228 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE bération d’eux, consignée sur un registre, dans laquelle ils déclarent que, ne se rappelant pas la valeur des effets détournés, ils se soumettent à payer chacun à la nation, pour dédommagement, une somme de 22 L (Nouveau mouvement d’indignation). Je demande le rapport du décret qui ordonne la mention honorable de cette adresse au bulletin. Je demande que vos comités soient chargés de rédiger une adresse au peuple sur les principes que la Convention est déterminée à maintenir. J’ajoute un autre fait. Comment se fait-il qu’on ait oublié ou négligé d’insérer au bulletin une lettre de Chauvin, représentant dans le département où se trouve Poitiers, lettre dont la Convention a ordonné l’insertion il y a plus de quinze jours? (86) [Cette adresse n’a été lue que parce que quelqu’un, qui l’avait dans sa poche, ne l’a déposée apparemment qu’hier. Ce qui doit encore vous faire ouvrir les yeux sur l’impartialité du comité de Correspondance, c’est qu’il n’a pas fait insérer au bulletin une lettre de notre collègue Chauvin, reçue il y a huit jours.] (87) CLAUZEL : Je remarquerai que dans le comité de Correspondance se trouve Veau, qui, lorsqu’il apprit le décret d’arrestation contre Robespierre, s’écria « La Convention veut donc faire la contre-révolution! » Depuis, le même membre a envoyé des modèles d’adresse dans le sens que vous savez (On rit). Je demande que le comité de Correspondance soit renouvelé. LEVASSEUR (de la Sarthe) : Par un décret, on ne doit lire que les adresses communiquées et enregistrées au comité de Correspondance. Quant à celle de Poitiers, je ne la connais pas... Plusieurs voix : C’est toi qui l’as lue! LEVASSEUR : Il arrive tous les jours qu’on dépose sur le bureau du Président des adresses que les secrétaires sont obligés de lire, pour ne pas désobliger leurs confrères, mais dont ni les secrétaires ni les membres du bureau de Correspondance ne peuvent répondre, vu qu’ils n’en ont aucune connaissance. DUHEM : Vous avez hier entendu à votre barre la pétition contre-révolutionnaire du club électoral ; vous avez respecté en elle le droit de pétition; respectez-le donc aussi dans les pétitions dont il est question. Soyez justes : si vous êtes indulgents pour les gens égarés dans un sens, soyez-le aussi pour les gens égarés dans un autre. Un membre demande qu’on mette des bornes aux extravasions de l’opinion publique ; que l’assemblée la fixe enfin de manière à ce qu’on ne puisse pas l’égarer sans cesse, et à ce qu’elle ne flotte pas au gré des intrigants et des fripons (Applaudi). (86) Moniteur, XXII, 132; Débats, n“ 741, 143; (87) Gazette Fr., n° 1005. Clauzel rappelle ses propositions. On discute avec vivacité si le comité de Correspondance sera renouvelé. On observe que le renouvellement doit s’en faire le 16. Un membre objecte que ce renouvellement ne se fera que par quart ; il demande que le comité soit renouvelé en entier. Un membre : Citoyens, on n’insère au bulletin que les pièces dont l’Assemblée décrète l’impression, et telles que l’Assemblée les renvoie : je défie qu’on prouve que jamais le comité se soit écarté de cette règle; je ne vois donc pas pourquoi on frapperait ce comité d’une sorte d’anathème. Thibaudeau demande l’ordre du jour sur le renouvellement du comité de Correspondance, qui aura lieu, dit-il, en son temps; il rappelle ses propositions du rapport du décret relatif à l’adresse qui a donné lieu à la discussion. VEAU : Je demande à répondre aux inculpations qui m’ont été faites. A l’époque du 8 thermidor, j’étais depuis plusieurs jours dans mon lit : j’ignorais tout de ce qui s’était passé; je l’ignorais également le 9, lorsque l’officier de santé, qui me soignait, me remit les décrets de l’assemblée, non pas tels que l’assemblée les avait rendus, mais d’une manière très infidèle. Il semblait par ces décrets que le comité de Salut public était anéanti en entier; alors j’exprimai, non la crainte de voir la Convention nationale faire la contre-révolution, mais la crainte que l’anéantissement du comité de Salut public et du gouvernement révolutionnaire ne fut un moyen de contre-révolution. Dès que je sus que l’Assemblée était permanente, je m’y rendis, porté par l’officier de santé qui me soignait; alors, mieux instruit de ce qui s’était passé, j’ai voté, de toute mon âme, le décret qui mettait le tyran et ses complices hors de la loi. Quant à la lettre qu’on m’accuse d’avoir écrite, j’en ai le modèle, et j’offre d’en faire lecture ; ce sera ma justification. On réclame l’ordre du jour. Adopté (88). 