ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 décembre 1790.] 610 [Assemblée nationale.] M. Camus. Croit-on que M. d’Artois soit homme à prêter un serment pour avoir quelque chosede plus ou quelque chose de moins ; mais parce que vous avez la bonté de vous charger de ses rentes viagères, prétendez-vous vous charger des 3,600,000 livres de reliquat des dettes que le roi a pris sur lui en 1783 ; est-ce comme souverain qu’il agit ainsi, n’est-ce pas plutôt un pacte de famille? Eh bien! le roi peut prendre sur sa liste civile pour payer ces 3,600,000 livres. (On demande la priorité pour la rédaction de M. Camus.) (La priorité est accordée.) L’article 13, amendé parM. Camus, est ensuite décrété. L’article 14 subit une légère modification dans sa rédaction. Les articles 15, 16, 17, 18, 19 et 20 sont adoptés sans discussion. M. Enjuljault, rapporteur , propose enfin à l’article 20, un paragraphe additionnel pour la conservation des bois et forêts des apanages. Ce paragraphe est adopté sans discussion. En conséquence, les articles décrétés sont les suivants : Art. 11. « Il sera payé à chacun des apanagistes frères du roi, au-dessus de Ja rente apanagère, pendant leur vie seulement, pour l’entretien de leurs maisons, réunies à celles de leurs épouses, conjointement et sans distinction, à compter du 1er janvier prochain, une pension ou traitement annuel d’un million; et si leurs épouses leur survivent, elles toucheront chacune 500,000 livres par an pour la même cause, tant qu’elles habiteront le royaume, et qu’elles demeureront en viduité. Art. 12. « Il ne sera plus accordé à l’avenir aux fils et petits-fils de France, aucunes sommes, rentes ou traitements pécuniaires, distingués de l’apanage, pour l’entretien de leurs maisons et de celles de leurs épouses, ou sous quelque autre prétexte que ce soit, sans exclusion néanmoins des rétributions, gages ou appointements attachés aux fonctions publiques dont ils pourront être revêtus. Art. 13. « Il sera payé à Monsieur, indépendamment d’un million de" rente apanagère, et d’un million de traitement, 500,000 livres par année, laquelle somme sera affectée à ses créanciers. « Il sera payé à M. d’Artois Ja rente apanagère d’un million, le traitement d’un million; et, en outre, la nation déclare se charger, sans tirer à conséquence, du payement des rentes viagères dont le roi a bien voulu promettre l’acquit par la decision du mois de décembre 1783 ; « Laquelle somme de 500,000 livres accordée à Monsieur, et le fonds annuel des rentes viagères dm s par M. d’Artois, au mois de décembre 1783, seront remis tous les ans, de six mois en six mois, déduction faite des extinctions desdites rentes viagères, entre les mains d’un séquestre, duquel les créanciers toucheront l’équivalent de leur creance. « Il sera payé à M. d’Orléans, outre le million de rente apanagère, la somme d’un million chaque année pendant vingt ans, à titre d’indemnité aes améliorations faites par ses auteurs et lui dans les fonds de son apanage; lequel million sera affecté à ses créanciers, pour leur être payé directement, suivant les délégations que fera M. d'Orléans; et sera ledit million conservé aux créanciers dans le cas même où M. d’Orléans viendrait à mourir avant l’expiration desdites vingt années. Art. 14. « Au moyen des sommes respectivement ac-corlées par l’article précédent, les apanagistes ne pourront former aucunes demandes en répétition ou indemnités résultant des améliorations, réfections ou constructions nouvelles, faites sur leurs apanages; ils ne pourront demander aucunes coupes, ou partie de coupes arriérées dans les bois et furêts desdits apanages, sauf à eux à poursuivre le recouvrement des autres genres de revenus échus à l’époque du 1er janvier 1791, et à continuer les coupes et exploitations qu’ils ont été autorisés à faire par le