[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. décembrel793 487 R. Non. Ils avaient été décachetés par le représentant du peuple et le général Tilly. D. Parmi les papiers trouvés chez vous y en a-t-il quelques-uns d’arrivés du temps que Le Carpentier et Garnier étaient à Cherbourg! R. Non. D. Aviez-vous promis à Buhotel de nouvelles livraisons des papiers trouvés chez vous! R. Non. J. -N. Moulin. F. Jean-Nicolas Moulins (1), directeur des postes de Cherbourg, au représentant du peuple Le Carpentier, au comité de surveillance et à ses concitoyens. « Le comité de surveillance de la commune de Cherbourg m’a fait mettre en état d’arresta¬ tion chez moi, sous la surveillance de deux gardes. Je suis accusé d’avoir détourné et vendu a mon profit des paquets contenant des Bulle¬ tins de la Convention, adressés, par le ministre de la guerre, aux représentants du peuple près l’armée des côtes de Cherbourg. Cette accusa¬ tion offre l’apparence d’un crime. De grâce, ci¬ toyens, suspendez votre jugement. Le fait seul, raconté tel qu’il est, n’offrira pas même l’idée d’un délit. « Au commencement de juin dernier, il arriva au bureau de la poste de cette commune, quan¬ tité de paquets à l’adresse des représentants du peuple près l’armée des côtes de Cherbourg. Ils étaient à Bayeux. Je les leur renvoyai à cette dernière adresse, avec la plus grande exactitude, le directeur de la poste de Bayeux l’attestera au besoin. Mais la journée du 9 juin arrive; Caen s’insurge, met en arrestation les députés. J’ap¬ prends cette désastreuse nouvelle, et je cesse de renvoyer les paquets qui continuaient d’arriver à Cherbourg, convaincu qu’ils ne les recevraient pas, et qu’ils tomberaient aux mains des fédé¬ ralistes. « Les citoyens Tasson, capitaine du génie, et Leroy, officier municipal, avaient, à cette époque, été nommés commissaires pour assister à l’ouverture des paquets de la poste. Je leur demandai ce que je devais faire de ceux qui continuaient d’arriver à l’adresse des représen¬ tants. Ils me conseillèrent de les garder, jusqu’à ce que les députés qui devaient venir à Cou-tances s’y fussent rendus, parce que, alors, on les leur adresserait à cette dernière commune, ce que j’ai fait ponctuellement. « Voici la lettre que j’écrivis, le 13 juin, aux députés Leeointre et Prieur, alors à Coutances : « Je m’empresse de vous renvoyer les lettres « particulières qui vous sont adressées ici. Je « vous envoie également deux paquets contre-« signés : Ministre de la guerre, Bulletins, lois; « et deux autres paquets qui m’ont été remis « par le général Tilly, qu’il a reçus il y a quelques « jours par un courrier extraordinaire. Je vous « prie de me donner vos ordres pour les lettres « et paquets qui vous seraient désormais en-(1) Le 7 brumaire dernier, ce directeur, antérieu¬ rement à son affaii’e, a abjuré l’infâme nom de Leroy pour prendre celui de Moulin, que porte son épouse. « voyés à Cherbourg, je les exécuterai avec « empressement. » « Cette lettre est demeurée sans réponse� La 31 mai, j’ai envoyé à Bayeux 12 paquets aux représentants du peuple Prieur et Homme. Le directeur de la poste de Bayeux peut attester le fait et l’époque. .« A la fin de juin, ces députés furent forcés de quitter le département de la Manche, et me voilà encore de nouveau chargé de leurs pa¬ quets, sans savoir l’endroit où je pourrais les leur faire parvenir. Je les offre au général Tilly. Il refuse de les prendre. Je consulte de nouveau Tasson, membre du district, sur la marche que j’avais à suivre à cet égard. Il me répond qu’ils concernaient l’armée des côtes et non le dis¬ trict. « Pendant tout le mois de juillet, l’armée des côtes fut sans représentants. Prieur (de la Côte-d’Or) et Romme étaient au château de Caen; Prieur (de la Marne) et Leeointre étaient retour¬ nés à la Convention. Tous les paquets restèrent donc à mon bureau. Ils l’encombraient, au point que je fus obligé de les mettre dans un autre