54 Un membre du comité de Salut public donne des détails sur l’armée : il lit une lettre des représentans du peuple Féraud et Neveu (89). LALOY : Je viens, au nom du comité de Salut public, vous parler de vos armées. L’oeil (88) Moniteur, XXII, 132-133 ; Débats, n° 741, 143-146 ; Ann. Patr., n" 640; Ann. R. F., n° 11; C. Eg., n° 775; F. de la Républ., iT 12; Gazette Fr., n° 1005; J. Mont., n° 156; J. Paris, n” 12; J. Perlet, n° 739; Mess. Soir, n° 775; Rép., n°12. (89) P.-V., XL VI, 231. Ann. Patr., n° 640; Ann. R. F., n° 11; C. Eg., n” 774; F. de la Républ., n" 12; Gazette Fr., n° 1005; J. Fr., n° 737 ; J. Mont., n 156; J. Paris, n° 12; J. Perlet, n° 739; J. Univ., n° 1773; Mess. Soir, n° 775; Rép., n° 12. SÉANCE DU 11 VENDÉMIAIRE AN III (2 OCTOBRE 1794) - N° 54 229 ouvert sur leurs mouvements, vous voulez en connaître les résultats quels qu’ils soient. Je vous apporte donc les derniers détails qui sont parvenus à notre comité. Quelques-uns peut-être sont déjà répandus; mais, n’oubliant jamais que vous lui avez confié surtout le salut de la patrie, votre comité a cru qu’il répondait mieux à vos vues en prenant les mesures que la sagesse et les circonstances dictaient, qu’en se pressant de publier ces détails. Ils vous apprendront d’abord que le poste de Kayserslautern, dans le Palatinat (ce poste pris et repris tant de fois dans le cours de cette campagne) a été attaqué de nouveau par l’ennemi avec une force majeure; Qu’après un choc opiniâtre il est resté en son pouvoir. Mais je suis chargé de vous dire aussi que les ordres ont été donnés pour que ce poste soit repris sans délai; nous pouvons à cet égard nous reposer sur la valeur des soldats républicains qui ne doivent jamais pardonner à l’ennemi de les avoir surpris. Voici la dépêche officielle : [Au quartier-général de Neustadt, le 5ème jour s.-c. an II] Au nom du Peuple Français Les ReprÉsentans du Peuple L’ennemi, qui depuis 15 jours ne faisait que des marches et contre-marches, a tout à coup réuni ses forces sur un seul point ; il a attaqué avec vigueur, et s’est fait jour jusqu’à Olsbora. La résistance qui lui a été opposée a été terrible et funeste pour lui, car, au rapport des déserteurs et prisonniers ennemis d’un régiment, il ne leur a pas été possible de réunir de quoi faire deux compagnies ; il n’est resté dans quelques compagnies que cinq à six hommes; et généralement, tous les corps qui ont chargé ont beaucoup souffert ; nous avons perdu, nous, également de braves hommes; il ne nous est pas possible d’en désigner le nombre, n’ayant pas encore des rapports certains du général Meunier, qui commandait à Kayserslautern, et qui s’est replié sur Tripstat; l’ennemi est resté maître d’Olsbora et de Kayserslautern; depuis trois jours nous nous battons; nous sommes constamment à cheval avec les généraux; un temps affreux, des pluies presque continuelles, n’ont pas peu coopéré à rendre nos efforts infructueux. Salut et fraternité. Signé FÉraud et Neveu. LALOY : Ce n’était pas seulement dans le Palatinat que nos ennemis cherchaient à surprendre nos défenseurs, un plan plus vaste était conçu par eux. Douze mille hommes rassemblés à Cairo, avec 50 pièces de canon, menaçaient de leur nombre et de leurs forces la droite de l’armée d’Italie : ce plan couvrait le plan formé par l’armée austro-sarde, et concerté avec les flottes combinées d’Angleterre et d’Espagne, de porter la guerre à Gênes après s’être emparé de Sa-vone. A l’avantage d’une position heureuse, au nombre, à la force, les ennemis avaient réuni celui de se couvrir par des montagnes et d’être fortifiés dans leurs postes doublement retranchés ; mais le soldat français, fier de sa liberté qu’il a juré de maintenir, plus fort de son énergie et de son amour de la patrie, n’écoutant plus que son courage, part à la voix des représentants du peuple ; il attaque, la baïonnette à la main ; il enlève le poste ; il est vainqueur et poursuit des ennemis que la terreur a dispersés, et qui profitent des ombres de la nuit pour couvrir leur fuite