760 [Assemblée nationale.) cette manière, sans attendre le moment de la revue, il pourra lui être expédié, en attendant cette époque, un congé limité, aussitôt qu’il aura fait la remise de ses effets d’habillement et équipement, et de la somme qu’il sera tenu de ter-ser à la caisse; mais sa cartouche de congé absolu ne lui sera jamais expédiée que par ordre exprès de l’inspecteur. Art. 17. Tout homme qui obtiendra un congé de grâce sera tenu de laisser au régiment toutes les parties de 8< n habillement, équipement et armement courant ; son décompte lui sera fait jusqu’au jour de son départ, comme aux hommes congédiés par ancienneté, sans pouvoir lui être ret< nu sous aucun prétexte, non plus que les effets à lui appartenant. Art. 18. Tout homme redevable de quelque somme à la caisse du régiment, ne pourra être admis à obtenir son congé de grâce, qu’après s’être acquitté totalement envers elle. Art. 19. Tout homme, pour obtenir son congé de gràm, sera tenu de verser préliminairement à la caisse du régiment le double de la somme stipulée ci-dessus pour le premier rengagement de 8 ans, dans son arme, s’il lui reste 7 années, et plus, à achever. Cette somme décroîtra d’un huitième tous les ans, en raison du moindre nombre d’années qui lui resteraient à courir; le tout conformément au tableau ci-après pour chaque arme, savoir : Infanterie française , étrangère et légère. 8 ans de service ..... ................ 200 1. 7 ans — ..................... 175 6 ans — ..................... 150 Sans — ..................... 125 4 ans — ..................... 100 3 ans — ..................... 75 2 ans — ........... .......... 50 1 au — ..................... 25 Artillerie , mineurs , ouvriers , cavalerie , carabiniers. 8 ans de service ..................... 2401. 7 ans — ..................... 210 6 ans — ..................... 180 5 ans — ..................... 150 4 ans — ..................... 120 3 ans — ..................... 90 2 ans — ..................... 60 1 an — ..................... 30 Dragons , chasseurs, hussards. 8 ans de service .................... 216 1. 7 ans — ..................... 189 6 ans — ..................... 162 5 ans — ..................... 135 4 ans — ..................... 108 3 ans — ..................... 81 2 ans — ..................... 54 1 an — .................... 27 Art. 20. Tout homme qui obtiendra son congé de giâce 19 mars 1791.] étant absent n’aura droit à réclamer son décompte que de la même manière prescrite pour les hommes congédiés par ancienneté par les articles précédents. Art. 21. Les cartouches des congé de grâce seront signées de tous les mnmbres du conseil d’administration et de l’inspecteur; elles seront visées par le commissaire des guerres; elles exprimeront en tou'es lettres la somme qui aura été pay�e en raison des années de service restant à faire, ainsi que le montant du décompte payé & l’homme congédié. Art. 22. En temps de guerre, il ne sera expédié aucun congé de grâce; ce temps sera censé commencer du jour où un rég ment aurait reçu l’ordre de se porter au complet de guerre. Art. 23. Il se-a statué par les règlements sur les autres formalités de détail pour l’expédition des différentes espèces de congés absolus, ainsi que pour la surveillance à ce sujet à prescrire aux commissaires des guerres chargés des revues et police des troupes. L’ordre du jour est un rapport fait au nom des sept comités réunis des domaines, des finances, d'imposition , de féodalité, d'aliénation , de l'extraordinaire et ecclésiastique, sur la régie et la perception des droits incorporels dépendant des domaines nationaux. M. de Usines, rapporteur. Messieurs, il est une branche du domaine national dont l’administration est très difficile, et dont on ne peut cependant, sans une régie éclairée et vigilante, ni conserver le fond ni maintenir le produit: ce sont les droits incorporels. Si, d’un cô é, votre devoir est de ne point laisser dégrader cette partie de la foi tune publique, votre juste désir est aussi de faciliter la libération des débiteurs sur qui