SÉANCE DU 26 FLORÉAL AN II (15 MAI 1794) - N° 68 361 [Marceau gal de division, au général en chef Charbonnier; Du quartier de Thuin, 21 flor. Il] « Conformément à tes ordres et aux dispositions arrêtées, je suis parti du camp de Bossu, et me suis mis en marche ce matin à deux heures et demie. J’ai rassemblé les différentes divisions à l’avant-garde campée à Beaumont, sur les hauteurs de Court : l’ennemi, qui avoit ses postes dans la plaine, a bientôt été forcé de les abandonner; et notre formation s’est faite sans obstacles. Je me suis porté de là sur Thuin. L’ennemi, qui occupoit les bois en avant de cette place, a opposé quelque résistance; mais, forcé par nos chasseurs de les quitter, bientôt il s’est trouvé forcé de se renfermer dans les redoutes en avant de la place et dans la place même, qu’il avoit fortifiée d’une manière formidable. Le général Hardi, qui commande l’avant-garde, a fait investir la ville par les troupes légères; et, à l’aide de quelques pièces d’artillerie légère, a protégé l’établissement des divisions de l’armée sur les hauteurs en avant de la place. L’ennemi faisant tous ses efforts pour conserver ce point important, en attendant qu’il se rende maître du cours de la Sambre, dans cette partie, j’ai été forcé d’employer les moyens révolutionnaires et français (la baïonnette). Je t’annonce donc avec plaisir que ce moyen, toujours employé avec succès par les républicains, a encore procuré une victoire à l’armée des Ardennes. Nos chasseurs, soutenus par l’artillerie, ont enlevé les retranchemens et les remparts. Les Autrichiens ont été forcés de nous céder la place, non sans avoir laissé bon nombre de morts. Nous avons aussi fait quelques prisonniers. Annonce à la République que si l’armée des Ardennes a bien mérité de la patrie pour avoir repoussé la cavalerie à la baïonnette, la cavalerie a aussi, dans cette occasion, donné des preuves d’héroïsme. Le 11e régiment de chasseurs à cheval a chargé l’ennemi jusques dans ses redoutes, et est entré dans la ville malgré tous les obstacles. » La division de l’armée du Nord qui devoit attaquer Thuin sur la gauche, ayant été retardée par des causes imprévues, n’est arrivée qu’après la prise de la ville; mais elle a eu aussi part à la fête, et a emporté une position que l’ennemi avoit conservée derrière la place, et s’y est établie. » Je ne te parlerai de personne en particulier : je puis t’assurer que tous ceux qui ont été employés à l’attaque ont fait leur devoir. J’attends les ordres pour demain, et j’espère que l’essai d’aujourd’hui prouvera à tous nos ennemis ce que nous sommes en état de faire par la suite. S. et F. » Marceau. P.c.c. ; J.V. Thurreau (gal de la brigade, chef de l’état-major). [Le général en chef de l’A. des Ardennes ; Thuin, 24 flor. IJ.] «Mon dernier courrier vous a appris la prise du poste de Thuin et le passage de la Sambre. Je vous annonçois une division, et que je me portois, avec le reste de mes troupes, sur les hauteurs de Leernes. J’occupe aujourd’hui cette position, et je suis entré hier dans la petite ville de Fontaine-l’Evêque avec votre collègue Levasseur. F. et S. » Charbonnier (1). 68 BARERE continue : Voilà donc le passage de la Sambre effectué par les troupes de la République (2) . La gauche de l’armée du Nord, de cette armée si nombreuse et si énorme, ne s’est pas moins distinguée. Voici ce que nous mandent Richard et Choudien (3) . [Lille, 24 flor. II.] La division de gauche de l’armée du Nord continue de répondre aux espérance de la patrie, et d’apprendre aux puissances coalisées contre la République ce qu’elles doivent attendre de l’énergie du peuple français. Nos mouvemens sur la Flandre maritime et la fameuse journée de Mouscron (4) , où nous avons défait complètement les troupes aux ordres du général Clairfayt, avoient déterminé Cobourg à faire filer de côté des forces considérables : nous ne nous sommes point laissé prévenir, et le 