présent décret et par les précédents, et sans que la présente disposition puisse s’étendre aux domaines engagés, dont ils auraient exercé le retrait domanial. Art. 15 (1). « Les baux à ferme ou à loyer des domaines et droits réels, compris aux apanages supprimés, ayant une date antérieure de six mois au moins au décret du 13 août dernier, seront exécutés selon leur forme et teneur; mais les fermages et loyers seront payés à l’avenir aux trésoriers des districts de la situation des objets compris en iceux, déduction faite de ce qui sera dû à l’apa-nagiste sur l’année courante, d’après la disposition de l’article 5. Art. 16 (1). « Les biens non affermés, ou qui l’auraient été depuis l’époque déterminée par l’article précédent, seront régis et administrés comme les biens nationaux retirés des mains des ecclésiastiques. Art. 17 (1). « Les décrets relatifs à la vente des biens nationaux s’étendront et seront appliqués à ceux compris dans les apanages supprimés. Art. 18. « Le palais d’Orléans ou du Luxembourg, et le Palais-Royal sont exceptés de la révocation d’apanage, prononcée par le présent décret et celui du 13 août dernier; les deux apanagistes auxquels la jouissance en a été concédée, et les aînés mâles, chefs de leurs postérités respectives, continueront d’en jouir au même titre et aux mêmes conditions que jusqu’à ce jour. L’As-stmblée ûationale confirme les aliénations qui ont pu être faites des terrains ou édifices dépendant de l’apanage du Palais-Royal, ou toutes autres autorisées par des lettres patentes enregistrées. Art. 19. « Il sera avisé aux moyens de fournir, quand les circonstances le permettront, une habitation convenable à Charles-Philippe de France, second frère du roi, pour lui et les aînés, chefs de sa branche, au même titre d’apanage, à la charge de réversion au domaine national, aux cas de droit. (1) Articles décrétés le 13 août 1790. (21 décembre 1790.] 611 [ Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Art. 20. « Les acquisitions faites par les apanagistes, dans l’étendue des domaines dont ils avaient la jouissance à titre de retrait des domaines tenus en engagement, dans l’étendue de leurs apanages, continueront d’être réputés engagements, et seront à ce titre perpétuellement racbetables; mais les acquisitions par eux faites à tout autre titre, même de retrait féodal, confiscation, commise ou déshérence, leur demeureront en toute propriété. « L’Assemblée nationale enjoint aux gardes de veiller à la conservation des forêts et bois dépendant des apanages supprimés, de continuer leurs fonctions avec les mêmes émoluments qu’ils recevaient des apanagistes, et dont ils seront payés par le receveur du district du lieu de la situation. » M. le Président. Le scrutin pour la nomination d'un président n’a pas donné ne résultat, les suffrages s’éiaut divisés entre MM. d’André, Barnave et d’Aiguillon. Il y a lieu à un nouveau scrutin et j’invite l’Assemblée à se retirer dans ses bureaux pour y procéder. (La séance est levée.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 21 DÉCEMBRE 1790. Documents présentés au comité des domaines par M. Levassoi1 de I ..a Touche, député de Slon-targis, surintendant des finances de M. d Orléans. Observations particulières à M. d'Orléans sur le second rapport du comité des domaines , concernant les apanages. Le rapport du comité des domaines concernant les ap mages contient des contradictions si manife-tes entre les principes qu’il établit et les decrets qu’il propose, et il fait une injustice à M. d’Orléans si év, dente, qu’il est impossible de ne pas .