{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 février 1790.] 493 raire la rapidité de circulation reproductive de tous les travaux, de tous les salaires et de toutes les prospérités. Votre comité a pensé que la demande des représentants de la commune de Paris est le plus important des objets, tant par son influence sur la destinée des ouvriers, que par son action sur cet art vivilicateur éternellement respectable, et digne à jamais de nos soins, de nos hommages, et de notre reconnaissance, l’agriculture ! Enfin votre comité a conclu que, sous l’un de ces deux rapports, la demande des représentants de la commune de Paris est un objet d'administration qui nous sera constamment cher, et qui doit être envoyé sans délai au pouvoir exécutif ; et que, sous f’autre rapport, cette demande amenait le moment propice de vous proposer le projet suivant de décret sur les dessèchements des marais de la France : DÉCRET. L’Assemblée nationale considérant qu’un de ses premiers devoirs est de veiller à la conservation des citoyens, à l’accroissement de la population, et à tout ce qui peut contribuer à l’augmentation des subsistances, qu’on ne peut attendre que de la prospérité de l’agriculture, du commerce et des arts utiles, soutiens des empires ; considérant que le moyen de donner à la force publique tout le développement qu’elle peut acquérir, est de mettre en culture toute l’étendue du territoire ; considérant qu’il est de la nature du pacte social que le droit sacré de propriété particulière, protégé par les lois, soit subordonné à l’intérêt général ; considérant enfin qu’il résulte de ces principes éternels que les marais, soit comme nuisibles, soit comme incultes, doivent fixer toute l’attention du Lorps législatif, a décrété ce qui suit: Art. 1er. Chaque assemblée (1) de département s’occupera des moyens de faire dessécher les marais et les terres inondées de son territoire, en commençant, autant qu’il sera possible, ces améliorations, par les marais les plus nuisibles àla santé, et qui pourraient devenir les plus propres à l’accroissement des subsistances ; et chaque assemblée de département indiquera le meilleur plan, et emploiera les moyens les plus avantageux aux communautés, pour parvenir au dessèchement de leurs marais. Art. 2. Les municipalités enverront, sous trois mois, à l'assemblée de leur district un état raisonné des marais ou terres inondées de leurs cantons, et l’assemblée de district sera tenue d’en instruire, deux mois après, 1’assemblée de département ; cet état contiendra les noms des propriétaires de ces marais, l’étendue de ces terrains, le préjudice qu’ils portent au pays, les avantages qu’il pourrait en retirer, les causes présumées du séjour des eaux, les moyens d’effectuer le dessèchement, et l’aperçu des dépenses qu’il entraînera. Art. 3. Les assemblées de département communiqueront, à toutes personnes quivoudront en prendre connaissance, les mémoires qui leur auront été adressés sur cet objet ; elles feront vérifier sur le lieu, de la manière qui leur conviendra, la nature des marais dont le dessèchement leur sera indiqué, et les observations des mémoires qui le concerneront ; le procès-verbal en sera rendu public par la voie de l’impression, et envoyé à toutes les municipalités, et le rapport de tous les mémoires, ainsi que du procès-verbal de vérification, sera fait à la plus prochaine assemblée du département. Art. 4. Lorsqu’une assemblée de département aura déterminé de faire exécuter le dessèchement d’un marais, le propriétaire de ce marais sera requis de déclarer, dans l’espace de six mois, s’il veut le faire dessécher lui-même, le temps qu’il demande pour l’opérer et les secours dont il a besoin pour cette entreprise ; l’assem-(1) 11 est principalement question dans ce décret des assemblées administratives. , blée de département pourra, suivant les circonstances, accorder un délai au propriétaire ; et, dans tous les cas, elle lui fera connaître si elle peut lui procurer les secours qu’il réclame. Art. 5. Si les propriétaires renoncent à faire eux-mêmes le dessèchement de leurs marais, ou s’ils ne remplissent pas l’engagement qu’ils ont contracté de les faire dessécher aux termes convenus, l’assemblée de département aura le droit de faire exécuter le dessèchement, en payant aux propriétaires la valeur actuelle du sol du marais, à leur choix, soit en argent, soit en partie du terrain desséché ; le tout à dire d’experts, dont un sera nommé par le propriétaire. Art. 6. Quand l’assemblée de département sera forcée de se charger du dessèchement d’un marais, elle fera procéder trois fois, de quinze jours en quinze jours, à l’adjudication au rabais du dessèchement dudit marais : celte adjudication sera annoncée dans toutes les municipalités, par des affiches explicatives