elle pè-e, et d'extirper, autant qu’il est en vous, cette dernière racine du tronc féodal. Sept comités, pénétrés de vos vues sages et bienfaisantes, se sont reunis dans l’intention de revoir attentivement ce que vous avez fait jusqu’ici pour les réaliser. Quelques dispositions simples, mai3 importâmes, leur paraissent nécessaires pour arriver à votre but. et je viens vous les proposer en leur nom. Elles se rapportent à trois points principaux : la régie, la vente et le rachat des droits im orpoiels. Le produit de ces droits est évalué de 15 à 20 millions ; et, lorsqu’il faut de grands efforts pour réparer les longs désordres d’un régime di-sipateur, il est juste de vedler avec soin sur cette portion précieuse du patrimoine de l’État. (1) * Voscomités, Messieurs, n’ont point été arrê-« tés par la considération que b-ur projet pour-« raif, à certains égards, paraître s’écarter (le « quelques-unes des mesures que vous avez déjà « adoptées : ils ont cru que dans cette madère € rien i e | ouvait vous lier, lorsqu’il s’agit du (i) La crainte d’abuser des moments de l’Assemblée m’a fait supprimer à la lecture et réserver pour une réplique, dont je n’ai pas eu besoin, ce qui est distingué par des guillemets. Ce morceau contenant une distinction importante et usuelle, j’ai pensé qu’il serait peut-être utile de le rétablir ici. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1791. J 761 « plus grand avantage de la nation; et il n’est « peut-étrepasinuiile, puisquel’occasion sVn pré-« sente, de distinguer ici ce qui ne doit jamais « être confondu dans les objets soumis à la dé-« libération du Corps législatif. « Ce serait un grand mal sans doute, que sa « marche fût incertaine et versatile, et que la loi * de la veille pût être détruite par celle du len-« demain. Au milieu de cette mobilité funeste, « plus d'espérances raisonnables, plus de sécurité « légitime, et bientôt de la défiance universelle « résulterait la dissolution du corps social. Elle « est donc sage, elle est indispensable, cette « règle qui assujettit la législature à ne point re-« devenir sur ses propres décrets. « Mais de quels décrets ceci doit-il s’entendre? « C’est ce qu’il est essentiel d’expliquer pour •< prévenir toute éiuivoque. « La règle doit s’appliquer sans exception, à « tout décret qui forme une loi de l’Etat, c’e-t-à-« dire qui prononce sur les droits de la grande « société et sur les rapports civils et politiques « de ses membres. Mais en finance tout décret « n’est pas une loi, et tout décret qui n’est pas « une loi n’est pas soumis à la règle de l’irré-« vocabilité. « Il est évident, en effet, Messieurs, que dans « cette matière le Corps législatif n’est pas « seulement législateur, il est encore adminis-« trateur. S’il exerce le pouvoir législatif lors-« qu’il établit l’impôt, il n’exerce que le pouvuir « administratif lors, par exemple, uu'il s’occupe « de la régie du domaine public. Alors les re-« présentants de la nation ressemblent à un « père de famille qui s’éiudie à tire; le meilleur « parti de son patrimoine; alors, si de premières * mesures ne les ont pas conduits assez directe-<> ment à ce but, il ne doit pas leur être plus * délVn iu qu’à lui de faire usage des moyens « d’araél oration : il n’y a nul inconvénient à « adopter cette distinction, et il y en aurait beau-« coup à la proscrire. Vous l’avez, Messieurs, « toujours cru juste, et vous en avi z déjà jugé « i’applicat on nécessaire dans plusieurs cir-« constances ; je n’en citerai que deux. Vous « aviez d’abord confié à quelques-uns de vos « comités la liquidation de plusieurs parties de « la dette publique, et vous l’avez depuis ren-« voyi e au pouvoir < xécutif. Vous aviez d’abord « décidé qu’un ne serait point admis à racheter « divit-ément les droits fixes < t les droits casuels, « et depuis vous avez accordé la faculté de faire « cette division ; ce cernier exemple me ramène « aux droits incorporels qui font le sujet de ce « rappori. » Ou pimenta à votre délibération, au mois d’octobie dernier, la question de sa\oir