qui tout à l’heure n’encouragera plus guère les arts du luxe. Et nous avons ici et en Corse tant de landes, tant de déserts à cultiver ! (2) Je crois cet article exagéré. (3) Cette somme est plus que suffisante si la comptabilité est bien organisée. Je no porte point ici la dépense des régies et fermes, elle doit être infiniment réduite, et se déduire sur les produits. (4) L’aperçu de l’état des rentes de l’Hôtel de Ville au 1" janvier 1790, aperçu formé sur les registres des payeurs des rentes et du bureau du contrôle, en portait la dépense à 153 millions, y compris les gages des payeurs et des contrôleurs, et les intérêts des finances des payeurs supprimés : depuis cette époque S’au i,r janvier 1791, il y aura eu environ ,000 livres d’extinctions. Depuis cette époque encore, un décret de l’Assemblée a ordonné le rejet et la radiation de près de 2 millions de rentes appartenant à des diocèses, évêchés, chapitres, communautés, etc. J’ai donc pu fixer cette dépense de 155 millions à 152 millions. (5) Je diminue cette partie de 745,000 livres, Je Vois trois ou quatre parties dont l’Assemblée nationale pourra décréter la radiation, (6) On a vu plus haut la division que j’ai établie dans les rentes constituées par le clergé. (7) Je réduis ces rentes à 302,000 livres. Il y a eu des extinctions assez considérables ; celles de M. le comte d’Artois seules sont diminuées d’environ 200,000 livres. (8) Gette dépense avait été fixée à, 8 millions, quand l’emprunt était supposé de 80 millions ; il n’est pas Report ..... 369.995.020 liv. Intérêts des emprunts remboursables faits directement par le Trésor public, d'acquisitions et de charges supprimées ...... 15.963.081 Intérêts des emprunts faits pour le compte du Trésor public par les pays d’Etats ..... .. 6.276.000 Indemnités (1) ....... . ..... 1.000.249 Intérêts de 24 millions empruntés sous! le nom des secrétaires du roi' ..... 1.200.000 Remboursement d’un emprunt fait à Gènes et Amsterdam, à raison de 3 millions par an pendant six ans ............ ..... 3.000.000 Intérêts qui décroîtront ..... 840.000 Intérêts d’anciennes finances renvoyées à la dette publique par décret de l’Assemblée nationale ..................... .... 93.645 Rentes dues aux i mini stres au Levant . 16. 000 1 Rentes à l’Hôtel-f Dieu de Rouen ..... 2.269 I Enfants trouvés : l legs de Mme de Tal-f mont ............ .. 4.450 k Rentes à divers hô-1 pitaux pour prix de 1 maisons ............ 13.282 I Intérêts des fonds d’avance et cautionnements .............. 10. 000. 000 Annuités de la caisse d’escompte et des notaires ... ..... 6 . 020. 000 À reporter...., 414.423.996 liv. tout à fait de 52 millions. J’ai donc dû réduire de 8 millions à 5,200,000 livres. (1) Je fixe là les indemnités, et non pas â 1,365,342 liv. comme M. de Montesquiou. Voici ce que je retranche : Indemnité aux princes, frères du roi pour droits casuels, d’offices supprimés ....... 90,068 liv. Elle tombe avec les offices et les apanages. Indemnité àla Maison d’Orléans, 12,800li-vresetdoit par conséquent être réduite de 6,600 Indemnité àM. de Duras, pour droit de comptablie sur les vins de son crû, . , . 40,000 Grâces et privilèges sans cause, oubliés pendant cent ans et renouvelés sous le ministère de M. de Galonné. Indemnité à la maison de Grammont de 444,000 livres, réduite récemment par arrêt du conseil à 104,000 livres, ci. . . A Mme de la Tournelle, pour uu domaine pris et rendu .......... Au major de Compïègne, pension. , . , Aux cautions de. . . . pour non jouissance d’un bail, indemnité caduque sur plusieurs têtes, et qui d’ailleurs doit finir dans huit aus ............ ...... A l’entrepreneur de la manufacture de Beauvais, encouragement. ....... Nancy, droit sur les cuirs. Supprimé avec les droits sur les cuirs. Octroi à la chambre du commerce de Picardie .............. . , Octroi de Lyon. . . ........ Dime dans la forêt de Saint-Germain. A la liste civile ............ Total. . 40,000 4,000 1,000 40,600 , 3,000 8,496 42,000 54,200 111 264,075 Ht. 612 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1790.] Report ..... 