312 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [43 mars 1790.] des pièces importantes qui n’ont pas été rétablies dans vos archives ; pièces relatives au compte rendu de l'état de la caisse d’escompte, le 4 décembre. Je demande qu’on ajourne à trois jours, afin que nous nous rappelions les pièces et les faits sur lesquels on peut asseoir une opinion. M. læcouteulx de Canteleu. Tout ce qui tient à la sûreté et au crédit public est toujours à l’ordre du jour. J’entends sans cesse traiter défavorablement tantôt les actionnaires de la caisse d’escompte, tantôt ceux de lacompagnie des Indes, tantôt les créanciers de l’Etat : on leur donne le nom d’agioteurs ; mais 200 millions de rentes, 140 millions d’actions de la caisse d’escompte, 40 millions d’actions de la compagnie des Indes ne sont pas entre les mains des agioteurs : les agioteurs n’ont pas de fonds; ils jouent parce qu’ils n’ont rien à perdre. Mépris z donc les agioteurs si vous voulez, mais n’oubliez pas les intérêts des véritables créanciers de l’Etat. Je parlerai surtout des porteurs de billets de caisse ; c’est pour eux, c’est pour leur intérêt que nous avons demandé des commissaires. Vousaviezdonné pour gage, aux porteurs de ces billets, 170 millions sur la caisse de l’extraordinaire, qui doit être remplie par lescontributions patriotiques et par le produit des biens qui seront vendus. Puisque vous avez décrété que cette veme serait faite aux municipalités, que vous avez nommé des commissaires pour cet objet, n’est-il pas d’uDe bonne administration que ces commis:-aires se concertent avec la caisse, et qu’ils comparent et concilient sa situation et ses opérations avec les mesures à prendre pour les ventes? Il ne s’agit point ici d’examiner les détails de l’administration de la caisse d’escompte. Je vous prie de prendre en considération le décret qui vous est proposé. M. Pétïon de Villeneuve appuie l’ajournement et en développe les motifs, il rappelle des décrets par lesquels l’Assemblée a refusé de nommer des commissaires pour la caisse d 'escompte; il qualifie csem-blées exerçant un droit qui appartient essentiellement au peuple, n’offrant nullement une magistrature ou un pouvoir institué, mais l’image et la représemation du peuple même, tous ceux qui jouissent du droit de cité y sont naturellement appelés : tous devraient y prendre place, sans l’impossibilité qui résulte de leur nombre ou de quelque autre motif. La nomination des députés n’est autre chose, pour ces assemblées, qu’une réduction nécessitée par les circonstances, et ne peut par conséquent être proportionnée qu’au nombre de ceux qui, dans l’ordre naturel, auraient dû concourir à la délibération. On verra successivement quelles précautions ont été prises pour que cette forme de représentation ne fût pas désavantageuse aux campagnes. Quant aux conditions attachées provisoirement à la qualité de citoyen actif, on peut ajouter à tout ce qui précède� qu’il est de l’intérêt général de chaque colonie d’en multiplier le nombre autant qu’il est possible, et que le même intérêt existe en particulier pour tontes les paroisses, puisque le nombre de leurs députés sera proportionné à celui de leurs citoyens actifs. Cependant il a paru qu’à défaut d’une propriété immobilière, la simple condition d’une contribution 11e pouvait pas être suffisante, et que dans les colonies où beaucoup de gens ri’habitent que momentanément et sans aucun projet de s’y fixer, le domicile de deux aus était indispensable pour attribuer la qualité de citoyen actif au contribuable non propriétaire. Cette disposition est une de celles qui contribueront à garantir les campagnes de l’influence prédominante des villes. La proportion du nombre des députés à celui des citoyens actifs ne peut-être la même pour toutes les colonies. Les différences de leur population sont trop considérables, et quoique les colonies les plus peuplées doivent avoir des assemblées coloniales plus nombreuses, il est impossible d’établir cette proportion d’après celle du nombre de leurs citoyens. Le nombre des députés à chaque assemblée coloniale doit être assez grand pour autoriser la confiance de la colonie etcefle de la métropole ; il doitêtreassez borné pour que les déplacementsne deviennent pas une