SÉANCE DU 4 FRUCTIDOR AN II (21 AOÛT 1794) - Nos 41-43 345 La Convention accepte l’hommage, en ordonne la mention honorable au procès-verbal, et charge son comité de Marine d’examiner cette invention, d’en faire faire les épreuves, s’il le juge utile, et d’en faire son rapport à l’Assemblée (1). 41 Un membre demande un congé pour cause de maladie; il s’établit une discussion. La Convention passe à l’ordre du jour, motivé sur le décret du 29 thermidor (2). BERTESET [sic pour BERTEZENE, député du Gard] demande un congé de 6 décades, pour aller rétablir sa santé altérée au point qu’il ne peut assister aux séances depuis plusieurs jours. Renvoyé à l’ordre de 2 heures (3). 42 Un membre [THURIOT], demande le rapport du décret qui accorde 40 sols aux citoyens peu fortunés pour assister aux assemblées de section, et que la Convention fixe ces assemblées aux décadis. Sur ces deux propositions, le décret suivant est rendu : La Convention nationale rapporte le décret du 9 septembre, qui accorde, à titre d’indemnité, 40 sous aux citoyens peu fortunés pour assister aux assemblées de section et y exercer leurs droits. La Convention nationale décrète que les assemblées de section n’auront plus lieu que les décadis (4). 43 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de Salut public, fait un rapport sur la reddition de la place de Calvi, en Corse (5). BARÈRE : Depuis longtemps nous ne pouvons rien espérer de favorable dans les nouvelles de l’île de Corse; les trahisons de Paoli continuent à avoir des succès; telle est la suite inévitable des perfidies et des trames ourdies (1) P.-V., XLIV, 50. Minute signée de P.J. Duhem (C 317, pl. 1278, p. 22). Décret n° 10 491. J. Fr., n° 697; Ann. R.F. , n° 264. (2) P.-V., XLIV, 50. Voir ci-dessus 29 thermidor, n° 78. (3) M.U., XLIII, 72; J. Paris, n° 599; Ann. R.F., n° 262; J. Fr., n° 696. Le décret accordant un congé à Bertezene est du 5 fruct. (Voir ci-dessous cette séance). (4) P.-V., XLIV, 50. Minute signée de Thuriot (C 317, pl. 1278, p. 21; décret joint au n° 39) Comme pour le décret n° 10 499, C*II 20, p. 261 indique Bourdon (de l’Oise) rapporteur. Moniteur, (réimpr.), XXI, 557 (pour la discussion se reporter au n°37); Débats, n° 700,60; Rép., n° 245; Gazette frçse , nos964, 965; J. Fr., n° 696; Ann. R.F., n° 263; J. Perlet, n° 698; J. Paris, n° 599; J.S. -Culottes, n° 553; J. Mont. , n° 114. (5) P.-V., XLIV, 50. avec l’Angleterre par ce vieil ennemi de la France. Les Anglais et les Espagnols occupent la Méditerranée avec tant d’avantages, depuis l’incendie des vaisseaux de la République à Toulon, qu’il a été impossible d’empêcher que la place de Calvi, totalement rasée et incendiée après 2 mois d’un siège vigoureux, ne capitulât; mais du moins sa défense a été opiniâtre, et sa capitulation n’est pas frappée de ces conventions déshonorantes qui distinguent les capitulations des coalisés, sur les frontières du Nord et au Midi de la France. La garnison a souffert tous les maux qui accompagnent un siège, avec une patience et un courage dignes des meilleurs républicains. Citoyens, l’île de Corse appartient à celui qui est maître de la Méditerranée; des représentants du peuple activent à Toulon les préparatifs de notre marine, et la nature a décrété pour la France la possession de la Méditerranée. C’est aux marins à soutenir ce beau décret et à rappeler dans les échelles du Levant, comme dans l’île de Corse, les beaux jours de la marine française (1). Lettre lue par Barère à la suite du rapport sur la reddition de Calvi. Barthelemi Arena aux représentants du peuple, au Port-la-Montagne. Calvi, le 