396 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1191.] que nous vous le demandons avec instance, qui pourrait vous arrêter encore ? Si l’Assemblée nationale différait de .prononcer ou si elle ne prenait qu’une détermination provisoire, que les ennemis de notre bonheur ne s’attendent pas à nous voir rentrer dans l’esclavage ; ils verraient renaître la guerre civile ; ils la verraient se propager dans les départements voisins, et c’est peut-être l’objet de leurs souhaits. Fermez, Messieurs, l’oreille à leurs discours perfides et mensongers ; ils voudraient vous persuader ce qu’ils ne croient pas; que la crainte a arraché au peuple avignonais son vœu pour la réunion à l’Empire français. Ce peuple a donné assez de preuves de son courage, pour qu’on ne puisse pas attribuer sa détermination à un motif aussi bas. La seule crainte qu’il connaisse est celle que vous puissiez vous refuser à ses vœux; et s’il éprouvait ce funeste revers auquel il est bien loin de s’attendre, toujours digne du glorieux nom de Français qui lui est dû, et qu’il ambitionne de porter, il préférerait la mort à la honte de reprendre des fers qu’il a brisés. ( Applaudissements .) M. le Président. Messieurs, les vœux que vous renouvelez avec tant de constance pour votre réunion à la nation française vous rendent bien dignes d'être comptés au nombre de ses concitoyens. Déjà cette adoption est formée dans nos cœurs ; mais c’est à la justice seule à la consommer. L’Assemblée nationale examinera sans délai, et avec la plus scrupuleuse impartialité, si, dans les principes rigoureux qu’elle a adoptés et dont elle ne s’écarte jamais, elle peut seconder vos vœux et son propre penchant. Elle attendait le concours de vos vœux réunis pour procéder à cet examen ; elle désire qu’il soit non équivoque ; elle vous accorde les honneurs de la séance. M. Coroller du lloustoir. Je demande l’impression de l’adresse des députés de la ville d’Avignon . M. l’abbé Pcrrier. 183 citoyens d’Avignon ont signé une protestation qui paraît en ce moment, par laquelle ils prétendent que les membres de la députation d’Avignon n’ont pas les pouvoirs nécessaires ; ensuite, ils vous inculpent, Monsieur le Président, parce que vous êtes juge des pouvoirs qu’ont ces messieurs. Je vous prie de vouloir bien vous expliquer afin d’éclaircir les doutes. Je n’ai jamais abusé de la parole dans l’Assemblée ; je n’ai jamais cherché à y mettre le désordre ; mais enfin il est un terme où il faut que tout aboutisse. Un membre : Lorsque des personnes se présentent à l’Assemblée sûrement munies des pouvoirs qui attestent leur mission, il est incroyable que des membres de cette assemblée qui d’habitude ne prennent point de part à nos délibérations et qui viennent tout récemment encore de protester contre la Constitution, osent venir jeter ici le désordre, sous prétexte que les députés admis à la barre n’ont pas de droits à la mission qu’ils remplissent. M. Charles de Cameth. Permettez-moi, Monsieur le Président, de dire au préopinant qu’il fait à une réclamation obscure beaucoup plus d’honneur qu’elle ne mérite. Nous devons croire que, quand vous avez annoncé ce matin que ces personnes se présenteraient, quand les ministres du roi ont prié l’Assemblée et que l’Assemblée a promis de s’en occuper, quand toutes les formes ont été remplies, certes les inculpations de certaines personnes contre les députés d’Avignon ne méritent pas plus d’attention qu’elles n’en ont mérité il y a 6 ou 8 mois, lorsqu’on a traité l’affaire. Quant à l’impression demandée, je] crois que ce serait une déuense inutile, l’affaire d’Avignon étant à l’ordre du jour de la séance de demain, et l’opinion publique étant suffisamment formée depuis longtemps sur cette grande question. Je me bornerai donc à demander que mention soit faite au procès-verbal de l’adresse des députés de la commune d’Avignon et le renvoi de cette adresse aux comités diplomatique et d’Avignon. (La motion de M. Charles de Larneth est mise aux voix et adoptée.) Une députation d'artistes géographes est introduite à la barre . L'orateur de la députation s’exprime ainsi : Messieurs, Les auteurs de V Atlas national de la France ont fait hommage à l’Assemblée, il y a 18 mois, des preuves de leurs travaux, et lui ont présenté les premières feuilles de leur atlas, dont le système