[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790. égalle sort de tous les moines qui voudront reste? dans leurs cloîtres-Il y a dans les maisons monastiques beaucoup déjeunes gens qui ne sont liés que par le vœu monacal, et qui ne le sont point par des yœux sacerdotaux ; ces jeunes gens peuvent, s’ils sont rendus à la société, devenir utiles à la société. Ils ne se rendront à la société que lorsqu’ils espéreront pouvoir y améliorer leur situation ; ils ne l’y amélioreront pas comme prêtres, puisqu’ils ne sont pas prêtres : quel parti prendront-ils donc ? Celui dé rester dans les couvents, d’y jouir d’un sort honnête, et d’y mener constamment une vie oisive. L’Assemblée nationale n’a sûrement pas l’intention de protéger l’oisiveté. Je demande donc qu’il soit fait une distinction dans le soft à faire aux moines-prêtres et à ceux qui ne le sont pas. M. de Bonnal, évêque de Clermont » Lés moines qui resteront dans les cloîtres doivent être mieux traités par vous que ceux qui en sortiront. Ils auront le mérite d’avoir été fidèles à leurs engagements, et vous devez applaudir leur conduite. Vous devez donc leur laisser de quoi vivre d’une manière décente* par cela même qu?ils auront des dépenses de culte dont leurs confrères sécularisés cesseront d’être chargés. Ges différentes réflexions me déterminent à demander expressément que les moines qui resteront dans leurs cloîtres obtiennent un traitement plus fort que ceux qui les abandonneront. (On demande à aller aux voix sur les amendements.) M. le Président (d’après la demande de M. Camus). Supprimera-t-on ou ne supprimera-t-on pas de l’âcte le mot usufruitière s ? LrAssemblée décide L’affirmative. L’amendement de M. l’abbé Gouttes est divisé. L’Assemblée décide qu'il n’y a pas lieu à délibérer sur la première partie, ainsi conçue : « Sans distinction d’âge et sans aucune différence entre les�êm et les frères. » La seconde partie de l’amendement est décrétée dans la formule suivante ; « Après ces mots : à la charge des réparations locatives , seront ajoutés ceux-ci, et des frais du culte , excepté dans les églises paroissiales . » M. l’Abbé dé Pradt. Je propose d’ajouter à l'article « que les moines qui vivront en communauté jouiront du mobilier qui existe actuellement dans leurs maisons, tel qu’il a été constaté par leur déclaration* eft Vertu. du décret que l’Assemblée a rendu à ce sujet. » M. CaHnis. Je propose un sous-amendeffient, et le voici î « que néanmoins ils ne jouiront qu’en qualité de dépositaires de tous les ornements du culte, à ia charge de les exhiber aux municipalités toutes les fois qu’ils en seront requis. * M. Target. Jë demande que ce sous-amendement soit étendu au mobilier. M. Trellhard. Il est inutile, Messieurs, que vous vous occupiez de cet objet; je dois vous proposer deux décrets, dont l’un aura pour but de déterminer l’époque à laquelle devront être payées les pensions ; l’autre est relatif à la conservation de tout le mobilier; il ne faut paspro-noncer sur les amendements qui vous sont proposés sans avoir entendu la lecture de ces deux articles. m M. Trellhard fait lecture de ces deux articles (On revient à l’amendement dp 1$. Voidei.) M. Vofdcl. Je réponds à toutes les observations qui ont été faites contre l'amendement due j’ai proposé. Les moines qui resteront dans las Cloîtres doivent, dit-on, obtenir un traitement supérieur â celui de ceux qui en sortiront. Oeqx qui resteront dans les cloîtres auront l’esprit de leur état: or, quel est essentiellement l’esprit de l’état religieux? C’eût celui de la désappropriation. Si vous donnez |mx moines qui resteront en communauté au delà dé leurs besoins, et quels sont leurs besoins? Victum et OesUtum..,,. (Il s'élève des murmurés dans te côté droit de la salle,) U est étonnant que j’éprouve autant de défaveur quand je retrace les obligations religieuses dans une assemblée ou il y a tant de prélats catholiques, Si, dis-je, vous leur donnez au delà de leurs Desoins, l’Assemblée nationale aura produit un effet contraire à celui qu’elle a voulu produire ; je veux dire qu’elle aura la