[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n juillet 1790.] 273 M. Legrand. Sera-ce comme ajournés à la barre qu’ils comparaîtront, ou autrement? M. de Lachèze. La défense est de droit naturel ; on ne peut refuser la demande sans violer tous les droits. M. le Président rappelle qu’une demande d’ajournement a été faite par M. de Gazalès et qu’il va la mettre aux voix. M. de Cazalès. Je n’insiste pas sur l’ajournement. M. Pierre-Jacques Vieillard, député de la Manche, rapporteur du comité des rapports (1). Messieurs, au mois de juillet 1789, il se forma, dans la ville de Montauban, une garde nationale. Le 11 septembre suivant, il fut fait un règlement général provisoire, relatif à la formation, organisation, service et discipline. Trois bataillons furent créés : chaque bataillon, composé de huit compagnies; chaque compagnie de 100 hommes y 1 compris les officiers. Il fut, en outre, créé une compagnie de dragons, dont le nombre fut fixé à 60 hommes, sauf à être augmentée suivant les circonstances. Les officiers furent élus au scrutin, et devaient être renouvelés ou confirmés tous les six mois, excepté ceux de l’état-major, dont les fonctions devaient durer un an. Ce règlement, fait d’accord avec l’ancienne municipalité, fut exécuté. § 1er. — Corps de volontaires. Au mois de février, il s’éleva une espèce de mésintelligence entre la garde nationale et les officiers municipaux qui venaient d’être élus en exécution de vos décrets. Des brigands avaient essayé de piller, de brûler et de dévaster quelques châteaux : la garde nationale offrit ses services à la municipalité; elle fut même employée avec succès dans quelques circonstances. Quelques citoyens, qui n’étaient point de la garde nationale, se qualifièrent de corps de volontaires, et, sous le prétexte de porter des secours et de poursuivre les brigands, se mirent en activité : ils rendirent compte à l’Assemblée nationale des mouvements qu’ils s’étaient donnés et des poursuites qu’ils avaient faites. L’Assemblée autorisa son Président à leur écrire une lettre par laquelle il leur témoignerait la satisfaction de l’Assemblée nationale, de la conduite qu’ils avaient tenue. Cette lettre fut rendue publique à Montauban par la voie de l’impression. Les volontaires obtinrent, des officiers municipaux, la transcription sur les registres de la municipalité; cet enregistrement contient des éloges donnés au zèle et aux sentiments qui animaient les volontaires pour la cause publique; il fut fait mention de l’enregistrement à la suite de la lettre imprimée. La garde nationale ne vit poiut avec indifférence les conséquences qui pouvaient résulter de la distinction d’un corps de volontaires d’avec les autres soldats citoyens : elle présenta le 7 mars, à la municipalité, sa pétition à cet égard ; elle observa aux officiers municipaux que i’enregis-(1) Le Moniteur ne donne que des extraits du rapport de M. Vieillard. lre Série. T. XVII. tremen t qu’ils avaient àfaire donnait lieu d’induire qu’ils donnaient une existence légale à un corps qui ne devait en avoir aucune. Elle représenta les troubles occasionnés dans la ville de Lyon par l’existence de deux corps rivaux, et l’effusion de sang qui s’en était suivie. Elle invoqua une ordonnance de l’ancienne municipalité, qui avait rejeté ce corps de volontaires. Elle demanda avec instance, aux officiers municipaux, de déclarer, par acte authentique, qu'il n’existait à Montauban d'autre corps militaire national que celui qui portait la dénomination de garde nationale mon-taubanaise ; et de faire défense aux volontaires de s'assembler , sauf à s'incorporer dans la garde nationale. Celle-ci manifestait, dans cette pétition, le désagrément qu’elle éprouverait d’avoir, dès le premier pas, à réclamer auprès de l’Assemblée nationale une justice que les officiers municipaux auraient refusée. Le lendemain, 8 mars, la municipalité fit imprimer et afficher une proclamation. Le préambule annonce son mécontentement sur le ton et la forme de la pétition, sur la menace de se pourvoir à l’Assemblée nationale ; elle dit que les volontaires n’avaient pas intention de former un corps permanent, ni la municipalité celle de leur donner une existence légale... Elle termine par déclarer qu’il n’y a lieu de prononcer sur la pétition dont il s’agit, et par faire défense de se réunir en assemblée, soit générale, soit particulière, sans en avoir prévenu la municipalité, sans néanmoins empêcher la garde nationale de délibérer sur les objets qui pouvaient légitimement la concerner. Une lettre de M. le Président de l'Assemblée nationale, adressée à la garde nationale le 19 mars, dut terminer toute difficulté sur cet objet, en annonçant que la création d’un corps de volontaires était contraire aux décrets de l’Assemblée nationale, dont les principes étaient de maintenir l'unité des corps parmi les gardes nationales. II. , — Question sur les armes. Il s’éleva bientôt une autre contestation, La nouvelle municipalité, d’après la délibération du conseil de la commune du 14 mars, fit une réquisition au colonel ou commandant, d’envoyer et faire remettre au secrétariat de l’hôtel-de* ville les clefs de l’arsenal, magasins, dépôts d’armes, de munitions et autres effets généralement quelconques. Ces clefs avaient été laissées par l’ancienne municipalité à la disposition du commandant. Sur cette demande, le conseil de guerre députa quatre de ses membres vers la municipalité, pour lui remettre les clefs des poudres et munitions et pour lui observer que le commandant n’avait pas à sa disposition les clefs du grand arsenal, où étaient renfermés quatre cents fusils; que cette clef était déposée au greffe de la commune; qu’il n’avait que celle du petit arsenal où étaient cent cinquante fusils, tant pour le service extraordinaire de la garde nationale, que pour s’exercer au maniement des armes. Les députés du conseil de guerre demandèrent à la municipalité que cette clef restât à la disposition du commandant de la garde nationale, ajoutant que les intentions des chefs étaient d’assembler les bataillons, les jours de dimanches et fêtes, pour les exercer et leur apprendre les évolutions militaires. La municipalité ne se contenta pas des clefs qui lui étaient remises; elle ne goûta point les rai-18 274 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790.J sons sur lesquelles la garde nationale s’appuyait pour demander la conservation, citez le commandant, de la clef du petit arsenal. Elle fit, le 21 mars, une seconde réquisition à M. de Preissac, colonel, de remettre le lendemain la clef du petit arsenal. Dès le lendemain 22, la garde nationale prit un arrêté de déférer à cette réquisition : « Parce que , I dit-elle, elle s'empressera , dans toutes les occa-« sions , de donner à MM. les officiers municipaux le « témoignage des sentiments qui V animent. , et qui « sont inséparables du serment qu'elle a prêté de « maintenir la paix, et de défendre , de toutes ses « forces et de tout son courage , les décrets émanés « ou à émaner de V Assemblée nationale. » Après avoir obéi provisoirement aux ordres des officiers municipaux, la garde nationale vous a présenté, le 24 mars dernier, une adresse dans laquelle elle demande qu’on confie au commandant les armes qui lui sont nécessaires, pour s’exercer et apprendre les évolutions militaires. Elle ajoute que ce serait mettre des entraves insurmontables à son zèle patriotique, si on lui refusait d’avoir à sa disposition les six cents fusils déposés dans les arsenaux, fusils dont le nombre est insuffisant pour armer une garde nationale de plus de 2,000 hommes, § III. — Projet de fédération. L’ordre des faits exige que je vous rappelle ici, Messieurs, un troisième objet dediscussion, entre la garde nationale et la municipalité. Vous en avez déjà eu connaissance : mais la majeure partie des faits vous est inconnue ; et il est indispensable que le tableau de ce qui s’est passé entre ces deux corps vous soit présenté dans son ensemble. Dans les premiers jours de mars, la garde nationale de Montauban crut que, pour mieux déconcerter ceux qui troublaient la province, elle devait tenter de faire un parti fédératif avec toutes les gardes nationales voisines; elle avait, sous les yeux, l’exemple de ce qui s’était passé entre les gardes nationales du Vivarais et du Dau ¬ phiné; une. autre fédération faite sous les murs de Montélimart, le 13 décembre; et plus récemment encore le pacte fédératif des municipalités d’Anjou et de Bretagne, réunies à Ponti vy, et celui des gardes nationales desdites provinces. Une lettre circulaire fut imprimée, le 13 mars, et envoyée, de la part de la garde nationale raon-taubanaise, aux gardes nationales de la province, avec invitation à la fédération. Elle nomma des députés pour se rendre dans les villes voisines, et leur donna des pouvoirs pour fixer les bases de l’association demandée. Plusieurs villes acceptèrent avec transport la proposition qui leur était faite. La ville de Cahors nomma des commissaires pour rédiger le traité conjointement avec les députés de Montauban. Ce plan fut rédigé et adopté le 15 mars. On convint d’une invitation aux autres villes, sous la condition, toutefois, que les troupes ainsi fédérées ne pourraient se mettre en activité que conformément aux règles établies ou à établir par l'Assemblée nationale. Le premier jour de correspondance entre les commissaires respectifs fut fixé à Caussade, et marqué au 8 avril. � Plusieurs autres villes acceptèrent, comme Cahors, le plan fédératif, et nommèrent des commissaires pour se rendre au jour convenu à Caussade. Le 29 mars, la garde nationale de Montauban et le régiment de Languedoc, en garnison dans cette ville, firent aussi un acte d’association, et s’engagèrent réciproquement, sous la foi du serment, d'être soumis irrévocablement aux décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, d'en maintenir l'exécution et de la forcer, même , à la première réquisition de la municipalité. Une copie de cet acte vous fut alors envoyée avec une adresse des deux corps unis. Le conseil militaire instruisit aussi les officiers municipaux de Montauban, de ses démarches. 11 leur annonça son projet de fédération avec le8 gardes nationales voisines, destinées toutes à agir , leur dit-il, sur les réquisitions des corps administratifs et municipaux , et de concert entre elles, pour la cause commune. Le conseil de guerre demanda en même temps à prêter le serment civique, pria MM. les officiers municipaux d’y assister, et de leur délivrer, pour ce jour-là, les "armes qui étaient à leur disposition. Le corps municipal rendit, le 29 mars, sur le réquisitoire du jirocureur de la commune, une ordonnance qui déclare la lettre circulaire de la milice nationale montaubanaise et le projet de confédération qu'elle renferme , contraires aux principes de son institution, aux lois et aux décrets de V Assemblée nationale : supprime en conséquence ladite lettre; fait défense d'y donner aucune suite, de rien faire ou entreprendre pour l’exécution dudit projet : le tout à peine de désobéissance et sous les autres peines de droit. Il paraît que cette ordonnance, qui fut affichée le 30 mars, et l’adresse du comité militaire se croisèrent, et que la garde nationale, en rédigeant son adresse ne connaissait pas l’ordonnance de la municipalité, de même que celle-ci ignorait l’adresse. La municipalité, qui avait conçu et qui avait dit que la garde nationale voulait faire une fédération indépendante, et voulait se soustraire à l’autorité du corps municipal, fut désabusée de cette erreur à la lecture de l’adresse et de Pacte fait avec le régiment de Languedoc. Il y eut alors des conférences entre les deux corps. vDes commissaires furent nommés entre la municipalité et la garde nationale, pour indiquer le parti le plus propre à faire cesser l’impression que produisait l’ordonnance mortifiante pour la garde nationale qui avait été affichée le 30 mars. Les commissaires rédigèrent un projet qui expliquait les intentions de la garde nationale, de n’user de ses forces que sur la réquisition de la municipalité. Ce projet ne fut pas entièrement adopté par le corps municipal. Il tardait à la garde nationale de le voir s’effectuer. Le 3 avril, l’état-major écrivit à la municipalité, pour la prier de donner la publicité la plus prompte à cet acte conciliatoire. Le corps municipal s’assembla le même jour et ,sur le réquisitoire du procureur de la commune, il rendit l’ordonnance ainsi conçue : « Déclarons recevoir avec satisfaction le témoi-« gnage des sentiments de ladite garde nationale # et de l’intention, par elle manifestée, de de-« meurer toujours liée aux ordres et réquisitions « de la municipalité... Déclarons, en outre, que, » sans entendre nous opposer aux concours et asso - « dations autorisés par le décret du 23 février , « sanctionné le 25, tendant lesdits concours et « associations à faire agir, avec intelligence et « concert, les forces nationales de divers lieux « employées sur la réquisition de l'autorité légi-« time, la municipalité persiste à improuver toute [22 juillet 1790.} [Assemblée nationale.] « autre espèce de fédération ; et ce, jusqu'à ce que « V Assemblée législative ait déterminé l'organi-« sation des gardes nationales. — Sur tous les « autres objets de ladite adresse déclarons , quant « à présent, n'y avoir lieu de prononcer. » Ces autres objets étaient l’invitation faite par la garde nationale aux officiers municipaux, d’assister le mardi d’après Pâques, au serment civique qu’elle demandait à prêter, et la remise, pour ce jour-là, des armes dont le corps municipal était le dépositaire. J’ai eu l’honneur de vous dire, Messieurs, que le pacte fédératif, fait avec le régiment de Languedoc, vous avait été aussitôt envoyé avec une adresse. — Cette adresse fut lue à votre séance du 8 avril, Il vous fut alors proposé, Messieurs, que M. le Président fût chargé d’écrire au régiment du Languedoc et à la garde nationale, pour donner à ces deux corps un témoignage authentique de la satisfaction nationale. Cette proposition éprouva des contradictions, parce qu’un membre observa qu’il existait une ordonnance de police, rendue par la municipalité, qui avait désapprouvé la démarche faite par la garde nationale, sans avoir prévenu la municipalité d’étendre la fédération aux milices nationales voisines. On n’était pas alors certain de l’existence de cette ordonnance, et l’Assemblée nationale décréta le 8 avril : « Qu’il serait fait mention hono-« rable, dans le procès-verbal, de l’adresse com-« mune de la milice nationale de Montauban et « du régiment de Languedoc; et que M. le Prési-« dent écrirait, tant à cette milice qu’à ce régi-« ment, pour leur témoigner la satisfaction de « l’Assemblée. » Il fut aussi décrété que les pièces relatives à l’ordonnance de police, rendue par le conseil municipal de Montauban, étaient renvoyées au comité des rapports. Ce comité rendit compte de cette affaire le 10 du même mois; et, après une discussion étendue, l’Assemblée décréta ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale consacre, de nouveau, « le principe de la subordination des gardes na-« tionales aux municipalités, par l’intermédiaire « desqutdles les ordres du pouvoir exécutif doi-« vent toujours leur être transmis, « Au surplus, considérant que Je pacte fédé-« ratif, proposé dans la lettre circulaire, écrite « par la garde nationale de Montauban, le 13 mars « dernier, a été dicté par le pur patriotisme, et « n’a pu avoir pour objet de se soustraire à l’au-« torité de la municipalité, à laquelle elle est en-« tièrement subordonnée, elle approuve le zèle « de la garde nationale, et charge son président « de lui écrire, ainsi qu’à la municipalité, pour « les engager à travailler de concert au maintien « de la Constitution et de la tranquillité pu-« blique. » Ici, vous remarquerez, Messieurs, que, lors de ce décret, vous n’aviez sous les yeux, ni l’adresse remise à la municipalité par le conseil militaire le 30 mars, ni la deuxième ordonnance rendue par les officiers municipaux le 3 avril. En présumant avantageusement du projet de lettre et des sentiments de la garde nationale, on vous avait cependant inspiré un genre de méfiance sur la soumission de cette garde, de n’agir que sur la réquisition des officiers municipaux : vous n’étiez point instruits de l’explication faite du malentendu qui avait régné entre la garde nationale et la municipalité. 