de quelle manière il-seraient régis. La compagnie de finances, qui était chargée de la perception des droits de contrôle, fut citée alors comme l’in-trument le plus avantageux de cette régie. Mais ou ne savait encore ni si tes droits de contrôle seraient conservés, ni de quelle manière ils pourraient être remplacés; et comme ou convenait en même temps qu’il était impossible de charger de la perception des droits incorporels les cor, s administratifs et les receveurs de district, il n’y eut d’autre parti à prendre que celui de les affermer. Aujourd'hui, Messieurs, que l’état des choses est changé, aujourd’hui que le droit d’enregistrement n’est, au fond, que celui de contrôle, que sa perception exige les mêmes formalités et les mêmes agents, et qu’elle a également nécessité l’établissement d’une régie centrale , la question qui s’agitait au mois d’octobre se repré ente tout entière à votre examen; elle s’y représente même avec t’avantage qui résulte des réflexions et d'une expérience de quelques mois. Vos comités, Messieurs, ont pensé qu’il fallait, sous peine d’une dégradation elfrayan'e du fonds et du revenu des droits incorporels, en conlier la perception à la régie du droit d’eu-regisirement ; je me hâte d’exposer les raisons qui les ont conduits à ce résultat. Les choses peuvent être envisagées sous deux points de vue différents : par rapport à l’intérêt de la nation, créancière des dioits, et par rapport à l’intérêt des débiteurs. Sous ces deux aspects, la régie que vous proposent les comités a sur les baux de grands et nombreux avantages. Trois causes doivent concourir, Messieurs, à la viliié du prix des baux ; il n’y a point de base certaine pour l’évaluer; il n’y aura point de concurrence suffisante pour l’élever à un taux raisonnable; et la nature même des droits incorporels ne permet de les louer qu'à très bas prix. Je dis qu’il n’y a point de base certaine pour évaluer le prix des baux ; cela est évident par rappoit aux droits casuels auxquels d.s cas purement contingents font seuls ouverture; aus-i avez-vous déjà reconnu vous-mêmes, par cette raison, l’impossibilité de les affermer. Il n’v a guère plus de certitude sur la quotité des droits fixes ; outre qu’ils doivent s’éteindre successivement par la voie du rachat (ce qui écarte toute spéculation de quelque durée) les droits tixes des mouvances ecclésiastiques sont peu connus. On sait avec quel soin les corps, et notamment le clergé, s’appliquaient à dér. ber la connaissance eu produit de leurs tiefs ; et tout fait présumer que les titres, qui n’auront point disparu dans les circonstances trop favorables à la fraude, fourniront peu de renseignements. L’ignorance de lu véritable quotité des droits produit nécessairement le défaut de concurrence à l’adjudication des baux. Un fermier voulant toujours mettre toutes les chances en sa faveur, n’ulfrira presque rien d’une chose qui seia peu connue; et si par hasard il se trouve parmi les ■ nchérisseurs quelque homme instruit, tel que l’ancien agent d’un corps ecclésiastique, croy z que ses Connaissances ne seront utiles qu’à lui, et qu’il s’en prévaudra pous s'assurer un bénéfice plus ample et plus certain. Jesuppusemaintenant que les droits incorporels soient paifaitement connus; je suppose qu’il se présente aux adjudications beaucoup d’enchérisseurs : il n’e-t pas moins inévitable que les baux se fassent à vl prix. Car, quel sera fliomme assez fou pour ri-quer beaucoup d’argent sur des objets aussi minutieux que mult p iés, qui exigent une surveillance continuelle; dont la perception est long e, difficile et coû euse ; dont la rési tance des débiteurs rond, en beaucoup d’endroits, le recouvrement périlleux ; dont enfin les plus solid s seront les premiers éteints par la voie du rachat? Il n’y a que l’espoir d’un gain excessif qui puisse inspirer une spéculation de ce genre. Tous ces inconvénients, Messieurs, disparaissent dans le système d'une régie generale, confiée aux per ce j it u s du droit u’enn gistrement. Elle vous présente d’abord un avamage