jusqu’à Alexandrie. J’affaiblirais le récit énergique que les représentants du peuple et le général Dumerbion ont adressé à votre comité, si je voulais analyser les détails : je vais les lire, après vous avoir assuré que tous les républicains, officiers et soldats, ont disputé d’intrépidité, d’héroïsme et de vertus; tous les traits vont en être recueillis, et vous seront incessamment présentés; mais ce serait faire une injustice à Bromont, sergent de chasseurs, de ne pas publier dès aujourd’hui qu’il a été remarqué se battant à la fois contre quatre ennemis qu’il a tués, quoique blessé à la cuisse par un coup de feu et plusieurs coups de baïonnette ; si je ne vous prévenais pas que le comité, pénétré de vos principes de justice et de générosité, s’occupe de la récompense due à tant d’héroïsme, et du soin de vous proposer l’avancement de ce républicain, déjà connu, dès le commencement de la campagne, pour avoir tué trois ennemis, et dégagé un de ses camarades qu’on emmenait prisonnier. Vous aurez à regretter la perte de 80 de nos frères, et surtout du brave Raiboud, capitaine de chasseurs, mort d’un coup de baïonnette, après avoir fait des prodiges, et tué un capitaine autrichien contre lequel il se battait à coups de sabre. LALOY : Vous avez dû remarquer que depuis quelques jours le comité de Salut public ne vous a guère annoncé de victoires, qu’il ne vous ait parlé de l’armée de Sambre-et-Meuse ; je suis chargé de vous en parler encore, et j’ai reçu le devoir de vous entretenir de ses nouveaux succès. J’annonce donc qu’elle est dépositaire des clefs d’Aix-la-Chapelle, qu’elle cerne Maëstricht, et qu’elle serre de près cette ville ennemie. Je vais vous lire les premier détails que le comité a reçus de notre collègue Gillet, représentant du peuple près cette armée, et du général Jourdan. [Extrait d’une lettre de Gillet, datée de Hohr-scheit, du 5 vendémiaire an HT] On a pris à l’investissement de Maëstricht quinze bateaux chargés de farine et d’avoine; cette prise vaut 1 million au moins; un autre bateau chargé de canons et de mortiers a été coulé bas. 230 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Il a été pris à Aix-la-Chapelle quinze pièces de bronze, qui vont être transportées en France pour être refondues. [Copie de la lettre de Jourdan, commandant en chef l’armée de Sambre-et-Meuse, aux citoyens représentants du peuple composant le comité de Salut public, du quartier général, à Hervé ] Citoyens représentants, je vous préviens que, du mouvement général qui s’est fait hier, il résulte que Reckem et Stockem ont été forcés ; je présume que Maseyk aura essuyé le même sort ; je n’en ai cependant pas reçu de nouvelles ; que Maëstricht est investi, que l’ennemi a été chassé des bois d’Aix-la-Chapelle, et que les magistrats de cette ville viennent de nous en apporter les clefs. La résistance que nous a opposée l’ennemi n’a pas été très conséquente ; il s’est sans doute rappelé de la correction républicaine qu’a reçue avant-hier son arrière-garde sur les hauteurs d’Henry-Chapelle, qu’elle a voulu défendre, et où elle a perdu huit cents hommes tués ou blessés. Notre perte, dans cette affaire, est de quinze hommes tués et cent vingt-trois blessés. Salut et fraternité. Jourdan. [Copie de la lettre adressée au comité de Salut public, par le représentant du peuple Gillet, en mission près l’armée de Sambre-et-Meuse, d’Hervé, le 2 vendémiaire an HT] Citoyens collègues, j’ai suspendu le départ du courrier que je devais vous envoyer hier soir, afin de réunir tous les rapports de la journée d’hier. Stockem et Reckem sont en notre pouvoir, et Maëstricht se trouve entièrement cerné et serré de très près. Nous n’avons pas encore de nouvelles de Maseyck. L’armée autrichienne a évacué cette nuit Aix-la-Chapelle ; je reçois dans le moment, par une députation, les clefs de la ville. Je ne vous ai pas encore rendu compte v de l’affaire qui eut lieu, la 4ème sans-culottide, à Clermont, entre l’avant-garde de la colonne du centre et l’arrière-garde de l’ennemi. Cette affaire a été fort vive, et, suivant le rapport des déserteurs et des habitants du pays, l’ennemi a perdu huit cents hommes tués ou blessés. De notre côté la perte est de neuf hommes et de cent vingt blessés, la plupart légèrement. Cette énorme disproportion de perte est