[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juillet 1791.] 45 répandre simultanément dans toutes les parties du royaume. Je suppose qu'en très peu de temps vous eussiez une somme d’environ 10 à 12 millions d’assignats, en répartissant à peu près pour les premiers besoins dans les divers départements du royaume une somme qui serait suffisante, vous seriez sûrs de prévenir tous les accaparements, et c’est la chose importante. Il me paraît donc qu’il faut attendre le moment où il y aura 10 millions d’assignats, ce qui ne sera pas long, et faire une répartition, d’abord pour Paris, et ensuite pour la province. Et remarquez que dans les dispositions que vos comités ont été obligés de vous présenter, ils ont mis encore une chose qui finirait par embarrasser les départements ; ils exigent des mandats qui rendraient l’impatience des provinces beaucoup plus grande, et qui multiplieraient considérablement les demandes. M. de démon, rapporteur. Je réponds au préopinant : nous aurons à la fin de cette semaine 12 millons; eh bien, ces 12 millions là seront dbiribués à mesure de leur fabrication; vous auriez les 100 millions tout de suite, vous ne pourriez pas les diviser tout de suite; il est donc indifférent d’en avoir dans le jour une p!us grande quantité; mais il est impossible que les demandes soient faites avant que les besoins soient réalisés. M. Itabaud-Saiiit-Étienne. Messieurs, le vœu des départements est tout exprimé ; demande-t-on que les départements disent s’ils ont besoin de petits assignats?On en réclamede toutes parts. Demande-t-on que les départements expriment leur vœu ? De toutes parts ce vœu est émis. Demande-t-on qu’ils expriment la somme dont chacun a besoin? Vous ne pouvez pas la laisser à l’arbitraire. C’est ici qu’il faut déterminer, selon la somme que vous émettez, celle que vous devez leur répartir. J’observe ensuite qu’eneore une lois, pour le bien du ruyaume et de Paris, si j’avais à choisir, je préférerais que les assignats fussent envoyés dans les départements avant que d être émis dans Paris. Or, je vous observe qu’il y a 2,000 commissionnaires qui attendent l’émission des petits assignai pour les envoyer en province, au lieu qu’il n’y en a point dans les provinces pour les envoyer à Paris. ( Applaudissements .) Mais comme je ne vois aucenedifticulté àfaire ces opérations, je demande qu’il soit fait un calcul du moment où il y aura 10 millions à répartir dans chaque département; et ici un provisoire est nécessaire, et ce provisoire est bien facile. 100 millions d’assignats font environ 1,200,000 livres par département; en partant de cette règle vous ne faites tort à personne. Une autre difficulté qui va s’élever sur la monnaie de cuivre; si l’on n’a pas pu en mettre en aussi grande quantité que le décret le portait, c’est parce que le cuivre a manqué et qu’on l’a mis à un prix exorbitant. Il a fallu que la fabrication fût suspendue. Il y a des hôtels des monnaies tlans les provinces où l’on n’a peut-être rien fabriqué encore; il y en a d’autres où l’on a fabriqué avec tant d’abondance que l’on en est saturé. Ainsi cette difficulté ne doit pas être très grande, par la raison que, comme vous n’envoyez qu’une modique portion d’assignats, il ne faut qu’une modique portion de cuivre. Je vous prie d’observer encore, Messieurs, que vous êtes à la veille de décréter une émission de menue monnaie d’argent. J’espère que vous rendrez demain le décret. Vous aurez avec cette émission de menue monnaie d’argent, de quoi faire les échanges des assignats avec la plus grande liberté. Je demande donc qu’on ne 3’arrête pas du tout à l’émission de la menue monnaie de cuivre, qui est suffisante avec la quantité actuelle des petits assignats, et que l’on veuille s’occuper uniquement de la proposition de M. Camus. M. Camus. Il paraît que le préopinant voudrait qu’on envoyât d’abord une abondante quantité de petits assignats dans les différents départements. Il paraît aussi que l’Assemblée n’a pas beaucoup goûté l’idée de faire venir d’abord des sommes des départements pour recevoir de petits assig iats. On a craint que