SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 8 205 de communiquer avec mon mary détenu par ses ordres à Saint-Vincent à Metz. A peine suis-je entrée dans sa chambre qu’il s’est écrié avec aigreur sans me laisser le tems d’ouvrir la bouche : Sors d’ici, sors de ma présence ! Je voulus lui répliquer et luy rapeller le tems où il venoit familièrement à la maison et dans ma famille. Il me répondit avec humeur : Je n’étois pas alors représentant ! Je luy demandois la permission de pouvoir parler à mon mary. Je n’en accorde à personne, me répliqua-t-il, et à toy moins qu’à une autre, avec ta figure aristocratique. Sors d’ici ! s’est-il écrié de nouveau, et je suis sortie humiliée, confondue et pleurant en présence des citoyens Le Comte, commissaire des guerres, Bertrand, entrepreneur des fortiffications et sa femme, de la citoyenne Josse et d’autres personnes dont je ne me rapelle pas les noms. A Thionville, ce 23 thermidor 2e année de la République une et indivisible. Dechaux, née Jaunez. J’atteste la sincérité du raport fait cy-dessus, comme ayant été présent à Thionville le 23 thermidor la 2 e année de la République française une et indivisible. Bertrand. Caractère de l’esprit public de Thionville, tel qu’il s’est manifesté dans toutes les occasions. Nota : Quelque soin [que] l’on ait apporté à faire parvenir à la Convention nationalle les expéditions semblables à celles-cy incluses, jamais encore on n’a eu la satisfaction d’apren-dre qu’elles aient été reçues, ce qui, coïncidant avec les nombreuses vexations de toute espèce que supporte depuis longtems sans se plaindre la commune de Thionville, ne lui laisse pas de doute que les diverses conspirations ont eu des agents soigneux d’écarter leur témoignage du centre commun où ils doivent aboutir, et attentifs à faire éprouver la pesanteur du joug suivant le degré de dévouement à la République une, indivisible et démocratique. La société populaire révolutionnaire et épurée de Thionville, à la Conv. nat. Thionville, le 24 thermidor l’an II de la République une, indivisible et démocratique. Liberté, égalité, fraternité ou la mort ! Citoyens représentans, Des hommes comblés des faveurs du peuple machinoient sa ruine en méditant celle de la représentation nationale. Vous les avés précipité dans le gouffre, vous avés sauvé la patrie. Continués, représentans, vous verrés les efforts de la vanité et de l’ambition se briser au pied du roch infaillible dont vous occupés la cime. Vous avés en vos mains le fil de la sagesse : il vous conduira dans le labirinthe des conspirateurs et vous frapperés d’une main assurée tous les conspirateurs. Les patriotes de Thionville n’attendent qu’un signe de vous pour voler à votre secours, vous sauver ou expirer à vos pieds en vous servant de bouclier. Ont signé le président et les secrétaires. Fait et arrêté dans la séance du 13 thermidor l’an 2 e de la République une, indivisible et démocratique. La présente adresse fut mise à la poste le même jour. L’on ne sait par quelle fatalité nos représentans ne l’ont pas reçue. Thionville, le 24 thermidor. Carbonnaz fils aîné ( prêsid ), Alexandre ( se - crét.), Chomereau ( secrét .), Tailleur ( secrêt .) Liberté, fraternité, égalité ou la mort ! Description de la fête de l’Etre suprême célébrée à Thionville le 20 prairial an 2e de la République française une, indivisible et démocratique. Le 19 prairial au coucher du soleil la fête de l’Etre suprême a été annoncée par une salve d’artillerie de chacune des batteries de la ville et du fort et par le son de la cloche du beffroy. A la fin du crépuscule, lorsque la lune a commencé à réfléchir sa lumière, une musique douce, composée des airs connus : Où peut-on être mieux ? Chantez, dansez, amusez-vous ! etc., à laquelle a succédé une musique révolutionnaire et martiale, composée de l’air ça ira et de l’himne sacrée etc., a fait naître l’espoir d’un jour heureux. Le lendemain au lever de l’aurore, une salve d’artillerie suivit plutôt qu’il ne causa le réveil des gens de bien et toute la ville parut avoir devancé l’aurore. L’horison se purgea tout à coup des sombres nuages qui l’enveloppoient, comme si la faveur du ciel avoit voulu se manifester aux yeux des moins clair-voyans et présager à tous un avenir fortuné. Les premiers soins furent donnés aux doux épanchemens, aux tendres félicitations dans les familles, aux caresses de l’amitié, aux fidèles assurances de la fraternité parmi les citoyens; ensuite chacun s’empressa à l’envi d’orner extérieurement son domicile de drapeaux, de banderolles et de guirlandes tricolores, et déjà la fête s’ouvrit par l’amour du travail et par la gaîté des occupations. A 8 heures la générale battit, la trompette sonna, le peuple fit ses préparatifs intérieurs; les mères disposèrent la parure de leurs filles en les instruisant sur son objet; les époux présidèrent à ces arrangemens, surtout à ces instructions; ils entretinrent leurs fils du sujet de la