charge pénible pour les habitants, et pour que la célérité des opérations que toutes les circonstances rendent si désirable, n’en soit pas nécessairement arrêtée. L’Assemblée nationale a pensé que l’assemblée coloniale de Saint-Domingue, à laquelle sont jointes les petites îles inhabitées delaTortue,laGonave et I ’île à Vachi s, de vait être d’en viron cent cinquante députés. Elle a cru qu’on obtiendrait ce résultat en nommant un député, à raison de cent citoyens actifs, avec les modifications suivantes : La députation devant se faire dans chaque paroisse isolée et séparée, la justice exige que la moindre paroisse ne demeure pas sans représentation, et qu’en conséquence elle nomme un député, quand même le nombre de ses citoyens serait très inférieur à cent. Quant aux paroisses qui auraient plus de cent citoyens, il a paru juste que le nombrequi pourra se trouver par delà les centaines complètes, obtienne un député quand il sera de cinquante au moins, puisque étant également près du nombre où le député serait entièrement dû, et de celui où il n’y aurait rien à prétendre, la faveur de la représentation due aux campagnes doit déterminer à l’accorder. 11 est évident que ces d'*ux dernières dispositions, comme celles qui sont relatives à la qualité de citoyen actif, sont toutes en faveur des campagnes, et tendent, à rétablir en leur faveur la juste proportion d’influence qu’elles doivent avoir avec les villes. Ges formes de représentation étant convenues, l’Assemblée nationale doit indiquer la marche qui sera suivie, pour les mettre à exécution. La plus prompte et la plus simple a paru la meilleure. La transcription, la publication et l’autorité des tribunaux sonten général des moyens peu convenables à l’établissement des Assemblées représentatives. Ils convenaient moins encore dans Jes circonstances actuelles. Il a paru à l’Assemblée nationale que la diligence du gouverneur de chaque colonie, garantie par la surveillance des citoyens, et par sa responsabilité, devait suffire pour faire parvenir, proclamer et afficher dans toutes les paroisses ses décrets et ses instructions. Cette forme étant remp ie, les décrets et les instructions étant authentiquement connus, le zèle et l’intelligence des citoyens suffisent à leur exécution. D’eux-mêmes ils se formeront en assemblées paroissiales; ils vérifieront quels sont ceux qui remplissent les conditions requises pour y voter; ils en calculeront le nombre pour connaître celui des députés qu’ils doivent envoyer à l’assemblée coloniale; ils éliront enfin ces députés, qui se rendront immédiatement dans la ville centrale, indi- 314 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (23 mars 1790.1 quée par cette instruction et qui, de concert, y fermeront l’assemblée coloniale, ou la transféreront dans tel lieu qui leur paraîtra mieux convenir. Les seules difficultés qui pourraient naître seraient relatives aux assemblées coloniales déjà formées et existantes dans quelques colonies. Si ces assemblées, après avoir connu les décrets et l’instruction de l’Assemblée nationale, jugent elles-mêmes que la formation d’une nouvelle assemblée, conformément à cette instruction, est plus avantageuse à la colonie que leur propre continuation, il est hors rie douîe que leur déclaration sera parfaitement suffi-ante, et qu’on devra procéder sur-le-champ à de nouvelles élections. Mais si elles n’énoncent point cette opinion, il reste à connaître, à leur égard, des dispositions des habitants. L’Assemblée nationale a annoncé que ces assemblées pourraient remplir les fonctions indiquées par son décret du 8 mars, lorsqu’elles auraient été librement élues, et qu’elles seraient avouées par les citoyens. Loin d’avoir, par cette disposition, interdit aux habitants des colonies la faculté d’opter entre ces assemblées existantes et celles qui pourraient être formées, d’après la présente convocation, elle l’a, au contraire, implicitement énoncée. Mais quand elle ne leur aurait pas reconnu ce droit* ils le tiendraient de la nature, et rien ne pourrait obliger ni la métropole, ni la colonie à traiter ensemble, par l’entremise d’une assemblée que ceux mêmes qui l’auraient élue ne reconnaîtraient pas. Il s’agit donc de tracer une forme suivant laquelle cetté option