cela n’en retardât l’émission. Il me semble qu’il y a un moyen de pourvoir à ceci, de faire l’émission promptement, et d’en envoyer aussitôt dans les départements. Je ne parle point ici des échanges, je parle seulement de la somme qui est à la trésorerie. C’est la nécessité où le Trésor public est d’acheter le numéraire; ce numéraire coûte extrêmement cher; il en coûte 90,000 livres par semaine, et je crois que cette dépense est bonne à éviter. Je crois qu’il est natuiel que l’on n’ait pas donné de petits assignats à la trésorerie. On n’en a pas envoyé dès lundi dernier, conformément à votre décret, parce qu’on a craint l’accaparement. Eh bien, je crois que cela ne peut pas empêcher de payer les appoints au Tiéor public avec de petits assignats, parce que ensuite c’est à ceux qui veulent avoir beaucoup de petits assignats à payer l’accaparement Ainsi je p rsiste à ce que l’on donne lundi prochain, sans plus tarder, au Trésor public et à la caisse de l’extraordinaire, de quoi payer les appoints, c’est-à-dire des assignats au-dessous de 50 livres. Ensuite j’annonce que l’on doit faire un envoi très prochain, le 12 ou le 13, dans les différents départements, pour payer les frais du culte. Je demande donc qu’on fasse cet envoi, qu’on le fasse en assignats de 5 livres. Alors vous enverrez dans les départent mis, par voie toute naturelle, les petits assignats, et la précaution à prendre ensuite, ce sera que, dans les départements, on ne donne pas tous les petits assignats en payement aux ecclésiastiques. Ainsi en adoptant deux propositions, vous répandrez dans les différents départements une grande quantité d’assignats de 5 livres, sans avoir besoin d’ouvrir une voie d’échange dans le moment. M. de Cernon, rapporteur. II y a une grande difficulté : comment la caisse de l’extraordinaire recevra-t-dle les comptes? M. Gaultier-2£iauzat. Dès que la nation a des payements à faire, il n’y a pas lieu à un retour; d’ailmurs ce retour ne devient pas nécessaire : j’insis e sur la proposition de M. Camus, mais je demande un peu plus d’accélération; et dès qu’il y a des assignats tout prêts, je lais la motion bien expresse qu’on en envoie à chaque départementaux personnes qui sont chargées de faire ce payement. M. d’André. Tout le monde est d’accord qu’il 46 [Assemblée nationale. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. faut verser au Trésor public de petits assignats pour faire les appoints , on est également d’accord sur la proposition qui tend à faire effectuer les -différents payements aux départements autant qu’il sera possible en petits assignats. Il n’y a plus qu’une seule ditüculté c’est qu'à mesure que le Trésor public recevra de la caisse de l’extraordinaire des petits assignats, il soit obligé de remplacer cet échange en gros assignats, afin qu’il n’y ait pas en circulation plus d’assignats qu’il ne doit y en .avoir. Voilà la seule objection que j’avais à vous faire; je demande donc que l’on mette aux voix les trois propositions qui me paraissent avoir le plus de contradicteurs. (L’Assemblée nationale adopte les trcis proposition de M. d’Audi é, sauf rédaction.) M. ita'band-Sjaint-Etienne. J’ai à vous proposer un décret additionnel qui ne doit pas souffrir de dilticulté. Quand on répandra des petits assignats dans un lieu oùil y a un grand rassemblemen t d’hommes momentané, iis se subdiviseront à l’intini : on me marque qu’à la foire de Beaucaire, qui doit se tenir le 22, on ne pourra peut-être faire que très peu d’affaires, vu les difficultés des échanges. En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer ce décret additionnel qui a pour objet de verser dans les mains de la municipalité de Beaucaire, une somme qui puisse servir aux besoins de la foire. « Art. 1er. Indépendamment des sommes qui seront distribuées dans chaque département, il sera délivré à la municipalité de Beaucaire la somme de 400,000 livres en assignats de 51ivres pour être échangée par elle aux particuliers pendant toute la durée de la foire contre des assignats de 100 livres et au-dessous. « Art. 2. Le directoire du département de l’Hérault