21 nous avons attaqué tout ce que nous avions devant nous à notre gauche et au centre; l’ennemi nous a opposé peu de résistance, nous l’avons repoussé vigoureusement, et l’avons forcé de se replier jusques sur Tournait et le Mont-Trinité. Deux bataillons, le premier du 34e régiment, et le deuxième des Ardennes, ont poussé au plus haut degré l’intrépidité républicaine; coupés dans leur retraite et entourés par un corps de cavalerie ennemie, ils se sont fait jour à coups de fusil, et ont fait éprouver à l’ennemi une perte considérable. Pendant que ceci se passoit, l’ennemi portoit des forces sur Courtrai à dessein de s’en emparer et arrêter le progrès de la gauche et du centre; mais nous avions prévu ce mouvement, et il a été vivement repoussé par notre colonne d’observation. Le lendemain, à la pointe du jour, les coalisés se sont présentés et nous ont légèrement attaqués; tout étoit disposé pour les attaquer eux-mêmes. Ils avoient réuni sur ce point l’élite de leurs troupes, tant en infanterie qu’en cavalerie : leurs forces se montoient au moins à 3,000 hommes devant Courtrai seulement. L’action s’est bientôt engagée : l’ennemi, vigoureusement attaqué, s’est défendu de même; jamais on n’a vu un feu plus vif, un combat plus opiniâtre; mais enfin il a fallu céder à l’incroyable bravoure de l’infanterie républicaine. Culbutée par la déroute de notre cavalerie (il faut en excepter quelques corps qui ont bien fait, entr’autres, le 20e régiment de cavalerie, qui mérite les plus grands éloges), chargée plusieurs fois par la cavalerie ennemie, elle a tout soutenu, tout repoussé, et malgré (1) Débats, n° 603, p. 359; Mon., XX, 480 et 486; Ann. R.F., n° 167; Ann. pa tr. n° 500; Rép., n° 147; J. Perlet, nos 601 et 602. (2) C. Eg., n° 636. (3) J. Paris, n° 501. (4) Et non Moneron. SÉANCE DU 26 FLORÉAL AN II (15 MAI 1794) - N° 68 361 [Marceau gal de division, au général en chef Charbonnier; Du quartier de Thuin, 21 flor. Il] « Conformément à tes ordres et aux dispositions arrêtées, je suis parti du camp de Bossu, et me suis mis en marche ce matin à deux heures et demie. J’ai rassemblé les différentes divisions à l’avant-garde campée à Beaumont, sur les hauteurs de Court : l’ennemi, qui avoit ses postes dans la plaine, a bientôt été forcé de les abandonner; et notre formation s’est faite sans obstacles. Je me suis porté de là sur Thuin. L’ennemi, qui occupoit les bois en avant de cette place, a opposé quelque résistance; mais, forcé par nos chasseurs de les quitter, bientôt il s’est trouvé forcé de se renfermer dans les redoutes en avant de la place et dans la place même, qu’il avoit fortifiée d’une manière formidable. Le général Hardi, qui commande l’avant-garde, a fait investir la ville par les troupes légères; et, à l’aide de quelques pièces d’artillerie légère, a protégé l’établissement des divisions de l’armée sur les hauteurs en avant de la place. L’ennemi faisant tous ses efforts pour conserver ce point important, en attendant qu’il se rende maître du cours de la Sambre, dans cette partie, j’ai été forcé d’employer les moyens révolutionnaires et français (la baïonnette). Je t’annonce donc avec plaisir que ce moyen, toujours employé avec succès par les républicains, a encore procuré une victoire à l’armée des Ardennes. Nos chasseurs, soutenus par l’artillerie, ont enlevé les retranchemens et les remparts. Les Autrichiens ont été forcés de nous céder la place, non sans avoir laissé bon nombre de morts. Nous avons aussi fait quelques prisonniers. Annonce à la République que si l’armée des Ardennes a bien mérité de la patrie pour avoir repoussé la cavalerie à la baïonnette, la cavalerie a aussi, dans cette occasion, donné des preuves d’héroïsme. Le 11e régiment de chasseurs à cheval a chargé l’ennemi jusques dans ses redoutes, et est entré dans la ville malgré tous les obstacles. » La division de l’armée du Nord qui devoit attaquer Thuin sur la gauche, ayant