fête en stimulant leur raison, leur vertu, leur courage. A 9 heures la musique militaire, composée de simphonies guerrières, parcourut les rues pour donner à la fête l’empreinte révolutionnaire qu’elle dut avoir et confirmer la destruction du hideux fanatisme. Les citoyens les plus diligens, ou les moins occupés, commencèrent à jouir du spectacle des décorations et du mouvement civique imprimé au peuple qui, de la ville et de la campagne, s’amoncelait ou se dispersait au gré de sa rapide intention de tout voir et de tout ordonner. A midi le rappel eut lieu pour avertir les citoyens de se tenir prêts à se rendre au point de réunion. Jusques à 2 heurs on se rassembla sur la place du peuple, autour de la maison commune, d’où l’on se mit en marche dans 206 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE l’ordre suivant : un piquet de cavalerie, un détachement de charpentiers avec leurs haches, un groupe de tambours, des pelotons de sapeurs et mineurs, un détachement de grenadiers, la France représentée par une très belle femme costumée en Minerve, accompagnée de deux jeunes citoyennes portant chacune une flamme avec ces mots : guerre aux tirans, et aux intri-guans ! Vive la liberté ! Vive la Montagne ! Elles étoient élevées sur un char bleu orné de draperie blanche, parsemé de guirlandes de laurier et de chêne et traîné par 4 coursiers caparaço-nés en blanc et tressés de rubans tricolores et dirigés par 4 conducteurs. Ce char étoit environné par des militaires de différentes armes représentant les 13 armées de la République, précédés d’une bannière sur laquelle on lisoit, d’un côté : armées de la République, et, de l’autre : Le peuple debout devant les tirans. Suivoient 2 pièces de campagne avec ses servans et les compagnies de canoniers avec leurs tambours. Les deffenseurs de la patrie blessés dans les combats, aussi dans un char parfaitement orné des attributs de la gloire et de la victoire, portant en avant une banderolle avec ces mots : Nous répandrons jusqu’à la dernière goûte de notre sang pour le soutien de notre patrie, et, sur le derrière, une autre, sur laquelle on lisoit : la terre en produira de nouveaux. Ce char étoit escorté par les officiers de santé etc. attachés aux hôpitaux militaires; l’urne funéraire des deffenseurs de la patrie, portée et escortée par des vétérans et accompagnée des bustes de Marat et de Lepeletier; le bataillon des adolescens; un groupe de musiciens; la vérité représentée par une très belle femme (elle n’a de costume que celui de la simplicité), tenant d’une main une bannière sur laquelle on lisoit : La France reconnoît l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme, et, de l’autre, un miroir; elle étoit accompagnée de deux jeunes citoyennes portant chacune une flamme avec ces inscriptions : La vertu est à l’ordre du jour; les crimes et les forfaits sont dévoilés et punis. Elles étoient toutes trois élevées sur un char blanc orné de draperies et guirlandes de fleurs aux 3 couleurs et traîné par 4 superbes chevaux caparaçonés etc. Quatorze jeunes citoyennes vêtues en blanc escortoient la vérité; six tenoient des cordons attachés au char, six portaient des corbeilles de fleurs et deux des cassolettes de parfums. Suivoient cent jeunes citoyennes aussi vêtues de blanc et ornées de ceintures tricolores. Les présidents des différentes autorités constituées, celui de la société populaire, tenant chacun une gerbe printanière, l’état-major, le génie, etc. Une charue tricolore, traînée par des bœufs blancs accompagnés de garçons de labour en costumes d’athlettes, conduite par un laboureur choisi pour peindre la probité, la force, la gaîté et le bonheur, suivi d’un semeur de pareil choix et d’un groupe de cultivateurs de toutes espèces en costume républicain et portant les instrumens divers de l’agriculture. Le groupe des âges et celui des saisons avec les différents attributs. La société populaire formant une colonne de huit de front, dont les deux files extérieurs étoient formées par les membres des différentes autorités constituées, ornés de leurs marques distinctives; et dans le centre de cette colonne étoit un faisceau de lances, dont celles du milieu étoit la plus élevée, et surmonté d’un bonnet de la liberté, ce faisceau porté par deux hommes étoit accompagné de neuf citoyens tenant chacun un ruban tricolore attaché audit faisceau, par allusion à l’union des cantons au chef-lieu du district; un détachement d’infanterie avec tambours et de chasseurs à pied avec trompette. Enfin la masse du peuple de la campagne et de la ville marchant sur huit de front, les époux et les mères tenant à leur côté leurs plus jeunes garçons et filles; la force armée de la ville et de la garnison, formant double haye, escorta la marche. Un 2 e piquet de cavallerie la terminoit. La ville fut fermée et toutes les maisons furent désertes. On fit route par les rues cy-après : rue de Marat, rue de Paris, rue de Gemmape, rue de la