appartement. « Au commencement d’août, le représentant Carrier arrive à Cherbourg. Je vais le trouver chez le général Tilly et lui demande ce que je dois faire de tous ces paquets. Il me répond que contenant de vieilles nouvelles, ü était inutile de les renvoyer; qu’à l’égard de ceux qui vien¬ draient par la suite, il fallait les remettre au général Tilly. Je l’ai fait. Le citoyen Fossard venait tous les matins les chercher. « D’après la réponse de Carrier, j’ai regardé ces papiers comme inutiles, et j’ai cru pouvoir, sans songer faire mal, en donner une partie en échange de différents objets utiles à ma maison. « Voilà la plus exacte vérité. « Voici ce que j’ai écrit à Carrier : Le directeur des postes au député Carrier. « 7 frimaire. « Tu te rappelleras que tu es venu à Cherbourg « le mois dernier; que je fus te trouver chez le « général Tilly, pour te prévenir que j’avais une « quantité de paquets adressés aux représen-« tants du peuple près l’armée des côtes de « Cherbourg; que je te demandai ce que je de-« vais en faire! Tu me répondis que ceux qui « viendraient à l’avenir devaient être portés « chez le général Tilly, ce qui a été exactement « exécuté. Ces paquets étaient timbrés : Bulle - « tins, comme ceux que j’avais précédemment « reçus. Je te demandai encore ce que je devais « faire des anciens! Tu me répondis qu’étant « devenus inutiles par leur ancienneté, je n’avais « qu’à les garder. Je crus alors pouvoir en dis-« poser. Le comité de surveillance de la com-« mune de Cherbourg en a eu connaissance, il « m’en a fait un crime et m’a mis en état d’ar-« restation. Tu es juste; tu ne balanceras pas à « me répondre et attester la vérité de ces faits. « Les républicains se doivent aide et assistance ; « c’est à ce titre que je te réclame (sic) aujour-« d’hui. » « J’ai lieu d’attendre une réponse satisfai-« santé. » « Il m’est revenu qu’on a dit que parnp. les paquet� trouvés chez moi, il y en avait du mois de brumaire, le fait est faux. J’en appelle aux membres du comité qui en ont fait l’ouverture. 488 [Convention nationale ! ARGHIVKS PARLEMENTAIRES, i 11 an J* ■ t Ier décembre 1793 « Sans doute, mes concitoyens, je serais bien criminel si j’avais gardé ces papiers dans l’inten¬ tion d’empêcher la propagation des lumières; mais vous voyez comment et pour quelle cause ils sont restés chez moi. Je n’ai pas attaché la moindre idée de délit à cette action. Si je l’avais crue illicite, j’aurais pu me cacher, j’aurais pris des précautions. Ah ! j’étais loin de prévoir qu?elle pût me compromettre aussi cruellement. Je suis innocent, j’en atteste cedx qui me con¬ naissent particulièrement. J’ai, depuis la Révo¬ lution, fait tous les sacrifices qui étaient en mon pouvoir : habits, sabres, souliers, argent; j’ai tout donné avec plaisir pour mes frères d’armes. J’âi été scrutiné pour ma place, pour le club, pour un certificat de civisme, partout on m’a rendu justice. Vous m’avez toujours donné votre confiance, mes concitoyens; cette action ne peut me la faire perdre. Je me confie entièrement à la justice du représentant du peuple et du co¬ mité de surveillance; ils s’empresseront, mieux instruits des faits, de rendre la liberté et l’hon¬ neur à un père injustement accusé, et le bonheur à une famille désolée. « Signé : Moulin. » Compte rendu du Moniteur universel (1). Un représentant du peuple écrit de Cherbourg que l’on a trouvé chez le directeur de la poste 400 livres pesant de lois et rapports imprimés, de Bulletins et d’autres papiers que la Conven¬ tion ou le conseil exécutif faisait passer dans l’arrondissement ; ce fonctionnaire criminel vendait ce papier 7 sous la livre ; on en a trouvé chez différents particuliers qui le lui avaient acheté. Le prévaricateur se nomme Leroy. Maribon-Montaut. Si jamais il fut commis un grand attentat, c’est sans doute celui que l’on vous dénonce. Quand j’étais en commis¬ sion, j’ai souvent écrit ou au comité de Salut public ou à la