puisse s’effectuer promptement et paisiblement. On ne saurait y parvenir que par la délibération des paroisses. Il faudra donc que chacune s’explique, et cet objet du dél bération doit être le premier travail des assemblé s parois-iaies. Dans l’espace de quinze jours après ta proclamation et l’affiche, elles seront tenues d’énoncer leur vœu, et elles le feront parvenir immédiatement au gouverneur de la colonie et à l’assemblée coloniale. Chacune d’elles comptera pour autant de suffrages, qu’en suivant la forme de celte instruction, elle devrait avoir de députés à l’assemblée coloniale. Celles qui auront opté pour la formation d’une nouvelle assemblée, ne nommeront point leurs députés avant que le vœu de la majorité ail été reconnu conforme à leur opinion, car une élection anticipée ne serait propre qu’à exciter des troubles et des contestations. Tandis que le vœu de la colonie ne sera point encore connu, l’assemblée coloniale existante pourra commencer à s’occuper des travaux indiqués par ie décret de l'Assemblée nationale; mais il est évident que le droit de mettre àexécutioii et de modifier provisoirement les décrets de l’Assemblée nationale sur les municipalités et les assemblées administratives, ne saurait lui appartenir avant que le vœu des paroisses ait confirmé ses pouvoirs et son existence. Après le terme écoulé, où toutes les assemb'ées paroissiales auront dû s’expliquer à cet égard, le gouvernement notifiera , ue la manière la plus publique, ie résultat des délibérai ions qui lui seront parvenues, et en donnera àcnaque paroisse une connaissance particulière et authentique. Si la moitié plus un des suffrages des paroisses qui auront délibéré, demande la formation d’une nouvelle assemblée, il s’ensuivra clairement que rassemblée existante n’est nas avouée et autorisée par la colonie, ses pouvoirs cesseront : il sera procédé immédiatement à la formation d’une nouvelle assemb'é q suivant les formes indiquées dans cette instruction, et en conséquence toutes fis assemblées parois-iaies procéderont comme elles l’eussent fait, si, lors delà première proclamation, il n’eût point existé d’assemblée coloniale dans la colonie. Si, au contraire, la moitié, au moins, des suffrages des paroisses délibérantes a voté pour la continuation de l’assemblée coloniale, elle sera conservée, et elle exercera dans leur plénitude les fonctions et les pouvoirs attribués par le décret de l’Assemblée nationale. Ainsi, les moments n’auront point été inutilement consommés, la forme admise librement par les hubitanis pour la formation de leur assemblée n’aura point été contrariée ; mais les pouvoirs auront été retirés ou confirmés, au moment où de nouvelles fonctionsetdenouvellescirConstancesne permettent plus de fonder sur ceux qu’elle avait reçus précédemment, l’adhésion de la colonie et la confiance de la métropole. Aucun doute, aucun désordre, aucun retard dangereux ne pourra résulter de l’observation de ces formes, si les colons sont pénéïrésderidée que leurs intérêts les plus chers et les devoirs les plus sacrés du citoyen les obligent à se soumettre sans murmure au vœu de la majorité, s’ils sentent que la promptitude, et la conciliation dans l’exécution des mesures qui leur sont indiquées, peuvent seules les faire sortir heureusement de l’état de crise où les circonstances les ont placés, qu’il s’agit pour eux de s’assurer promptement, par une bonne constitution, et les espérances qu’ils ont conçues et les avantages qui leur sont offerts, et que loin de les conduire à ce but, le prolonge-mentde la fermentation lesenvironneraitbientôt de dangers si pressants et si terribles, quetous lesse-eours qui Inr seraient portés n’arriveraient jamais assez tôt pour les garantir. L’Assemblée nationale, après avoir indiqué les moyens de former les assemblées qui lui présenteront le vœu des colonies, est également obligée de fixer quelques bases à leurs pians de constitution, pour s’assurer, aulant qu’il est possible, que tous ceux qui lui seront offerts seront susceptibles d’être accueillis. Mais elle a voulu réduire ses conditions aux termes les plus simples, aux maximes les plus incontestables; et au delà de ce qui constitue les rapports fondamentaux des colonies à la métropole, elle n’a voulu rien