été retardée par des causes imprévues, n’est arrivée qu’après la prise de la ville; mais elle a eu aussi part à la fête, et a emporté une position que l’ennemi avoit conservée derrière la place, et s’y est établie. » Je ne te parlerai de personne en particulier : je puis t’assurer que tous ceux qui ont été employés à l’attaque ont fait leur devoir. J’attends les ordres pour demain, et j’espère que l’essai d’aujourd’hui prouvera à tous nos ennemis ce que nous sommes en état de faire par la suite. S. et F. » Marceau. P.c.c. ; J.V. Thurreau (gal de la brigade, chef de l’état-major). [Le général en chef de l’A. des Ardennes ; Thuin, 24 flor. IJ.] «Mon dernier courrier vous a appris la prise du poste de Thuin et le passage de la Sambre. Je vous annonçois une division, et que je me portois, avec le reste de mes troupes, sur les hauteurs de Leernes. J’occupe aujourd’hui cette position, et je suis entré hier dans la petite ville de Fontaine-l’Evêque avec votre collègue Levasseur. F. et S. » Charbonnier (1). 68 BARERE continue : Voilà donc le passage de la Sambre effectué par les troupes de la République (2) . La gauche de l’armée du Nord, de cette armée si nombreuse et si énorme, ne s’est pas moins distinguée. Voici ce que nous mandent Richard et Choudien (3) . [Lille, 24 flor. II.] La division de gauche de l’armée du Nord continue de répondre aux espérance de la patrie, et d’apprendre aux puissances coalisées contre la République ce qu’elles doivent attendre de l’énergie du peuple français. Nos mouvemens sur la Flandre maritime et la fameuse journée de Mouscron (4) , où nous avons défait complètement les troupes aux ordres du général Clairfayt, avoient déterminé Cobourg à faire filer de côté des forces considérables : nous ne nous sommes point laissé prévenir, et le 21 nous avons attaqué tout ce que nous avions devant nous à notre gauche et au centre; l’ennemi nous a opposé peu de résistance, nous l’avons repoussé vigoureusement, et l’avons forcé de se replier jusques sur Tournait et le Mont-Trinité. Deux bataillons, le premier du 34e régiment, et le deuxième des Ardennes, ont poussé au plus haut degré l’intrépidité républicaine; coupés dans leur retraite et entourés par un corps de cavalerie ennemie, ils se sont fait jour à coups de fusil, et ont fait éprouver à l’ennemi une perte considérable. Pendant que ceci se passoit, l’ennemi portoit des forces sur Courtrai à dessein de s’en emparer et arrêter le progrès de la gauche et du centre; mais nous avions prévu ce mouvement, et il a été vivement repoussé par notre colonne d’observation. Le lendemain, à la pointe du jour, les coalisés se sont présentés et nous ont légèrement attaqués; tout étoit disposé pour les attaquer eux-mêmes. Ils avoient réuni sur ce point l’élite de leurs troupes, tant en infanterie qu’en cavalerie : leurs forces se montoient au moins à 3,000 hommes devant Courtrai seulement. L’action s’est bientôt engagée : l’ennemi, vigoureusement attaqué, s’est défendu de même; jamais on n’a vu un feu plus vif, un combat plus opiniâtre; mais enfin il a fallu céder à l’incroyable bravoure de l’infanterie républicaine. Culbutée par la déroute de notre cavalerie (il faut en excepter quelques corps qui ont bien fait, entr’autres, le 20e régiment de cavalerie, qui mérite les plus grands éloges), chargée plusieurs fois par la cavalerie ennemie, elle a tout soutenu, tout repoussé, et malgré (1) Débats, n° 603, p. 359; Mon., XX, 480 et 486; Ann. R.F., n° 167; Ann. pa tr. n° 500; Rép., n° 147; J. Perlet, nos 601 et 602. (2) C. Eg., n° 636. (3) J. Paris, n° 501. (4) Et non Moneron. 