première porté les moines à devenir infidèles au vœu qu’ils ont formé. Je reviens, et je dis que la pension que je propose pour les religieux en communauté leur suffira ou ne leur suffira pas j si elle leur suffit, vous ne leur deve? rien de plus ; si elle ne leur suffit pas, ils ont la liberté de s’occuper d’une manière honorable et lucrative : dans les deux cas, mon amendement doit être adopté. M. Dufrafsse-Duchey répond aux observations de M. Voidei et fait valoir les raisons déjà données par M. l'évêque de Clermont. M. llayet, curé de Rochetailléet présente des vues qui se rapportent surtout a remploi des biens ecclésiastiques, M. le Président, L’ofateur n’est pas dans la question qui est en ce moment discutée. M. Mayet renonce à la parpje. (Voy. son discours annexé à la séance de ce jour.) M, Biuot. Le but de l’Assemblée, quand elle a prononcé qu’elje ne reconnaîtrait plus les vœux monastiques, était de détruire l’existence de ces corporations religieuses qu’elle regardait Gomme impolitiques et dangereuses. Accorder aux moines qui voudront profiter du bénéfice de la loi qui les autorise à rester dans leurs maisons un traitement supérieur à ceux qui profiteront du bénéfice de la même loi qui les autorise à en sortir, ce serait manquer le but que se sont proposé les législateurs ; ce serait, pour ainsi dire, ordonner aux moines de demeurer dans , leurs cloîtres, car l’homme est toujours disposé à conserver son lien quand il a trouvé le bien. — Cette seule considération me détermine à penser que l’amendement deM. Voidei doit être adopté, et je l’adopte pour mon compte. M. lé due dé Liancourt. 11 mé semblé qu’on a quelquefois envisagé l’amendement de M. Voidei comme une question constitutionnelle. Je pense qu’il ne doit être envisagé que comme une question économique. Or, dépense-t-on davantage quand on vit en communauté que lorsqu’on Vit isolément? Je réponds non, et je conclus a ce que l’amendement soit adopté. (La discussion est fermée.) On fait lecture de l'amendement ; il est conçu en ce? termes : « La pension de chaque religieux 240 (Assemblée aationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 mars 1190]. des ordres rentés qui voudra vivre dans le cloître sera fixée à 800 livres, et celle de chaque religieux des ordres mendiants à 600 livres. » La question préalable est demandée sur cet amendement, et mise aux voix par assis et levé. M. le Président. L’Assemblée a décrété qu’il y avait lieu à délibérer. (Tout le côté droit delà salle réclame contre ce décret, et demande l’appel nominal.) M. le Président. J’ai prononcé ce décret, non seulement d’après ce que j’ai cru voir, mais encore d’après l’avis de presque tout le bureau. Le bureau est composé de six secrétaires, et cinq ont cru avec moi que l’Assemblée avait décrété qu’il y avait lieu à délibérer. Cependant l’appel nominal est demandé, il va être fait. M. le marquis de Bonnay. La question était de savoir s’il y avait lieu à délibérer sur l’amendement de M. Voidel. Cette question préalable a été mise aux voix. L’épreuve a paru douteuse ; l’appel nominal a été réclamé. Je demande que l’appel nominal soit fait, non sur la question préalable, mais sur l’amendement lui-même. La proposition de M. le marquis de Bonnay est adoptée. L’amendement est relu, et l'appel nominal commencé. On procède à l’appel nominal. — L’amendement de M. Voidel est rejeté. La discussion est reprise. M. Moreau, député de Touraine. Je propose de supprimer de l’article le mot enclos. M. Trellhard. Lorsque le comité a proposé de donner aux religieux qui préféreront rester dans leurs maisons la jouissance des enclos qui en dépendent, il pensait que ces religieux seraient assujettis aux réparations usufruitières; mais comme vous venez de le juger différemment, je crois répondre aux vœux du comité en me joignant à l’auteur de l’amendement. M. Martineau. Il y aurait des inconvénients à adopter l’article purement et simplement. Dans certaines maisons, l’enclos est de fort peu d’étendue; dans d’autres, au contraire, il est très considérable.;. 