414.423.996 liv. Intérêts des charges de finance (1) .................... 2.843.486 Intérêts des offices de magistrature, etc. (2) .............. 21.300.000 Dîmes inféodées ............ 2.000.000 Intérêts des charges de la maison du roi, de la reine et des princes ...................... 2.600.000 Intérêts des gouvernements et lieutenances de l’intérieur.. 189.157 Intérêts des charges et emplois militaires ............... 1.756.099 Intérêts d’anciennes dettes liquidées ................... ... 544.114 Intérêts de 400 millions d’assignats ...................... 12.000.000 457.656.852 liv. Je n’ai point porté l’intérêt de l’arriéré des départements : il faudrait qu’il fût liquidé. D’ailleurs, je ne crois point qu’il en soit dû, si nous n’abusons pas trop de la patience des créanciers. Ces créanciers, ce sont ou des fournisseurs qui ont calculé d’après la marche accoutumée du gouvernement et fait leurs conditions d’après leurs calculs : ou ce sont des officiers, des employés auxquels il est dû des appointements ; et il n’est point dû d’intérêts pour des appointements retardés. Je n’ai point parlé de la dépense du culte, des retraites des ecclésiastiques et des religieux. Elle trouvera sa place ailleurs. Je n’ai point parlé de la dépense des tribunaux, des corps administratifs, des routes publiques. Ces dépenses ne doivent point appartenir au Trésor national. Je vais commencer par présenter un plan de liquidation à ma manière. Je jetterai ensuite quelques idées sur les impositions. Enfin je discuterai les dépenses du culte et les dépenses accessoires et passagères qui s’y rapportent. La dette la plus pressante, celle qui pèse le plus sur la nation et sur toutes les parties de la nation, ce sont certainement ces 400 millions d’assignats, l’effet et la cause à leur tour de notre détresse. C’est donc cette dette là que nous devons rembourser la première. Pour en accélérer la rentrée dans la caisse de l’extraordinaire, je conçois qu’il est utile, nécessaire même, de suspendre l’intérêt que nous y avons attaché. D’abord ce sera une diminution de 12,000,000 livres dans notre dépense fixe. Et puis ce sera un ressort pour hâter les capi-(1) Je réduis à cela 153,314 livres que le comité des finances avait d’abord rejetées à la dette, mais dont le décret de l’Assemblée sur les biens ecclésiastiques nécessite l’extinction. (2) Je retranche ici : 1° l’intérêt des finances des payeurs des rentes existants ou supprimés, et de leurs contrôleurs qui sont déjà comprises dans les fonds destinés aux payements des rentes de l’Hôtel de Ville, ce qui fait ..... . .......... 2,463,708 liv. 2° L’intérêt de 10 millions que j’ai supposés en débets. .... ..... 500,000 2,963,708 liv. J’ai retranché 1,200,000 livres pour -intérêt de 24 millions empruntés sous le nom des secrétaires du roi, et déjà portés plus haut. talistes paresseux qui aiment à voir leurs fonds grossir sans peine et sans travail dans leur portefeuille. Mais, pour garder la foi des décrets, je voudrais que cet iutérêt fût bonifié aux acquéreurs qui payeraient en assignats, dans un terme donné. Vous serez forcés bientôt de créer de nouveaux assignats, pour atteindre l’époque où vos perceptions seront en activité. Ces assignats-là encore, il faudra bien qu’ils circulent comme les autres; qu’ils s’éteigneut comme les autres ; mais il faudra pour les soutenir, pour être juste avec tout le monde, leur doner aussi l’intérêt de 3 0/0. Il faudra aussi ne les bonifier que dans les acquisitions. Je vous vois donc une masse de 600 millions d’assignats en circulation. Cette masse de papier forcé, de papier-monnaie est certainement tout ce que peut supporter la France, plus que ne pourrait supporter aucun autre Etat de l’Europe. Et ne me parlez pas du numéraire fictif de l’Angleterre. Le numéraire fictif de l’Angleterre est de l’argent, puisque, à chaque instant, il peut sans perte se transformer en argent dans la main de celui qui le possède. Si nous en hasardons davantage, nous repoussons le numéraire de toutes nos ventes, nous réduisons à l’im possibilité d’acquérir, ces citoyens sans propriété à qui une sage politique