275 Jusque-là, Messieurs, les difficultés semblaient devoir facilement s’aplanir. Il n’y avait réellement de question que relativement aux armes, dont la garde demandait que la disposition fût confiée à son commandant; votre décision devait déterminer de quelle manière il en serait usé à cet égard. Mais, telle a été la mésintelligence, l’éloignement entre deux corps qui ne devaient jamais agir que de concert, qu’une question n’était pas plutôt terminée, qu’une autre lui succédait, ou plutôt il s’en élevait plusieurs dans le même temps. § IY. — Contestations relatives à V augmentation des bataillons et compagnies. Les personnes qui avaient, dans les mois de janvier et février, pris la qualité de volontaires, n’étaient point employées dans la garde nationale; elles savaient bien qu’on ne refuserait point de les y admettre ; mais il leur répugnait sans doute d’être incorporées et d’avoir à servir sous le commandement et avec ceux qui s’étaient opposés à ce que les volontaires formassent un corps distinct. Le procureur de la commune donna un réquisitoire à la municipalité, le 6 avril ; il exposa que, le 29 mars, il lui avait été fait renvoi de deux pétitions. La première, dit-il, est l’ouvrage d’un très grand nombre de citoyens notables et distingués, dont les signatures couvrent plusieurs pages, et qui demandent une augmentation de compagnies, sous le prétexte de l’oubli fait, dans le principe, de plusieurs citoyens, et de nécesité pour la ville. Le procureur de la commune donne des éloges au zèle et au patriotisme des pétitionnaires, à l’égard desquels il fallait s’empresser, suivant lui, de réparer la faute que le trouble et la précipitation du moment ne permirent pas même d’apercevoir. La seconde pétition, continue le procureur de la commune, a été faite par plusieurs soldats citoyens qui improuvent le projet de fédération et expriment leurs vœux pourque les citoyens, dignes d’être armés, et qui ne le sont pas, soient admis dans la garde nationale, et qu’il en soit formé de nouvelles compagnies. Un j copie de ces deux pétitions, certifiée par M. Lussan-d’Esparbès, remise depuis quelque temps, à votre comité, annonce qu’elles sont souscrites de 3Ü0 et quelques citoyens. D’après les conclusions du procureur de la commune, la municipalité prononça ainsi, le 6 avril. « Nous, officiers municipaux, vu le réquisitoire « ci-dessus et les pétitions y énoncées et y faisant « droit, avons donné acte aux membres de la « garde nationale de leur désaveu, consigné.dans « celle desdites pétitions qui les concerne; et, en « acceptant une augmentation des compagnies « dans la garde nationale montaubanaise, et dans « la vue de conserver l’unité de corps conforme « aux vœux de l’Assemblée nationale, exprimés « dans la lettre de son Président, du 27 mars « dernier, ordonnons que tous les citoyens ca-« pables de porter les armes et dignes d’en reee-« voir l’houneur seront admis dans ladite garde « nationale, tant ceux qui s’y trouvent déjà em-« ployés, comme surnuméraires, au delà de « 64 hommes par compagnie, que tous autres « qui se sont déjà présentés ou qui se présence teront; auquel effet, il sera ouvert un rôle au ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 276 l Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {22 juillet 1790.) « secrétariat de rhôtel-de-ville,dans lequel cha-« cun des aspirants pourra se faire inscrire « pendant le délai de huitaine, pour, après ledit « rôle fait, être pourvu, d’après le nombre des « inscrits et sur la meilleure forme que de droit, « à l’augmentation des compagnies de la garde « nationale montaubanaise, suivant le plan qui <« sera par nous jugé le plus convenable : ordon-« nons que la présente ordonnance sera irn-« primée, etc., etc. » Vous devez, Messieurs, être étonnés de ce qu’on parle de surnuméraires et de ce qu’on nomme ainsi ceux reçus dans chaque compagnie après le nombre de 64 hommes. Votre comité qui n’a eu sous les yeux, à cet égard, que le règlement qui fixait le nombre des hommes par compagnie à 100, a demandé cette explication aux députés de Mdntauban; il lui a été répondu que pour opérer, autant qu’il serait possible, l’égalité de nombre parmi les compagnies, on était convenu verbalement de les porter toutes d’abord à 64, afin qu’il n’y en eût pas de 100, tandis qu’il y en aurait d’autres qui ne seraient composées que de 30 ou 40 hommes. Quant à la qualité de surnuméraire, elle était donnée à celui qui, n’ayant pas été dès le principe dans une compagnie, s’y serait fait agréger : alors on exigeait pendant trois mois qu’il fût surnuméraire, avant de pouvoir obtenir un grade dans cette nouvelle compagnie. La garde nationale s’alarma du plan décomposition des nouvelles compagnies. Elle crut apercevoir que cette prétention, élevée par ceux-là mêmes qui avaient agi comme volontaires, tendait à faire revivre, sous une autre dénomination, le projet rejeté par l’Assemblée nationale elle-même, de faire une troupe particulière de ceux qui s’étaient qualifiés de volontaires. D’après la publication de cette ordonnance de la municipalité, M. de Puy-Montbrun, commandant général, se décida à assembler les compagnies de la garde nationale pour délibérer à cet égard; mais il prévint, avant tout, la municipalité de cette assemblée. La municipalité, informée de ce projet, fit, le 7 avril, une réquisition au commandant, conçue en ces termes : « Nous, officiers municipaux de la commune « de Montauban, déclarons n’entendre empêcher « l’assemblée de la garde nationale montauba-« naise, en tant que ladite assemblée ne se for-« mera que par compagnies séparées, à jour, « lieu et heure différents, à quoi MM. les com-« mandants de la garde nationale sont requis de « tenir la main. » M. de Puy-Montbrun répondit sur-le-champ que, quoiqu’il fût convaincu que la police du corps lui appartînt, il retirait ses ordres, et faisait à fa patrie ce nouveau sacrifice. Le lendemain, 8 avril, la municipalité apprit que, nonobstant que le commandant eût retiré ses ordres, plusieurs compagnies s’étaient rendues chvz M. de Puy-Montbrun. Elle fit une nouvelle réquisition, dans laquelle elle dit qu’on lui a rapporté qu’il a été usé de menaces contre quelques membres de la garde nationale; persiste à sa réquisition de la veille et, en la renouvelant en tant que de besoin, requiert fortement « M. de Puy-« Montbrun, commandant ladite garde nationale, « de ne pas souffrir qu'il y soit contrevenu , à « peine de demeurer personnellement responsable « et garant des événements et désordres qui pour-« raient en résulter , et sous toutes les autres « peines de droit. » Le 1.0 avril, l’état-major de la garde national® fit à la municipalité la déclaration « que la gard « avait rendu compte à l’Assemblée nationale, pa? « des députés extraordinaires , des ordonnances du « corps municipal des 29 mars, 3 et 6 avril, ainsi « que des réquisitions du 6 et du 8, pour , par elle « statuer sur le tout : et attendu ce recours à Vau~ « torité législative , ledit état-major invite le corps « municipal à ne donner aucune suite aux susdites « ordonnances et réquisitions, notamment à l'or-« donnance du 6 avril concernant une augmentait tion de compagnies , comme contraire au vœu « général des citoyens qui composent actuellement a la garde nationale. » En effet, Messieurs, une adresse de la garde nationale à l’Assemblée nationale, en date du 7 avril, prouve qu’elle s’était pourvue devant vous des ordonnances dont il s’agit, pour les faire proscrire, tant en ce qui concernait la fédération, rejetée par la municipalité, qu’en ce qui touchait la question des armes pour la prestation du serment civique, etc. Dans cette adresse, l’état-major fait valoir ses raisons pour prouver que l’incorporation est seule praticable et que le système d’une augmentation de bataillons et compagnies est infiniment dangereux. De son côté, la municipalité, daDs une adresse qu’elle vous a depuis fait parvenir, le 5 mai, mais dont nous parlons ici pour ne point trop éloigner les moyens dont on s’est respectivement appuyé sur le même objet, la municipalité, disons-nous, assure qu’il y a une très grande quantité de citoyens qui demandent cette augmentation; et que, dans une ville aussi considérable que Montauban, où tant d’intérêts et tant d’opinions se croisent et se combattent, la garde nationale ne peut disputer aux officiers municipaux le droit de démêler et d’exprimer la volonté générale. La garde nationale prétend que le vœu de la majorité, parmi les soldats citoyens, était pour l'incorporation et non pour l'augmentation des compagnies. Elle a envoyé à votre comité le recensement des voix prises sur cet objet, duquel il résulte que, sur 1,335 votants, 999 étaient contre l’augmentation des compagnies, et 336 seulement pour leur admission. Elle ajoute que les signatures des pétitionnaires ont été rassemblées avec effort, qu’elles ont été la plupart extorquées, et qu’il a fallu recourir aux porteurs de chaises, aux enfante, à ceux des écoles chrétiennes, à certains vieux décrépits et à quantité d’incurables de la ville. Elle s’appuie enfin sur une pétition adressée aux officiers municipaux, le 11 avril, par 160 pères de famille, tous citoyens actifs, et qui n’étaient pas membres de la garde nationale. Ges citoyens sœtaient réunis dans la Bourse commune des marchands, après en avoir prévenu la municipalité. Dans celle pétition, ils représentaient au corps municipal que la formation inconstitutionnelle de nouvelles compagnies allait opérer une scission et un désordre qu’il était de la prudence d’éviter. Ils priaient avec instance les officiers municipaux d’éloigner toute semence de division, de prendre en considération le règlement provisoire de la garde nationale et les décrets de i’ Assemblée nationale, qui portent que les corps qui s’étaient formés dans les diverses parties du royaume resteraient dans le même état jusqu’à la nouvelle organisation, de donner au règlement et aux décrets leur plein et entier effet. La municipalité a cru devoir écarter les motifs sur lesquels la garde nationale et les pères de 277 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790.] famille s’appuyaient. Elle a soutenu qu'elle connaissait le vœu de la commune, et qu’elle ne s’occupait que de le remplir. Qu’elle doutait de la grande majorité vantée par la garde nationale, puisqu’il lui a été remis dix procès-verbaux qui constatent que douze compagnies au moins désiraient cette formation : ces procès-verbaux ont été déposés à votre comité. On voit qu’en effet, dans douze compagnies, il y a eu 280 à 300 personnes qui ont voté pour l’établissement nouveau : mais on ne peut dire, avec vérité, que ce soit à beaucoup près les douze compagnies entières. Les officiers municipaux ont dit qu’ils étaient instruits que le vœu de la garde nationale était le fruit de tous les genres de séduction et d’intrigues ; qu’il avait été facile d’entraîner la classe des artisans et des manouvriers, par la crainte de manquer de travail et de pain. D’après cette opinion, les officiers municipaux requirent, le 18 avril, le commandant général de faire remettre, dans trois jours, à l’hôtel-de-ville, le contrôle exact de toutes les compagnies qui composaient la garde nationale, en désignant séparément les surnuméraires. Le commandant se conforma à cette réquisition. Nous vous rendrons compte incessamment de ce qui se passait d’ailleurs, à cette même époque, àMontauban ; mais l’ordre des faits semble exiger que nous continuions le détail de ce qui est relatif au projet d’augmentation des compagnies. Le 2 mai, le sieur de Cieurac, maire, écrivit à M. de Fuy-Montbrun, commandant général, et le prévint que la municipalité voulant agir de concert avec la garde nationale, elle lui faisait part de sa détermination de ne plus retarder l’organisation des nouvelles compagnies, et qu’elle va, à cet effet, convoquer les citoyens qui doivent les composer, pour qu’ils puissent nommer leurs officiers. M. de Puy-Montbrun répondit sur-le-champ : « J’assemblerai, Messieurs, le plus tôt possible, c le conseil de guerre de la garde nationale, qui « seul peut déterminer ma volonté. « Est-ce agir de concert avec l’état-major du « corps que j’ai l’honneur de commander, que * de me prévenir que la municipalité veut impé-« rieusement la formation et l’organisation d’un « quatrième bataillon, qui se réunira, par votre « ordre, aux trois bataillons existants qui se sont « armés au moment de la Révolution? J’ai cru, « Monsieur, que la municipalité, au lieu de faire « des lois, s’empresserait de faire connaître, à nos « législateurs, le vœu des citoyens qui désirent « servir sous nos drapeaux. J’aurais été trop beu-« reux, en mon particulier, d’avoir été le maître « de le prévenir. La garde nationale, vous le « savez, Monsieur, a cru être en droit d’appeler « de 1’ordonnance de MM. les officiers munici-« paux, relative à la formation des nouvelles « compagnies ; elle attend un arrêt de ses véri-« tables juges; le conseil de guerre sera mon « guide, etc. » Le conseil de guerre délibéra, le lendemain 3 mai ; et, après avoir rappelé les raisons qui devaient retarder l’exécution du pian de la municipalité, il arrêta que celle-ci serait suppliée de surseoir et protesta contre toute formation et changement jusqu’à la décision de l’Assemblée nationale. Pendant ce temps, il y avait un député extraordinaire de la garde nationale auprès de l’Assemblée nationale. 