362 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE l’étonnante résistance de l’infanterie autrichienne, rien n’a pu tenir devant les phalanges républicaines. L’ennemi a cédé le champ de bataille et l’a laissé couvert de ses morts. Nous avous pris plusieurs pièces de canons et des caissons. On le poursuit depuis ce moment, et nous ne lui laisserons pas le temps de se remettre. Le général Starai, l’un des plus distingués de l’armée ennemie par ses talens, a été tué à l’affaire. S. et F. » Pierre Choudieu et Richard. Ces nouvelles sont accueillies par de vifs applaudissement (1) . Ainsi, poursuit BARERE, la victoire plane sur l’armée du Nord. Dans peu nous aurons à vous annoncer des coups décisifs qui immortaliseront cette armée (2). 69 Le même rapporteur [BARERE], développe les inconvéniens d’une des dispositions du décret du 6 frimaire, qui charge le conseil exécutif de nommer des commissaires dans chacun des départemens ravagés par les rebelles ou par l’étranger, pour constater les pertes qu’ont éprouvées les patriotes (3) . BARERE : La Convention nationale a déclaré, au nom du peuple français, qu’elle indemniserait les citoyens des pertes qu’ils auraient éprouvées et de celles qu’ils éprouveraient par les incursions des rebelles ou par l’invasion des ennemis sur le territoire de la République. La célérité dans l’exécution ajoute un nouveau prix aux bienfaits; elle était nécessaire pour réaliser cet acte de justice nationale. Un décret du 6 frimaire porte, article III, que le conseil exécutif enverra sans délai, dans chaque département, des commissaires pour connaître les dégâts. 46 commissaires ont été sur-le-champ nommés à l’effet de parcourir les départements qui ont été dévastés par la barbarie des ennemis ou par le fanatisme des rebelles, et de constater, conjointement avec des commissaires du district, la nature et l’étendue des pertes éprouvées, d’après des bases déterminées par les lois des 27 février et 14 août (vieux style), 6 frimaire et 14 ventôse. Les patriotes ont sans doute seuls droits aux bienfaits de la patrie, et il n’appartient qu’à des patriotes de diriger à cet égard ses vues de justice et de bienfaisance. Mais l’objet de la Convention nationale a-t-il été rempli ? C’est une question qui paraît subordonnée à des observations que le Comité de salut public vient soumettre à la Convention. (1) P.V., XXXVII, 235. Bin, 26 flor.; Ann. patr., n° 500; J. Perlet, nos 601 et 602; Débats, n° 603, p. 361; Rép., n° 147; Audit nat., n° 600; J. Sablier, n° 1320; J. Univ., nos 1634, 1636, 1637; Ann. R.F., n° 168; Mon., XX, 480 et 486; M.U., XXXEX, 428; Feuille Rép., n° 317; J. Matin, n° 694; J. Sans-Culottes, n° 455; Mess, soir, n° 636; J. Lois, n° 595; J. Mont., n° 20. (2) C. Eg., n0 636. (3) P.V., XXXVn, 237. Convient-il de conserver 46 agents ? Est-il plus expédient de les supprimer ? Sur la première question, le Comité observe que le motif qui a déterminé l’établissement des commissaires peut avoir été fondé sur la crainte des évaluations forcées qui pourraient être faites des pertes, si elles étaient constatées par les municipalités et par les districts; cette crainte est fondée elle-même sur des motifs puissants, tels que la facilité que peuvent avoir les réclamants d’inspirer de l’intérêt aux vérificateurs, et la possibilité, de la part de ces derniers, de se laisser aller à des considérations particulières. Sous ce rapport, la mission de ces agents semble devoir être maintenue, parce que leur existence passagère dans les départements neutralisant, pour ainsi dire, leurs dispositions et leurs intentions, ils ne doivent pas être soupçonnés d’une partialité criminelle dans leurs opérations. Mais ces intentions probes, ces dispositions impartiales, peuvent-elles être généralisées et s’étendre aux 46 individus choisis pour les manifester ? Peut-on attribuer à chacun d’eux un degré de civisme suffisant pour les porter à remplir leur mission avec autant d’activité que d’exactitude ? C’est un problème dont la solution est subordonnée aux observations suivantes : La commission des secours publics s’est fait rendre compte du travail des 46 commissaires mis en activité; loin de voir dans le résultat de leurs opérations en général ce