21 therm. IL Après 2 mois d’un siège vigoureux et d’une défense opiniâtre, la garnison de Calvi a été contrainte de céder à la force et de capituler. Elle n’a pris ce parti que lorsqu’il a été impossible de pouvoir résister plus longtemps. La ville était totalement rasée ou incendiée, la place démantelée du côté de terre, les pièces démontées, les machines propres au transport et au mouvement de l’artillerie brisées, la plus grande partie des canonniers morts, blessés ou malades; un magasin à poudre sauté en l’air, l’autre percé par les boulets, et les munitions restant déposées dans une tour menacée à chaque instant d’être incendiée, parce que la porte était en face des batteries ennemies; les hôpitaux encombrés, et n’ayant depuis un mois ni viande, ni aliments propres aux blessés et aux malades accablés par les fièvres et les dyssenteries; et les fusiliers faisant le service réduits à 260, nombre insuffisant pour défendre les 3 brèches que les Anglais pratiquaient à la fois sur 2 bastions et sur une courtine, sans compter celle de la tour du palais; Cette garnison a souffert tous les maux qui ont accompagné ce siège avec une patience digne des meilleurs républicains. Sans aucune casemate, elle a tenu contre un bombardement de 15 jours, qui a jeté plus de 3 000 bombes, qui a fait écrouler toutes les maisons, et n’en a laissé aucune intacte; elle a résisté dans le palais qui n’était point à l’épreuve de la bombe, malgré les écroulements des voûtes qui ont écrasé et blessé beaucoup de monde. Elle a manqué d’aliments, excepté de pain et de légumes sans assaisonnement, et s’est nourrie de (1) D’après C*II 20, p. 260, le décret n° 10 480 porte « renvoi relatif aux secours à accorder aux réfugiés de l’Isle de Corse ». Rapporteur Barère. 346 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE viande de cheval, de mulet et d’âne; la pénurie a été si forte qu’un œuf, pour un malade, était vendu 30 sous en numéraire ou 5 livres en assignats. Voilà quelle était la position des défenseurs de la place au 14 thermidor. Le palais, à cette époque, était tellement endommagé par le feu destructif de 37 bouches à feu de gros calibre qu’il n’offrait plus d’abri ni pour les hommes, ni pour les vivres, qui ont été avariées jusque dans les fonds, par l’explosion des bombes qui y ont tombé. Casa Bianca vous adresse le procès-verbal dudit jour, qui constate la situation de la place, et l’avis unanime des chefs des corps de la garnison et de la municipalité, qu’elle n’était plus susceptible de résistance. Il n’y a pas un seul fait rapporté dans ce procès-verbal qui ne soit exact et conforme à la vérité. Vous connaissez la réponse de la municipalité de Calvi à la première sommation des Anglais, qui eut lieu après 15 jours de feu; les habitants ont soutenu ce caractère sublime de fidélité qui les a toujours distingués; tous, en général, dévoués à la République française, ont concouru de tous leurs moyens à la défense de la place. La garnison qui retourne en France vous dira qu’aucun n’a manifesté le moindre regret pour la destruction de ses propriétés; que les femmes ont oublié la faiblesse de leur sexe, et qu’elles ont porté des munitions dans les postes extérieurs, attaqués par les ennemis, au moment même que le feu était le plus vif; qu’elles ont travaillé à porter des terres sur les bastions pendant le bombardement, et qu’il ne s’est trouvé enfin aucun individu qui ait montré de la pusillanimité, ou un sentiment qui fût contraire à la chose publique. Un jeune homme de 15 ans, Noël Varsi, frappé, dans la maison que j’habite, d’un éclat de bombe