ajouter qui pût imposer quelque limite à la liberté des assemblées coloniales. Les assemblées coloniales, occupées du travail de la constitution, apercevront la distinction des fonctions législatives, exécutives, judiciaires, administratives; elles examineruntcommentil convient de les organiser dans la constitution de la colonie; les formes, suivant lesquelles les pouvoirs législatif et exécutif doivent y être exercés ; le nombre, la composition, la hiérarchie des tribunaux; en quelle main doit être confiée l’administration; le nombre, la formation, la subordination des différentes assemblées qui doivent y concourir; les qualités qui pourront être exigées pour être ciloven actif, pour exercer les divers emplois; eu un mot tout ce qui peut entrer dans la composition du gouvernement le plus propre à assurer le bonheur et la tranquillité des co� lonies. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mars 1790.] La nature de leurs intérêts qui ne sauraient 'anaaîs entièrement se confondre avec ceux de a métropole, les notions locales et particulières que nécessite la préparation de leurs lois; enfin la distance des lieux et le temps nécessaire pour les parcourir, établissent de grandes différences de situation entre elles et les provinces françaises, et nécessitent par conséquent des différences dans leur constitution. Mais, en s’occupant à les rechercher, il ne faut jamais perdre de vue qu’elles forment cependant une parue de l'empire français, et que la protection qui leur est due par toutes tes forces nationales ; que les engagements qui doivent exister entre elles et le commerce français ; en un mot, que tous les liens d’utilité réciproque, qui lés attachent à la métropole, n’auraient aucune espèce de solidité, sans l’existence des liens politiques qui leur servent de base. De ces différentes vues, il résulte, quant au pouvoir législatif: Que les lois de-tinées à régir intérieurement les colonies, indépendamment dès relations qui existent entre elles et la métropole, peuvent et doivent sans difficulté, se préparer dans leur sein ; Que ces même lois, lorsqu’elles sont pressantes, peuvent être provisoirement exécutées, avec la sanction du gouvernement ; Mais que le droit de les approuver définitivement doit être réservé à la législature française et au roi. À la législature, parce qu’elle est revêtue de la uissance nationale, et parce qu'il seraitimpossi-le d’assurer sans sa participation; que les lois préparées da ns la colonie, ne porterai* nt aucune atteioteaux engagements contractés avec la métropole. Au roi, parce que la sanction et toutes les fonctions de la royauté lui sont attribuées sur les colonies, comme sur toutes les parties de l’empire français. Il résulte également que les lois à porter sur les relations entre les colonies et la métropole, soit qu’< lies aient été demandées par les assemblées coloniales, soit qu’elles aient été préparées dans l'Assemblée nationale, doivent recevoir decelle-ci leur existence et leur autorité, et ne peuvent s’exécuter, même provisoirement, qu’après avoir été décrétées par elle. Maxime de législation qui n’a point de rapport aux exceptions momentanées, que peuvent exiger des besoins pressants et impérieux, relativement à l’introduction des subsistances. Il résulte de ces même vues, quant au pouvoir exécutif : Qu’il peut être nécessaire dans certains cas, que les fonctions attribuées au roi, dans toutes les parties de l’empire français, soient provisoirement exercées, dans les colonies , par un gouverneur qui le représente. Qu’en conséquence, le choix et l’installation des officiers qui sont à sa nomination, l’approbation né -essaima l’exécution d>'S décrets ch s assemblées administratives et les autres actes qui exigent célébrité, peuvent être provisoirement attribués à ce gouverneur, sous la réserve positive de l’approbation du roi. Mais nue, dans les colonies, comme eu France, le roi e>'t le chef unique et suprême du pouvoir executif; que tous les officiers de justice, l’a-uni-nistration, les forces militaires doivent le reconnaître pour leur chef, et que tous les pouvoirs attribués à la royauté, dans la constitution française, ne peuvent être exercés provisoirement que 315 par ceux qui en ont été chargés définitivement