zèle, cet élan du patriotisme qui s’empresse à soulager l’humanité souffrante, elle a cru démêler au contraire dans l’ensemble de l’exécution des ordres dont ils sont chargés un caractère d’inertie, un système de lenteur qui annonce ou la cupidité ou la malveillance; soit qu’ils aient intention de prolonger une mission qui leur produit 600 liv. par mois, soit qu’ils aient le perfide dessein de paralyser les dispositions bienfaisantes de la Convention nationale. Le Comité ne veut point jeter un regard trop sévère sur les intentions de ces 46 individus; mais il peut, il doit même juger les uns d’après ce qu’ils ont fait, les autres d’après ce qu’ils ont été. Ce qu’ils ont fait jusqu’ici ne milite pas pour eux; ce qu’ils ont été ne leur est pas plus favorable. En effet, la plupart sont des ex-prêtres, et l’opinion publique en désigne beaucoup comme des intrigants : or, en matière grave, la possibilité seule commande la circonspection et l’examen le plus sévère. En conséquence, le Comité expose à la Convention le caractère d’inertie que certains agents ont manifesté jusqu’à présent, et dont la cause peut être attribuée ou au désir de prolonger la jouissance de leurs appointements, ou à la malveillance et à l’incivisme. Sur la seconde question: est-il expédient de supprimer les 46 commissaires ? plusieurs raisons militent pour l’affirmative, et, abstraction faite des motifs qui ont été développés dans la première question, il suffirait au comité, pour démontrer l’avantage et la nécessité de cette suppression, de prouver l’inutilité de ces commissaires, de présenter l’économie qui résulterait de la cessation de leurs fonctions, et de proposer à la Convention un mode de vérification et d’évaluation qui offrît le triple avantage de la simplicité, de l’exactitude et de l’économie. 362 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE l’étonnante résistance de l’infanterie autrichienne, rien n’a pu tenir devant les phalanges républicaines. L’ennemi a cédé le champ de bataille et l’a laissé couvert de ses morts. Nous avous pris plusieurs pièces de canons et des caissons. On le poursuit depuis ce moment, et nous ne lui laisserons pas le temps de se remettre. Le général Starai, l’un des plus distingués de l’armée ennemie par ses talens, a été tué à l’affaire. S. et F. » Pierre Choudieu et Richard. Ces nouvelles sont accueillies par de vifs applaudissement (1) . Ainsi, poursuit BARERE, la victoire plane sur l’armée du Nord. Dans peu nous aurons à vous annoncer des coups décisifs qui immortaliseront cette armée (2). 69 Le même rapporteur [BARERE], développe les inconvéniens d’une des dispositions du décret du 6 frimaire, qui charge le conseil exécutif de nommer des commissaires dans chacun des départemens ravagés par les rebelles ou par l’étranger, pour constater les pertes qu’ont éprouvées les patriotes (3) . BARERE : La Convention nationale a déclaré, au nom du peuple français, qu’elle indemniserait les citoyens des pertes qu’ils auraient éprouvées et de celles qu’ils éprouveraient par les incursions des rebelles ou par l’invasion des ennemis sur le territoire de la République. La célérité dans l’exécution ajoute un nouveau prix aux bienfaits; elle était nécessaire pour réaliser cet acte de justice nationale. Un décret du 6 frimaire porte, article III, que le conseil exécutif enverra sans délai, dans chaque département, des commissaires pour connaître les dégâts. 