due à la supériorité de notre artillerie. Salut et fraternité. Gillet. [Le général en chef de l’armée d’Italie aux citoyens représentants du peuple composant le comité de Salut public, du quartier général de Cairo, le 2 vendémiaire an III] Citoyens représentants, depuis l’expédition d’Oneille et de Saorgio, les rassemblements de l’ennemi à Cairo, au nombre de douze mille hommes, avec cinquante pièces de canon, menaçaient l’armée d’Italie. Des avis certains annonçaient un projet concerté de l’armée austro-sarde avec les flottes combinées d’Angleterre et d’Espagne, pour s’emparer de Savone, et porter la guerre chez une république sage et tranquille, pour nous faire perdre les ressources si avantageuses de sa neutralité. L’exécution de leur projet allait s’effectuer, si les représentants du peuple Saliceti et Al-bitte, députés près cette armée, n’avaient ordonné de les prévenir sur-le-champ par une attaque que la bravoure seule des républicains, inférieurs en nombre, pouvait faire réussir. La 3ème sans-culottide, le poste de Saint-Jacques, situé sur la partie de l’Apennin qui sépare les forteresses de Savone et Finale des vallées de la Bormida, occupées par l’ennemi, fortifié par un double retranchement, a été enlevé à la baïonnette avec une telle bravoure, que la terreur nous a précédé dans les postes de Bormida, Mallere, Pallere, Altare. L’ennemi les a évacués avec une telle promptitude qu’on n’a pu le retrouver que dans la plaine de Carcare, où il avait fait avancer tous les rassemblements du Cairo, pour en venir à une affaire décisive. Une de nos colonnes, dont la marche était restée inconnue à l’ennemi, arrive le 4 très précipitamment au château de Cossario, force ce poste redoutable, et l’armée autrichienne allait être coupée en enfermée dans les gorges de la Bormida, lorsqu’une fuite précipitée est devenue son unique salut. La nuit ne permettait pas de les atteindre, et l’armée a bivouaqué autour de ses représentants. La 5ème sans-culottide, les républicains poursuivirent leur marche, et rencontrèrent l’ennemi à la Roquette de Cairo; l’artillerie et la cavalerie ennemies y avaient des positions avantageuses, et l’infanterie y était protégée par des hauteurs d’un difficile accès ; il ne restait qu’une heure et demie de jour : une attaque aussi prompte que bien combinée les a repoussés dans tous les points, et notre cavalerie allait fondre sur la leur, et enlever leur artillerie, si un ravin imprévu n’eût arrêté son impétuosité, et si la nuit n’eût mis fin à une affaire qui nous promettait encore de plus grands succès. La présence des représentants du peuple au milieu de nos frères d’armes, partageant leurs dangers et leurs fatigues, animait leur courage au point qu’ils combattaient encore après une heure de nuit obscure. A la faveur des rideaux de la Bormida, l’ennemi avait pris une position en arrière de Dego, qui, suspendant le combat, nous laissait pourtant l’espoir de le battre encore au jour, si la nouvelle de sa fuite à plus de cinq lieues de Dego, pour se porter sur Alexandrie, n’eût mis fin à nos victoires. Cette affaire a coûté à la République le sang d’environ quatre-vingts de nos frères d’armes et autant de blessés. SÉANCE DU 11 VENDÉMIAIRE AN III (2 OCTOBRE 1794) - N° 54 231 La perte de l’ennemi se monte à plus de mille hommes, tant tués que blessés et prisonniers, et il nous a laissé dans des magasins de quoi nourrir l’armée pendant un mois. Tout le monde, tant officiers que soldats, a fait son devoir en brave républicain. Parmi ceux qui se sont le plus distingués je dois citer le général divisionnaire Masséna et les généraux de brigade Laharpe et Cervoni. J’aurai aussi à vous parler, par une autre dépêche, de deux actions héroïques, pour lesquelles j’ai encore des renseignements à recueillir. C’est ainsi, citoyens représentants, que l’armée d’Italie a célébré la 5ème sans-culottide et le 1er de l’an 3e de la République française. Vive la République! Signé Dumerbion. [ Les représentants du peuple près l’armée d’Italie au comité de Salut public, du Cairo, en Piémont, le 2 vendémiaire an III] Citoyens collègues, la 5ème sans-culottide a été célébrée hier, par une portion de l’armée d’Italie, d’une manière digne de la République et de la Convention nationale. Nous vous avons informés, dans le temps, et à