11 rendit compte, au comité de Constitution, des troubles qui existaient : il lui fut répondu qu’on s’occupait de proposer à l’Assemblée nationale un projet de décret général qui, en effet, le fut le 30 avril. Plusieurs membres de cette Assemblée attestent à votre comité qu’ils étaient présents au comité de Constitution, lorsque le député extraordinaire exposa l’objet de sa mission. On ne tarda pas à connaître à Montauban le décret rendu le 30 avril, par lequel il était décidé que les gardes nationales resteraient, en attendant l’organisation définitive, sous le même régime qu’elles avaient lors de leur institution, et que les modifications que les circonstances rendraient nécessaires, ne seraient faites que de concert entre les gardes nationales actuellement existantes et les nouvelles municipalités. L’état-major adressa, le 6 mai, ce décret, qui lui était envoyé par M. Poncet, membre de cette Assemblée, aux officiers municipaux, en les invitant de nouveau à suspendre et faire suspendre tout ce qui pourrait être relatif à la formation des nouvelles compagnies ; et protesta contre tout ce qui pourrait tendre à rien changer au régime qu’avait eu la garde nationale à l’époque où la municipalité avait été régulièrement constituée. Le même jour, la municipalité fit une réquisition à l’état-major de reconnaître, comme faisant corps avec la garde nationale, le quatrième bataillon nouvellement formé en vertu de son ordonnance du 6 avril, composé de 8 compagnies. Elle lui adressa le contrôle des officiers et soldats destinés à partager le service. Elle requit aussi l’état-major d’admettre les députés desdites compagnies dans le conseil militaire, pour délibérer sur les objets qui intéresseraient ladite garde nationale. L'état-major, en réponse à cette réquisition, persista dans ses protestations, refusa d’admettre le quatrième bataillon, et protesta de rendre la municipalité garante et responsable des événements qui pourraient résulter de sa persévérance. On répandit alors, dans la ville de Montauban, un imprimé intitulé : Réflexions sur le décret du 30 avril 1790, au sujet des gardes nationales ; de l’imprimerie de Vincent Teulières, imprimeur du roi, à Montauban. Dans cet écrit on prétend : Que le décret n’était pas rendu pour Montauban, et qu’il n’y est pas applicable ; Que ce décret n’a eu pour but que de prévoir les difficultés qui résulteraient des règlements et projets opposés relativement au régime des gardes nationales; que l’ordonnance des officiers municipaux, relative à la formation d’un quatrième bataillon, n’était pas un règlement ni un projet ; Qu’il n’était pas question de changer à Montauban le régime de la garde nationale ; Que les compagnies créées par le corps municipal sont actuellement existantes. On conclut, dans cet écrit, que le décret autorise les nouvelles compagnies, et on prétend l’établir par une dissertation sur le mot régime , sur sa valeur et sa vraie signification. Il s’en fallait de beaucoup que la garde nationale admît de pareilles interprétations : elle concevait que tout devait rester dans le même état qu’il était précédemment, et qu’il ne pouvait être apporté aucun changement à cet état que par le concert et le consentement mutuel de la garde nationale et de la municipalité, que l’une sans l’autre ne pouvait faire de modifications. La municipalité a remis à votre comité des 278 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790.1 rapports un avis, signé, le 10 mai, par deux membres de votre comité de Constitution ; mais le mémoire dans lequel on expose que quatre cents citoyens, non enrôlés dans le principe, avaient demandé à l’être ; qu’il avait, en conséquence, été formé avant le décret du 30 avril, un quatrième bataillon : ce mémoire, disons-nous, ne fait aucune mention des obstacles et de l’opposition apportés par la garde nationale ; en sorte que le comité de Constitution s’est décidé à trouver tout bien, parce que tout lui a paru s’être opéré de concert. § V. — Fanatisme. Le mécontentement devenait plus général et plus inquiétant dans la ville de Montauban. Plusieurs autres difficultés agitaient depuis plus de quinze jours les esprits. Un sixième, ou environ, de la population de cette ville, était composé de protestants, parmi lesquels se trouvent les négociants les plus aisés. Les libelles, les plus incendiaires, se répandaient avec la plus grande profusion, pour exciter le peuple contre les protestants, et pour lui faire croire que ceux-ci étaient des factieux, par principes et par caractère; qu’ils voulaient dé* truire la monarchie et la religion ; qu’il fallait les éloigner de toutes les places, se méfier d’eux sans cesse, etc. Plusieurs de ces libelles avaient été saisis par les patrouilles de nuit, et dénoncés aux officiers municipaux, par le commandant général, le 15 avril, en vertu de l’arrêté de la garde nationale, avec invitation au corps municipal de prendre les meilleures mesures pour affaiblir l’impression que pouvaient faire ces écrits sur l’esprit du peuple. Le 21 avril, il circula un écrit, intitulé : Avis aux citoyens catholiques de Montauban, contenant invitation à se rendre, le vendredi 23 avril, à deux heures, après-midi, dans l’église des Cordeliers, où on nommerait des commissions pour aller annoncer l’assemblée aux officiers municipaux. Le motif, donné à cette réunion, était de présenter une adresse au roi et à l’Assemblée nationale, pour solliciter un décret qui : 1° Assurât à jamais l’unité de la religion en France, et qui déclarât la religion catholique, apostolique et romaine, la seule religion de l’Etat; 2° Conservât à Montauban son siège épiscopal, les ordres religieux, le collège, le séminaire, l’hôpital et autres maisons d’institution; 3° On demandait qu’à l’exemple des catholiques de Toulouse, on fît une adresse à la municipalité, pour la prier de suspendre, jusqu’à la réponse du roi et de l’Assemblée nationale, la douloureuse visite qu’elle était chargée de faire dans les maisons religieuses ; 4° Enfin, on annonçait qu’on prierait les vicaires-généraux d'ordonner des prières publiques, auxquelles toutes les communautés et toutes les églises paroissiales seraient invitées. L’assemblée eut lieu le 23, suivant l’avis imprimé ; on y nomma un président, des secrétaires, et ensuite des commissaires pour aller à l’hôlel-de-ville donner avis de l’assemblée. Après le retour des commissaires et la lecture de l’acte donné parles officiers municipaux, on entra en matière ; on fit un arrêté conforme à l’avis, et on s’ajourna au 2.7, pour entendre la lecture des adresses au roi et 4 l'Assemblée fia* tionale, que les commissaires furent chargés de rédiger. Le 27, on lut les projets , ils furent adoptés, et [es commissaires furent chargés de les envoyé1* à leur destination. Comme il avait été décidé, dès le 23, qu’on demanderait d’être autorisé à faire des prières publiques, les vicaires-généraux de M. l’évêque de Montauban donnèrent un amendement, le 25 avril, dans lequel ils disent avoir été sollicités, à cet effet, par un très grand nombre de citoyens de la ville, légalement assemblés par permission de MM. les officiers municipaux ; ils ordonnèrent des prières de 40 heures. La garde nationale, dans sa lettre du 23 avril, se plaignait des assemblées dans les églises, dans lesquelles elle dit que la majeure partie du temps fut employée à déclamer contre les protestants. On leur reprochait les malheurs dont on se plaignait; on les accusait d’avoir multiplié les intrigues et prodigué l’argent pour accaparer les suffrages et séduire jusqu’au régiment; l’aumônier, présenta aux Cordeliers, accusa un protestant d’avoir offert un louis d’or à un chasseur, pour l’engager à séduire ses camarades et à les induire à se lier avec les protestants. L’acte de dénonciation était écrit, on l’enleva des mains de celui qui le lisait, et on nomma le sieur Vignes, pour être le séducteurdésigné. La fermentation était très grande ; le sieur Vignes et son fils dénoncèrent cette calomnie aux officiers municipaux : ceux-ci ne reçurent leur plainte qu'aux risques et périls desdits sieurs Vignes , qui depuis, pour obtenir une plus prompte réparation, s’adressèrent aux juges ordinaires. Les choses étaient parvenues au dernier degré de fermentation, et l’explosion la plus violente était sur le point d’avoir lieu. L’alarme était générale. Le 7 mai, ceux qui avaient demandé ces nouvelles compagnies formèrent une nouvelle pétition, pour qu’elles fussent mises en activité. Le 8, le commandant de la garde et quelques pères de famille se concertèrent ensemble, pour trouver les moyens capables d’empêcher l’incendie général dont on était incessamment menacé. Us se transportèrent à l’hôtel-de-vilie. Le commandant adressa aux officiers municipaux un discours tendant à obtenir quelque plan de conciliation, qui pût convenir aux deux partis et entretenir au moins un calme apparent jusqu’à l’organisation des gardes nationales. On nommades commissaires de part et d’autre. Ce fut le 9 mai, après-midi, que, suivant le pfo-cès-verbal de la municipalité, les propositions de conciliation furent discutées* La municipalité proposa deux moyens, ou de recevoir, dans chacun des trois bataillons existants, trois des nouvelles compagnies, auquel cas il en serait formé une neuvième ; ou de réunir les huit compagnies nouvellement formées avec les vingt-quatre anciennes, ce qui, alors, en aurait fait trente-deux, et d’en former, par la voie du sort, quatre bataillons composés de huit compagnies chacun, toujours sous le même état-major. Quoique ces deux propositions ne fussent, ni l’une ni l’autre, conformes au vœu de la garde nationale, qui consistait à n’admettre qu’une incorporation, cependant, sur l’ouverture faite le 9 au soir, Je conseil de guerre fut convoqué pour le lendemain 10 ; et là on prit la résolution de douner les plus amples pouvoirs à l'état-major, et d’adopterd’avauce tout ce qu’il pourrait faire pour h bien et lapaix, L’état-major paraissait disposé à faire les plus grands saerifiees pour ramener le [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790.] 279 calme, et faire disparaître toute idée de dissen-tion : mais malheureusement il n’était déjà plus temps. Événements du 10 mai. Le 10 mai était le premier jour des Rogations : ce jour-là on avait fait la procession d’usage. 11 était connu que, dès le matin, les officiers municipaux devaient se rendre dans les cinq communautés religieuses pour y faire l’inventaire ordonné par votre décret du 26 mars. Les officiers municipaux disent, dans leur procès-verbal, que, pour se conformer au décret et, en même temps pour accélérer l’opération, ils arrêtèrent que deux d’entre eux se détacheraient, à onze heures du matin, pour se transporter dans le même moment dans les cinq communautés ; que, parvenus chacun de leur côté, ils trouvèrent l’accès des maisons religieuses intercepté par une populace immense, presque entièrement composé� de femmes, qui, à la vue des commissaires, crièrent de toutes leurs forces qu’elles s’opposaient à tout inventaire, ô tout trouble et inquiétude qu’on apporterait aux religieux; qu’on les avait trouvés dans leurs maisons ; qu’il fallait les y conserver; que, malgré les représentations des commissaires, tendant à faire respecter les décrets et à s’y soumettre, le peuple, attroupé, persista dans sa résistance, et força les commissaires à se retirer, pour déférer au corps assemblé les-dits attroupements, et en dresser procès-verbal. 11 demeure constant qu’il se formaaussi, quel-temps après, uu attroupement considérable sur la place des Monges, devant la maison du commandant général, etque Iob officiers municipaux en furent informés au moment où, suivant leur récit, ils s’occupaient des moyens de dissiper ceux qui s’étaient formés. Le motif de cet attroupement était, dit la municipalité, de demander au commandant, pourquoi il s’était déclaré du parti des non-catholiques et s’opposait à l’admission de nouvelles compagnies. M. de Puy-Monlbrun dit que, pendant le temps u’il s’occupait à l’hôtel-de-ville des moyens 'effectuer la conciliation, on vint annoncer à la münipalité que 4,000 personnes, réunies sur la place, voulaient brûler sa maison. Il ajoute que M. üelbreil, avocat général, et M.de Chaunac, actuellement chef de bataillon, frappèrent des mains. Le maire se rendit au lieu de l’attroupement, et à force de représentations, lui et quelques officiers municipaux parvinrent, disent-ils, à le dissiper. Le sieür de Gieürac en fit rendre compte au sieur de Puy-Montbrun, qu’il fit inviter à dîner. Le sieür ue Puy-Montbrun rentra quelque temps après chez lui, avec quelques dragons et quelques membres de la garde nationale : aussitôt il se forma un nouvel attroupement devant la porte de sa maison, et dans le nombre des attroupés il y avait beaucoup d’hommes. Sur ce nouvel a vis, M . de Gieurac se rend de nouveau devant la maison de M. de Puy-Montbrun, harangue le peuple, qui promet de se retirer si les dragons, entrés chez le général, se retirent de leur côte. On souscrit à ces conditions, M. de Puy-Mohtbrunva dîner chez le maire. Suivant le récit de la municipalité, la fermentation subsistait toujours. Le peuple, dit-elle, se plaignit ouvertement de ce que le sieur Montet, officier de la garde nationale, avait tiré son sabre et avait menacé le peuple de le tailler en pièces. Voici de quelle manière la municipalité assure que la scène continua. — Nous ne tronquerons pas ce récit de la municipalité, sauf à vous faire voir en quoi la garde nationale l’attaque 1 — Nous vous prions seulement, Messieurs, de remarquer que ce que nous allons rapporter est l’extrait de ce que la municipalité a déclaré dans son procès-verbal : A deux heures et demie de l’après-midi, trois officiers municipaux s’aperçoivent que, dans la cour de l’hôtel-de-ville, et dans lecorps de garde y joignant, plusieurs membres de la compagnie de dragons et de la garde nationale étaient attroupés. On mande à l’hôtel-de-ville ceux desdits membres qui étaient en garde. Quatre se rendent à la maison com nune.Interpellés d'expliquer les motifs de leur réunion, dans un moment ou ils n’étaient pas de garde, et où il n’y avait pas d’assemblée, ils répondirent, suivant le récit de la municipalité, que l’hôtel - de - ville était un point de ralliement pour eux, ils voulaient savoir pourquoi il y avait des attroupements dans la ville; que dans le moment même la maison de M. Delbreil, à la place des Monges, était remplie de monde au nombre de plus de deux cents personnes. La municipalité dit qu’elle envoya s’assurer de ce fait, et interpeller le sieur Delbreil, si la dénonciation était vraie, de faire vider sa maison. Le fait se trouva controuvé : il n’y avait aucun étranger chez le sieur Delbreil, on n’avait trouvé que le sieur Delbreil, père, qui s’habillait. D’après ce rapport les officiers municipaux invitèrent les officiers mandés à faire cesser les alarmes et les craintes auxquelles leur réunion donnait lieu, à se retirer et à engager leurs camarades à eû faire de même. Sur larésistance de déférer à cette in vitation amicale, les officiers municipaux ordonnèrent àces officiers de se retirer, et défaire retirer leurs camarades. L’un des officiers persévéra, et dit que, B’il y avait quelque danger, les officiers municipaux n’élaient pas p:us a l’abri des balles que les autres citoyens. Ges officiers sortirent et rejoignirent leurs camarades. Quelques instant après on aperçut le sieur Du-chemin, capitaine de dragons, parmi les attroupés. On le manda à l’iiôtel-de-ville, on lui lit les mêmes représentations et