tend à l’accélération du cadastre. Ils veulent, en effet, présenter une carte de la France tellement détaillée, qu’on y voie les départements divisés en districts, les districts en cantons, les cantons en municipalités, avec les propriétés de chaque municipalité, en indiquant jusqu’aux coupes particulières des bois. Ce travail, qui, depuis longtemps, nous occupait dans le silence, vous a paru si important, Messieurs, que vous avez chargé le comité de Constitution de l'examiner pour vous en faire le rapport. Les commissaires adjoints à ce comité, pour la division du royaume, ont voulu prendre, par eux-mêmes, une connaissance approfondie de ce que les auteurs de l’atlas ont fait, et de ce qui restait à faire pour remplir leur objet ; ils ont vu une quantité énorme de plans particuliers, dont le rassemblement, fait depuis longtemps, sur des bases qui ont paru sagement combinées, montre la possibilité de l’exécution la plus prompte. MM. les commissaires, dans deux premiers avis, ont applaudi aux travaux préparatoires, dont le résultat a été offert gratuitement à chaque district et à chaque département. Pour mettre de l’ordre dans leurs travaux, les auteurs de l’atlas nouveau, avant de passer à des développements secondaires, se sont attachés aux points principaux, aux cartes des départements : l’Assemblée en a permis l’exposition dans la salle de ses séances. Nous venons, Messieurs, en lui renouvelant nos hommages, en lui témoignant notre reconnaissance, lui offrir la suite de la carte des départements que nous lui avons promis d’adresser à tous les corps administratifs. Nous sommes à plus de moitié de cette portion de nos travaux : et l’activité que nous y mettrons permet de penser que, dans quelques mois, celte partie touchera à sa fin. Nous avons fait de plus un petit atlas, dont nous faisons hommage à l’Assemblée ; nous désirons qu’elle daigne l’honorer de sa protection. ( Applaudissements . ) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1791.] 397 M. le Président. Si, dans une nation régénérée, les arts doivent être appuyés en raison de l’utilité, jugez, Messieurs, quel intérêt votre travail a dû inspirer à l’Assemblée nationale ; il assure, il facilite l’exécution de ses décrets ; il nous présente la France, réformée sous tous ses rapports, et d’après la Constitution libre qui lui donne un nouvel être. Votre zèle, votre activité placeront votre nom à la suite de cette immortelle Constitution. L’Assemblée accepte avec reconnaissance l’hommage que vous lui faites, et vous accorde l’honneur de sa séance. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de l’hommage des artistes géographes.) L’ordre du jour est un rapport du comité d'agriculture et de commerce sur l'application des récompenses nationales aux inventions et découvertes en tous genres d'industrie , en exécution de la loi du 22 août 1790. M. de Boufflers, rapporteur. Messieurs, désormais les hommes précieux qui consacrent leur génie à l’avancement des arts utiles ne languiront plus sans honneurs, et vous leur avez décerné une part aux récompenses nationales. Nulle autre classe n’en était en effet plus digne; et, pour s’en convaincre, il suffit d’arrêter sa pensée sur les biens que la société leur doit, et sur ceux qu’à toute heure ils essayent d’y ajouter. Pourvoir à tous les besoins, suppléera toutes les privations, aplanir tous les obstacles, épargner les dépenses, ajouter aux produits, augmenter la somme des travaux, diminuer la peine du travail, multiplier ce qui est utile, faciliter ce qui est possible, améliorer tous les jours la condition commune, et, par des avantages offerts à tous les individus, imposer des tributs à toutes les nations : telle est la grande et belle tâche que l’industrie se propose; et voilà comme les arts, ces bienfaiteurs ingénieux de tous et de chacun, également occupés du bonheur particulier et du bien général, ne cessent d’associer la patrie et le genre humain à toutes leurs spéculations. Sans vous, cependant, leurs titres seraient encore méconnus ; sans vous, leur action serait encore enchaînée; il a fallu que des décrets, conformes au vœu de la nature, rendissent enfin à l’homme laborieuxla liberté deson travail, à l’homme intelligent la propriété de sa pensée ; et l’industrie, relevée par vos soins, ne tardera point à fleurir