plusieurs reprises, de l’expédition que nous allions faire pour chasser une armée de dix à douze mille Autrichiens qui, campés aux environs de Cairo, avait poussé ses avant-postes sur le territoire de Gênes, et menaçait de s’emparer de Savone, sur laquelle elle avait dirigé et ouvert une grande route. La victoire a, dans cette occasion comme dans toutes les autres, secondé le courage des républicains. L’ennemi, chassé des villages de Mallere, de Pallere et de la plaine de Carcare, avait filé à l’entrée de la nuit sur Cairo, où était son camp, et sur Dego, village situé sur le grand chemin qui conduit à Alexandrie. Hier, à cinq heures du soir, l’armée républicaine, arrivée à Cairo par une marche forcée, l’a atteint lorsqu’il était occupé à couvrir ses évacuations et à sauver ses équipages. Quoique l’heure fût très avancée, il a été attaqué sur tous les points; et, malgré la résistance opiniâtre qu’il aura mise à garder les positions avantageuses qu’il avait prises pour couvrir sa retraite, il n’en a pas moins été chassé à la baïonnette, en moins d’une heure et demie de jour qui nous restait, et dont le prolongement eût causé sa ruine totale. L’action a été très-vive : l’ennemi a perdu mille hommes au moins, tués, blessés ou prisonniers, et son armée n’a pu s’échapper qu’à la faveur de la nuit. Sa déroute a été telle qu’il a laissé une partie de ses blessés, et ses magasins remplis de vivres et de fourrages. Nous avons eu cinquante hommes tués, parmi lesquels nous regrettons particulièrement le brave Raibaut, capitaine de chasseurs, qui, après avoir fait des prodiges de valeur, est mort d’un coup de baïonnette, au moment où, se battant à coups de sabre avec un capitaine autrichien, il venait de le tuer. Nous avons eu en outre quatre-vingts blessés, tous à la poitrine. Nous les avons vus, ces braves républicains, s’honorant de leurs blessures, s’en faisant un titre pour exciter, dans le cours de l’action, la valeur de leurs camarades, et ne cessant de faire entendre, au heu de cris de douleur, des cris de joie et de vive la République ! Généraux, officiers et soldats, tous ont fait leur devoir avec cet enthousiasme que l’amour seul de la liberté peut inspirer. Parmi ceux qui se sont distingués dans cette importante occasion, il est de notre devoir de vous faire remarquer le citoyen Brimont, sergent des chasseurs, qui, quoique déjà blessé par un coup de feu à la cuisse, et par deux coups de baïonnette, s’est battu à la fois contre quatre ennemis qu’il a tués; ce brave militaire était déjà connu pour avoir, dans une autre affaire qui a eu lieu au commencement de la campagne, tué trois ennemis et dégagé un de ses camarades qu’on emmenait prisonnier. Il mérite une des places d’officier qui sont au choix de la Convention nationale. Le temps était si couvert et la nuit si favorable pour les ennemis, qu’ils leur doivent leur salut, et nous, notre bivouac sur le champ de bataille. Salut et fraternité. Saliceti et Albitte. [Ritter et Turreau, représentants du peuple près l’armée d’Italie et des Alpes, au comité de Salut public ] Arrivés près la brave armée d’Italie, nous nous réunissons à nos collègues pour vous assurer que, si les défenseurs de la patrie savent présenter la poitrine à l’ennemi, et percer de leur baïonnette le dos des lâches satellites de la royauté, ils joignent à l’intrépidité du courage un dévouement sans bornes à la patrie. C’est en vain que nos Catihnas modernes ont cherché à répandre parmi eux leur pernicieuse influence ; l’armée, grande comme la cause qu’elle défend, n’en a reçu aucune. Si vive la République! est son cri de guerre, la Convention nationale! est son cri de ralliement. Nous vous devons compte de l’héroïsme de nos frères que d’honorables blessures retiennent dans les hôpitaux ; il était dans notre coeur et dans notre devoir de leur donner nos premiers soins; nous avons vu les uns verser des larmes de joie de ce que leur guérison les mettait dans le cas de retourner au combat, les autres des larmes de douleur d’être réduits à l’impuissance de verser encore leur sang pour la patrie. Avec de tels soldats, la République est impérissable, et doit s’attendre à de nouveaux succès. Signé F.J. Ritter, Turreau (90). (90) Moniteur, XXII, 128-132; Bull., 11 vend.; Débats, n° 741, 147-150; n" 742, 157-161.