nécessaire, inappréciable, et que vous ne trouverez nulle part ailleurs : c’est la facilité que lui as- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 762 sure l’enregistrement des actes, de suivre la trace des mutations, de connaître les profits casuels qui en résultent, et de découvrir les redevables; et ce n’est pas seulement pour l’avenir qu’elle aura ces ressources îles anciens registres du contrôle, les tables alphabétiques, les sommiers tenus dans chaque bureau sont autant de répertoires précieux à l’aide desquels elle pourra ou conserver, ou même découvrir une foule de droits qi e l’ignorance des fermiers laisserait perdre sans retour, et que les ecclésiastiques eux-mêmes auraient eu peine à défendre. Ainsi là perception, loin de se dégrader dans les mains d’une tt-lle régie, s’améliorera au contraire par le recouvrement de beaucoup d’objets inconnus. Cette première remarque est si importante, qu’elle devrait suffire seule pour opérer la conviction. Observez d’ailleurs, Messieurs, que celte régie ■a partout des préposés déjà exercés à ce genre de travail, puisqu’ils font la recette des droits incorporels de l’ancien domaine; que ces agents principaux ont acquis, par un long usage, la connais-ance si abstraite, et néanmoins si nécessaire de toutes les difficultés pratiques de la matière féodale; et qu’au lieu du bénéfice énorme d’un fermier, vous n’aurez d’autre sacrifice à faire, sur le produit des droits incorporels, que celui d’une modique attribution en faveur des préposés de la régie. Je dis modique; car, la régie ayant déjà une machine toute montée pour la perception du droit d’enregistrement, il ne s’agit pas de faire les frais d’un établissement nouveau, maisseulemraent de dédommager les agents de cette perception d’un surcroît de travail. Enfin, Messieurs, dans des temps difficiles, où le recouvrement des droits ci-devant seigneuriaux éprouve tant de défaveur et de résistances, je ne crains pas de dire que le seul instrument qu’on puis e employer avec succès, est un corps qui agisse au nom de l’Etat, et qui, couvert de la force publique, soit étranger à toutes les craintes comme à toutes les considérations particulières. Ce n’est pas seulement sur le produit, c’est sur le capital même des droits incorporels que le système des baux influera d’une manière effrayante. Il ne faut point se le dissimuler, Messieurs, dans les circonstances actuelles, vous ne pouviz pas espérer que la plupart de vos fermiers soient des gens honnêtes ot délicats. Or, comment des droits si sujets à s’éclipser, si faciles à proscrire, pourront-ils se conserver, lorsque la nation aura mis encore contre elle les chances, non seulement de l’ignorance, mais encore de la mauvaise foi des fermiers? Certainement ils ne s’appliqueront pas à veiller pour elle, toutes les fois que par des pactions clundesfines, des compositions frauduleuses avec les débiteurs, ils pourront soustraire le droit à leur profit; et, dans le désordre où sont les titres de la plupart des établissements supprimés, l’occasion ne leur manquera pas. Vous n’avez rien de semblable à craindre, Messieurs, de la régie du droit d’enregisliement. Assujetti à une surveillance active, à une comptabilité sévère, son préposé tient registre de toute, sa recette; il est garant de chaque omission ; il compromettrait son état par la moindre infidélité; en un mot, la simplicité, l’uniformité et l’exactitude sont les caractères d’un régime unique, dont les rapports établis d’un bout du royaume à l’autre, parlent d’un même point pour y revenir sans cesse. Dans, l’état actuel des choses, les baux ont ud inconvénient particulier, auquel on n’a pas assez 19 mars 1791. J réfléchi : c’est l’extrême difficulté de fixer l’indemnité du fermier à raison des extinctions successives opérées par le rachat. Vous avez prononcé qu’elle ne consisterait que dans une diminution du prix du bail, proportionnée au produit des droits rachetés; ce qui veut dire sans doute que l’indemnité ne sera pas do produit total du droit éteint, mais seulement