[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juin 1791.] 77 M. Démeunier. Nous avons examiné si vous pourriez autorber un fonctionnaire public civil, à publier en France, en qualité de fonctionnaire, un rescri t, non pas de la cour de Rome, mais de l’un des princes séculiers de l’Europe. Nous avons trouvé que le Corps législatif avait le droit de dire : « Aucun rescrit d’une cour étrangère ne pourra être publié que par la voie de l’impression et individuellement ou secrètement, mais non par un fonctionnaire public. Il faut seulement lever l’équivoque dans le décret. Je conclus à ce qu’on adopte l’article du comité en le modifiant toutefois dans ce sens, à savoir que la défense d’imprimer et de publier porte sur les seuls fonctionnaires publics. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély) . J’appuie l’amendement de M. Démeunier. M. Thouret, rapporteur. J’adopte l’amendement. Un membre : Je demande qu’il soit interdit à tout ecclésiastique faisant le service dans des oratoires ou églises particulières d’y lire ou publier des brefs, bulles ou rescrits du pape. Un membre observe que cette défense résulte de l’article 2 du décret du 7 mai et qu’il suffit de retenir cette observation au procès-verbal de la séance. M. Chabroud. Je propose de mettre à la suite de l’article ces mots : « Sans préjudice de l’exécution de l’article 2 du décret du 7 mai dernier. » M. Thouret, rapporteur. J’adopte l’amendement de M. Chabroud. Voici la rédaction que je propose pour l’article : Art. 2. « Les évêques, curés et tous autres fonctionnaires publics, soit ecclésiastiques, soit laïcs, qui par contravention au précédent article, liront, distribueront, feront lire, distribuer, imprimer, afficher, ou autrement donneront publicité ou exécution aux brefs, bulles, rescrits, constitutions, décrets ou autres expéditions de la cour de Rome, non autorisés par un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi, seront poursuivis criminellement comme perturbateurs de l’ordre public et punis de la peine de la dégradation civique, sans préjudice à l’exécution de l’article 2 du décret du 7 mai dernier. » A gauche ; Aux voix! aux voix! Un membre demande la suppression du mot « imprimer ». Un membre demande la suppression des mots « feront lire ». M. Pison du fialand. Il faut dire : <- Tout fontionnaire qui lira publiquement... » car on peut saus être coupable lire un bref du pape à son ami. M. de Follevïlle. J’ai l’honneur de vous représenter. . . ( Murmures et interruptions.) A gauche-. Monsieur le Président, fermez la discussion! M. de Follevïlle. C’est pour un amendement que je demande la parole. J’ai l’honneur de vous représenter que véritablement par cet article vous déchirez aujourd’hui une loi faite il y a deux jours. Dans le Code pénal, vous avez dit que tout fonctionnaire public qui voudrait faire passer pour une loi un écrit quelconque qui ne le serait pas, serait puni de la peine de mort. C’est une disposition que vous avez froidement discutée. J’en demande l’application la plus stricte au cas qui nous occupe actuellement. Je propose donc de retrancher de l’article les mots : v évêques et ecclésiastiques » et de n’y laisser subsister que ceux-ci : « tout fonctionnaire public » ; il est évident que les prêtres que vous appelez non conformistes n’y sont pas compris. Je demande en outre que la peine de mort soit substituée à celle de la dégradation civique présentée par les comités. ( Murmures à gauche.) A gauche : C’est une dérision ! Plusieurs membres demandent la question préalable sur tous les amendements non adoptés par le rapporteur. (L’Assembléedécrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur ces amendements.) M. le Président. Je mets aux voix l’article 2 avec la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur. A droite : Point de voix ! (L’Assemblée, consultée, décrète l'article 2, sauf rédaction.) Un de MM. les secrétaires : M. le ci-devant évêque de Poitiers demande un congé pour raison de santé. A gauche : Renvoyez au comité ! ( Murmures à droite.) M. de Follevïlle. Vous ne pouvez retenir au milieu de vous un homme malade; ce serait une cruauté. Je demande que l’Assemblée accorde à l’instant le congé. A gauche: Non! non! Au comité! M. Lavenue. Je m’oppose au congé; c’est pour aller troubler le pays, et je sais que M. l’évêque de Poitiers a répandu dans sa province une lettre pastorale qui a fait beaucoup de bruit. (Murmures prolongés.) A gauche : Aux voix, le renvoi ! M. Beaupoil de Sainte Aulaire, ci-devant évêque de Poitiers. Je demande la parole. M. le Président. On me demande que je mette aux voix le renvoi. M. Malouet. Vous ne pouvez pas vous refuser à entendre M. l’évêque de Poitiers qui demande la parole. A gauche : A ce soir. M. Beaupoil de Sainte-Aulaire. J’ai demandé un congé pour aller prendre les eaux du Mont-Dore. On sait qu’il faut être absolument 78 19 juin 1791. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] forcé pour aller dans ce pays presque sauvage et très désagréable. Ce serait une inhumanité, une cruauté de l’Assemblée, d’empêcher un vieillard d’aller rétablir sa santé. ( Mouvements divers.) MM. Lavie et Boutteville-Dumetz. Il serait affreux de le retenir. M. GoiipH-Préfeïn. J’appuie la demande de congé en qualité de membre du comité de vérification. (L’Assemblée, consultée, accorde le congé.) M. Thouret, au nom du comité de Constitution. Messieurs, avant de vous lire le classement des décrets sur l’organisation du Corps législatif, je vais vous soumettre quelques articles relatifs aux incompatibilités à prononcer entre les fonctions législatives et différentes autres fonctions publiques , articles que vous avez renvoyés à l’examen de votre comité de Constitution. Nous avons reconnu la distinction qui fut faite dans la discussion qui eut lieu sur cette matière, à savoir qu’il peut y avoir des incompatibilités de deux espèces : les unes qui frapperaient sur le titre même de l’état de quelques fonctionnaires qui seraient élus au Corps législatif; les autres qui ne frapperaient que sur les simples fonctions, tels que les commissaires de la trésorerie nationale, et les divers agents du pouvoir exécutif qui sont révocables à volonté et qui ne pourraient quitter leurs fonctions sans paralyser un des services publics les plus importants. D’abord, il nous a paru que les percepleurs des contributions directes, étant chargés de fonctions qu’ils exercent individuellement et exclusivement, ne pouvaient mettre aucune intermittence dans l’exercice de leurs fonctions sans paralyser la perception. Ce sont, en effet, des officiers élus dans chaque district, chargés exclusivem nt des fonctions de la perception, dont le travail est journalier etquiu’ontd’ailieursaucun suppiéantcorntitution-nel. Dan-ces conditions, un percepteur s’il est élu au Corps législatif, peut-il rester percepteur? Il est évident que non, car il faudrait mettre à sa place un autre percepteur pour remplir ses fonctions : d’où suit nécessairement l’incompatibilité entte cette fonction et celle de représentant. Les mêmes raisons existent pour les receveurs descontributions directes, pour les vérificateurs, inspecteurs, direcieurs, régisseurs et administrateurs de ces contributions, en un mot pour tous les membres de la hiérarchie qui donne le mouvement à la perception. Le même système s’applique enfin aux commissaires de la trésorerie nationale et à tous les agents du pouvoir exéeutifrévocabies à volonté, parce que vou-s ne pouvez pas leur reconnaître une volonté assez indépendante pour remplir convenablement les fonctions de représentants de la nation et pour voter dans le Corps législatif. Ainsi, Messieurs, sur ces différentes raisons d’incompatibilité entre l’ancienne fonction et la nouvelle fonction d’éiu au Corps législatif, voici l’article que nous vous proposons : « Les percepteurs et receveurs des contributions directes, les préposés à la perception des contributions indirecte-, les xénficatcurs, inspecteurs, directeurs, régisseurs et administrateurs de ces dernières contributions, les commissaires à la trésorerie nationale, et tous les agents et employés du pouvoir exécutif, révocables à volonté, s’ils sont élus membres du Corps législatif, seront tenus d’opter. » M. !MaI»u«t. Vous éloignez par là du Corps législatif des régisseurs, des administrateurs, des hommes qui seraient infiniment utiles dans le Corps législatif, pour l’éclairer sur la matière de l’impôt. M. Thonret, rapporteur. L’inconvénient est réel; mais il y a ici une incompatibilité de service insurmontable. Vous ne pouvez laisser la perception de l’impôt en stagnation et en lacune, pour envoyer au Corps législatif les instruments nécessaires de la perception et du versement. Un membre : Je demande si les ministres sont compris sous la dénomination d’agents révocables à volomé. M. Thouret, rapporteur. Nous ne comprenons jamais les ministres dans les travaux généraux que nous soumettons à l’Assemblée : il a été décidé que l’état des ministres formerait la matière d’un titre particulier. M. Pétion de Villeneuve. Je propose, par amendement, que l’incompatibilité prévue par l’article soit étendue à toutes les personnes de la domesticité du roi. M. Thouret, rapporteur. Nous ne les avons pas comprises dans notre rédaction, parce que nous n’avons pas, dans ce moment, d’expression technique à leur appliquer. Ils ne sont pas agents du pouvoir exécutif; ils ne sont pas en ce moment révocables à volonté, puisqu’ils exercent à titre d’office. Ainsi, avant que la maison du roi soit organisée, avant de connaître ce que ces individus seront dans le nouvel ordre de choses qui se prépare, on ne pourrait les désigner que par une circonlocution extrêmement vague. M. iVlalouet. Je crois qu’il faut réduirel’amen-dement aux officiers servants et domestiques dans la maison du roi. M. d’André. Il me paraît impossible que dans une nation qui veut être libre, qui veut avoir un gouvernement, indépendant dans un Etat où il y a une différence très considérable entre les fortunes, on permette que des personnes qui sont aux gages d’une autre soient ici membres du Corps legislatif. Plusieurs membres . C’est décrété! M. d’André. Vous voyez bien que cela n’est pas décrété, puisque M. le rapporteur ne le croit pas. Je dis que tonie personne qui non seulement est en état de domesticité, mais qui est dans la dépendance immédiate soit du roi, soit d’un particulier, doit être exclue de la législature. M. Rœderer. Cette opinion est impopulaire. M. d'André. J’entends une voix qui me dit que mon opinion eff impopulaire. Je ne sais ce que c’ est qu’une motion populaire ou impopulaire. Apparemment celui qui me dit cela connaît les nmyens d’obtenir la popularité : pour moi je les ignore et je ne recherche que ce qui est ju.ffe et raisonnable.