destinait la plus grande partie de ces acquisitions. Us n’ont, eux, que quelques misérables sommes en argent à mettre dans le marché ; mais ils ont de plus à y mettre des bras, du travail et du temps, et c’est avec cela qu’ils peuvent acheter vos biens au denier 40 et au denier 50. Ce sont eux, Messieurs, prenez-y garde, ce sont eux qui achèteront les premiers, parce qu’ils croient à vos décrets et à la permanence de la Constitution. Us y croient, parce qu’ils ont intérêt d’y croire et de les soutenir. Si ces biens passent tous dans d’autres mains, craignez tout de leurs espérances trompées; ils deviendront les plus terribles ennemis d’une opération qui leur aura fait perdre ou leurs fermes, ou les travaux et les secours qu’ils obtenaient des établissements ecclésiastiques et religieux. Nous nous bornerons donc à ces 600 millions d’assignats, et tant qu’ils n’excèderont pas ces limites-là, vous pouvez être sûrs d’avoir des ventes et de l’argent dans les ventes. Mais le reste de la dette exigible ? Je vais tâcher d’y pourvoir. Ce sont des fonds d’avancedes compagnies financières, c’est l’arriéré des départements qui se présentent Jes premiers. C’est encore des remboursements échus. Je commence par les fonds d’avance. Je vais dire une hérésie, dans la doctrine de la finance moderne. Je la dirai pourtant, sans rougir et sans crainte. J’exigerais des nouvelles compagnies de finance un cautionnement de 100 millions à 4 0/0. Mais ce ne serait pointa chaque individu que je demanderais des fonds; ce serait aux compaguies mêmes et collectivement. Aiusi je ne serais point dans la dépendance des compagnies. Ce que l’une ne voudrait pas faire, une autre le ferait. Je ne serais point obligé de donner un traitement plus considérable, parce qu’aucun de leurs membres en particulier ne compromettrait sa fortune et ne pourrait me dire qu’il aurait contracté des engagements onéreux. [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1790.] « Mais vous ne trouveriez par ces 100 millions, à 4 0/0. ». Et où voulez-vous donc que se placent tous ces capitaux qui, dans ce moment, sont menacés de n’être plus que des monceaux de papier? Ce sera là que placeront tous les citoyens qui n’ont que des sommes modiques, et qui ne peuvent spéculer sur des acquisitions de terres, tous ceux que le commerce, leurs affaires, leurs goûts retiennent à Paris, ou qui, plus habiles, voudront éviter le feu des premières acquisitions, et se réserver pour les biens des particuliers. Ce mot de compagnie de finance a encore sa magie et ses illusions. Voyez tout ce qu'il en a coûté pour tarir leur crédit, et souvenez-vous qu’au milieu de nos convulsions, on tourmentait encore les fermes et les régies pour leur confier son argent. Que sera-ce quand on sera réduit ou à perdre sur les assignats pour les convertir en espèces, ou à perdre bien davantage pour les convertir en terres ? Certainement, Messieurs, des compagnies de finance, des compagnies formées sur un nouveau plan, avouées par vous, chargées de perceptions décrétées par vous, trouveront sans peine à emprunter 100 millions à 4 0/0, et le Trésor public gagnera 1 million et plus sur les intérêts des fonds d’avance. Le reste des cautionnements, le reste des remboursements, une partie de l’arriéré des départements, je l’assignerais d’abord sur la contribution patriotique. « Elle ne suffira pas. » Je le crois; mais vos ventes cheminent, vos assignats rentrent. Quand il vous sera rentré des assignats, c’est avec des assignats que vous rembourserez ce que vous ne pouvez pas rembourser avec la contribution patriotique. Mais je ne remettrais pas en circulation une somme d’assignats égale à celle que j’aurais retirée. Je n’en mettrais que la moitié. C’est avec cette mesure que j’établirais la confiance publique et que je donnerais à ce numéraire territorial la valeur de l’argent même. On me dira que les cautionnements sont dus, sont exigibles, du moment où les compagnies de finance subissent une refonte et de nouvelles conditions. Quand cela serait, il faut bien que le citoyen qui a prêté s’accommode aux circonstances générales, comme