dans la proportion du produit de ce droit avec le produit de ceux qui resteront soumis à la jouissance du fermier. Or, aura-t-on jamais les véritables éléments de ce calcul? Ne donnera-t-il pas lieu à des contestations perpétuelles avec le fermier, dont l’intérêt est d’atténuer ce qui restera, et d’exagérer la valeur de ce qui sera racheté? Vos corps administratifs auront-ils le temps, ouront-ils la possibilité, auront-ils même toujours la volonté de se défendre de ses pièges? N’en doutez pas, Messieurs, cette indemnité sera un des plus infaillibles moyens de réduire arien le prix de vos baux. Dans le système d’une régie, non seulement il n’est aucun obstacle de cette nature, mais de plus vous assurez le succès de la liquidation des rachats; car celte opération doit se faiie alors par les préposés de la régie , plus capables que qui que ce soit de la bien faire; et les lumières des corps administratifs ne seront pas perdues, puisque l’opération devra toujours être vériliée et approuvée par eux. Si les baux sont préjudiciables à l’intérêt de nos finances, ils ne le sont pas moins à celui des débiteurs. En effet, qui aurez-vous pour fermiers? Des spéculateurs, c’est-à-dire des hommes durs et avides. De toutes parts une nuée de praticiens se dispose à fondre sur celte proie; et le malheureux redevable, l’honnête habitant des campagnes ne doit attendre de ces sangsues, ni les remises accoutumées, ni les moindres délais; car l’impitoyable fermier aura regardé d’avance l’occasion de faire des frais comme la source la plus féconde de son bénéfice. Ces vices ne peuvent pas exister dans le régime des percepteurs du droit d’enregistrement. D’abord vous assurez au débiteur une remise fixe sur les droi's casuels ; vous lui procurez ensuite la commodité de payer, en même temps et dans le même lieu, la dette du droit d’enregistrement et celle du droit incorporel ; enfin, il n’a plus à faire qu’à des préposés qui n’ont pas d’intérêt de le vexer ; et s’il arrivait que quelqu’un d’eux s’écartât, sur ce point, des règles de l’humanité, est-ce que les corps administratifs ne sont point là pour la protection du citoyen? Messieurs, ils n’existent plus ces temps où des lois toutes fiscales n’uffraient d’autre ressource contre une perception arbitraire qu’un inutile recours au conseil. Aujourd’hui que la Constitution a placé entre le fisc et le citoyen des magistrats populaires, s’il y a quelque chose à craindre, c’est plutôt que les intérêts du Trésor public soient quelquefois compromis. Les inconvénients des baux à ferme sont déjà reconnus partout : des corps administratifs vous ont fait parvenir à ce sujet leurs représentations où ils démontrent que la perte sera énorme ; et leurs sollicitudes sont justifiées par l’expérience du gouvernement qui, ayant toutefois affermé les droits incorporels de l’ancien domaine, s’est convaincu ensuite que le seul moyen d’en tirer parti était de les faire régir. Ce point une fois convenu, vous penserez sans doute, Messieurs, qu’il n’y a que les percepteurs |9 mars 1791, J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 768 [Assemblée nationale.] du droit d’enregistrement qui puissent être les agents de cette régie. D’abord il est impossible qu’elle soit confiée immédiatement aux corps administratifs; il ne faut pour s’en convaincre que cette seule considération. 11 n’existe, pour chaque district, qu’un seul receveur ; et il est tel district où les droits incorporels forment plus de 30,000 articles : aussi aucun corps administratif n’a-t-il jamais imaginé que les receveurs de district, déjà surchargés d’une recette immense, pussent suffire à la perception des droits incorporels : aussi vous-mêmes, Messieurs, avez déjà consacré en quelque sorte, cette impossibilité par votre décret du mois d’octobre. Vous reconnûtes alors que ce que vos comités soutiennent aujourd’hui, pour tous les droits incorporels indistinctement était déjà certain par rapport aux droits casuels. Vous n’avez voulu ni qu’ils fussent affermés, ni qu’ils fussent régis par les