278 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Convention, conservant son attitude fière, tranquille au milieu du péril le plus imminent pour ses jours, ne s’occuper que des malheurs où la patrie alloit être plongée, et délibérer avec majesté pour la sauver. Si ce moment a été terrible et menaçant pour la liberté, qu’il est glorieux pour vous, illustres représentants, d’en avoir affermi les fondemens une seconde fois au péril de votre vie. L’énergie que vous avez montrée en ce moment d’orage, le courage avec lequel vous vous êtes précipités au devant des poignards assassins tiennent du prodige, et nous ne voyons point dans les annales romaines aucun homme, aucun fait qui puissent vous être comparés; et d’après cet événement, nous devons être tranquilles sur le sort de la République et de la liberté. Continuez donc, citoyens représentans, de déjouer ainsi les projets des traîtres, et comptez sur un peuple qui sera toujours prêt à vous faire une égide de son corps, qui ne sera jamais parjure au serment qu’il a fait de vivre libre ou mourir, serment que la société a répété avec enthousiasme aux cris de : Vive la République ! Vive la Convention, et périssent ses ennemis ! (1). b [La sté popul. de Ceyzériat (2), à la Conv.; Bourg, 26 therm. II] (3) Toute la société de Ceyzériat, venue en masse pour dénoncer au représentant Boisset les actes arbitraires, vexatoires et tyranniques commis dans les deux communes du canton par les intriguants de Bourg, et notamment par Rollet, dit Marat, ayant entendu lecture de l’adresse des citoyens de la commune de Bourg, et reconnoissant que ce sont leurs mêmes vœux qu’ils ont à émettre à la Convention nationale, ont demandés à être admis à la signer, ce qui leur a été accordé; et comme le moment du courier est prêt, l’assemblée a unaniment (sic) arrêté que la présente adresse seroit signée au nom de la société par les membres du bureau pour ne pas retarder l’envoy. Bourguignon ( présid .), Mercier ( vice-présid .), Dussus ( secrét .), Pouilliaud ( secrét .). c [La société populaire de Castillonnès, département de Lot-et-Garonne, après avoir applaudi à l’énergie de la Convention, s’exprime ainsi : Eh quoi ! Celui qui parloit tant de la divinité n’y croyoit donc pas ? Celui dont toutes les paroles étoient des hommages à la République, avoit une âme de boue et le cœur d’un tyran ! Celui qui se disoit le fléau des traîtres, des conspirateurs, a été un traître, un conspirateur lui-même. Ah ! l’insensé, ne connoissoit-il pas assez le peuple françois pour savoir que chaque (1) B", 2 fruct.; C. Eg., n° 732; M.U., XLIII, 59. (2) Ain. (3) C 319, pl. 1300, p. 5. Mentionné par B‘n, 3 fruct. (suppl 4). Cette adresse n’est qu’un appendice de celle de la sté popul. de Bourg (ci-dessous, f). citoyen, nouveau Brutus, plongeroit le poignard dans son sein dès que ses projets tyrannicides seraient dévoilés ? Il est temps que le peuple françois ne soit plus idolâtre des individus; il ne doit l’être que de la justice, de la République, de la vertu. Il est temps qu’il s’élève à cette hauteur qui ne permet de voir que la patrie et qui confond comme un néant les hommes et leurs passions, les factions et leurs chefs. Les sections de Paris qui vous ont si bien secondés à renverser la tyrannie et le tyran, sont dignes de notre amitié] (1). d [La municipalité de la comm. de Meilhan (2), à la Conv.; Meilhan, 19 therm. II] (3) Représentants du peuple français, La République est votre ouvrage, vous la voulés une et indivisible, nous la voulons aussi. Ce n’était pas assés pour la maintenir d’avoir coupé jusqu’à la racine des tirans, il vous a fallu détruire une autre espèce de tirannie très dangereuse encore dès que ses ramifications s’étendaient dans presque toutes les parties de la République (le fédéralisme), que des factieux placés au milieu