le propriétaire de terres, comme le propriétaire de maisons, comme le propriétaire de rentes. Nous payerons les intérêts courants, nous admettrons les récépissés de caisse dans les acquisitions, nous ferons le compte de chaque financier et nous réglerons la somme de ces billets qui pourront y être employés. Voilà, je crois, tout ce que nous pouvons faire; nous ne pouvons faire davantage, sous peine des convulsions et de la mort. S’il était un créancier assez dur, assez barbare pour s’acharner sur le citoyen auquel il aurait prêté des fonds que la nation serait forcée de retenir encore, la nation devrait sa garantie au débiteur, et le mettre à couvert des poursuites ne serait qu’un acte de justice. Quant aux finances d’offices et de charges, nous avons des délais nécessaires, il faut liquider, il faut rendre et apurer des comptes. Pendant qu’on liquide, pendant qu’on rend des comptes, point de remboursements à demander. Après la liquidation, après les comptes, il faut rembourser certainement, si on le peut sans danger pour la chose publique. Si on ne le peut pas, il faut donner un titre de créance, et ce sont les quittances de finance que je préfère. Mais des quittances de finance ne satisferont « pas les créanciers des titulaires. » Elles les satisferont, si elles ont une hypothèque solide, si vous montrez, dans un terme quelconque, un remboursement assuré, si vous payez les intérêts. Or, vous pouvez faire tout cela; je le pense; j’ai celte opinion et de vous et de mes citoyens, que vous ferez tout ce qui est juste; qu’ils supporteront tous les impôts qui seront nécessaires, toutes les mesures qui seront utiles. Les créanciers du titulaire d’office n’ont point prêté sur l’office. Ils ont prêté sur la foi du gouvernement; ils ont prêté sur la foi de la quittance de finance. C’est une quittance de finance qui est leur véritable gage, et tant qu’elle subsiste, ils n’ont point véritablement de poursuite légitime à exercer contre leur débiteur immédiat. D’ailleurs, ces quittances de finance seront divisées comme on le voudra ; on les recevra dans les acquisitions comme les assignats, comme l’argent ; et certainementla plupart des propriétaires n’ont d’autre intérêt ni d’autre vœu que de les convertir en acquisitions immobilières. « Mais ils ne seront pas forcés à cette conversion ; il y aura moins de concurrence pour les biens nationaux. » Tout ce que nous pouvons demander, c’est qu’il y en ait assez ; et il y en a certainement assez avec les porteurs d’assignats qui voudront et qui seront forcés d’acquérir, avec les citoyens qui ont et quelques épargnes et leur travail pour acquérir. L’importance, sans doute, est de bien vendre. Mais il est un terme où le bien vendre serait mal vendre en effet. Vous avez deux grands intérêts à concilier : vous êtes débiteurs, mais vous êtes souverains, ou représentants du souverain. C’est vous que vous ruinez quand vous ruinez vos créanciers. Des créanciers qui auront suracheté vos biens nationaux seront sans force et sans moyen pour les cultiver, pour les améliorer. Sachons perdre à la vente pour regagner à l’impôt et souvenons-nous que les grands administrateurs ont presque toujours commencé par diminuer le8 perceptions pour augmenter les revenus. On me rappelle ces 100 millions de diminution d’impôts que les partisans des assignats nous promettent. J’ai démontré que leurs promesses étaient vaines, étaient chimériques, parce qu’ils ne pourraient pas faire leurs remboursements aussi lestement qu’il l’imaginent. J’ai démontré qu’elles seraient chimériques encore quand ils pourraient faire ce miracle-là, parce que le renchérissement subit de toutes les dépenses publiques absorbent toutes ces diminutions idéales. Je vais calculer maintenant les diminutions effectives que mon plan doit opérer en 1791: Intérêt des assignats. ....... 12,000,000 liv. Réduction sur les 100 millions de fonds d’avance des compagnies ........... . .......... 1,000,000 Intérêt du reste des cautionnements et remboursements A reporter ..... 