et celui du département des Bouches-du-Rhône, sont chargés de faire transporter dans ladite ville de Beaucaire, pendant la tenue de la foire, le plus qu’il se pourra de gros sous, tirés des hôtels de monnaies de Montpellier et d’Aix, pour être échangés par la municipalité contre des assignats de 5 livres, aux particuliers qui le demanderont. « Art. 3. Le directoire du département du Gard nommera deux commissaires de l’administration, lesquels se transporteront à Beaucaire, te 20 juillet, et seront spécialement chargés de faire, de concert avec la municipalité, les dispositions nécessaires pour la distribution aux particuliers des assignats de 5 livres, ainsi que de la monnaie de cuivre, et d’en tenir uu compte exact, lequel sera rapporté par eux au directoire du département. « Art. 4. Lesdits commissaires du directoire et la municipalité de Beaucaire enverront au ministre de l’intérieur leur reconnaissance, tant de la somme dus assignats que de celle de la monnaie de cuivre qu’ils auront reçues. Lesdits commissaires, de concert avec la municipalité, enverront les billets de 100 livres et au-dessous qu’ils auront reçus, lesquels demeureront à la disposition de l’Assemblée nationale, pour être brûlés conformément au décret. « Àri. 5. Aussitôt après la foire de Beaucaire, la municipalité et le département procéderont à la révision du compte général relatif au présent déciet, ainsi que les frais, lesquels seront remboursés par le Trésor public. » {Murmures.) [8 juillet 1191.1 Je crois devoir répondre à la difficulté qu’annonce le murmure qui se fait. Je vous prie d’observer qu’il me faut point perdre de vue qu’il se fait dans les foires de Beaucaire 50 à 60 maillions d’affaires ; ce nlest pas une seule ville qui en profite, c’est tout le royaume; et il n’y a personne ici qui ne sache de quelle importance est cette foire, puisqu’on y arrive des extrémités du royaume. Plusieurs membres : A l’ordre du jour:! M. Darnatidat. Si l’on adopte la proposition de M. Rabaud, il faut transporter la caisse de l’extraordinaire à la foire de Beaucaire. Il est très sûr, Messieurs, que c’est une foire très intéressante, que tout le royaume s’y rend ; mais il est sûr que de ces 400,000 livres, il n’y aurait que les accapareurs qui en profiteraient. Il est indiscutable que tous les gros négociants auront les petits assignats, et que certainement le public, qui a besoin de ces petits assignats, n’en profiterait qu’autant qu’il payerait; et si cette proportion devait être adoptée pour Beaucaire, il faudrait l’adopter pour toutes les foires du royaume, ce qui mènerait à des pertes considérables. Cette proposition doit être adressée au pouvoir exécutif. G’est au ministre de l’intérieur à veiller à ce que la distribution des petits assignats se fa�se en raison des besoins. Je demande donc que l’Assemblée passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. de Cernon, au nom du comité des finances. Vous avoz ordonné, Messieurs, que les 60 derniers millions d’assignats seraient timbrés, numérotés et signés comme les précédents en prenant les mêmes signataires que pour les précédentes émissions. Mais ces signataires ne se représentent plus; il sera d’ailleurs nécessaire, pour accélérer l’opération, d’en augmenter le nombre. Voici, en conséquence, les dispositions que nous proposons : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le nombre des signataires sera distribué ainsi qu’il suit ; « 6 seront occupés à signer les assignats de 500 livres; « 16 aux assignats de 100 livres; «0 : , t e 90 livres ; « 8 aux assignats de 80 livres; « 8 aux assignats de 70 livres; « 8 aux assignats de 60 livres; « 8 aux assignats de 50 livres. Art. 2. « La liste des signataires nouvellement admis sera rendu publique par la voie de l’impression, et -adressée à tous les départements du royaume. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président annonce la mort de M. de Rocheehûuart, député de Paris. M. Picqwet, député du département de l'Ain , qui était absent par congé du 7 mai, annonce son retour à l’Assemblée. M. de Cernon, au nom du comité des finances.