par lui. Les principes étant reconnus, toutes les vues qui peuvent concourir à la prospérité des colonies, peuvent être prises en considération par les assemblées coloniales. La nation française ne veut exercer sur elles d’autre influence que celle des lirnis établis et cimentés pour Futilité commune ; elle n’est point jalouse d’établir ou de conserver des moyens d’oppression. Et quelles sources de prospérité n’offrironl pas au patriotisme des assemblées coloniales, les diver-es parties du travail qui leur est confié. L’etablissement d’un ordre judiciaire simple assurant aux citoyens une justice impartiale et prompte, une administration remise entre les mains de ceux qui y sont intéressés, un mode d’un positions appropriéà leurs convenances, dont les formes ne pourront être changées, dont la quotité ne sera réglée que par le vœu même des assemblées coloniales. La France, à qui ses lois de commerce avec les colonies doivent assurer avec avantage le dédommagement des frais qu’elle est obligée de soutenir pour les protéger, ne cherche point dans leur possession une ressource fiscale. Leurs impositions particulières se borneront aux frais de leur propre gouvernement ; elles-mêmes en proposeront l’établissement et la mesure. La France ne cherche point dans ses colonies un moyen d’assouvir l’avidité, de flatter la tyrannie de quelques hommes préposés à leur administration ; les intérêts des citoyens doivent être gérés par eux-mêmes, et l’administration ne peut être confiée qu’à ceux qu’ils ont librement élus. Les frais d’une justice compliquée, les longueurs et les artifices de la chicane, les déplacements occasionnés par le ressort trop étendu de certains tribunaux, ne peuvent convenir à des hommes incessamment occupés d’une culture avantageuse et du commerce de ses productions ; il faut donc aux colonies, plus rigoureusement encure qu’à la métropole, une jœtiee prompte, rapprochée et dépouillée de tous les moyens de despotisme et d’oppression. Il n’est aucune de ces vues que l’Assemblée nationale n’adopte avec satisfaction, lorsqu’elles lui seront proposées par les assemblées coloniales; mais après avoir considéré ce qui convient au bonheur intérieur des colonies, il reste à jeter un regard sur leurs intérêts extérieurs. L’Assemblée nationale exerce envers chacune des parties de l’empire français les droits qui appartiennent au corps social sur tous les membres qui le composent; chacun trouve en elle la garantie de ses intérêts et de sa liberté; chacun est soumis par elle à l’exercice de la volonté d tous. Dépositaire de la plus légitime et de la plus imposante des autorités, la nation qui l’a chargée de la conservation de ses droits, a mis à sa disposition toutes les forces nécessaires pour les garantir. C’est donc pour elle un devoir rigide, une obligation sacrée de les maintenir sans altération ; mais plus ces droits sont incontestables, plus la nation, qui. les a confiés, a de moyens pour les soutenir, et moins U convient à l’Assemblée qui la représente, d’appeler à leur secours les armes de ta faiblesse et de la tyrannie. Une circonspection timide, une vaine dissimulation ravaleraient leur caractère au niveau des pouvoirs usurpés ou chancelants; elle peut donc, elle doit donc, en traitant avec les enfants de la 316 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [83 mars 4790.1 patrie, oublier un moment, et mettre de côté tous les droits et tous les pouvoirs qu’elle est chargée d’exercer sur eux, examiner et discuter leurs intérêts avec franchise, les attacher à leurs devoirs par le sentiment de son propre bien, et prêter à la majesté de la nation qu’elle représente, le seul langage qui puisse lui convenir, celui de la raison et de la vérité. En admettant les vues qui ont été exposées sur leur régime intérieur, les colonies sont tranquilles, bien administrées, échappées à l’oppression. Il leur reste encore un besoin. Elles offrent à tous les peuples, par leurs richesses, l’objet d’une active ambition, n’ont point la population et ne peuvent se procurer les forces maritimes et militaires qu’il est nécessaire de leur opposer. Il faut donc qu’unies, identifiées avec une grande puissance, elles trouvent, dans la disposition de ses forces, la garantie des biens qui leur seront acquis par une bonne constitution, par de bonnes lois intérieures. 