-e bâier de faire rapidement quelques observations à ce -ujet. Ce rapport, page 11, établit, pour principe, que l’indemnité qu’il y a lieu d’accorder a x apanages deitavoir ui ■?. proportion certaine avec les revenus supprimés. Rien n’est plus juste, rien n’est plus conforme à la saine et druiteraison.il est évident que dès qu’il y a lieu à une i ideinnité, elle doit êire proportionnée au préjudice qu’elle répare. Mais à peine le comité a t-il posé ce principe, qu’il le détruit, et qu’il l’oublie, en proposant, article 13 du projet d e décref, page 29, de donner un million à Monsieur pendant douze ans, réductible de50,0001ivres par an, 1 million à Monsieur (l’Artois pendant 20 ans, réductible à 50,000 livres par an ; et à M. d’Orléans 1 million penduntl3ans, mais réductible de 80,000 livres par an. Le comité annonce que ces sommes seront prises sur les bénéfices que la suppression des apanages procurera à la nation; et on serait tenté de croire, au premier aperçu, que, conformément au principe établi page 1 1 , l’indemnité est en proportion des bénéfices, et, ce qui est la même chose, en proportion des revenus supprimés. Ou ie croirait encore, en considérant que, suivant la note de la page 29 du rapport, les trois indemnités réunies monteront à 25,950,000 livres. Il est possible que cette somme de 25,960,000 livres donnée aux trois apanagist s, en outre de la rente apanagère, accordée à chacun d’eux, soit une indemniié suffisante pour les trois apanages pris collectivement; mais, à coup sûr, le partage que le comité en fait, est sans base, sans justice, sans proportion avec les revenus supprimés. En eflet, en calculant la portion de chacun des apanagés dans cette somme de 25,960,000 livres, on trouve qu’il y a : Pour M. d’Artois .......... 10,500,0001iv. Pour Monsieur ............ 8,700,000 Pour M. d’Orléans ......... 6,760,000 Total... 25,960,000 liv. il est impossible, d’après les principes établis par le comité, de se renJre raison de la différence de ce partage inégal. Et puisque, suivant ie comité, l’indemnité do t être en proportion des revenus suprimés (page 11) et en proportion des bénétices que la suppression des apanages procurera à la nation (page 29), il fait donc établir la masse des revenus sujqtrimés, et des bénéfices acquis à la nation ; constater la proportion dans laquelle chacun des apanagés contribue aux bénétices, it (p ig>- 42) que le produit net de l’apanage de Monsieur e�t de 1 ,518,83 4 livres. La nation lui accordera un million ne renies apm gères; il ne perdra qu’un revenu annuel de 518,834 livres 0 i voit (page 51; que l'apanage de M. d’Artois, produit net 534,373 livres. On im accorie un illiou de rente apanagère. Il y aura donc un bénéfice annuel pour M. d’Artois de 465,627 livres. On voit enfin (page 27) que l’apanage de la maison d’Orléans j »rudai t net annuellement 4,432.937 livres. Ou le remplace par une rente apanagère d’un m Hion; M. d'Orléans perd doue annuellement 3,432,937 livres. Or, le rapport qui étub il que l’indemnité doit êire en proportion des revenus supprimés , propose tl’accorder. A M. d’Artois, qui ne perd rien ......................... 10,500,000 liv. AMonsieur,qui perd unrevenu de 518,834 livres ............. 8,500,000 A M. d’Orléans, qui perd un revenu de 3,432,937 livres ..... 6,700,000 Il est démontré que ce partage d’indemnité est sans proportion, sans principe et sans justice, et s’il y a lieu d’accorder 25,600,000 aux trois apanages pour les indemniser de la suppression de leurs revenus, il est de toute justice d’en accorder environ six septièmes, c’est-à-dire 22 millions à M. d’Orléans, qui perd 3,482,937 livres du revenu annuel, surtout iurque i’on considère que ce revenu est l’ouvrage des améliorations faites par la maison d’Orléans, depuis 130 ans; le fruit de ses économies, et que si elle eût employé eu acquisition les funds immenses qu’elle a employés en améliorations, elle aurait aujourd’hui trois millions de plus de revenus libres et patrimoniaux, et que la natioD gagnerait deux millions de moins de revenus, à supprimer sou apanage.