réquisitions qui venaient d’être faites aux autres officiers inférieurs en grade. Ge capitaine répondit que la munici-. pâli té pouvait faire une réquisition au commandant général, et qu’il offrait d’en être le porteur; mais qu’il ne pouvait quitter ni faire quitter ses camarades. Pendant que les officiers municipaux délibé*- raient sur le parti ultérieur à prendre pour dissiper cet attroupement, ils furent avertis qu’il y avait dans la rue, et près de la porte extérieure de l’hôtel de la commune, une foule de citoyens de tout sexe, qui demandaient que les membres de la garde nationale attroupés, et notamment les dragons, se retirassent. Les dragons de leur côté, continue la municipalité, crient aux armes et prennent en effet les fusils qui étaient dans le cops de garde pour le service journalier, et qui n’étaient point chargés ni garnis de pierres à feu. Sur-le-champ, cinq officiers municipaux, le substitut du procureur de la commune, revêtus de leurs chaperons, et le secrétaire se portèrent vers la porte extérieure de la cour pour contenir le peuple attroupé, l’empêcher d’entrer, Je calmer, 280 {Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (22 juillet 1790.] et l'engager à se retirer : mais prières, exhortations, invitations à la paix, menaces, rien ne fut capable d'arrêter l’attroupement et de le dissiper. Un officier municipal courut au corps de garde, dont il trouva la porte gardée par une foule de dragons, tous armés de fusils et de sabres. Il les requiert de se retirer, en leur observant que leur retraite allait assurer la tranquillité publique ; que leur obstination pourrait amener les plus grands malheurs. Sur leur refus, il leur enjoignit, au nom de la nation, de la loi et du roi, d’obéir. Il leur dit qu’il y avait, à côté de la porte du corps de garde, une petite porte donnant sur la rue, par laquells ils pouvaient se retirer sans aucun danger. Nouvelle désobéissance. Quelques dragons, armés de sabres, voltigent dans la cour, se présentent sur la porte où était encore contenu le peuple, et le bravent par des menaces de voies de fait. Le passage est enfin forcé, malgré tous les efforts de la municipalité et le mouvement du vicomte deChaunac: le peuple entre en foule dans la cour. Les uns étaient armés de pierres, les autres de bâtons et de gros morceaux de bois. Les dragons, ralliés vers la porte du corps de garde, avaient chargé leurs fusils, et les avaient garnis de pierres. Ils font, dit la municipalité, une décharge sur le peuple, dont quelques-uns reçoivent diverses blessures. Le peuple, furieux, demanda à grands cris des armes et des munitions pour sa défense. Les instances sont si vives que que l’un des officiers municipaux ne crut pas pouvoir, sans compromettre visiblement ses jours, se dispenser d’ordonner au secrétaire de la commune de délivrer le drapeau rouge, qui fut apporté sur-le-champ. On arbora le drapeau rouge. Cent cinquante fusils, qui étaient dans le petit arsenal, sont enlevés aussitôt que la porte en fut ouverte par le secrétaire. Ceux qui s’eu étaient saisis, ayant entendu un coup de fusil qu’on dit être parti du corps de garde où s’étaient barricadés les dragons, reparaissent les baïonnettes au boutdufusil, pour demander des munitions ; ils sont suivis d’une foule de citoyens : ils menacent le secrétaire et le capitaine du guet, des dernières violences, si on se refuse à leurs demandes. Alors le sieur Neuville, capitaine du guet, ouvre la porte du cabinet où étaient déposées les munitions, et en délivre successivement à ceux qui se présentent. En même temps, ceux qui n’étaient pas encore armés s’introduisent du petit -arsenal dans le grand, et s’emparent des fusils qui y étaient déposés. A mesure que le peuple s’armait, continuent les officiers municipaux, il se portait vers le corps de garde où les dragons étaient réfugiés. On tire à coups ri doublés sur la porte et par la fenêtre dudit corps de garde : de leur côté, les dragons tirent par la fenêtre sur le peuple, et quelques particuliers sont blessés. Alors un officier municipal, M. de Chaunac, qui avait été légèrement blessé, les sieurs Delbnel frères, et de l’Albeinque s’approchent de la fenêtre du corps de garde, représentent aux dragons et aux soldats enfermés dans le corps de garde, que le moyen de calmer le peuple serait peut-être qu’ils rendissent les armes, et qu’à ce prix on leur conserverait la vie ; qu’il semblait que le peuple se bornait à demander qu’on les livrât à la justice et qu’i ls fussent à cet effet traduits dans les prisons du château royal : cette proposition fut acceptée, les soldats nationaux rendirent les armes par la fenêtre du corps de garde. Vers les deux heures après-midi, la maréchaussée, requise par la municipalité, s’était mise enétat de dissiper les attroupements formés devant les couvents et la maison du commandant. Elle se porta ensuite dans la rue de l’hôteî-de-ville , aussitôt qu’elle fut instruite de ce qui se passait. Un officier municipal requit, par écrit, le commandant d’un des postes du régiment de Languedoc, de dépêcher un piquet vers la maison commune, pourdissiperlesattroupementsqui s’étaient formés: ce fut exécuté. Le commandant, suivant le même récit, fut alors requis, par le maire, de mettre la troupe en activité, pour concourir, avec la maréchaussée, à remettre le bon ordre et la tranquillité. En attendant l’arrivée du régiment, un officier municipal requit le commandant de la maréchaussée d’entrer avec sa troupe dans la cour de l’hôtel-de-ville, pour contenir le peuple et pour empêcherqu’onenfonçâtlaporteducorps de garde. On avait déjà commencé à démolir le mur. Gela produisit l’effet désiré, la porte fut abandonnée. Le régiment de Languedoc arriva et le peuple promit de ne point se livrer à d’autres excès, pourvu que les dragons fussent livrés à la justice, etconduits,sanshabits, dans lesprisonsduchâteau royal. On ouvrit les portes du corps de garde, où l’on trouva trois dragons étendus morts, un quatrième si grièvement blessé, qu’il périt aussitôt, et trois ou quatre autres blessés, dont un est mort peu de temps après. On plaça les dragons et autres soldats nationaux, entre les deux compagnies de grenadiers et des chasseurs du régiment de Languedoc, et escortés par un peuple immense. Ils furent conduits dans les prisons du château royal. Le maire entra, dit-il, dans une église voisine après avoir invité le peuple à s’y rendre. Il l’exhorta à la paix, à la tranquillité et à pardonner. Le peuple dit qu’il n’était pas en sûreté, qu’il y avait des amas d’armes considérables, de canons et munitions chez le sieur Mariette, l’un des prisonniers. Le maire répondit au peuple, que le sieur Mariette avait fait sa déclaration sur les registres de l’hôtel de la commune, comme quoi les canons étaient hors de service. Le peuple insista et un officier municipal se rendit chez ie sieur Mariette. Le peuple, content, se retira et se dispersa. La municipalité réunie prit les mesures nécessaires pour pourvoir, pendant la nuit, à la sûreté et à la tranquillité des citoyens. Les officiciers municipaux ont terminé leur récit en donnant des éloges au régiment de Languedoc et à la maréchaussée ; ils assurent qu’une proclamation de la municipalité, affichée les 11 et 12 mai, a mis le dernier sceau à la tranquillité publique. Ce procès-verbal delà municipalité de Montau-bau est contesté sur plusieurs articles essentiels: d’abord, par le commandant général, le sieur de Puy-Montbrun, par les députés extraordinaires de Montauban qui ont également envoyé, à diverses reprises, une narration de la manière dont ils assurent que les choses se sont passées. Beaucoup de mémoires et de lettres sans signa-turesont également été remis à votre comité. Nous ne croyons pas, Messieurs, devoir vous entretenir de ces productions qui ne sont pas souscrites de leurs auteurs. Mais votre comité croit devoir vous rendre compte des faits tels qu’ils ont été rendus par le parti opposé à la municipalité. Il a cru qu’il n’appartenait qu’à l’Assemblée nationale de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790.) 281 déterminer le degré de confiance qu’on doit ajouter aux pièces signées qui ont été produites. Le premier reproche fait à la municipalité est d’avoir annoncé son projet de visite des monastères; de l’avoir exécuté avec affectation dans les cinq couvents, à la même heure ; et de n’avoir pris aucun moyen pour dissiper les attroupements dont elle devait connaître l’existence avant même de se rendre aux portes des monastères. On lui reproche que l’état-major, qui était en conférence avec la municipalité, ayant dit aux officiers municipaux qu’il fallait requérir la force publique pour dissiper les attroupements qui se multipliaient, et qui allaient produire de grands malheurs, les officiers municipaux répondirent que ce ne serait rien, et qu’il ne fallait employer la force qu’à défaut de tout autre moyen (1). On désavoue que le sieur Montet a menacé le peuple de son sabre. Les prisonniers attestent que cet officier, craignant pour les jours du général, proposa de mettre un garde à sa porte, et s’offrit pour être le premier en sentinelle ; qu’alors il se disposa à occuper ce poste ; et comme il n’avait pas de fusil, il porta la main à la poignée de son sabre. Ce geste fut interprété comme une menace ; il se répandit, avec éclat, que M. Montet aurait voulu fondre sur le peuple. Les dragons et autres soldats, qui depuis ont été incarcérés, assurent qu’ayant conçu de l’inquiétude sur l’attroupement qui s’était formé, ils se rendirent à l’hôtel-de-ville où est le corps de garde, pour là attendre le résultat de la négociation entamée entre la garde et les officiers muni-(1) Nous croyons devoir prévenir le lecteur, comme nous avons prévenu l’Assemblée nationale elle-même, que le comité des rapports, en rendant compte des faits dont les députés de la garde nationale ont fait usage, n’a jamais entendu se rendre garant de leur vérité. 11 a cependant dû en instruire l’Assemblée nationale, d’abord parce que le comité ne devait pas prendre sur lui de juger du degré de confiance que méritaient les diverses allégations des parties ; en second lieu, parce que ces faits, dans l’opinion du comité, doivent déterminer l’information qu’il proposait de faire faire. Au reste, il est évident que le projet de suspension des officiers municipaux de leurs fonctions n’a point eu pour base les faits énoncés par le parti qui se plaint de la municipalité, mais le procès-verbal même des officiers municipaux. Le rapporteur de cette affaire a cru devoir faire imprimer le rapport, et sa publicité sera la seule réponse qu’il opposera aux libelles, que se sont permis de publier les auteurs du Mercure de France, de la feuille intitulée. : l’Ami du roi, etc. Le public jugera aisément si ce rapport respire la passion, la partialité. Il verra aussi, malheureusement pour le rapporteur, que celui-ci n’a point les talents de M. Cérutti, auquel le sieur Mallet-du-Pan, suppose tout seul que le public attribue le rapport. Cette supposition et plusieurs autres n’ont été hasardées que pour avoir le prétexte d’injurier à la fois et le rapporteur, parce que le projet du comité déplaisait au sieur Mallet-du-Pan, et M. Cérutti, parce qu’il est, dit-on, l’éditeur d’un ouvrage intitulé : Mémoire circonstancié envoyé, par la garde nationale de Mon-tauban, au comité des rapports. Ce mémoire a été en effet déposé au comité, revêtu des signatures des parties intéressées. Quel que soit le rédacteur de ce mémoire, le rapporteur, qui n’a point l’avantage de connaître directement ni indirectement M. Cérutti, a dû faire usage de quelques-uns des faits détaillés dans ce mémoire, dès lors qu’il était produit par les députés de la garde nationale. Au reste, les injures et les calomnies des auteurs du Mercure de France et de l'Ami du roi ne sont pas faites pour afiecter un représentant de la nation, dont le patriotisme et le courage sont inébranlables; il ne doit craindre que leurs éloges. cipaux, et empêcher que le peuple ne se rendît maître des armes de l’arsenal. Dans le même instant, un nègre, nommé Balthasar, convoque une assemblée de catholiques aux Cordeliers ; il distribuait des billets imprimés. Cette assemblée devint très nombreuse. Quelques personnes montèrent successivement dans la chaire : on y excita le peuple, en attestant que la compagnie de dragons, mêlée de protestants ou de mauvais catholiques, s’étaient emparée du corps de garde et de l’arsenal. Lorsqu’on eut débité aux Cordeliers que les dragons avaient pris les armes de l’arsenal, le peuple se transporta en foule à l’hôtel-de-ville. On arracha la cocarde nationale. Le peuple était muni de pierres, d’armes à feu, enlevées chez les armuriers : d’autres étaient armés de bâtons, de broches, etc. Le capitaine, qui était allé porter la réquisition de la municipalité au commandant pour faire abandonner le poste occupé parles dragons, rapportait l’ordre conforme à cette réquisition, mais il ne putpénétrerà travers la foule : il reçut plusieurs coups de fusil. Le sieur de Puy-Montbrun atteste que, pour dissiper l’attroupement, il proposa au maire de venir avec lui pour contenir le peuple. IL vola à 1 ’Jtiôtel-de-ville : la municipalité l’abandonna ; le peuple criait qu’il voulait le poignarder. Deux cents personnes fondirent sur lui, et il entendait dire en parlant de lui : qu'on l'assassine ! La maréchaussée lui sauva la vie ; mais il avait reçu trois coups de sabre et plusieurs coups de bâton. Le peuple se porta au lieu où le sieur de Puy-Montbrun s’était réfugié, et plusieurs voix répétaient ; Nous avons promis sa tête, il faut tenir parole! Mais on assura que le sieur de Puy-Montbrun était ailleurs. Les citoyens détenus attestent que, s’il n’y avait plus d’attroupement devant la porte de M. Delbriel lorsque la municipalité y envoya, c'est que le sieur Delbriel fils s’était rendu, avec les attroupés, aux Cordeliers. La ressource indiquée par les officiers municipaux, de faire sortir les dragons et autres soldats par la petite porte dont ils parlent dans leur procès-verbal, était évidemment illusoire, parce qu’on certifie que la grande et la petite porte de la cour sont sur la même ligne, donnent sur la même rue, et ne sont distantes que de quelques pas l’une de l’autre. Ensortequecequeles officiers municipaux attribuent à l’entêtement ou à l’acliarnement, ne doit i’étre qu’à une prudence dictée par la nécessité des circonstances. Il est désavoué que les dragons aient attaqué le peuple. On articule, au contraire, que M. Ghau-nac, ancien volontaire, chevalier de Saint-Louis, actuellement chef de bataillon dans la nouvelle garde, s’élança, le sabre à la main, sur le sieur Gatereau, dra*gon ; qu’il lui porta un coup dont il lui aurait fendu la tête, si le sieur tiatereau ne lui eût opposé le bras gauche, où il reçut une profonde eniaille. Alors le sieur Gatereau tira un coup de pistolet sur le sieur de Chaunac, dont il ne l’atteignit pas. Les dragons n’avaient entre eux tous que six pistolets de poche. Les dragons et autres soldats citoyens disent qu’étant assaillis à coups de pierres et à coups de fusil, ils se barricadèrent