11 faut que cette puissance, intéressée à leur conservation par les avantages qu’elle recueillera de ses transactions avec elles, se fasse un devoir envers elles de la plus constante équité, qu’elle présente toujours une masse de forces suffisantes à leur protection, et que, par son industrie, par ses productions, par ses capitaux, elle ait en elie tous les moyens qui doivent préparer les rapports de commerce les plus avantageux. Voilà ce qui, pour les colonies, forme le complément nécessaire de leur existence politique en leur assurant la conservation de tous les biens intérieurs; voilà ce que doivent leur avoir dit tous ceux qui leur ont inspiré le désir d’une bonne eonsiitutiou. S il était des hommes assez insensés pour oser les inviter à une existence politique ir-olée, à une indépendance absolue, on leur demanderait, en laissant de côté la foi, les engagements et tout ce que les grandes nations peuvent, employer pour Ips faire valoir; on leur demanderait quel est donc le secret de leurs espérances? oùsontleurs forces pour les protéger? Enlèveront-ils les hommes à la culture pour en faire des matelots ou des soldats? Les opposeront-ils avec quelque espoir aux premières puissances du monde?... Mais, diront-ils, nous nous procurerons des alliances et des garanties ; et les croyez-vous donc désintéressées? quand elles pourraient l’être un jour, pensez-vous qu’elles le fussent longtemps ? ne voyez-vous pas que toute protection serait pour vous le commencement d’un nouveau gouvernement arbitaiie? [Nous, a qui tantde devoirs, à qui tant de chaînes voas lient, ne pourrions-nous pas vous dire, eu oubliant tout, excepté vos intérêts, voilà nos principes, voilà nos lois; choisissez d’etre les citoyens libres d’une nation libre ou de devenir bû niôt les esclaves de ceux qui s’offriraient aujourd’hui [tour nos alliés ! El quand ils se flatteraient qu’une domination, établie sur de tels fondements, pût conserver pendant quelque temps une apparence de justice; on leur demanderait encore quelle est celte nation qui pourrait promettre à nos colonies, plus de loyauté, plus de fraternité que nous n’en prouvons aujourd’hui ? Quelle est cette nation qui pourrait déployer pour leur protection des forces plus imposantes et plus solidement fondées que celles dont nous disposerons après la crise qui régénère? Quelle est cette nation à qui la nature a donné plus de moyens pour commercer avec elles? qui peut produire et préparer dans son sein plus de matières propres à leur consommation ? qui peut faire un plus grand usage des leurs? qui possède enfin plus que nous tout ce qui peut conduire au point où les échanges sont des deux parts les plus avantageux possibles. Elles n’ont pas, il est vrai, jusqu’à ce jour, recueilli, dans toute leur étendue, les fruits que ces diverses considérations doivent leur faire attendre; mais où les causes en étaieot-elles, si ce n’est dans les abus que nous avons détruits? Le régime de leur gouvernement était oppressif ? La réponse est dans notre révolution, la réponse est dans les décrets et les instructions que nous envoyons dans les colonies. Nos forces navales n’ont jamais atteint le degré de prépondérance que leur assignait l’étendue de nos moyens et notre position géographique. Eh ! qu’avaient de plus que nous ceux qui, avec moins d’hommes et moins de richesses, se sont maintenus au premier rang des puissances maritimes? Ils avaient une constitution, ils étaient libres. Enfin la situation de notre commerce ne présentait pas toute la supériorité d'avantages que lui garantit i’eusemble de nos ressources, aussitôt qu’elles seront développées. Mais ignore-t-on que, jusqu’à cejour, le génie seul de la nation française a lutté contre toutes les institutions, toutes les entraves, tous les préjugés? Ignore-t-on qu’une opinion inconcevable plaçait presque toutes les possessions au-dessus du commerce, de l’agriculture et de l’industrie productives, et détruisait ainsi chez une nation, amoureuse de la considération et de la gloire, ce germe qui donne naissance à tous les genres de perfection ? Ignore-t-on que, jusqu’à ce jour, parmi nous, on se livrait au commerce dans l’espoir de