13,000,000 liv. 614 lAsïêmblée national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (S wpteobre i700.J Report. .... échus, affecté sur la contribution patriotique ...... ......... Intérêts des récépissés de caisse en billets, et reçus dans les acquisitions de biens nationaux ........................ Argent comptant versé dans les acquisitions, 20 à 25 millions, dont l’intérêt sera de... J’ajouterai qu’en 1790 nous ne payerons que les gages des officiers dus pour 1790; que ces gages seront sur le pied ancien, et ne serout, par conséquent, que de 12 à 13 millions, au lieu de 21,300,000 livres; il faudra donc déduire sur les dépenses, encore ......... . ....... ........ 13,000,000 liv. 2,000,000 1,000,000 1,000,000 8,000,000 Total ..... . 25,000,000 liv. Voilà la somme que je retranche de la dépense que j’avais calculée pour 1791, et ma supputation est certainement très modérée, si, comme je l’espère, la confiance renaît, si l’ordre, si les perceptions se rétablissent. Si rien de tout cela ne s’effectue, il est inutile que nous fassions des calculs. J’arrive aux dépenses de culte et aux dépenses nécessaires et passagères qui y sont liées. Personne d’entre nous ne se dissimule, sans doute, que la suppression précipitée des dîmes a été une de nos plus grandes plaies, qu’elle sera longtemps la cause de nos plus grands embarras. Il est impossible, je le dis hardiment, il est impossible d’obtenir, par la voie de l’impôt, en argent ce que produisait la dîme. C’était, sans doute, un impôt très pesant. Mais cet impôt était une affaire d’habitude. Ou murmurait en le payant ; on l’oubliait quand il était payé. Mieux distribué, il devenait presque insensible. Nous en avons continué pour 17901a perception avec tous ses anciens abus. Pourquoi n’en décréterions-nous pas, pour 1791 , laperception réformée, plus égale, plus proportionnelle ? Ce ne sera plus la dîme, ce sera le vingtième, le vingt-cinquième, peut être moins. Nous aurons soulagé le peuple, nous aurons respecté l’esprit de nos décrets. Vous craignez peut-être que ce modene rappelle d’anciennes formes, d’anciennes prétentions. Eh qu'importe ces souvenirs, quand la chose n’existe plus, quand les principes sont avoués, quand tous les intérêts sont armés contre les prétentions anciennes ? Enfin, Messieurs, il s’agit d’être ou de ne pas être. Vous serez une nation, si vous avez des revenus. Mais vous n’aurez de revenus que quand vous n'exigerez que ce que le peuple peut payer et comme il peut payer. On vous parle de 300 millions d’impositions foncières perceptibles en argent. Jamais, Messieurs, vous ne l'obtiendrez sous cette forme. Le propriétaire, le fermier ne comptaient pour impôt que la taille, que la capitation. La dîme était hors de leurs calculs. C’était une charge de la récolte, acquittée avec la récolte, oubliée après la récolte. Diminuez-en la quotité, le peuple sera soulagé, il payera sans peine et le remplacement de la dîme et l’impôt que vous n’aureï point accrû sur la terre. Sur les impositions directes, je vous dirai encore ce que je pense, ce que démontre l’expérience de tous les peuples de la terre. Il faut qu’elles soient modérées, sous peine d’être nulles. L’Angleterre dont la culture vaut bien la nôtre, dont les campagnes sont plus riches que les nôtres, l’Angleterre n’a point osé ou n’a pas voulu changer les proportions de ses impôts sur les terres, et l’impôt sur les terres est de tous les impôts celui qui se perçoit eu Angleterre avec le plus de peine. Eh pourquoi ! c’est qu’il pèse à plomb sur un seul point, et qu’il y arrête nécessairement la circulation et la vie. C’est qu’il pèse sur les moyens de reproduction, c’est qu’il n’est là qu’un impôt, et qu’il y est senti avec toutes ses rigueurs. Au lieu qu’ailleurs il se cache presque toujours à celui qui le paye véritablement. Il se cache souvent sous des formes agréables, il se confond avecleplaisir qu’on cherche, avec la liqueur qu’on aime, avec toutes les jouissances qu’on désire. Le grand art de l’administrateur, le grand art des nations qui ont contracté des dettes, qui out forcé leur dépense, c’est de trouver un système d’impôts indirects qui n’offense point la liberté générale, qui