des diverses conditions proposées par les entrepreneurs. Les adjudications seront indiquées et ouvertes au chef-lieu du district, à ce autorisé par l'assemblée de département, en présence des membres du district assemblé, et d’un officier municipal du lieu où sera situé le marais ; à la troisième séance, le dessèchement du marais sera adjugé définitivement au particulier ou à la société qui conviendra de s’en charger àla condition la plus avantageuse au département, soit par argent, soit plutôt par abandon d une partie du marais à dessécher. L’entrepreneur quel qu’il soit s’obligera d’indemniser d’avance, à dire d’experts, les propriétaires riverains, pour les divers dommages qu’ils éprouveront, |et il donnera une caution solvable, dont la décharge n’aura lieu qu’après le ressuiement total du marais. L’assemblée de département donnera toutefois à l’entrepreneur les facilités que les circonstances et les localités permettront. Art. 7. Si, par le marché fait avec l’entrepreneur du dessèchement d’un marais, il restait au domaine public une partie du terrain desséché, l’assemblée de département vendrait incessamment cette partie du terrain, en la divisant, autant qu’il sera possible, par petites propriétés. Art. 8. Les assemblées de département sont autorisées à vendre, quand elles en auront les moyens, les parties des marais desséchés, devenues domaine public, à des ouvriers ayant la force de les défricher eux-mêmes : la forme de la vente sera une redevance amortissable par huitième de la totalité du terrain. Les assemblées de département sont autorisées, enfin, à n’imposer à ces ouvriers entrepreneurs, que telle condition paternelle qu’elles jugeront à propos. Art. 9. Si un marais est indivis, le propriétaire à qui il appartiendra en partie, pourra entreprendre le dessèchement entier, en cas de refus des autres propriétaires d’y coopérer ; mais il leur remboursera, à leur choix, leur portion, suivant la valeur actuelle du sol dudit marais, soit en argent, soit en une partie du terrain desséché , le tout à dire d’experts nommés en égal nombre par les parties. Art. 10. Les propriétaires des terrains desséchés et des terres défrichées sur la foi de l’édit de 1764, ou d’après tous les arrêts du conseil précédents ou postérieurs, continueront de jouir des avantages qui leur ont été accordés. A l’égard des dessèchements entrepris à l’avenir, lorsqu’ils auront été faits par le propriéiaire, les terrains seront exempts, pendant vingt années, de toutes impositions : il en sera de même pour la partie des marais qui, après le dessèchement, restera à tout entrepreneur, considéré dès lors comme vrai propriétaire; mais, pour les parties de terrain que les conditions de l’adjudication du dessèchement porteront dans le domaine public, la durée des franchises territoriales sera subordonnée aux localités et aux conventions de la vente arrêtées entre les départements et les acquéreurs. Art. 11. Dans le cas où les propriétaires riverains des marais qu’on desséchera éléveront quelques difficultés pour le cours des eaux, ou pour des dédommagements, il en sera référé à l’assemblée du département, qui, d’après le rapport des personnes qu’elle commettra à la vérification des faits, et d’après l’avis du district et des municipalités des lieux, prononcera, par voie de conciliation, sur les indemnités demandées, et sur toutes les réclama- 404 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 février 1790.) tions imprévues, sauf aux propriétaires à se pourvoir devant le tribunal du lieu, s’ils ne sont pas satisfaits de l’arbitrage. Art. 12. Les assemblées de districts et les municipalités seront tenus de prendre connaissance et de rendre compte à l’assemblée de leur département des concessions de marais faites dans leurs cantons par nos rois, par les provinces, ou par les communautés d’habitants, à la charge de les dessécher. Dans la supposition où le dessèchement n’aurait pas été effectué, au moins à moitié, les anciens propriétaires rentreront dans lesdits marais ; et dans le cas où le dessèchement aurait été troublé par les contestations des propriétaires riverains, ou par quelque autre cause semblable, les concessionnaires seront obligés de poursuivre sans délai la levée des empêchements, de continuer ensuite le dessèchement, et d’y travailler sans relâche, jusqu’au parfait ressuie-ment du marais, sous peine de perdre définitivement lesdites concessions. Plusieurs membres demandent l’impression et la distribution à domicile du rapport deM. Heur-tault de LaMerville. Cette proposition est décrétée par l’Assemblée. M. le Président lève la séance à trois heures, après avoir indiqué celle de demain pour l’heure ordinaire. ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 7 février 1790. Nota. Nous insérons ici une opinion de M. Grégoire relative au dessèchement des marais. — Cette pièce a été imprimée et distribuée et fait partie des documents parlementaires de l’Assemblée nationale constituante. Observations sur le rapport du comité d’agriculture, concernant le dessèchement des marais , par M. Grégoire, curé d’Emberménil, député de Lorraine (1). Messieurs, le rapport que vous avez entendu vous présente un des grands objets qui puisse vous être soumis, et pour lequel on puisse invoquer le secours de votre autorité. Je n’ai point à vous le persuader, puisque vous avez ordonné la réimpression du mémoire de M. Boncerf sur la nécessité et les moyens d'occuper les gros ouvriers , objet de ce rapport, et que le principal moyen qu’il a proposé est le dessèchement des marais. C’est le plus utile de tous, puisque c’est celui qui fera cesser les épidémies causées par les exhalaisons des marais, qui permettra de multiplier les bestiaux, et les engrais dont notre agriculture manque, et d’avoir les viandes, les suifs, les cuirs, les laines qui manquent à notre consommation. Mais en vous présentant ces avantages, on ne s’est pas assez occupé, dans cet excellent rapport, de l’urgente nécessité, je le répète, de la nécessité urgente, mille fois urgente, d’occuper à l’instant les gros ouvriers, ni des fonds que vous devez destiner à ce trop pressant objet : je vais donc y suppléer. J’ouvre le compte des revenus et des dépenses fixes qui vous a été remis pour y découvrir les fonds que vous pouvez appliquer à ces opérations, dont la nature est de vous soustraire aux tributs énormes que vous payez à l’étranger et de vous rapporter annuellement plus que votre mise. Dès la page 5, je vois que le bénéfice sur les loteries est sou mis à des retenues sous le nom de remises, de croupes, de traitements excessifs à un trop grand nombre d’agents. Page 15.Que les abonnements d’impositions ont fait perdre annuellement plusieurs millions. Chaque page du compte général des dépenses présente un abus, une déprédation, un scandale et, par conséquent, des économies à faire; une économie sévère dans les dépenses les réduira d’un quart et peut-être davantage. Votre comité des finances en convient. Page 37. Vous payez 10,000 livres par au pour la construction d’une route pour aller au château d’un ex-ministre; non seulement cette dépense doit cesser, mais il doit restituer les sommes employées à cet objet. Vous avez supprimé les haras, les 814,000 livres de cette partie doivent retourner à l’agriculture. Pages 50 et 51. Vous payez des rentes de toute espèce dont il est douteux que les fonds aient été fournis, elles doivent d’abord être suspendues jusqu’après vérification, dont l'avénement en fera anéantir plusieurs. Page 67. On a fait des anticipations effrayantes pour subvenir aux dépenses abusives, et ou serait sans énergie pour Je nécessaire ! Pages 70-71-72. On â fait pour des sommes immenses cent acquisitions onéreuses et inutiles qui n’étaient que des dons déguisés et nous ne saurons pas faire la dépense nécessaire à la mise en valeur de nos terres 1 Page 86 Que dirai-je de ces brevets de retenue dont on a chargé l’état de vos finances, et qui plus est, dont on vous fait payer l’intérêt? Quoi ! vous payez les énormes intérêts de vingt fois plus énormes anticipations , et ils ne seraient assujettis non plus qué les traitements à aucune de vingtième ni de dixième! Faut-il s’étonner si personne ne veut confier ses fonds à l’agriculture et qu’il n’en reste point pour venir à son secours? Le seul dixième imposé sur les intérêts des anticipations et sur les traitements des financiers suffirait pour faire les fonds que je vous demande au nom de l’agriculture et des ouvriers, et pour faire leur prospérité. Page 97. Vous payez 2,500,000 livres au clergé, les pauvres ouvriers réclament cette somme. Pages 110-11-12. Ces énormes et scandaleuses pensions, ces croupes, ces traitements excessifs qui font l’opprobre de ceux qui les reçoivent, j’espère qu’en étant délivrées, vos finances recevront un assez ample soulagement qui vous mettra à même de secourir ce bon peuple qui les a si longtemps payés. Je ne puis jeter les yeux sur ce compte sans voir les ressources variées et les talents qu’on avait pour vous dépouiller; tous les revenus publics affectés, toutes les formes employées pour y prendre part, rien n’a été épargné pour dessécher le Trésor public et les peuples qui l’alimentent. Page 133. Les traitements énormes des ministres et du conseil doivent être réduits et soumis au dixième (144). Combien de traitements à supprimer en entier? Tous ceux de la finance doivent être réduits dès à présent; pourquoi continueriez-vous à engraisser tant d’inutiles? Page 172. Je vois aussi des fonds réservés: (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.