s'enrichir promptement, et qu’on le quittait aussitôt qu’on avait acquis assez de fortune pour le suivre d’une manière grande, également avantageuse à soi et à ceux avec qui l’on négocie? Ignore-t-on que les capitaux, qui auraient dû faire fleurir toutes les industries utiles, étaient absorbés par un gouvernement emprunteur, et par le tourbillon d’agioteurs dont il était environné? Ignore-t-on que les profits qu’il était obligé d’offrir en retour de la plus juste méfiance, et ceux de l’infâme trafic qui s’alimentait rie ses profusions, soutenaient, en France, l’intérêt de l’argent à un prix qui suffisait seul pour retenir dans la médiocrité toutes les branches de notre industrie et pour changer toutes les proportions de notre concours avec les autres peuples? Voilà les abus que nous u’avonscessé d’attaquer, que nous sommes occupés chaque jour à détruire. Chaque jour nous approche du terme où, dégagés des entraves qui, jusqu’ici, ont contraint toutes nos facultés, nous prendrons enfin parmi les nations la place qui nous fut assignée. Alors notre liberté, notre puissance, notre fortune seront le patrimoine de tons ceux qui auront partagé notre destinée; alors, notre prospérité se répandra sur tous ceux qui contracteront avec nous. L’Assemblée nationale ne connaît point le langage et les détours d’une politique artificieuse ; elle ignore, elle méprise surtout les moyens de captiver les peuples autrement que par la justice. Attachement réciproque, avantages communs, inaltérable fidélité : voilà, peuple des colonies, ce qu’elle vous promet et ce qu’elle vous demande. La nation française éprouve depuis longtemps ce qu’on (Assemblé* nationale. ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 mars 1790.) 31 7 peut attendre de vous : nous ne vous en demandons point d’autres sentiments ; nous comptons sur eux avec certitude, et nous voulons qu’ils soient chaque jour mieux mérités et plus justifiés de notre part; nous vous recommandons en ce moment une tranquillité profonde, une grande union entre vous, une grande célérité dans les travaux qui doivent préparer votre nouvelle existence. Ces conseils sont essentiels à votre bonheur; ils le sont à votre sûreté. Ne donnez point, autour de vous, l’exemple d’une division, d’une fermentation contagieuse. Vous avez, plus que d’autres, besoin de paix, et vous n’avez plus besoin de vous agiter pour conquérir ce que l’Assemblée nationale a résolu de vous proposer dès le premier moment où vous avez été l’objet de ses délibérations. Elle va rapprocher dans une suite d’articles précis, les dispositions essentielles de l’instruction qu’elle vous envoie. Article premier. I8 Le décret de l’Assemblée nationale sur les colonies, du 8 de ce mois, et la présente instruction ayant été envoyés de la part du roi au gouverneur de la colonie de Saint-Domingue, ce gouverneur sera tenu, aussitôt après leur réception, de les communiquer à rassemblée coloniale, s’il en existe une déjà formée ; de les notifier également aux a:-semblées provinciales, et d’endonner la connaissance légale et authentique aux habitants de la colonie, en les faisant proclamer et afficher dans toutes les paroisses. 2° S’il existe une assemblée coloniale, elle pourra, en tout état, déclarer qu’elle juge la for-maiiou d’une nouvelle assemblée coloniale plus avantageuse à la colonie que la continuation de sa propre activité, et, dans ce cas, il sera procédé immédiatement aux nouvelles élections. 3° Si au contraire elle juge sa continuation plus avantageuse à la colonie, elle pourra commencer à travailler suivant les indications de l’Assemblée nationale; mais sans pouvoir user de la faculté accordée aux assemblées coloniales, de mettre à exécution certains décrets, jusqu’à ce que l’intention de la colonie, relativement à sa continuation, ait été constatée par les formes qui seront indiquées ci-après. 4° Immédiatement après la proclamation, et l’affiche du décret et de l’instruction dans chaque paroisse, toutes les personnes âgées de 2 a ans accomplis, propriétaires d’immeubles, ou, à défaut d’uue telle propriété, domiciliés dans la paroisse depuis 2 ans et payant une contribution, se réuniront pour former rassemblée paroissiale. 