ne pèse point sur le commerce et sur l’industrie. Si j’avais le temps, et que vous eussiez la patience, je développerais davantage ma pensée sur la nature et la forme des impôts indirects que comporte notre position. Mais votre comité, sans doute, aura tout prévu, tout combiné, et c’est de ses lumières que nous devous attendre les nôtres. Je me borne à penser que nous ne pouvons fournir aux dépenses du culte que par une prestation en nature représentative de la dîme, mais de la dîme étendue, modifiée, adoucie. Le produit des biens nationaux complétera avec cette prestation tout ce qui sera nécessaire pour les traitements et les retraites des ecclésiastiques et des religieux. Je m’arrête ici : c’est à vous de prononcer entre un plan qu’on appelle vaste, mai3 qui n’est que chimérique, sans développement et sans base, et un plan plus timide sans doute, mais dont l’exécution est assurée, et dont les résultats n’ont aucun danger; enfin, entre une banqueroute infâme et une franche et loyale libération. PROJET DE DÉCRET. Art. lep. Les intérêts attachés aux assignats, décrétés le ..... . seront suspendus, et ne seront bonifiés qu’aux acquéreurs de biens nationaux, qui payeront en assignats. Art. 2. Il ne sera fait de nouvelle émission d'assignats qu’autant qu'il sera nécessaire pour suppléer au déficit momentané des perceptions. Art. 3. Les nouveaux assignats jouiront pareillement, dans l’acquisition des biens nationaux, d’un intérêt de 3 0/0 par an, lequel datera du jour de l’émission. Art. 4. Les effets échus au remboursement seront admis dans l’acquisition des biens nationaux. Art. 5. Seront pareillement admises tes quittances de finance des charges et offices supprimés, à mesure de la liquidation. Art. 6. Lesdites quittances de finance seront divisées en jutant de fractions que le voudront (AsumbUe nationale.) les propriétaires, pourvu que ces fractions ne soient pas au-dessous de 200 livres. Art. 7. Seront pareillement admis les récépissés de caisse des compagnies de finance, en justifiant, par les porteurs, qu’ils ont rapporté aux fermiers ou régisseurs auxquels ils ont prêté, les billets d’intérêts qu’ils avaient souscrits à leur profit. Art. 8. Seront encore reçues en payement desdits biens les créances arriérées sur les départe-temeots, dont le montant aura été vérifié reconnu et soumis au comité de liquidation, et dont le payement aura été autorisé par l’Assemblée nationale. Art. 9. Il sera pris incessamment des mesures pour rembourser le reste des cautionnements et des fonds d’avance des fermiers et régisseurs, lesquels n’auront pas pu être absorbés par les acquisitions des biens nationaux. Art. 10. A mesure qu’il rentrera des assignats à la caisse de l’extraordinaire, en payement de6 acquisitions de biens nationaux, il en sera mis de nouveau en émission aux mêmes conditions, mais seulement pour moitié des sommes qui seront rentrées. Note. J’ai supprimé une grande partie de ce qui était relatif aux dîmes, aux impositions directes et indirectes, parce que je me propose d’en former une opinion particulière sur le travail du comité des impositions. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE V ASSEMBLÉE NATIONALE DU & SEPTEMBRE 1790. Opinion de M. d’àllarde sur le projet de créer deux milliards d’assignats-monnaie (1), Messieurs, ce n’est qu’avec crainte que j’aborde la question qui occupe l’Assemblée nationale; jamais elle n’en traita de plus importante. Il s’agit du salut de l’Etat et du sort de la Constitution ; l’un et l’autre me paraissent essentiellement intéressés au parti que vous prendrez sur l’émission proposée de deux milliards d’assignats. Entraînés par l’éloquence de l’honorable membre qui vous a présenté cette idée, quelques personnes ont cru voir, dans son projet, un éclat de lumière, qui, en montrant l’abîme qui est sous nos pas, indiquait, en même temps, le moyen de le franchir; mais après l’avoir méditée, cette idée, qui séduit au premier coup d’œil, m’a paru si dangereuse, que j’ai été étonné du courage qui a fait proposer un plan dontles suites nous exposeraient a des malheurs incalculables. On