à la poitrine, allait expirer; sa mère, attendrie par la perte de son fils, laisse couler quelques larmes; ce jeune homme l’aperçoit et lui dit : Ma mère, ne pleure pas; je meurs pour la nation. Un instant après il mourut. Nous ramenons les équipages des frégates La Melpomène et La Mignonne, qui ont travaillé sans discontinuation à tous les ouvrages que l’on a faits à la place depuis plusieurs mois; ne pouvant pas servir la République sur mer, parce qu’une nombreuse croisière les tenait renfermés dans le port, ils ont contibué de toutes leurs forces à la défense de la place. Une grande partie des habitants s’embarquent avec nous. Nous ne laissons aux Anglais qu’une ville démolie ou réduite en cendres, et nous sauvons les débris d’une garnison et une population qui ont acquis des droits à l’estime de leurs frères du continent. ARENA (1). (1) B‘n, 4 fructidor. Moniteur (réimpr.), XXI, 551, 563-564; Débats, n° 700,56; n°701, 69-71; M.U., XLIII, 74, 87-88; J. Fr., n 08 696, 697; J. Perlet, n° 698; C. Eg., n° 733; J. univ., n 08 1732, 1733; J.S. -Culottes, n° 554; Ann. patr., n° DXCVIII; Gazette frsse , n° 695; Ann. R.F., n° 262; Rép., n° 245; J. Mont., n° 114; J. Paris, n° 599; F. de la Républ., n° 413. 44 Il [BARÈRE] propose ensuite le décret suivant qui est adopté : La Convention nationale, sur la proposition du comité de Salut public, nomme aux 7 emplois vacans dans l’armée et qui sont à son choix, les citoyens ci-après : 1°. A celui de capitaine au 2 e bataillon de la Réunion, de Paris, Dardennes, lieutenant au 3 e bataillon des tirailleurs, à l’armée du Nord. Lors du passage du canal de Louvain à Malines, les Hollandais, effrayés de l’audace des soldats de ce bataillon, se couchèrent dans les fossés et dans les retranche-mens, sans oser lever la tête pour tirer sur les républicains. Dardennes ôte ses habits, se jette à la nage, va reconnoître le nombre des ennemis, et reparoît bientôt, ramenant un grenadier qu’il a désarmé et avec lequel il repasse le canal. Plusieurs chasseurs imitent ce bel exemple, et les esclaves, intimidés, prennent la fuite en abandonnant leurs caissons et laissant libre le passage du canal. 2°. A celui de sous-lieutenant au même bataillon, Guillon, volontaire au 8 e bataillon des fédérés. 3°. A celui de sous-lieutenant dans la 25 e demi brigade, Morissot, sergent au 8 e bataillon des Fédérés. 4°. A celui de sous-lieutenant dans la 159 e demi brigade, Ménier caporal au 2 e bataillon des Basses-Alpes. 5°. A celui de sous-lieutenant dans le 8 e bataillon de la Côte-d’Or, Pinchemaille, grenadier au Ier bataillon de la 29 e demi brigade. 6°. A celui de sous-lieutenant au bataillon de L’Egalité, Charente-Inférieure, Pinot, volontaire au 2 e bataillon des Basse-Alpes. A l’affaire du 10 floréal, ces 5 républicains enlevèrent chacun un drapeau à l’ennemi, et ne demandèrent pour toute récompense que la permission de venir les offrir à la Convention. 7°. A celui de sous-lieutenant dans le 5 e régiment de hussards, Vignaud, hussard au 9 e régiment. Il est un des dix-huit qui se sont distingués par leur valeur à l’affaire de Wervicq, le 26 septembre dernier (vieux style) et à qui la Convention avoit chargé l’ancien conseil exécutif de procurer de l’avancement, par son décret du 28 du même mois. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (1). (1) P.-V., XLIV, 50-52. Minute anonyme. Rapporteur Barère (C*II 20, p. 262). Décret n° 10 503. Reproduit au B1", 4 fruct. et 5 fruct. (suppf). Moniteur (réimpr.), XXI, 551-552; Débats, n°700, 56-57; M.U., XLIII, 92-93; J.Fr., n° 697; Ann. R.F., n° 264; Rép., n° 246.