5° L’assemblée paroissiale, étant formée, commencera par prendre une parfaite connaissance du décret de l’Assemblée nationale,' du 8 de ce mois, et de la présente instruction pour procéder à leur exécution, ainsi qu’il suit : 6° S’il n’existe point dans la colonie d’assemblée coloniale précédemment élue, ou si celle qui existait a déclaré qu’elle juge plus avantageux d’en former une nouvelle, l’assemblée paroissiale procédera immédiatement à l’élection de ses députés à l’assemblée coloniale. lù A cet effet, il sera fait un état et dénombrement de toutes les personnes de la paroisse, absentes ou présentes, ayant les qualités exprimées à l’article 4 de la présente instruction, pour déterminer, d’après leur nombre, celui des députés qui doivent être envoyés à l’assemblée coloniale. 8° Ce dénombrement fait, le nombre des députés à nommer sera déterminé, à raison d’un pour cent citoyens, en observant ; 1° que la dernière centaine Sera eenst e complète par le nombre de cinquante citoyens, de sorte que, pour cent cinquante eboyens, il sera nommé deux députés; pour deux cent cinquante citoyens, trois députes et ainsi de suite ; 2° qu’on n aura aucun égard dans les paroisses où il y aura plus de cent citoyens, au nombre fractionnaire, lorsqu’il sera au-dessous de cinquante, de sorte que pour cent quarante-neuf citoyens, il ne sera nommé qu’un député, et ainsi de suite; 3° enfiii que les paroisses où il se trouvera moi us de cent citoyens, nommeront toujours un député, quelque faible que puisse être le nombre des citoyens qui s’y trouveront. 9° Après avoir déterminé le nombre des députés qu’elles ont à nommer, les assemblées provinciales procéderont à celte élection, dans la forme qui leur paraîtra la plus convenable. 10° Les assemblées paroissiales seront libres de donner des instructions à leurs députés, mais elles ue pourront les charger d’aucuns mandats tendant à gêner leur opinion dans l’assemblée coloniale, et moins encore y insérer des clauses ayant pour objet deles soustraire à l’empire de la majorité ; si une paroisse donnait de tels maadats, ils seraient réputés nuis, et i’assemnlée cmoniale pourrait n’y avoir aucun égard, mais l’élection des députés n’en serait pas invalidée. 11° Les députés élus par l’assemblée paroissiale se rendront immédiatement dans la ville de Léogane et y détermineront le lieu où doit siéger rassemblée coloniale. 12° Si, au moment où l’assemblée paroissiale s’est formée, il existait dans la colonie une assemblée coloniale précédemment élue et si cette assemblée n’a point déclaré qu’elle juge avantageux à la colonie de la remplacer par une nouvelle, l’assemblée paroissiale commencera par examiner elle-même cette question ; elle pèsera toutes les raisons qui peuvent décider ou à autoriser l’assemblée coloniale existante à remplir les fonctions indiquées par le décret de l’Assemblée nationale, ou à mettre à sa place une nouvelle assemblée élue, conformément à la présente instruction. 13° L’assemblée paroissiale sera tenue de faire son option dans l’espace de quinze jours, à compter de celui où la proclamation aura été faite et d’en donner immédiatement connaissance au gouverneur de la colonie et à l’assemblée coloniale. Son vœu sera compté pour auiaut de voix qu'ede eût dû envoyer dedép tés a l’assemblée coloniale, en se conformant à cette instruction. 14° Lorsque le terme dans lequel toutes les paroisses auront dû s’expliquer sera écoulé, le gouverneur de la colonie vérifiera le nombre des paroisses qui ont opté pour la formation d’uue nouvelle assemblée; il en rendra le résultat public par l’impression, avec le nom de toutes les paroisses qui ont délibéré, l’expression du vœu que chacune a porté et le nombre de voix qu’elle doit avoir, à raison du nombre de ses citoyens actifs; il notifiera d’une manière particulière ce même résultat à toutes les paroisses de la colonie. 15° Si le désir de former une nouvelle assemblée n’a pas été exprimé par la majorité des voix dos paroisses, l’assemblée coloniale déjà élue continuera d’exister, et sera chargée de toutes les fonctions indiquées par le décret de l’Assemblée nationale, et, en conséquence, il ue sera point procédé dans les paroisses à de nouvelles élections; si, au contraire, le désir de former une nouvelle assemblée est exprimé par la majorité des voix