propose à l’Assemblée de créer deux milliards de papier-monnaie sans intérêts, de l’employer à payer la dette exigible, et de le recevoir en payement des biens nationaux. Ge plan suppose une connaissance parfaite de la dette exigible et des biens nationaux; or, les quatre cinquièmes de ce qui compose la dette ne sont pas liquidés, l’évaluation des biens nationaux n’est pas faite; le plan porte donc sur des bases au moins très douteuses. Mais je les suppose, pour un moment, très assurées, et je demande : 1° si l’opération dont il s’agit est conforme aux (1) Ce document n’a pas 4M inséré au Moniteur* (S septembre 17004 règles de la justice et de la morale, aux décrets de l’Assemblée nationale, à l’esprit de la Constitution et à une saine politique ; 2° si l’on peut raisonnablement en espérer tous les avantages qu’on nous annonce? Je vais vous présenter l’examen que j’ai fait du projet sous ces différents rapports, en me resserrant dans les borneaies plus étroites qu’il me sera possible, la discussion lumineuse que plusieurs membres de cette Assemblée en ont déjà faite, me dispense de le suivre dans tous les détails dont il est susceptible. Et d’abord l’opération qu’on vous propose est-elle conforme aux règles de la justice et de la morale? On fait entrer, dans le tableau des dettes exigibles des créanciers dont l’échéance est plus ou moins éloignée et on laisse en arrière les anciennes rentes perpétuelles et viagères. Depuis 1720, un milliard a été prêté à l’Etat, et ne coûte, au Trésor public, que 2 0/0 d’intérêt; 400 raillions coûtent au plus 7/8es 0/0 ; tandis que les dettes prétendues exigibles ont coûté à l’Etat plus de 8 à 10 0/0 (1). Le remboursement de ces emprunts onéreux, qui est à peu près de 560 millions, n’est dû qu’à des termes successifs, jusqu’en 1824; et ce sont de pareilles dettes qu’on veut payer d’avance, et de préférence aux plus anciennes. Il n’y a que la dette du clergé qui soit rigoureusement exigible, en sus des sommes échues ou à échoir d'ici au 1er janvier 1791, et ces objets ne montent qu’à 380 millions. On prétend que le sort des rentiers sera amélioré par l’extinction d’une grande masse de dettes qui leur ôte tout motif d’inquiétude pour l’avenir. Sur quoi fonde-t-on une pareille assertion? Les 1900 millions de dettes prétendues exigibles ne coûteraient que 95 millions d’intérêts, et les rentiers seront primés par 160 millions pour les dépenses dü culte ; leur sort sera-t-il doue amélioré, et ne seraient-ils pas fondés 4 avoir d’autant plus d’inquiétude sur l’exactitude du payement de leurs rentes? D’ailleurs, comment se propose-t-on de payer? avec des assignats, mais ce n’est pas un payement réel, c’est un payement fictif, une promesse de payer par la vente des biens nationaux, et comme cette promesse sera sans intérêt, il s’écoulera, comme ou doit le présumer, quelque temps avant que la vente des biens nationaux puisse s’effectuer, les créanciers seront privés, pendant cet intervalle, de l’intérêt de leurs créances, et certainement c’est payer moins qu’on ne doit, c’est prononcer un loi contraire à lajustice et au droit sacré des conventions, c’est enfin autoriser tous les débiteurs à commettre la même injustice envers leurs créanciers. Vous remarquerez, Messieurs, qu’il n’est ici question que des intérêts en faveur des créanciers qui aurontreçu directement de l’Etatces assignats, et pendant le temps qui s’écoulera jusqu’à ce qu’ils puissent les employer au payement des biens nationaux; mais si, parmi les créanciers, il s’en trouve qui ne soient pas dans la possibilité ou dans la disposition d’abandonner leurs affaires, leurs vues particulières, leur domicile actuel, leurs habitudes, pour aller, dans tel ou tel département, faire valoir des fonds de terre, que feront-ils de leurs assignats ? Ils les vendroat fl) Tel est l’emprunt de 30 millions, de 1786; le Trésor public a payé 6 millions de primes; il a été constitué 1200 mille livres de renies perpétuelles. Le roi â contracté l’obligation de payer, à divers termes, 24 millions A la ville de Parie. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.