dans le corps de garde; que la populace, ayâut à sa tête le sieur de Chaunac, les fusillait et écrasait à coup de pierres, tandis que ceux des assiégeants, qui étaient sans armes, recevaient les fusils et les munitions du magasin qui leur étaient distribués par les officiers munici- â82 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790. J paux, qu’à mesure que cette distribution avançait, le feu redoublait ; que plusieurs officiers municipaux, dans un moment aussi critique, étaient dans une parfaite sécurité, riaient sur la place, et s’offraient mutuellement du tabac. S’il y a eu des blessés parmi le peuple, ce dont on ne peut douter, puisque les rapports des chirurgiens adressés par la municipalité, constatent que le nombre s’est porté à dix, qui ont reçu de légères blessures, on doit imputer cet accident, dit-on, à la maladresse de ceux qui tiraient sur les dragons, et à ce que les balles ou mitrailles se reportaient, du mur contre lequel on tirait, sur les personnes qui étaient près de ce mur. On reproche encore à la municipalité son refus de publier la loi martiale, sur la réquisition que leur faisaient les dragons; sa lenteur à requérir le régiment de Languedoc, qui n’arriva qu’à cinq heures et demie, c’est-à-dire près de trois heures après le commencement de la scène. On lui reproche enfin de n’avoir pris aucune mesure convenable pour dissiper les attroupements qui existaient dès le matin, et qui se succédaient à toutes les heures du jour. Les dragons et autres soldats citoyens demandaient la vie; ils avaient mis un mouchoir blanc au haut d’une baïonnette; on leur cria de rendre les armes; mais, pendant ce temps, on redoublait de coups de fusil à travers la porte et les fenêtres. Ils articulent que pendant, qu’ils demandaient grâce, on leur répondait en termes très durs, mêlés de jurements affreux : qu’on voulait avoir toutes leurs têtes sur des piques , et venger la mort de Favras. Lorsque la maréchaussée eût pu se frayer un passage et se fût exposée à la fureur du peuple pour sauver les dragons; lorsque le régiment fût arrivé, on fit sortir ceux qui étaient dans le corps de garde. Le maire de la ville et un autre officier municipal escortèrent ces infortunés pendant qu’on les conduisait en prison. Le maire portait le drapeau blanc, et les prisonniers, dégradés, déshabillés malgré leurs blessures, furent dans cet état conduits au milieu des grenadiers et chasseurs, d’abord devant l’église cathédrale où on leur lit faire une espèce d’amende honorable en leur faisant demander pardon, puis dans les prisons où ils ont été détenus jusqu’au 29 mai. On assure que le peuple, lier de sa victoire, criait : Vive le roi! A bas la nation et la cocarde nationale! Le respect dû à la vérité nous oblige de yous faire remarquer ici, Messieurs, que le récit qui vous a été fait à votre séance du 17 mai, d’après la lettre qui était parvenue à votre comité, a été inexact dans la partie où l’on disait que M. de la Force était à Montauban, et votre comité croit devoir faire apercevoir et rectifier en même temps l’erreur dans laquelle on l’avait induit à cet égard, M. de la Force a réclamé lui-même contre cette allégation. Sa justification sur ce fait ne peut être équivoque, mais il aurait dû être persuadé que jamais il n’entra dans l’intention de votre comité, ni d’aucun des membres de l’Assemblée nationale, de le calomnier. Le rapport était autorisé par lettre qui, en cette partie, est erronée. Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette digression. Les officiers municipaux s’occupèrent, le 10 mai au soir et le lendemain, pour trouver les moyens de rétablir le calme. Le 11, ils firent publier une proclamation, par laquelle ils défendirent les assemblées de jour et défendirent aux religieux de prêter territoire ; ordonnèrent le rapport des armes dans les arsenaux pour n’en sortir que par ordre de la municipalité, et dans les cas seulement qui pourraient l’exiger, et qu’ils annoncèrent avec confiance ne pas devoir se produire; ils défendirent également, sous peine de 25 livres d’amende, de tirer des coups de fusil, pistolet, boîte, etc.; et ils enjoignirent aux cavaliers de la maréchaussée, soldats de la compagnie du guet, et à toutes personnes armées par autorité publique et légitime , d’arrêter les contrevenants. Par son réquisitoire, en tête de cette proclamation, le procureur de la commune exhorte le peuple à la paix, et à abjurer la haine et la vengeance. Bon peuple, lui dit-il, votre douleur atteste que vous êtes nés doux et compatissant , que que votre nature aimable et facile peut s’irriter, mais qu’elle ne tarde pas à revenir aux impressions de l’humanité, aux premières émotions du sentiment ; au fort même de votre courroux que vous n’avez voulu de victimes que celles du hasard ou de la témérité. Ce peuple, dit la municipalité, rentra aussitôt dans l’ordre, les nouvelles compagnies furent mises en activité; cependant il est certain que, le lendemain de la scène sanglante qui avait eu lieu, deux dragons furent saisis par le peuple ; la vie leur fut conservée par le secours du major du régiment, mais ils firent amende honorable, et furent conduits comme leurs camarades dans les prisons. Les officiers municipaux, en vous adressant leur procès-verbal, y ont joint une copie de lettre qui a dû être écrite par le sieur dePuy-Mont-brun au curé de Montauban. Gomme on lire des inductions de cetle lettre, il est essentiel qu’elle soit mise sous vos yeux. Elle est ainsi conçue : « Monsieur, recevez l’hommage de tous mes remerciements de l’intérêt que vous avez daigné prendre à l’homme qui vous respecte le plus, et qu’on calomnie et outrage de la manière la plus horrible. C’est uniquement parce que j’ai cru faire le bien, que j’ai accepté une place qui ne m’a causé que les plus vives inquiétudes. Forcé de déférer, sans cesse, à un conseil et à un état-major formé depuis longtemps j’étais heureux lorsque j’avais fait quelque progrès dans leur confiance; par ce moyen j’étais assuré de 'la tranquillité de la ville, et enfin, j’étais parvenu à obtenir de pleins pouvoirs pour réunir les huit compagnies à la garde nationale. Quoique en présence de l’état-major, je parusse désirer quelque sacrifice de la municipalité, mon plan était de la laisser maîtresse absolue ; et en obtenant cette réunion si désirée, que je n’avais pu obtenir que par degré, je me promettais les plus douces jouissances. Vous connaissez tous nos malheurs, qu’une imprudente jeunesse a occasionnés, et que j’ai cherché à prévenir en donnant les ordres les plus précis, et en exposant enfin ma vie qui a couru les plus grands dangers : c'est à Dieu que je dois ce miracle, qui m’imposera la loi dé ne jamais jouer aucun rôle que celui de bon citoyen, qui ne m’abandonnera qu’avec la vie, etc, Signé : de PUY-MONTBRUN. » Je dois maintenant vous observer, Messieurs; que M. de Puy-Montbrun, dans une lettre du 6 juillet, s’explique ainsi : « J’ai envoyé au commissaire du roi une copie « de ma lettre à la municipalité, et une réfutait lion du procès-verbal et de l’examen sommaire « rempli de réticences criminelles ou de feus»»1 [22 juillet 1790.| [Assemblée nationale.] « setés. A la fin de ce dernier ouvrage, on ex-« plique d’une manière outrageante une lettre de « remercîments au curé de la ville, qui est défi-« gurée, et dont l’interprétation est injurieuse « pour mes sentiments pour l’ancienne garde « nationale. » Dans sa relation au commissaire du roi il dit qu’il a taxé la jeunesse d’imprudence, et il explique en quoi consiste cette imprudence. Elle est assaillie, dit-il, par le peuple ; elle se réfugie dans l'hôtel-de-ville pour y garder les armes; on la poursuit. Sa démarche fatale pour elle est imprudente. La municipalité, dans sa lettre du 12 à l’Assemblée nationale, dit qu’elle est pénétrée de douleur des excès auxquels s’est portée une jeunesse imprudente et téméraire, qui a été cruellement punie de ses attentats contre la sûreté publique ; elle regrette de n’avoir pu prévenir ces scènes sanglantes, mais, du moins, elle a la consolation d’avoir arraché au ressentiment du peuple un grand nombre de victimes, du sang desquelles il semblait altéré. Aussitôt que l’événement désastreux du 10 mai fut connu de l’Assemblée nationale, elle rendit, le 17 mai, un décret pour prendre les mesures capables de rétablir le calme. Vous ordonnâtes à tous les citoyens de porter la cocarde nationale, vous mîtes les non-catholiques sous la protection de la loi. Vous décrétâtes enfin que vous prendriez les mesures les plus sûres pour que justice fût faite de tous ceux qui, par négligence dans leurs fonctions, ou par des manœuvres séditieuses, avaient excité ou fomenté ces désordres. Les villes voisines de celle de Montauban furent sensiblement affligées du malheur dont elle venait d’être le théâtre. Elles s’empressèrent d’offrir un asile aux infortunés que le fanatisme et la fureur populaire avaient proscrits : les émigrations étant devenues nécessaires à quantité de familles, la ville de Bordeaux, sur le réquisitoire du procureur de la commune, fit un arrêté, le 15 mai, pour inviter les citoyens de Montauban à venir à Bordeaux où ils trouvaient asile, force et tous les secours de la fraternité la plus amicale; elle engagea toutes les autres villes, les bourgs et villages à faire les mêmes offres. Dix-sept autres municipalités ont suivi ce noble et généreux exemple. La ville de Bordeaux, comme vous le savez, Messieurs, ne s’en tint pas là ; elle arrêta de voler au secours des citoyens de Montauban qui étaient dans les fers. Tout semblait faire craindre de nouvelles scènes d’horreur. La garde nationale de Bordeaux, de concert avec la municipalité, envoya un corps de 1,500 hommes, composé de cette même garde, et d’un détachement du régiment de Champagne, à Moissac. Gette démarche vous fut annoncée par la municipalité de Bordeaux, qui vous prévint que l’armée bordelaise resterait à Moissac, pour y recevoir de vous ou du roi l’autorisation et les ordres convenables. Les officiers municipaux de Montauban ne virent point dans cette démarche de l’armée bordelaise le sentiment qui l’avait dictée. Ils vous avaient adressé une lettre, le 16 mai, par laquelle ils vous rendaient compte du fruit de leur zèle et de leurs travaux pour rétablir le calme. Ils vous annonçaient avoir pourvu, d’une part, aux subsistances, et avoir procédé à une nouvelle promotion à tous les grades dans la garde nationale qui n’existait plus par la dispersion de. son 283 état-major, de son conseil de guerre et par l’épouvante qu’avaient prise quelques-uns de ses membres devenus suspects à cause de leurs opinions religieuses. L’ancienne garde nationale est, suivant leur récit, presque entièrement fondue dans la nouvelle, et ne connaît d’autre chef que la municipalité. Ils vous attestaient encore que Jes non-catholiques, oubliant toute division, prodiguaient les secours aux infortunés : ils disaient que les prisonniers étaient traités avec beaucoup d’égards, et qu’ils confessaient devoir leur salut à la municipalité. Cette lettre du 16 mai a dû éprouver un retardement, puisque vous ne la reçûtes qu’avec une autre, datée du 19, par laquelle les officiers municipaux vous dénonçaient que les Bordelais venaient fondre sur eux, la flamme et le fer à la main. Ils députèrent vers eux des commissaires chargés de paroles de paix et sollicitèrent en même temps un décret de l’Assemblée nationale pour prévenir l’incendie qui était près d’embraser la ville de Montauban. Lors de la députation envoyée, le 19, à Moissac, par la municipalité de Montauban, il avait été pris ledit jour une délibération par laquelle l’élargissement des prisonniers avait été déclaré né devoir se prolonger que jusqu’au retour des députés. Dans cette délibération imprimée, le maire dit : qu'il conviendrait de rendre la liberté aux infortunés à qui, dans la fatale journée du 10 mai , la prison fut ouverte , plutôt pour leur servir d'asile, que pour les retenir captifs. Il n'est aucun citoyen qui n'ait versé des larmes sur leur sort; dont le cœur n'aille au-devant de leur délivrance. De ces expressions du maire on a induit que lui-même était pénétré de cette vérité, que les prisonniers étaient plutôt malheureux que coupables. Le 22, les députés revenus de Moissac rendirent compte de leur mission. Les pères de famille, qui n’étaient pas de la municipalité et qui avaient été envoyés en députations, étaient convenus, devant le détachement bordelais, que la religion avait servi de motif ou de prétexte aux fureurs du peuple qu’on avait trompé ; qu’il était vrai que les volontaires de la garde nationale n’avaient pas attiré parleur faute les meurtres et les emprisonnements dont ils étaient leâ victimes, qu’ils s’étaient toujours contenus dans les bornes d’une défense naturelle et légitime. Ils prièrent, au surplus, le détachement de ne pas exiger d’autres éclaircissements, ne devant pas y répondre par ménagement pour les autres députés, officiers municipaux. A leur retour, l’élargissement des prisonniers fut d’abord ordonné; une députation fut nommée pour aller en rendre compte à l’armée bordelaise; mais le peuple étant alors en fermentation, on déclara suspendre l’élargissement jusqu’à l’arrivée de MM. les députés qui étaient attendus dans le jour. L’après-midi dudit jour 22, procès-verbal fut dressé, par la municipalité, des attroupements du peuple qui était furieux de l’élargissement prononcé ; il usait à cet égard de menaces, demandait des armes et déclarait qu’il ne voulait pas faire de mal aux prisonniers, mais qu’il s’opposait à ce qu’ils sortissent de prison avant que l’armée de Bordeaux rétrogradât. La municipalité prit des mesures pour dissiper les attroupements, promit au surplus que les prisonniers cesseraient d’être détenus, et une nouvelle députation fut envoyée au détachement de l’armée bordelaise. Un des députés arriva le soir à Moqtaubau et ARCHIVES PARLEMENTAIRES, 284 {Assemblée nationale j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {22 juillet 1790.) se concerta avec la municipalité pour ramener la paix. En vous envoyant le procès-verbal du 22, la municipalité de Montauban se plaignit hautement de la conduite des citoyens de Bordeaux, de la calomnie répandue contre les officiers municipaux de Montauban. Dans leur adresse et dans leur délibération imprimée, ils disent qu’ils verront avec plaisir que l’Assemblée nationale ordonne une information légale qui dévoilera les manœuvres séditieuses qui ont fomenté et fait éclater les désordres qui ont affligé la ville de Montauban. Ils annoncent que les municipalités voisines se sont empressées, à l'envi les uns des autres, de venir offrir à la leur des secours et leurs bons offices auprès du détachement bordelais, pour l’engager à rétrograder; que ces villes leur ont donné des témoignages de dévouement et d’adhésion aux mesures prises par eux. La ville d’Agen avait député vers Montauban et vers l’armée bordelaise ; mais mécontente de l’inexécution des promesses qui lui avaient été faites, elle offrit de se réunir au détachement bordelais, et réclama contre l’assertion faite par la municipalité de