11 ne faut pas confondre les jardins avec les enclos. Il serait indécent de chercher à priver les moines de leurs jardins pour en retirer au bénéfice. Mais il y a tel enclos qui vaut jusqu’à 10, 15 et 20,000 livres de rente. Plusieurs voix : Gela est faux ! M. Martineau. Je n’entends pas dire que tous les enclos vaillent 20,000 livres ; mais je dis qu’il y en a d’une très grande valeur. Je pourrais citer, par exemple, le clos de Vougeot, en Bourgogne. Je propose donc, par sous-amen-deinent, d’ajouter à l’article, que les religieux auront la jouissance des enclos attenant à leurs maisons, à la charge d’en déduire le produit sur leurs pensions, d’après l’estimation des assemblées de département. Dont Gerle. Il est étonnant que, d’après les pensions modiques qu’on a accordées aux religieux, on veuille encore faire des difficultés pour leur donner une jouissance très légère. Ce n’est point une opération de finances, mais un acte de justice, que vous avez voulu faire en rendant aux moines leur liberté. Laissez-leur donc un honnête nécessaire. Observez que les pauvres n’oublieront pas ces maisons où ils étaient accoutumés à recevoir des secours; n’oubliez pas que ce sera toujours où l’on demandera l’hospitalité, qu’il y faut des chambres garnies, du linge etuncertain nombre de domestiques. D’après toutes ces considéra-rations, que je vous prie de peser dans votre sagesse, je demande que l’amendement et le sous-amendement soient rejetés. M. Charles de Cameth. Sans prétendre soupçonner les intentions du préopinant, qui a tant de fois donné des preuves du patriotisme le plus pur, il me semble que ses raisons ne sont pas du tout concluantes. Il s’agit d’avoir toujours devant les yeux la grande question; car, si nous faisons des fautes dans les détails, nous devons craindre que le gage précieux de la nation ne nous échappe. M. Target. Je penseque si vous accordiez aux religieux la jouissance d’un enclos, s’il y en avait un attenant à leurs maisons, ce serait établir parmi eux-mêmesde grandes disproportions, puisque là où serait un enclos de 1,200 livres, la répartition de cette somme serait une faveur particulière aux religieux de la maison, et que trois religieux seulement pourraient conserver celte jouissance. M. l’abbé Cayla de La Garde. Il est au-dessous de la loyauté française de mesurer à la toise le terrain des individus dont vous possédez tout le bien; écartons donc par la question préalable un amendement aussi minutieux. M. deCaialès. L’observation de M. Target n’est pas juste, puisque, par un de vos décrets, vous avez ordonné que lorsqu’il n’y aurait pas dans les maisons un nombre suffisant de religieux, ils seraient réunis à d’autres maisons. En abolissant les vœux monastiques, vous avez voulu faire un acte d’humanité et de bienfaisance ; mais votre intention n’a pas été de traiter ceux qui apostasieraient plus favorablement que ceux qui resteraient fidèles à la règle à laquelle ils se sont consacrés. Si l’amendement était adopté, il n’en résulterait pour vous qu’un lucre bien peu précieux. L’objet n’est pas assez important pour que vous vouliez vous donner les torts d’une rigueur déplacée ; laissez aux religieux des enclos qui sont plutôt de pur agrément que d’aucune utilité, M. Dubois de Crancé. Je propose de mettre, au lieu d’enclos, « jardins et vergers attenants ». M. Prieur. On n’esl embarrassé que parce qu’on donne trop d’extension au mot enclos. Vous avez voulu attacher quelques douceurs aux habitations des moines ; par enclos, vous avez entendu» non pas le terrain dans lequel il y a des maisons construites, mais les enclos dans lesquels sont les fruits nécessaires à leur consommation. L’amendement de M. Dubois.de Grancé est le plus sage de tous, mais il est encore trop grave. Il faut dire pour plus de précision, « les enclos qui n’excéderont pas quatre arpents ». Plusieurs personnes demandent encore la parole ; d’autres demandent qu’on ferme la discussion. — L’Assemblée déclare que la discussion est fermée. M. de Beauharnais propose, par amendement, que les religieux dans les villes soient restreints avec leurs pensions aux jardins et pota-