46 commissaires ont été sur-le-champ nommés à l’effet de parcourir les départements qui ont été dévastés par la barbarie des ennemis ou par le fanatisme des rebelles, et de constater, conjointement avec des commissaires du district, la nature et l’étendue des pertes éprouvées, d’après des bases déterminées par les lois des 27 février et 14 août (vieux style), 6 frimaire et 14 ventôse. Les patriotes ont sans doute seuls droits aux bienfaits de la patrie, et il n’appartient qu’à des patriotes de diriger à cet égard ses vues de justice et de bienfaisance. Mais l’objet de la Convention nationale a-t-il été rempli ? C’est une question qui paraît subordonnée à des observations que le Comité de salut public vient soumettre à la Convention. (1) P.V., XXXVII, 235. Bin, 26 flor.; Ann. patr., n° 500; J. Perlet, nos 601 et 602; Débats, n° 603, p. 361; Rép., n° 147; Audit nat., n° 600; J. Sablier, n° 1320; J. Univ., nos 1634, 1636, 1637; Ann. R.F., n° 168; Mon., XX, 480 et 486; M.U., XXXEX, 428; Feuille Rép., n° 317; J. Matin, n° 694; J. Sans-Culottes, n° 455; Mess, soir, n° 636; J. Lois, n° 595; J. Mont., n° 20. (2) C. Eg., n0 636. (3) P.V., XXXVn, 237. Convient-il de conserver 46 agents ? Est-il plus expédient de les supprimer ? Sur la première question, le Comité observe que le motif qui a déterminé l’établissement des commissaires peut avoir été fondé sur la crainte des évaluations forcées qui pourraient être faites des pertes, si elles étaient constatées par les municipalités et par les districts; cette crainte est fondée elle-même sur des motifs puissants, tels que la facilité que peuvent avoir les réclamants d’inspirer de l’intérêt aux vérificateurs, et la possibilité, de la part de ces derniers, de se laisser aller à des considérations particulières. Sous ce rapport, la mission de ces agents semble devoir être maintenue, parce que leur existence passagère dans les départements neutralisant, pour ainsi dire, leurs dispositions et leurs intentions, ils ne doivent pas être soupçonnés d’une partialité criminelle dans leurs opérations. Mais ces intentions probes, ces dispositions impartiales, peuvent-elles être généralisées et s’étendre aux 46 individus choisis pour les manifester ? Peut-on attribuer à chacun d’eux un degré de civisme suffisant pour les porter à remplir leur mission avec autant d’activité que d’exactitude ? C’est un problème dont la solution est subordonnée aux observations suivantes : La commission des secours publics s’est fait rendre compte du travail des 46 commissaires mis en activité; loin de voir dans le résultat de leurs opérations en général ce zèle, cet élan du patriotisme qui s’empresse à soulager l’humanité souffrante, elle a cru démêler au contraire dans l’ensemble de l’exécution des ordres dont ils sont chargés un caractère d’inertie, un système de lenteur qui annonce ou la cupidité ou la malveillance; soit qu’ils aient intention de prolonger une mission qui leur produit 600 liv. par mois, soit qu’ils aient le perfide dessein de paralyser les dispositions bienfaisantes de la Convention nationale. Le Comité ne veut point jeter un regard trop sévère sur les intentions de ces 46 individus; mais il peut, il doit même juger les uns d’après ce qu’ils ont fait, les autres d’après ce qu’ils ont été. Ce qu’ils ont fait jusqu’ici ne milite pas pour eux; ce qu’ils ont été ne leur est pas plus favorable. En effet, la plupart sont des ex-prêtres, et l’opinion publique en désigne beaucoup comme des intrigants : or, en matière grave, la possibilité seule commande la circonspection et l’examen le plus sévère. En conséquence, le Comité expose à la Convention le caractère d’inertie que certains agents ont manifesté jusqu’à présent, et dont la cause peut être attribuée ou au désir de prolonger la jouissance de leurs appointements, ou à la malveillance et à l’incivisme. Sur la seconde question: est-il expédient de supprimer les 46 commissaires ? plusieurs raisons militent pour l’affirmative, et, abstraction faite des motifs qui ont été développés dans la première question, il suffirait au comité, pour démontrer l’avantage et la nécessité de cette suppression, de prouver l’inutilité de ces commissaires, de présenter l’économie qui résulterait de la cessation de leurs fonctions, et de proposer à la Convention un mode de vérification et d’évaluation qui offrît le triple avantage de la simplicité, de l’exactitude et de l’économie.