Montauban, que les troupes d’Agen se réuniraient à son parti. Les officiers municipaux de Montauban écrivirent aux municipalités voisines de contenir leurs troupes et de ne les faire marcher qu’à leur réquisition. Toulouse et vingt autres villes et municipalités voisines de Montauban, après s’être concertées sur le parti qu’elles devaient prendre, offrirent leur médiation. Elles voulaient surtout protéger l’élargissement des prisonniers, et les secours qu’elles proposaient au besoin avaient particulièrement cet élargissement pour objet. Ces villes ont été mécontentes de ce que celle de Montauban a ensuite refusé cette médiation. Il est vrai que les officiers municipaux de Montauban ont donné pour motifs de l’inutilité de cette négociation l’arrivée prochaine de M. de Verleuil, envoyé par le roi, pour procurer, par sa présence, la paix publique. Quoi qu’il en soit, Messieurs, nous ne pouvons nous dispenser de vous observer ici que la municipalité de Montauban s’est prévenue lorsqu’elle a dit à l’Assemblée nationale que les villes voisines leur ont donné des témoignages d’adhésion. Elles ont voulu seulement être médiatrices, et surtout porter secours aux infortunés qui étaient détenus, leur faire rendre la liberté, et elles se sont réunies aux vœux non équivoques de l’armée bordelaise en manifestant qu’elles pensaient que c' était particulièrement sur les bons patriotes que le fanatisme avait exercé ses fureurs. Les détails trop considérables dont cette malheureuse affaire est surchargée, ne nous permettent pas de nous étendre ici sur les éloges que méritent ces villes, et particulièrement celles de Bordeaux, Toulouse et Agen. Mais l’opinion publique, sur la conduite qu’elles ont tenue dans cette circonstance malheureuse, et la reconnaissance des bons citoyens, nous dispensent de nous étendre à cet égard. L’arrivée de M. d’Esparbès à Montauban, le 22 mai, ne put, quelque zèle qu’elle ait employé, faire recouvrer la liberté des prisonniers. M. de Verteuil, indisposé, ne put remplir la mission qui lui était donnée par le roi. M. Dumas se trouva dès lors chargé directement des ordres de S. M. Les officiers municipaux, prévenus de l’arrivée du commissaire du roi, firent publier et afficher, le 26 mai, une proclamation pour ordonner la plus parfaite soumission et recommander au peuple de placer sa confiance dans la sagesse de l’Assemblée nationale, dans l’autorité du roi et dans les ordres qui émanent de lui par l’entremise de celui qui venait pour être l’image de sa justice et de sa bienfaisance. Le 28 mai, M. Dumas arriva à Montauban; après avoir remis sa lettre de créance, il annonça que le détachement bordelais avait ordre de rester à Moissac, qu’il n’avait aucune intention hostile : il observa que 55 citoyens gémissaient en prison sous l’oppression populaire, tandis qu’ils devaient être sous la protection de la loi. Après avoir rendu compte à M. Dumas de ce qui s’était passé, il fut arrêté qu’il serait fait une proclamation pour le lendemain 29; elle eut lieu. Ce jour-là, M. le commissaire du roi s’aperçut, suivant que le dit la municipalité, que le peuple était disposé à ne consentir à l’élargissement des prisonniers, qu’autant que le détachement de Bordeaux aurait rétrogradé : alors M. Dumas chargea Monsieur son frère d’une lettre pour ce détachement; il harangua le peuple, lui lut la lettre qu’il envoyait : cette lettre fut applaudie, un citoyen demanda que les prisonniers sortissent à l’instant. On profita de l’enthousiasme du peuple qui jura qu’il défendrait les jours des prisonniers s’ils étaient attaqués; on se porta aux prisons où on ouvrit les portes aux citoyens qui y étaient renfermés, et le peuple leur manifesta des témoignages d’amitié et d’intérêt : une médaille fut donnée par le commissaire du roi à celui des citoyens qui, le premier, avait demandé la liberté des citoyens. Les ordres furent expédiés pour que le détachement bordelais eût à se retirer le lendemain. La municipalité s’est exprimée, dans son adresse à l’Assemblée nationale, de la manière la plus satisfaisante, sur la conduite qu’a tenue M. Dumas dans l’exercice des fonctions délicates dont il était chargé. Le calme paraît s’être maintenu à Montauban depuis cette époque : cependant plusieurs lettres attestent que deux jours après l’élargissement des prisonniers, un soldat citoyen du détachement de l’armée bordelaise venu à Montauban y avait été saisi par le peuple, que celui-ci, institué par le nommé Barrier, voulut le prendre, et qu’il ne dut la conservation de ses jours qu’aux soins et à l’intrépidité de M. Dumas. Le 6 juin, la municipalité fit prêter aux 4 bataillons de la garde nationale le serment civique en présence de M. Dumas et des aides-de-camp, ainsi que des officiers du régiment de Languedoc. Deux adresses vous sont parvenues : Tune de 18 personnes tant officiers que fusiliers de la garde nationale ; l’autre de 15 officiers parmi lesquels on remarque les mêmes signataires qui ont signé dans la première adresse. Elles contiennent une improbation de la conduite des dragons et de l’état-major. Les auteurs de ces adresses reprochent à ceux qui ont quitté Montauban, ou d’avoir formé des complots, ou au moins de s’être rendus coupables de lâcheté ; ils exigent une justification avant de les recevoir même comme soldats. Ils indiquent les changements qu’ils ont faits et la composition de 4 bataillons composés de 32 compagnies de 64 hommes chacune. Ils ajoutent que le calme est rétabli à Montauban. . . . . [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [n juillet 1790.] 285 Les députés extraordinaires et autres membres de l’ancienne garde nationale réclament contre les allégations que renferment ces adresses. Elles sont l’ouvrage des volontaires, disent-ils, et la preuve s’en tire de ce qu’ils se plaignent de ce qu’on ne voulait pas les recevoir dans la garde nationale quoiqu’on consentît à les y incorporer; qu’il y en a plusieurs qui ont pris une part très active à la journée du 10 mai, ajoutant qu’ils n’ont formé aucun complot, mais qu’il y en avait eu un pour les perdre; qu’ils ont fui pour éviter la mort. Que l’émigration est de plus de 4,000 personnes ; que la paix qu’on dit exister n’a rien qui doive surprendre, puisqu’on a chassé ou forcé de fuira Montauban un aussi grand nombre de citoyens. On leur reproche d’avoir anéanti l’ancienne garde nationale, d’avoir même établi un régime nouveau malgré les décrets. Enfin, on désavoue qu’il y ait 32 compagnies, composées chacune de 64 citoyens actifs. Le 8 juin , il fut fait, par la médiation de M. Dumas, un acte entre les citoyens de tous les états et de différentes religions, Ûet acte est fort court, mais il est essentiel que vous en connaissiez les principales dispositions. Trente-quatre citoyens déclarent, au nom de la patrie, qu’ils veulent jouir des droits de l’homme, conservés par la Constitution; qu’ils se garantissent mutuellement la liberté de tous les actes de citoyens; ils se considèrent égaux devant la loi et veulent observer tous, avec des cultes différents, les mêmes principes, la même morale, renfermée dans les lois sociales. Ils déclarent aux ennemis de la Constitution, s’il en existe, que les querelles religieuses des siècles d’ignorance ne peuvent se renouveler ; qu’ils veulent, par la plus indissoluble union, en effacer la dernière trace , et tiennent pour ennemis publics ceux qui tenteraient d’en réveiller le souvenir. Ils adhèrent, pour l’avenir, aux lois constitutionnelles, renouvellent leur serment de les maintenir et d’exécuter avec zèle et respect tous les décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le roi. Trente-un autres citoyens ont accédé depuis à cet acte dont ils adoptaient les principes, mais ils n’ont pas voulu le souscrire, sans s’expliquer sur quelques expressions qui y étaient employées ; ils ont trouvé mauvais que les premiers déclarassent qu’ils voulaient, par la plus indissoluble union, effacer les querelles religieuses jusqu’à la dernière trace ;e t leur critique porte sur ce qu’il n’est possible d’effacer la trace d’une chose qui n'a jamais existé dans les troubles qui venaient d’agiter la ville de Montauban. L’autre expression, qui leur a déplu, est celle par laquelle les premiers disent : Nous nous attachons pour V avenir aux lois constitutionnelles. Que, par ces termes, on doit concevoir qu’ils n’ont entendu que propager et appliquer les principes qui ont été et seront toujours gravés dans leurs cœurs. La municipalité, en ordonnant le dépôt de cet acte, comme un monument de concorde et d’unanimité, a déclaré qu’elle adoptait la manifestation des sentiments ci-dessus comme ceux qu’elle a toujours professés; elle a adhéré aux vœux qui sont exprimés dans l’acte, ainsi qu’aux additions faites par les derniers signataires. Nous terminons, Messieurs, le rapport des pièces qui ont été remises à votre comité, en vous observant qu’après le fatal événement arrivé à Montauban, deux particuliers pour propos tendant à exciter des mouvements séditieux dans le peuple, la municipalité leur fit prêter interrogatoire le 21 mai; et, de ces interrogatoires, il ré-sulteque cesdeux particuliersntaient àMontauban le 10 mai, qu’ils se rendirent aux Cordeliers ; qu’un monsieur, habillé de noir, était en chaire, et haranguait le peuple ; qu’ils entendirent dire que les protestants s’étaient emparés de l’hôtel-de-ville et du corps de garde, qu’ils se rendirent sur le lieu avec la foule ; que les gardes leur distribuèrent des fusils, reçurent des cartouches; qu’ils revinrent dans la cour charger leurs armes, et firent 7 à 8 décharges sur le corps de garde; que ne pouvant pas distinguer ce qui se passait dans le corps de garde à cause de la fumée, un monsieur vint indiquer à l’un d’eux comment il fallait diriger ses coups; qu’aprèsavoir tiré, il fut applaudi; après avoir conduit les prisonniers, les officiers municipaux leur avaient dit de garder leurs armes et de se rendre à l’hôtel-de-ville, si pendant la nuit ils entendaient sonner la grosse cloche, et que le mercredi 12, ils reportèrent leurs armes à l’hôtel— de-ville. Ces deux interrogatoires, signés du greffier de la municipalité, ont été remis et déposés à votre comité. C’est ici, Messieurs, que se termine le rapport que nous avons à vous faire des faits et des moyens respectifs sur lesquels on s’appuie, de part et d’autre, dans cette importante affaire. Nous laisserons à l’écart une foule de mémoires sans signatures, et de lettres anonymes dont on a surchargé de toutes parts votre comité. Il nous reste maintenant à vous faire part des observations qui ont frappé les membres de votre comité. Vous étiez saisis de plusieurs objets de contestation entre la garde nationale et la municipalité, avant l’événement du 10 mai. La municipalité de Montauban a été vivement inculpée ; elle sollicite une réparation authentique et éclatante, afin de faire disparaître jusqu’aux nuances de la calomnie qu’elle dit avoir été répandue contre elle. D’autre part, les citoyens qui ont été détenus, aidés des témoignages des municipalités voisines, des procès-verbaux de la maréchaussée et de l’armée bordelaise, demandent qu’on leur procure les moyens de rentrer dans leur patrie. Ils imputent aux officiers municipaux les malheurs qui ont ensanglanté la ville de Montauban. Beaucoup d’autres citoyens de Montauban demandent également justice contre les officiers municipaux. La première réflexion que suggère l’humanité est de considérer l’état actuel de cette ville. Si le calme y était parfaitement rétabli, comme on le dit et comme on l’infère des actes signés depuis la journée du 10 mai ; si les familles qui ont déserté cette cité, pour fuir la mort dont elles étaient menacées, étaient rentrées dans leurs foyers ; si tout germe de division était assoupi et parfaitement éteint, il semblerait alors que l’Assemblée nationale, qui s’est toujours signalée par son indulgence, pourrait ne pas s’attacher, dans la circonstance actuelle, à ordonner la recherche et punition de ceux qui ne se seraient rendus coupables que d’imprudences ou de légères négligences. Peut être faudrait-il se borner en ce cas a donner des regrets aux malheureuses victimes que l’erreur plutôt que le crime aurait immolées. Mais vutre comité a pensé que les circonstances sont telles qu’il ne faut pas se laisser égarer par un sentiment de commisération et d’humanité. 286 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790. Ce qui est arrivé à Montauban a fixé les regards et l’attention de toute la France. En remettant trop légèrement certains délits, il peut, il doit résulter même de leur impunité, l’ébranlement de la Constitution que vous donnez à la nation. Vous devez à votre caractère de représentants d’un grand peuple, d’examiner avec scrupule si ceux qui, en vertu de vos décrets, ont été revêtus et honorés de la qualité d’administrateurs, ont rempli, comme ils devaient le faire, les fonctions qui leur ont été dévolues. II n’est malheureusement que trop vrai que le calme apparent dont paraît jouir maintenant la ville de Montauban ne peut être considéré comme un retour effectué à une paix durable. Pour que cette paix existât réellement, il faudrait que le traité qui la doit cimenter fut agréé et consommé entre tous les partis que les dissensions avaient d’abord désunis. 