sur un sol que vous lui avez préparé. Mais, pendant que vous travaillez pour l’avenir, vos regards se sont aussi tournés vers le passé ; vous avez vu les talents utiles sans soutien, sans honneur, sans récompense, luttant, pour ainsi dire, depuis des siècles, contre des vents toujours contraires, ou contre un calme perfide; et vous avez ranimé leur courage, en leur annonçant des récompenses, ou plutôt des consolations, aussi méritées qu’inattendues. Ce n’est donc point une grâce nouvelle que votre comité vous demande aujourd’hui; c’est l’exécution de vos promesses. L s fonds sont faits, les besoins sont pressants, le terme de vos travaux est prochain, le moment est venu de remplir votre engagement, le moment est venu de faire des heureux, et d’exercer ce droit précieux de récompenser, qui devient la récompense des législateurs... Un membre : Voilà de l’Académie ! M. de Boufflers, rapporteur. Non, Monsieur ! c’est de la sensibilité pour les arts et de l’intérêt pour ceux qui les cultivent; je rends ce que j’éprouve. ... Cependant, ici l’équité même arrête un instant la bienfaisance, pour chercher à qui, et comment, et d'après quelles bases, et dans quelle mesure cette partie des dons nationaux doit être distribuée : le code des récompenses est presque aussi important à méditer que le code des peines; parce qu’il est presque aussi dangereux de mal récompenser que de mal punir. Il faut des informations, il faut des preuves, il faut des jurés , il faut des règles, il faut des proportions dans cette sorte de procédure, trop inusitée jusqu’à nos jours. Nous essayerons d’entrer dans ces détails, au moins relativement à l’industrie, en vous proposant les moyens de vérifier et d’apprécier, pour la première fois, les titres des artistes français à la reconnaissance de leur nation. Ces titres, que nous entreprendrions en yain de discuter, doivent nous être certifiés par des autorités qu’il est nécessaire de connaître et d’indiquer. Autrefois, quelques artistes, plus actifs ou plus fortunés que les autres, rencontraient des patrons plus ou moins accrédités, plus ou moins désintéressés, qui se chargeaient de faire connaître au gouvernement des talents et des travaux dont eux-mêmes n’avaient pas toujours des connaissances bien précises, et de solliciter des encouragements où le plus vrai mérite avait ordinairement la plus faible part. L’intrigue aujourd’hui trouvera difficilement de réels protecteurs ; mais le mérite trouvera toujours une protection; elle existe partout, grâce à vos décrets, cette protection universelle, vigilante, clairvoyante, également bienveillante envers tout ce qui l’implore, et la seule accréditée auprès de la loi, dont elle est une émanation, et cette protection est celle des corps administratifs. Voilà les véritables répondants de tout bon Citoyen auprès de la nation; voilà les véritables patrons, auxquels un artiste a toujours droit de recourir ; voilà ceux qui doivent nous dire : un tel homme a fait une telle chose, et cette chose est utile. En effet, toutes les preuves existent sous leurs yeux ; et pour nous donner des notions générales sur le mérite et l’avantage des objets dont il3 nous annonceront la réalité, ils parleront, non d’après la théorie, qui n’éclaire que le petit nombre, mais d’après l’expérience, qui ne trompe personne, d’après l’usage, qui ne laisse aucun doute sur l’expérience; enfin, d’après la notoriété publique et la commune renommée, cette voix sincère du peuple, qui finit toujours par bien dire, et qui répond si juste à qui sait bien l’interroger. Rapportons-nous-en donc aux corps administratifs, sur ce qu’eux seuls peuvent nous certifier; et quand un artiste, sur quelque objet que ce puisse être, nous produira ces témoins irrécusables, regardons la vérification comme faite, et ne songeons plus qu’aux moyens de parvenir à une sage appréciation. Cet objet, dont jusqu’à présent peut-être on n’avait point connu toute l’importance, était autrefois spécialement ou même exclusivement attribué à un corps véritablement savant, véritablement digne d’éclairer l’opinion et de diriger l’autorité; mais cette attribution exclusive de l’Académie des sciences, qui, dans d’autres temps, pouvait offrir de grands avantages, éprouverait aujourd’hui de grandes difficultés. 1° Les détails de ce genre de travail vont de-