de vous et déguisés sous le masque du patriotisme, avoient fromenté par leurs écrits liberticides. Ils ne sont plus, ces ambitieux, d’autant plus coupables qu’ils abusaient de la confience publique pour faire triompher leurs projets orgueilleux; vous croyiés n’avoir plus d’ennemis intérieurs à combatre, et nos armées, victorieuses dans tous les points, nous assuraient la ruine entière des despotes coalisés contre nous, et notre liberté devoit être assise sur des bases innébranlables. Mais Danton et ses complices vous préparaient de nouvelles preuves (sic) de courage et d’amour pour la liberté, qui a triomphé de leurs odieuses manœuvres. Un autre monstre, que vous nourrisiés parmi vous, un tiran de tous les genres, sappait encore en secret cette république naissante et cherchait à s’élever sur ses ruines. Ses dignes représentants étaient sa première victime. Vous avés connu ses forfaits, vous avés été fermes à votre poste, vous n’avés par souffert que la révolution fît un pas rétrograde, vous n’avés pas voulu de nouveau tiran, après avoir sacrifié tous vos travaux à détruire la tirannie; et ce monstre (Robespierre) et son infâme cohorte ont été renversés par la Convention toujours unie, qui a promis de mourir plutôt que de laisser porter atteinte à la liberté, l’égalité, à la République une et indivisible. Continués, pères du peuple, achevés votre ouvrage, soutenés votre triomphe qui a porté la joye dans nos âmes. Comptez-nous, ainsi que nos commettants, qui ont résisté aux amorces séduisantes du fédéralisme et auxquels aucun (1) Bin, 2 fruct.; Ann. patr., n° DXCVII; M.U., XLIII, 57. (2) District de Marmande, Lot-et-Garonne. (3) C 319, pl. 1300, p. 3. Mentionné par B‘n, 3 fruct. (suppl4). SÉANCE DU 2 FRUCTIDOR AN II (19 AOÛT 1794) - N° 1 279 sacrifice ne coûte pour le salut de la patrie, comptés-nous au nombre de ceux qui ne connoissent que la Convention nationale et ses sages décrets; montrés toujours cette énergie qui vous caractérise, vous déjouerés tous les complots de l’ambition, et vous acquerés de plus en plus des droits à la reconnaissance publique; nous nous presserons autour de vous, la Convention nationale sera notre point de réunion, et la République sera impérisable, comme le nom de ses fondateurs et de ses zélés def-fenseurs qui passeront d’âge en âge jusqu’à la postérité. Goyneau (maire), Regnartigues ( agent nat.), Dubois ( secrét.-adjoint ), Rey ( secrét.-greffier ) et 7 signatures d’officiers municipaux. e [Les c™ de la comm. de Bourg (1), à la Conv.; s.d.] (2) Citoyens représentants, La journée du 10 août 1792 avait ouvert le tombeau du tyrant et frappé du glaive vengeur les esclaves sanguinaires qui osaient se promettre l’anéantissement de la liberté. L’anniversaire de ce jour à jamais mémorable, célébré dans cette commune le 23 thermidor, a été pour tous les citoyens qui la composent un jour de résurection et de vie : ensevelis depuis longtemps par la terreur et par l’intrigue dans un sommeil qui ressemblait à la mort et qui était plus cruel, nous ne respirions pas, nous soupirions à peine. Mais enfin l’espoir et la confiance ont fait place à la consternation (sic). La pensée si douce que ce n’est pas en vain que vous avez mis à l’ordre du jour la justice et la probité, que vous avez renversé le trône des Catilinas modernes, que vous avez une horreur presque égale de l’arristocratie, de l’intrigue et du modérantisme; convaincus par la lecture de vos décrets que le siècle des Robespierre est passé, que nous allons vivre sous celui des lois, éclairés par les lumières de l’homme juste, du représentant vertueux que vous nous avez envoyé dans la personne du citoyen Boisset; instruits par ses leçons, encouragés par ses exemples, protégés dans notre innocence, par l’incorruptibilité de ses principes, oubliant ainsi et déjà les maux sous