11 est facile, sans doute, à des vainqueurs de dire : nous sommes en paix, quand les ennemis vaincus et chassés ne peuvent revenir chez eux que pour y subir la loi qui leur est donnée ; encore si l’acte de paix dicté par ceux qui sont restés maîtres du champ de bataille, n’était pas suivi de conditions humiliantes pour ceux auxquelles elles sont imposées. Est-ce bien en effet sur des sentiments de confraternité sincère, est-ce bien sur un retour réel et vrai à la concorde, que la garde nationale nouvellement créée s’appuie, lorsqu’elle dit à l’Assemblée nationale qu’elle n’a plus voulu des chefs du corps ; qu’elle a aussi nommé à la place des absents, parce qu’ils étaient coupables ou de complots ou de lâcheté ; qu’il faut qu’ils vienneut se justifier avant tout et ensuite reprendre, même après leur justification, une autre place que celle qu’ils occupaient? Exiger une pareille justification, c’est entretenir la mésintelligence et la méfiance; c’est vouloir perpétuer la discorde; c’est exiger que ceux qui ont quitté le sein de leur famille, continuent de rester expatriés. Le nom de traité de paix n’est qu’une chimère. Quelles familles émigrées voudraient rentrerdans Montauban, pour y subir i’inquisitionà laquelle semblent vouloir les livrer ceux qui les accusent de complots ou de lâcheté? L’Assemblée nationale est forcée, dans une conjoncture aussi délicate, d’interposer son autorité, et de faire rendre justice à ceux qui continuent de gémir sous le poids de l’oppression. Vous avez entendu, Messieurs, sur les diverses contestations agitées précédemment à Montauban entre la garde nationale et la municipalité, les moyens dont chacune d’elles a fait usage pour soutenir ses prétentions. D’abord il est certain que la réclamation, formée dès le mois de février par la garde nationale contre l’admission d’un corps de volontaires qui semblait vouloir se donner consistance, était fondée sur la lettre et l’esprit de vos décrets. La municipalité, n’a point, à la vérité, contesté le principe que ces volontaires ne doivent pas exister en corps séparé, mais en supposant que la garde nationale, qui réclamait contre la création de ce corps, eût eu un tort en s’assemblant sans en avoir prévenu la municipalité, celle-ci n’a-t-elle pas manifesté tout d’abord sou aigreur en rendant compte de son ordonnance du 8 mars, par laquelle, en improuvanV la conduite de la garde nationale, elle déclare qu’il y a lieu de prononcer sur la pétition et lui fait défense de s’assembler sans permission ? Eh I bien, Messieurs, la garde nationale avait-elle donc tort de craindre les projets des soi-disant volontaires ? Ceux-ci recevaient des marques de protection visibles de la part des officiers municipaux ; et leurs desseins ne se sont-ils pas d’ailleurs réalisés par la suite? En suivant l’esprit et la marche tenue par la municipalité dans celte première circonstance, on voit qu’elle ne mettait aucun égard, et qu’elle n’usait d’aucun ménagement envers la garde nationale. Bientôt la municipalité cherche une autre ocoa-sion d’exercer son autorité contre la garde nationale. La clef des arsenaux et des armes avait été confiée au commandant, et jamais il n’était résulté d’abus de cette confiance. Les officiers municipaux, au moment où ils venaient de traiter la garde nationale sans aucun ménagement, par leur première ordonnance, envoient un ordre au commandant de remettre les clefs des arsenaux, de rendre les armes, etc. A cette occasion, la garde, quoique modifiée, arrête de différer à la demande, et donne pour motif à son aquiescement ceux de l’obéissance, du désir de maintenir la paix et de défendre la Constitution. Il est vrai que la garde nationale a soumis à l’Assemblée nationale ses représentations sur la privation des armes, mais sa déférence provisoire n’a subi aucun retardement. Dans une troisième circonstance, la municipalité qui avait vu se former le projet d’une fédération entre la garde nationale et les gardes nationales voisines, garde le silence depuis le 13 mars, jour où la lettre d’invitation à la fédération avait été imprimée. Ce n’est que le 30 qu’on affiche une ordonnance qui supprime cette lettre; et il est à remarquer que le 29, il y avait eu un traité d’alliance entre la garde et le régiment de Languedoc. Ne semble-t-il pas que la municipalité, qui avait gardé le silence depuis le 13, n’agissait ainsi le 30, que parce qu'elle était fâchée de voir la garde et le régiment de Languedoc unis par ce traité? Par cette ordonnance, on affecte de croire que la garde veut secouer l’autorité municipale et se rendre indépendante. Cette prétention était si peu celle de la garde, qu’elle faisait part à la municipalité de son traité, de sa déférence à l’autorité municipale, de son projet et de son vœu de n’agir que sur sa réquisition. Si vous eussiez connu, les 8 et 10 avril, çette démarche de la garde nationale et ses déclarations à la municipalité, vous n'auriez probablement pas, Messieurs, rappelé sans nécessité qu'elle ne devait pas s’écarter d’une subordination à laquelle elle déclarait tenir plus que jamais. Ce qui achève de convaincre que le comité voulait s’arroger toute espèce d’autorité, c’est son défaut de concert avec la garde nationale et le défaut d’explication. Pourquoi, si elle croyait qu’un projet de la garde nationale pût être nuisible au bien public, pourquoi ne pas en référer aux chefs? pourquoi ne pas leur en faire apercevoir les inconvénients? Est-ce donc par des placards mortifiants qu’on cherche à ramener des citoyens mêmes, lorsqu’on croit qu’ils sont égarés? Les officiers municipaux sont les pères de la patrie, tous les citoyens sont leurs enfants; ce n’était qu’en traitant ceux-ci avec bonté, que la municipalité devait chercher à les ramener des écarts qu’ils se seraient permis. Eli 1 quel ( tait donc le crime de la garde nationale? En existait-il un dans le dessein d’une fédération avec les villes du département? Elle avait [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juillet 1790.] Og? devant ses yeux plusieurs exemples de fédérations semblables, toutes dictées par le patriotisme. Votre comité n’a pu jusque-là apercevoir que la garde nationale se fût écartée du respect et de l’obéissance qu’elle devait aux officiers municipaux. Une quatrième discussion s’élève : quelques citoyens veulent entrer dans la garde nationale, dont ils n’étaient pas membres. A-t-on refusé de les y admettre? Non. Au contraire, la garde veut bien qu’ils s’incorporent dans les compagnies; mais cet acquiescement ne faisait pas l’affaire des pétitionnaires. Us voulaient faire un bataillon particulier. Us voulaient avoir leurs officiers, et ne pas servir sous le commandement des autres, excepté les chefs, c’est-à-dire le commandant générai, le colonel, le lieutenant-colonel et le major. Qui était à la tête de cette prétention? Les mêmes volontaires qui n’ayant pu se perpétuer d’abord en corps particulier comme volontaires , parce que vos décrets et une lettre de votre président proscrivaient cette prétention, ont cherché à se procurer d’une autre manière une influence qu’ils ambitionnaient. On voit, en effet, aujourd’hui, le chef des volontaires, chef de bataillon de la garde actuelle. La municipalité a reçu, il est vrai, des pétitions pour accorder cette augmentation de bataillon et de compagnies. Mais a-t-elle joué un rôle impassible dans cette circonstance? Non. On la voit protéger visiblement et ouvertement cette prétention. On l’entend dire que les obstacles qu’on y a apportés ne sont susci-tés que pour une ambition déguisée des officiers qui composaient V état-major, et qui étaient jaloux de conserver une prépondérance que des têtes sages et rassises pourraient leur faire perdre. Dans tout ce qui s’est passé relativement à cette formation de nouvelles compagnies, ou voit que la garde nationale accordait tout ce qu’on avait droit d’exiger d’elle. Aucune des 24 compagnies n’était complète suivant le taux fixé à 100 hommes par le règlement : par l’incorporation, on pouvait recevoir 600 hommes de plus sans créer de quatrième bataillon, et il n’y en avait que 336 qui demandaient ce quatrième bataillon. Il paraît que la majorité des votants parmi ceux qui étaient de la garde, a refusé la création des nouvelles compagnies, puisque sur 1335, 999 ont rejeté le système proposé à cet égard. Cependant la municipalité, qui avait rendu une ordonnance à cet égard le 6 avril, par laquelle elle ordonnait la création d’un quatrième bataillon, n’a aucun égard à la forte opposition de la garde nationale ; celle-ci la prévient qu’elle a déféré sa réclamation au Corps législatif, qu’elle a envoyé des députés à cet effet. La municipalité s’occupe toujours, malgré cela, de l’exécution de son plan. 160'pères de famille leur demandent la permission de s’assembler, ils lui font une pétition pour surseoir jusqu’à la réponse attendue, ils loi font envisager les dangers d’une précipitation à cet égard : la municipalité, sourde à ces représentations, cherche à consommer son ouvrage. Quel pouvait donc être le but d'une pareille obstination de la part des officiers municipaux, puisqu’ils apercevaient eux-mêmes une forte résistance, puisque cette résistance était apportée par un nombre assez considérable pour qu’en s’expliquant sur ce nombre, ils disent seulement qu’ils doutent de cette majorité, pourquoi ne pas attendre la décision de l’ Assemblée nationale? Et si, comme ils l’assurent, ils croyaient que l’Assemblée nationale n’était pas saisie de la contestation, pourquoi ne la lui déféraient-ils pas eux-mêmes? Ont-ils bien pu de sang-froid mépriser, comme ils l’ont fait, la supplique de 160 chefs de famille qui, étrangers à la garde nationale, leur faisaient voir l’orage près de foudroyer les citoyens? Et si les événements sinistres qu’on leur présageait se sont malheureusement, par leur persévérance opiniâtre, réalisés, quels reproches n’est-on pas en droit de leur adresser? Le décret du 10 avril, qui exigeait que tout se fît de concert entre la garde nationale et la municipalité, suffisait sans doute pour que les officiers municipaux sussent parfaitement qu’un projet quelconque relatif à l’augmentation des compagnies ne pouvait s’effectuer qu’autant que la garde nationale l’aurait approuvé. En vain la municipalité, jalouse de faire exécuter ses volontés, a prétendu le 6 mai que votre décret du 30 avril ne la concernait pas : il était rendu pour tout le royaume. Il n’est pas sanctionné, à la vérité, quand elle l’a connu, mais la contestation était soumise à l’Assemblée nationale avant la formation des compagnies, et la municipalité en était prévenue. Elle devait donc attendre la décision. Mais, d’ailleurs, qu’était-il besoin à Montauban du décret du 30 avril, puisque celui du 10 rendu pour Montauban même prescrivait le concert? Il était donc plus qu’utile de s’occuper de la part de la municipalité du soin de tordre le sens de ce même décret et de faire naître des équivoques sur des termes qui le consacrent. Il est évident que les officiers municipaux ont méprisé vos décrets à cet égard ; personne ne s’avisera sans doute de regarder comme une exécution du décret du 10 avril la réquisition faite au commandant par la municipalité le 6 mai, de recevoir le contrôle des nouvelles compagnies en lui disant que cette réquisition a pour but le concert qui doit régner entre les deux corps. U n’y a que le mot employé par la municipalité, car réellement elle ordonnait et commandait, et ce mot, sans la chose, décèle l’entreprise des officiers municipaux. On les voit, dans tous les temps, conséquents à leur système. Us connaissaient l’objet des délibérations de ceux qui se disaient les catholiques de Montauban. Les imprimés l’indiquaient; ils permettent ces assemblées qui, par leur objet, portaient évidemment l’empreinte du fanatisme. Ils ne disent pas un seul mot de ce fait dans leur procès-verbal ; ils en ont parlé depuis, parce qu’ils ont été instruits qu’on leur faisait des reproches à cet égard. Elles ont lieu le 23 et le 27 avril ; elles étaient excitées et demandées par les mêmes personnes qui avaient figuré comme volontaires et qui voulaient la création d’un quatrième bataillon. Là, on critiquait amèrement vos décrets sur la motion de Dom Gerle, sur la suppression des ordres religieux, sur les changements faits dans le clergé : là, on se permettait des diatribes contre certains membres de l’Assemblée nationale. Ces assemblées se ten dent devant un peuple nombreux auquel on persuadait que la religion était en danger, que le décret du 13 avril devait alarmer tous les bons catholiques . Les officiers municipaux s’excusent sur ce que vos décrets autorisent les citoyens à s’assembler, quand ils le demandaient, au nombre de 150. Mais cette excuse est-elle recevable ; il ne suffit pas de s’attacher aux termes de la loi, il faut en saisir l’esprit. Il n’est malheureusement que trop certain qu’à 288 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Montauban comme à Mmes, comme à Castres, à Lavaur, Uzès, Toulouse et autres villes de la province, on cherchait à soulever le peuple contre la Révolution en lui suggérant faussement que la religion était anéantie. H est également certain que le 10 mai était indiqué comme celui où devait s’opérer une commotion violente. Si les officiers municipaux de Montauban eussent voulu montrer de l’attachement à la Constitution; s'ils eussent voulu réellement exécuter et , faire exécuter vos décrets, pourquoi ne dissuadaient-ils pas Je peuple qu’on égarait par des mensonges et qu’on soulevait contre ceux qui professaient un culte différent ? Ils avaient sous les yeux l’exemple récent de la ville de Toulouse qui. quelques jours �auparavant, avait refusé ces sortes d’assemblées. D’ailleurs, comment la municipalité persuadera-t-elle qu’elle n’avait pas le droit d’empêcher ces assemblées, elle qui les a défendues Je 11 mai? fallait-il donc, pour les défendre, attendre que les plus grands malheurs fussent arrivés, que le sang eût coulé, qu’un nombre considérable de citoyens eût été obligé de prendre la fuite? Elle a dû calculer les effets que produiraient ces assemblées, ces prières publiques extraordinaires ordonnées d’après son autorisation à la réunion des citoyens qui les ont provoquées. On ne voit pas non plus que les officiers municipaux se soient occupés du soin de surveiller, de faire, pour désabuser le peuple, les observations que la connaissance de vos décrets devait leur suggérer. Sous quelque point de vue qu’on envisage la conduite de la municipalité à cet égard, elle est évidemment répréhensible. Si on examine ensuite celle qu’elle a tenue le 10 mai, en ne la jugeant même que d’après son procès-verbal, quels reproches n’est-on pas en droit de lui adresser? D’abord, d’après ce qui s’était passé dans les assemblées des églises, les officiers municipaux savaient que le peuple était soulevé contre les visites des monastères. Quel moment prennent-ils pour faire ces visites? Le 10 mai, jour remarquable; uu jour de procession. Comment se déterminent-ils à faire ces visites? Le matin, à onze heures, dans les cinq couvents à la fois, dans un jour, dans un moment où le peuple était attroupé à la porte des monastères et en défendait l’issue depuis le matin : le peuple n’a pu ignorer ce projet, et il ne s’est certainement porté à cette démarche que parce qu’il savait d’avance celle que devait faire la municipalité. Ces attroupements ont dû être connus des officiers municipaux avant leur départ de i’hôtel-de-ville; mais s’ils les ont ignorés, lorsqu’ils s’en sont convaincus, il était de leur devoir de les faire dissiper, de requérir la force armée, de faire même au besoin publier la loi martiale. Un pareil acte de vigueur, exercé dans le principe, d’après vos décrets, aurait certainement produit l’effet de faire retenir les attroupés et ce jour trop fameux n’aurait pas été terminé par des scènes de carnage et de sang. L’impunité et le défaut des mesures devaient enhardir le peuple. La retraite docile des officiers municipaux, sans que ceux-ci eussent rien fait pour dissiper les attroupements, en excita bientôt de nouveaux. Deux se forment successivement devant la porte du commandant, sous le prétexte, [22 juillet 1790.] donf la municipalité avoue qu’on se servait, qu’il était du parti des non-catholiques qui ne voulaient pas admettre les nouvelles compagnies. Le maire dit qu’if dissipa avec facilité les attroupements. Mais si le peuple était si docile à sa voix, s’il faisait ainsi cesser ces attroupements presque aussitôt qu’ils étaieût formés, si même le 11, après l’événement du 10, la 'municipalité dit qu’elle annonce avec confiance qu’il ne s’en reproduirait pas de semblables , qu’elles conséquences ne doit-on pas induire de la conduite que le peuple a ensuite tenue pendant trois heures en présence du maire et des autres officiers municipaux? Nous nons dispensons, Messieurs, de les tirer nous-mêmes. Dans un autre endroit de sou procès-verbal, la