receveurs de district. C’est au fermier , des droits fixes et annuels dépendant de la terre la plus voisine, que vous en avez confié la perception, en autorisant les directoires de district à lui allouer une remise qui peut s’élever à 2 sous pour livre. Je ne crains pas de le dire, Messieurs : un tel expédient ne peut se justifier que par la position embarrassante où vous vous trouviez alors. Car quel zèle, et même quelle fidélité peut-on attendre de semblables agents ? Et n’est-ce pas payer beaucoup trop chèrement des hommes qui, peu ou point surveillés, ne partageront leurs soins entre les droits affermés et les droits régis, qu’autant qu’ils trouveront les moyens de gagner sur ceux-ci autant que sur ceux-là, c’est-à-dire de faire leur main aux dépens du Trésor public ? Il ne serait pas plus raisonnable, Messieurs, d’autoriser chaque département à établir une régie particulière dans son territoire. Toute régie partielle sera loin de présenter les mêmes avantages que celle du droit d’enregistrement; elle n’aura ni les mêmes facilités, ni les mêmes connaissances-, ni cette uniformité de principes et d’exécution, sans laquelle toute administration est toute imparfaite. Et d’ailleurs, remarquez bien que, dans le plan de vos comités, on a prévu la seule objection par laquelle on essayerait de faire prévaloir les régies particulières. Une condition essentielle de ce plan, c’est que la régie générale des droits incorporels sera sous la surveillance immédiate des corps administratifs. Au moyen de cette précaution, nulle atteinte au droit* d’administration que vous avez conféré à ces corps sur les domaines nationaux!. Garce droit, ils ne peuvent l’exercer que par des agents quelconques ; et il est au fond très-indifférent à la nature du droit que l’instrument soit un receveur de district ou un fermier plutôt qu’un préposé de l’enregistrement, dès lors que l’autorilé de l’administrateur sur cet ins-trumentquelconque estlégalementétablie. Ques’il était vrai Messieurs, que certains corps administratifs préférassent des agents dont ils pussent disposer d’une manière plus absolue, les motifs secrets d’un tel désir ne seraient qu’une raison de plus en faveur de l'opinion de vos comités. Il serait! dangereux, en effet, que l’agent de la perception fût, dans les mains des corps administratifs, un instrument servile. Il faut au contraire qu’il ait assez.de force pour ne pouvoir être entraîné hors de la ligne du devoir. Enfin, si les fonctions sont tellement distribuées qu’il en résulte une émulation réciproque, une surveillance mutuelle, nous aurons atteint la sorte de perfection dont une telle régie est susceptible. Vos comités, Messieurs, ne se sont pas bornés à examiner quel était le mode le plus convenable de régir les droits incorporels ; ils se sont aussi proposé cette autre question importante : Ne conviendrait-il point de surseoir, quant à présent, à leur vente? De puissantes raisons leur ont fait embrasser l’affirmative. 11 est évident, d’abord, que les principales objections faites contre les baux s’élèvent également contre les ventes : les mêmes causes qui aviliront le prix des uns dégraderont aussi le prix des autres ; et la condition des débiteurs sera même plus dure encore avec un acquéreur qu’avec un fermier. Car vous pouv z du moins imposer aux fermiers l’obligation de certains ménagements envers les débiteurs, et vous ne le pourrez pas par des contrats de vente. Ce qui, dans le premier cas, ne serait que l’exercice du droit de propriété, en serait, dans le second cas, la violation. D’après cela, Messieurs, si vous veniez maintenant, qu’arrivera-t-il ? 1° Vous ne retirerez presque rien ' de ce qui représente un capital de 400 ou 500 millions. Vous ne perdrez pas seulement le quart des droits dus en argent et le cinquième des droits dus en nature, dont vous avez consenti d’avance le sacrifice ; vous feivz une autre perte inappréciable, résultant de l’imperfection des évaluations. Car, comment évaluer avec exactitude des droits dont on ne connaîtra pas la majeure partie? Il est sensible que, sous le rapport de l’utilité précuniaire, il n’est qu'un parti raisonnable: celui d’assurer à la nation, plutôt qu’à d’avides spéculateurs, le bénéfice des rachats que l’émission des assignats ne peut manquer d’accélérer beaucoup. 