lesquels nous gémissions et aurions infailliblement succombé si votre main paternelle n’était venue à notre secours; fortifiés enfin par tant de biensfaits, le sentiment d’une joye pure et républicaine a électrisé tous les cœurs et réuni tous les citoyens dans une commune allégresse. Dans ces dispositions qui sont votre ouvrage, citoyens représentans, la fête ne pouvait qu’être interressante et elle l’a été en effet. Elle a commencé par le rassemblement au champ de Mars de la garde nationale, à laquelle se sont réunis nos frères d’armes des différentes communes du district. Sur les 10 heures du (1) Ain. (2) C 319, pl. 1300, p. 5. Mentionné par Bm, 3 fruct. (suppl l). matin, cette troupe citoyenne s’est rendue, précédée de la musique, vers l’autel de la patrie : un peuple immense y était rassemblé et attendait avec impatience le moment d’y renouveller ses serments en présence du représentant du peuple Boisset et des autorités constituées. Dès que le représentant a paru, tout le peuple, dans les transports de sa joye, l’a accueilli avec les plus vives acclamations. Un membre de l’administration du district a porté la parole aux citoyens et leur a annoncé le sujet de la fête civique; il a ensuite prononcé aux quatre faces de l’autel de la patrie la formule du serment, et, d’une voix unanime, les chapeaux élevés sur les piques et les bayonnettes, avec un enthousiasme inexprimable, on a proféré ces mots : je le jure. On s’est rendu de là au temple, après la lecture du bulletin de la Convention et de discours analogues à la fête du jour, où l’on a remarqué que les orateurs avaient parlé des maux couvés par l’intrigue et de la nécessité d’y remédier. Le représentant du peuple a pris la parole et a dit, dans un discours énergique qu’il a adressé aux citoyens, qu’il venait leur apporter le bonheur, que c’était là le vœu de la Convention, qu’il en était expressément chargé par elle; que, par ce qu’il avait vu depuis son arrivée à Bourg, il jugeait qu’il lui serait facile de ramener la paix, l’union et la tranquillité parmi les citoyens. Il a ajouté que le peuple n’était pas susceptible d’intrigue, qu’il serait injuste de l’en accuser, qu’il ne tenait ses pouvoirs que du peuple et qu’il ferait tout pour le peuple. Après ce discours, souvent interrompu par de vifs applaudissements, des acclamations de joye et d’allégresse se sont succédées rapidement et se sont fait entendre de toutes parts. La musique a joué de suite l’air Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille. Tous les citoyens gémissant depuis plus de 6 mois sous l’oppression la plus affreuse se sont alors livrés aux épanchemens des sentimens les plus délicieux; des hymnes patriotiques ont été chantés, un orchestre composé de jeunes amateurs accompagnait ces chants, l’expression touchante de l’union et de la fraternité se peignaient dans tous les regards. Le représentant du peuple a pris une seconde fois la parole et a annoncé que ce jour devait donner un nouvel essort à la liberté; il a invité les citoyens à se réunir à la promenade du Mail pour y former des danses et se livrer à la joye. Un concours nombreux de citoyens et de citoyennes de tous âges, de jeunes filles habillés de blanc et parrés de rubans tricolores, nos frères d’armes des campagnes s’y sont rendus, ont prolongé leurs danses jusqu’à la nuit. L’âme du patriotisme caractérisait toutes les physionomies, l’esprit de concorde et de l’union la plus intime présentait de toutes parts les scènes les plus touchantes et les plus animées. Sur les 10 heures du soir l’allégresse a continué de se manifester; presque tous les citoyens de la commune se sont rendus sur la place Marat où, sous les yeux du représentant du peuple, des hymnes patriotiques ont été chantés; la musique s’est également empressée de s’y rendre, chacun a pris part à la joye