municipalité dit que, même après que les attroupements formés devant la porte du commandant eussent été dissipés par le maire, la fermentation durait toujours parce qu’on était mécontent du sieur Montet. De cet aveu il résulte que, pour dissiper une fermentation et des attroupements qui se préparaient et se succédaient depuis le matin, il fallait nécessairement recourir aux moyens indiqués par la loi puur les faire cesser. Cependant il est de fait que le peuple se porta aux Cordeliers et qu’après avoir été excité sous le prétexte de prétentions et même d’entreprise de la part des dragons, il se rendit en foule à l’hôtel-de-ville. Que font les officiers municipaux? Rien de ce qu’ils doivent faire, le contraire de ce qu’ils devaient faire. Us devaient à l’instant requérir la force armée et faire publier la loi martiale; que ce fussent les dragons qui, comme ils le disent, formassent cet attroupement, que ce fut au contraire le peuple, il n’y avait pas à balancer. On ne conçoit pas comment les officiers municipaux ont vu indifféremment le peuple attroupé pendant sept à huit heures, sans prendre les moyens que la loi mettait en leur pouvoir pour le faire rentrer dans l’ordre. Nous n’ajouterons pas qu’ils ont été requis à cet égard par le commandant, par les dragons et par les pères de famille qui étaient à Thôtel-de-viüe. Ces faits sout articulés, mais nous ne nous déterminerons que d’après le procès verbal même de la municipalité pour en conclure la nécessité de la publication de la loi martiale. Quand le peuple arrive à l’hôtel-de-ville, il insiste pour avoir des armes. Les officiers municipaux ont peur, disent-ils; ils sont obligés de donner armes et munitions. C’est ainsi qu’ils armaient le peuple au lieu de le faire contenir par la troupe armée; c’est ainsi qu’après avoir désarmé la garde nationale, ils fournissaient les moyens d’assassiner les membres qui la composaient. Que signifie, d’après cette conduite, la manière dont ils arborèrent le drapeau rouge ? Le drapeau rouge arboré, après que le peuple était muni de fusils et de cartouches ! et dans ce moment publia-t-on la loi martiale? Non. Que faisait le régiment de Languedoc dans cet instant terrible? Il ne figurait en rien; il ne le pouvait pas. Il ne fut requis que très tard, et il n’arriva que dans le moment où le corps de garde avait été assiégé, où l’on avait fait des décharges terribles sur ceux qui s’y étaient réfugiés, où le mur de ce même corps de garde avait été commencé de démolir sous les yeux de la municipalité. II n’arriva qu’après que les malheureux qui ont péri dans cette fatale journée eurent été assas- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790.] 289 sinés, et après que la maréchaussée, qui, s’étaut i frayé difficilement un passage, eût contenu le peuple et lui eût fait abandonner la démolition qu’il avait commencée. Qu’on juge, Messieurs, si douze hommes de maréchaussée ont pu , lorsqu’ils ont été requis, arrêter la fureur du peuple et lui faire lâcher prise; qu’on juge ce qu’ils auraient pu faire, s’ils eussent élé requis plus tôt; et si le régiment de Languedoc l’eût été lui-même à temps, qu’on juge la conduite de ceux qui pouvaient et qui devaient faire cette réquisition. On ne peut songer sans indignation à la manière dont les malheureux dragons et autres soldats ont été traités en sortant du corps de garde. Dépouillés de leurs vêtements comme des criminels, ils sont conduits par le maire lui-même, qui portait le drapeau blanc pour annoncer le rétablissement de la paix cimentée par le sang qu’on avait répandu, et par la détention de cinquante-cinq ouvriers honnêtes ; et cette paix cruelle est annoncée avec authenticité, tandis que la loi martiale n’avait pas été publiée. De quelque œil qu’on envisage la conduite des officiers municipaux dans cette journée, on ne peut s’empêcher d’apercevoir combien ils ont méprisé leurs devoirs. Le peuple veut des assemblées dont la religion était le prétexte, la municipalité les autorise. Il s’attroupe, la municipalité se retire et ne prend point les mesures dictées par vos décrets pour le faire rentrer dans l’ordre. 11 ne veut pas qu’on visite les couvents, on ne lui résiste par aucun moyen : il veut des armes et des munitions pour tirer sur ceux qu’il dit être ses ennemis, la municipalité lui délivre des armes et des munitions. Il dicte le jugement de ceux qui ont survécu à ses fureurs, la municipalité l’exécute. Il exige qu’on fasse des perquisitions dans les maisons des citoyens, sous le prétexte qu’ils ont des armes, là municipalité s’y prête. Le lendemain on arrête deux dragons, et on leur fait éprouver le même sort qu’à leurs camarades ; la municipalité qui ne l’a pas empêché ne dit même rien de cette anecdote : au contraire, elle annonce que, le 11, tout était en paix. Dans l’ordonnance rendue le 11, la municipalité, en ordonnant à la force armée d'arrêter les contrevenants à son ordonnance, désigne les autres troupes, mais elle ne veut pas proférer le nom de garde nationale; elle se contente de dire qu’elle enjoint à toutes autres personnes armées par autorité publique et légitime , d’arrêter, etc. Après ces scènes affreuses , on voit paraître aussitôt les nouvelles compagnies mêmes avec un nouveau régime, par une création d’officiers dont les emplois n’existaient pas. On voit à leur tête le premier orateur des assemblées des Cordeliers qui, en même temps, étaient volontaires dans le principe. Le 19 mai, la municipalité de Montauban écrivait aux municipalités voisines de contenir leurs troupes, et de ne pas les laisser sortir. Le même jour elle écrivait à Alby, et demandait avec instance qu’on lui envoyât, sans délai, la compagnie de chasseurs et de grenadiers pour les réunir aux troupes de Montauban. Le même jour, le 19 mai, la municipalité écrivait que le détachement de Bordeaux venait fondre sur la ville , le feu et la flamme à la main , et le 20, les députés de la municipalité, dont deux officiers municipaux, témoignaient à Marmande, au nom de leurs commettants, au détachement bordelais, l’admiration dont les remplissait le beau lro Série. T. XVII. dévouement et la généreuse démarche de la garde nationale bordelaise. Ce qui est prouvé par le procès-verbal du détachement de Bordeaux. Il est articulé , dans les procès remis à votre comité, qu’en laissant croire au peuple de Montauban que les intentions de l’armée bordelaise étaient hostiles, et qu’on rassemblait de toutes parts la poudre à tirer, qu’on faisait fondre des balles, faire des cartouches, des lances, forger des hallebardes, et qu’on essaya de se procurer du canon. Depuis les malheurs arrivés à Montauban, la municipalité a fait ses efforts pour faire écarter les soupçons auxquels sa conduite antérieure avait donné lieu. Elle a fait différentes opérations pour rétablir le calme; elle a exécuté depuis ce temps plusieurs de vos décrets, notamment en ce qui concerne les visites des maisons religieuses. Elle a aussi fait prêter serment civique à la garde nationale ; mais elle avait, sur une pétition antérieure , déclaré qu’il n’y avait lieu de prononcer sur cette demande. Les officiers municipaux observent que les circonstances n’avaient pas permis de le faire prêter plus tôt. Votre décret du mois de janvier l’ordonnait cependant. Il est évident que la municipalité ne voulait recevoir le serment qu’autant que la garde nationale serait accrue, augmentée et composée comme elle le désirait. Elle l’a fait prêter aussitôt après la nouvelle composition, et après que l’autorité enlevée aux uns a été confiée à ceux que la municipalité voulait en revêtir. Votre comité a pensé, Messieurs, que les efforts faits par la municipalité de Montauban, depuis le 10 mai, pour vous prouver sa déférence à vos décrets, ne peuvent excuser la conduite qu’elle a tenue tant avant que ce jour-là même. Il a remarqué que, dans tous les temps et dans toutes les circonstances, la garde nationale s’était conduite, envers la municipalité, avec les égards et la subordination qu’on pouvait exiger d'elle, que les prétentions qu’elle a élevées ne peuvent point être envisagées comme un crime , et que son recours à votre autorité, en annonçant son respect et sa confiance, n’ont d’ailleurs pu indisposer la municipalité, puisque l’exécution était provisoirement donnée aux ordres des officiers municipaux. Le changement opéré par la municipalité dans la garde nationale est une entreprise évidente sur les droits, puisque, par vos décrets, et notamment par celui du 10 avril, tout devait s’opérer de concert. Il a paru à votre comité que Je nouvel ordre de choses, établi dans cette garde nationale, ne peut subsister. Vous n’a vez à choisir que dans ces deux partis: l’un, ou de laisser les choses dans leur état actuel , auquel cas vous confirmerez l’espèce de proscription prononcée contre les membres chassés et les familles qui ont été forcées de quitter la ville ; l’autre, ou de rétablir les choses dans leur ancien état, auquel cas les citoyens actifs s’enrôleront, par la voie d’incorporation, dans les compagnies et bataillons créés par le règlement du 11 septembre. Dans cette alternative, votre comité a pensé que vous ne balanceriez pas à prononcer d’après les principes consacrés par vos décrets, et particulièrement celui du 10 avril, rendu pour la ville de Montauban même. Quant aux officiers municipaux, votre comité n’a pu être de l’opinion du ministre qui leur a donné des éloges (1). (1) Cette phrase a excité les réclamations de M. Gui - , 49 . ’ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1790.] 290 [Assemblée nationale#] Après avoir suivi, de poipten point, leur marche envers la garde nationale depuis le moment de leur institution, votre comité s’est convaincu qu’ils ont fait naître, autant qu’ils l’ont pu, les occasions de mortifier ce corps ; que, loin d’agir de concert avec lui, ils ont cherché à appesantir leur autorité; qu’ils ont donné au fanatisme l’aliment le plus fort, en permettant et encore en ne surveillant pas les assemblées des soi-disant catholiques; fnard. Dans l’intervalle du jour où le rapport fut fait l’Assemblée nationale, à celui où le décret fut rendu, ee ministre fit distribuer aux députés un recueil imprimé de huit lettres qu’il dit avoir adressées à la municipalité de Montauban. En tête de ce recueil est cet avertissement : « M, le rapporteur , à l! Assemblée nationale, 4e U afin faire de Montauban, a énoncé que le secrétaire « d'Etat, dans le département duquel est cette ville, « avait écrit une lettre d’approbation à la municipalité « de Montauban ; et sur ce qu’on lui a demandé quel ■ est le secrétaire d'Etat, il a nommé M. de Saint-* Priest. « Le roi a daigné permettre à M. Guignard de Saint-« Prient, de rendre ces lettres publiques. » Le rapporteur, qui n’a pas cru devoir analyser les lettres de M. Guignard, nj se permettre à cet égard aucune réflexion, écrivit le 27 juillet, à ce ministre, la lettre suivante : Paris, ce 27 juillet 1790. « Quoiqu’on ne vous ait pas rendu très exactement, « Monsieur, ce que j’ai dit, relativement à vous, dans « la séance de jeudi dernier, à l’Assemblce nationale, en « faisant le rapport de l’affaire de Montauban, je me « dois à moi-mème de rétablir ce que j’ai dit, et d’in-« diquer ce qui m’a autorisé à m’expliquer ainsi. Voici « ma phrase, mot pour mot : « Quant aux officiers municipaux , votre comité n’a « pu être de l’opinion du ministre qui leur a donné des « éloges. « On demanda, le nom du ministre, je répondis que * c’était de vous que j’entendais parler « Je n’ai point cité de lettre d approbation, de votro « part, aux officiers municipaux; je n’ai jamais été « saisi de votre correspondance. « Je m’étais fait inscrire pour la parole hier au soir, « au moment où La discussion était ouverte sur l’affaire « de Montauban ; et mon projet était de donner à « l’Assemblée nationale l’éclaircissement que je prends « le parti de vous transmettre. La discussion fut fer-« mée après cinq heures de séance, avant que mon tour « pour parler fût arrivé. « Le détachement bordelais a adressé, le 22 juin, à « l’Assemblée nationale, le rapport de son expédition « vers Moissac. Ce mémoire a été renvoyé au comité « des rapports. * On Ut, page 7, de ce rapport, les expressions sui-« vantes : « Nous vîmes avec une surprise, dont nous ne sommes * pas encore revenus, par une copie de la lettre de « AT. de Saint-Priest à la municipalité de Montau-« ban, que le ministre témoigne aux municipaux la sa-* TiSFACTioif »u roi sur leur conduite. Sans doute, il « était mal informé des événements mêmes qui avaient « occasionné sa lettre ; mais nous espérions qu’en s’ins-m t misant mieux et en éclairant la religion du monarque, « il aurait retiré ces témoignages hasardés de conten-v tement, qui semblaient contredire l’opinion publique « et même les dispositions de vos décrets. « Je suivrai votre exemple : quand vous avez rendu « publiques, par la voie de l’impression, les lettres que « vous dites avoir écrites aux officiers municipaux de « Montauban, vous avez laissé aux lecteurs le soin d’en « tirer les inductions convenables ; je laisserai aussi au « public celui do conclure du fragment du rapport du « détachement bordelais. La, seule conséquence que je « veux en tirer moi-même est celle qu'après avoir an-« nonce à l'Assemblée nationale que je lui donnerais, * quand elle le demanderait, la lecture des pièces sur » lesquelles chaque fait énoncé dans le rapport était « appuyé, j'ai rempli m» mission, sinon avec tous les que les malheurs du 10 mai ne doivent leur cause qu’à l’insouciance coupable des officiers municipaux, qu’à l’opiniâtreté avec laquelle ils ont voulu faire réussir leur système de création de nouvelles compagnies, malgré les réclamations nombreuses qui étaient faites auprès d’eux; qu’enfin fa conduite tenue par les officiers municipaux le 10 mai, ne peut qu’attirer sur eux les reproches les plus mérités. « talents qu’on peut désirer, au moins avec la probité « et la délicatesse qui ont toujours été et seront toute jours mes guides. « Je suis très parfaitement, etc. « Signé : Vieillard. » M. Guignard fit au rapporteur la réponse suivante Paris, ce 29 juillet 1790. « J’ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m’avez fait « l’honneur de m’écrire le 27 de ce mois : j’ai pris la * lecture des éclaircissements qu’elle contient, et je « vous remercie de votre attention à me les communi-« quer. « Je suis très parfaitement, etc. Signé : Guignard. Depuis cette réponse qui, comme on le voit, est datée du 29 juillet, M. Guignard s’est permis de faire imprimer dans un mémoire à consulter, dont l’objet est absolument étranger à cette affaire, mémoire distribué aux membres de l’Assemblée nationale le 6 août, que le rapporteur de l’affaire de Montauban l’avait encore comme dénoncé de nouveau à l'Assemblée nationale. Du moins, ce rapporteur continue-t-il : « qui, dans « son opinion, blâmait fortement la municipalité, a a assuré que j’avais écrit à cette municipalité une « lettre d’ approbation, et je n’ai pas besoin de dire ce « que cette observation seule pouvait attifer de délace veur sur mon compte, dans un moment comme ce-.