2° Des vues bienfaisantes vous ont guidés jusqu’ici dans tout ce que vous avez décrété sur les droits incorporels; mais, si vous souffrez qu’ils se vendent, ces vues seront trompées. Des compagnies sont prêtes à accaparer partout cette foule de redevances, qui sont un moyen si facile de vexation ; et le régime féodal, dont vous avez désiré le prompt anéantissement, se reproduira sous une forme plus hideuse et plus oppressive. 3° Je viens de parler à des législateurs humains; je m’adresse maintenanl à des législateurs éclairés. Ne voyez-vous pas, Messieurs, que rien n’est plus contraire à l’esprit de votre Constitution que la vente des droits incorporels? En supprimant la féodalité, vous avez eu principalement en vue de détruire la dépendance dangereuse dans laquelle elle avait mis le pauvre à l’égard du riche, par cette multitude de charges dont elle avait grevé les personnes et les choses : en créant une Constitution libre, vous avez voulu rappeler l’homme à sa dignité naturelle, et briser toutes les entraves par lesquelles sa volonté pouvait être enchaînée. Vendez les droits incorporels, et ce but est manqué pour longtemps. Les droits féodaux qui, possédés par la nation, n’ont rien d’in-uiétant pour la liberté publique, une fois sortis e ses mains, vont former, sous une dénomination différente, autant de nouveaux fiefs qu’il y aura d’acquéreurs. Ceux-ci auront sur les débiteurs l’ascendant irrésistible et irrémédiable du droit de les vexer; et comme la plupart de ces acquéreurs seront peut-être de la pire espèce d’hommes, la servitude qu’ils exerceront sur les malheureux débiteurs sera aussi la pire de toutes. Vos comités ont été surtout frappé de cette con 764 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1791.] sidération majeure, et ils n’ont pas douté qu’elle ne fît la même impression sur vos esprits. En même temps qu’ils ont pensé, Messieurs, qu’il fallait surseoir à la vente des droits incorporels, ils ont cru qu’il fallait en favoriser de plus en plus le rachat, et en cela ils ont suivi la route que vous avez déjà tracée. C’est dans cette intention que vous avez permis aux débiteurs de racheter séparément les droits fiX'js et les droits casuels appartenant à la nation. Il a paru à vos comités que cette faculté pouvait être étendue encore, et ils vous proposent aujourd’hui de permettre à chacun des codébiteurs solidaires ae droits incorporels de racheter séparément leur portion contributive. L’intérêt du Trésor public ne peut être compromis par cette mesure, puisque la partie subsistante du droit se trouve suffisamment assurée, soit par la solidarité des codébiteurs qui ne se rachèteront pas, soit par l’hypothèque privilégiée sur la partie de l’héritage qui ne se trouvera point lit éré . Ce que la nation peut faire pour elle-même dans cette circonstance, le respect du droit de propriété ne permet pas qu’el'e le prescrive aux autres créanciers. Mais son exemple ne sera point perdu; il ne peut manquer de tourner au profit des débiteurs. La plupart des anciens seigneurs, convaincus que leur intérêt est de hâ er le rachat de leurs droits, s’emp esseront d’adopter une mesure dont l’effet infaillible est de l’ac élérer. C’est ainsi que le Corps législatif, lors même qu’il ne peut rien par l’autorité de la loi, peut employer encore avec succès l’influence de la raison. Voici le projet de décret que nous vous proposons : PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, considérant que la réunion, sous un même régime, de la perception et régie des droits incorporels dépendant de tous les biens nationaux, aura le double avantage d’en maintenir la valeur et les produits, et d’anéantir de plus en plus toute ancienne distinction entre les diverses origines de ces biens; « Qu’il n’est pas moins