Convention; mes lettres ne sont pas toutes parvenues; et, loin de recevoir tous les journaux, et surtout les journaux jiatrio-(1) Moniteur universel [n° 73 du 13 frimaire an II (mardi 3 décembre 1793), p. 296, col. 2]. D’autre part, le Mercure universel [12 frimaire an II (lundi 2 décembre 1793), p. 191,’ col. 2] rend compte de la dénonciation de la Société républicaine de Cher¬ bourg dans les termes suivants : « Le ministre de l’intérieur transmet 4 la Con¬ vention une lettre de la Société républicaine de Cherbourg. Elle a trouvé chez un directeur de la poste 400 livres pesant de Bulletins de la Conven¬ tion, encore scellés du cachet national et une plus grande quantité de ces mêmes Bulletins d ans une maison particulière et qu’il n’avait point envoyés à leur destination. Cet administrateur vendait sept sous la livre ces Bulletins. « Il se nomme « Leroy, ajoute le ministre, et ce nom convient « bien à un scélérat. » « La Convention décrète que : « 1° Celui qui a dénoncé ce directeur a bien servi la chose publique; « 2° Que ce directeur sera traduit au tribunal révolutionnaire; _ « 3° Que tout fonctionnaire qui aura retardé ou suspendu l’envoi des journaux ou des Bulletins de la Convention sera renvoyé au tribunal révolution¬ naire; « 4° Que les administrateurs des postes, qui n’en¬ verront pas les paquets à leur direction seront com¬ pris à l’article précédent. » tes, Mont j’avais besoin pour les distribuer aux soldats, j’en recevais toujours un nombre insuf¬ fisant. Il faut faire un grand exemple. Je de¬ mande que la Convention décrète que le dénon¬ ciateur a bien mérité de la patrie; que le dé¬ noncé sera traduit au tribunal révolutionnaire, et que cette dernière mesure est générale. Ces propositions sont décrétées. La séance se lève à 4 heures 3/4 (1). Signé : Romme, président; Roger Ducos, Philippeaux, Frecine, Merlin (de Thion-ville), Reverchon, Richard, secrétaires. PIÈCES ET DOCUMENTS NON MENTIONNÉS AU PROCÈS-VERBAL MAIS QUI SE RAP¬ PORTENT OU QUI PARAISSENT SE RAP¬ PORTER A LA SÉANCE DU II FRIMAIRE AN II (DIMANCHE 1er DÉCEMBRE 1793). I. Une députation du Club des Cordeliers demande la proscription jusqu’à la PAIX DE l’or ET DE L’ARGENT MONNAYÉS (2). Suit le texte de la pétition du Club des Cordeliers d'après un document des Archives nationales (3). Club des Cordeliers. « Du 11 frimaire an II de la République française, une et indivisible. «Législateurs, « La surveillance et la crainte ont forcé l’aris¬ tocratie à se cacher dans l’ombre, mais tous ses traits ne sont pas encore émoussés; portez-lui les derniers coups en décrétant une mesure salu¬ taire qui la condamne à un silence éternel, Par un profond raffinement de perfidie, les ennemis du bien public pourraient être tentés de rétablir la circulation du numéraire en petite partie, afin d’avoir un nouveau moyen de l’ac¬ caparer encore et de le. faire passer chez l’étran¬ ger. Ce projet liberticide ne serait pas moins l’effet des manœuvres de Pitt que de la lâcheté des feuillants qui, depuis le sage décret qui confisqua leurs stupides reliques et leurs écus cachés, affectent aujourd’hui de faire reparaître leurs espèces. Eh quoi ! une masse d’assignats hypothéqués sur dix milliards de propriétés na¬ tionales ne suffit-elle pas pour fournir à tous nos besoins et donner au commerce la plus grande activité? C’est sur cette monnaie que la dette publique doit être uniquement liquidée. « Législateurs, le club des Cordeliers pense qu’il serait aussi dangereux qu’impolitique de (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 298. (2) La pétition du club des Cordeliers il’ est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 11 fri¬ maire an II; mais il y est fait allusion dans les comptes rendus de cette séance publiés par le Mo¬ niteur universel, le Mercure universel, Y Auditeur na¬ tional, les Annales patriotiques et littéraires et le Journal du Soir. (3) Archives nationales, carton C 285, dossier 831.