essentiel de ne pas séparer la perception et régie desdits droits incorporels de celle des droits d’enregistrement des actes, celle-ci pouvant procurer aux agents de la première les moyens de suivre la trace des mutations, de connaître les protits casuels qui en résultent et de découvrir les redevables; « Et que l’établissement qu’elle vient de décréter, d’une régie particulière pour les droits d’enregistrement, lui offre maintenant les moyens de réaliser, dans cette partie d’administration, les vues d’ord re, de simplicité et d’économie auxquelles elle est invariablement attachée. « Après avoir entendu le i apport de ses comités des domaines, des finances, d’imposition, de féodalité, de l’aliénation, de l’extraordinaire et ecclésiastique, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les droits ci-devant féodaux et tous autres droits incorporels, tant fixes que casuels, de quelque nature, espèce et quotité qu’ils soient, non supprimés par les décrets de l’Assemblée nationale et dépendant des domaines et biens nationaux, sans aucune distinction de l’origine desdits domaines et biens, seront perçus, régis et administrés, pour le compte de la nation, par les commissaires et régisseurs qui sont ou seront chargés de la perception des droits d’enregistrement des actes, et par leurs commis et préposés, sous la surveillance des corps administratifs. Art. 2. « Les rachats qui seront faits pour parvenir à l’extinction dis droits énoncés au précédent article seront liquidés, en conformité des décrets de l’Assemblée nationale, par lesdits commissaires régisseurs, leurs commis et préposés. Art. 3. « La liquidation par eux faite sera vérifiée et approuvée, d’après l’avis des directoires de district, par-les directoires des départements dans le ressort desquels sont situés les biens dont dépendent les droits rachetables; et les directoires de département enverront, tous les mois, à l’administrateur de l’extraordinaire, le bordereau des liquidations qu’ils auront vérifiées et approuvées. Art. 4. « Le prix des rachats ainsi réglé, sera perçu, ainsi que le produit des droits non rachetés, par lesdits commissaires régisseurs, leurs commis et préposés, et le montaot de leurs recettes sera versé par la régie à la caisse de l’extraordinaire. Art. 5. « Les baux des droits incorporels, qui ont été faits en conséquence du décret des 23 et 28 octobre dernier, et les baux antérieurs confirmés par ledit décret, seront exécutés; le prix de ceux de ces baux qui ne comprennent que des droits incorporels, sera perçu par lesdits commissaires régisseurs, leurs commis et préposés. Quaut à ceux desdits baux qui comprennent d’autres objets que des droits incorporels, le produit en sera versé par les fermiers à la caisse du district. Art. 6. « Les droits incorporels dont la perception serait sujette à de trop grandes difficultés, pourront être affermés par les commissaires régisseurs; ce qui ne pourra néanmoins avoir lieu, ni pour les droits casuels, quelle que soit leur quotité, ni pour les droits fixes payables eu argent, qui sont de 20 livres et au-dessus. Le prix des baux consentis par la régie sera perçu par elle, ses commis et préposés. Arf. 7. « Les baux des droits incorporels que la régie voudra affermer, seront faits, à la poursuite et diligence de ses commis et préposés, devant le dirt ctoire du district de la situaiion des biens dont dépendent les droits incorporels; et il sera procédé publiquement, et à la chaleur des enchères, dans la forme prescrite par le décret des 23 et 28 octobre dernier. Art. 8. « Les commissaires régisseurs, leurs commis et prépo.-és pourront, toutes les fois qu’ils le jugeront nécessaire, prendre communication, sans frais et sans déplacer, même faire des extraits ou copies des litres, registres, papiers et documents dont le dépôt a été ordonné par les articles 9 et 10 du titre III du décret des 23 et 28 octobre dernier, et ils pourront se faire remettre, sous récépissé, Jes cueilloirs, papiers-censiers, ou papiers de recette, nécessaires pour le recouvrement.