Fraternité, rue du Champ de Mars, place de la Montagne, le pont couvert et la jonction droite en chantant l’himne sacrée et d’autres airs patriotiques, interrompus à chaque couplet par les accords de musique et les sons de marches militaires. Parvenu devant l’arbre de la liberté place de la Montagne, la France, debout sur son char, suspendit la marche pour chanter le couplet chéri : « Amour sacré de la patrie... etc., dont le refrein retentit jusqu’au cieux. Le cortège, arrivé tout entier au champ de réunion, fut frappé à ce point de la beauté de l’aspect local qu’il resta tout à coup dans le silence du receuillement et de l’admiration. Ce fut à l’une des jonctions, dans les travaux extérieurs du fort, d’où l’ennemi avoit été le mieux atteint et le vigoureusement repoussé pendant le siège, que s’établit en peu de jours par les soins et le zèle des ingénieurs de la place une montagne indestructible qui s’éleva dans le triple objet de satisfaire au vœu national pour y rendre hommage à l’Etre suprême, de servir ensuite à lancer des foudres multipliés sur les ennemis du peuple français et de figurer positivement la montagne emblématique de la Convention si fameuse dans l’univers. Toutes ces vues étoient parfaitement remplies. La France entière dans ce jour mémorable n’a pas offert de plus heureuses dispositions locales pour la célébration de cette fête auguste. A la cime s’élève l’arbre de la liberté, des mieux choisi et des mieux orné; ses rameaux innombrables couvrent des trophées, des emblèmes et des attributs nombreux qui retracent tous les événements de la révolution. L’œil de la providence y préside éminemment avec cette devise unique : O, providence ! Aux 2 côtés de la montagne fulminante sont placées 2 batteries énormes, d’où partit une salve générale au moment où le peuple, avancé et rassemblé dans l’espace désigné pour être le champ de la réunion, parut impatient de rendre son hommage libre à l’Etre suprême. Alors le char de la France et celui de la vérité, suivis de leur escorte, s’étaient rangés latéralement au pied de la montagne; le char des blessés et la charue s’étoient rangés verticalement auprès d’eux. La vérité, debout sur son char, prononça les stro- SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 8 207 phes suivantes qui sont extraites des odes de J.-B. Rousseau : Du haut de la montagne où sa grandeur réside Il a brisé la lance et l’épée homicide Sur qui l’iniquité fondait son ferme appui Le sang des étrangers a fait fumer la terre Et le feu de la guerre S’éteindra devant lui. De sa puissance immortelle Tout parle, tout nous instruit. Le jour au jour la révèle La nuit l’annonce à la nuit. Le grand et superbe ouvrage N’est point pour l’homme un langage Obscur et mystérieux. Son admirable structure Est la voix de la nature Qui se fait entendre aux yeux. Venez donc adorer le Dieu saint et terrible Qui vous a délivré par sa force invincible Du joug dont on vous a surchargé tant de fois. Qui d’un souffle détruit l’orgueilleuse puissance Relève l’innocence Et terrasse les rois. La France ensuite prononça le discours suivant : Depuis longtems je gémissais dans un triste esclavage. Un orgueilleux despote, usurpant les droits du peuple, commandait à ses semblables. Mais les lumières ont dissipé les préjugés. Le peuple a reconnu ses droits, il a rompu ses chaînes; la liberté est conquise et je foule à mes pieds les odieuses dépouilles .de la tirannie. Généreux Français, connaissez le prix de cette douce liberté; le sang de vos défenseurs ne doit pas avoir coulé en vain. Que les tirans coalisés éprouvent ce que vaut un peuple qui combat pour lui-même; que leurs trônes soient renversés. La liberté se propage et prépare le bonheur universel. Vainement des conjurés ont osé ourdir des trames contre moi. Vainement ils se sont couverts d’un masque de patriotisme. Vainement ils ont porté leurs attentats jusqu’à la divinité. Leurs trames perfides ont été découvertes, ils ont subi la peine de leurs forfaits et l’Etre suprême reçoit en ce jour l’hommage le plus solennel, celui d’une grande nation. Ames immortelles, mânes de nos héros, vous vivrez dans notre mémoire, vos exploits reposeront glorieusement dans les fastes de l’humanité. Puis le directeur du char des blessés, chiru-gien en chef de l’hôpital militaire en a prononcé un [discours] fort touchant qu’il n’a pas été possible de receuillir parce qu’il était improvisé. Immédiatement après l’une des compagnes de la vérité s’est avancée au-devant de son char et lui a adressé les couplets suivans : De ton char de lumière Auguste vérité D’un cœur trop agité Cette urne funéraire Ajoute à son tourment : Elle est dépositaire Des cendres d’un amant. Mourant pour sa patrie Et pour la liberté Il crut une autre vie Et l’immortalité. Sa maîtresse si tendre Te sollicite en pleurs De verser sur sa cendre Tes consolantes fleurs. La vérité a répondu par ceux que voici : Il est sans doute une âme Il est sans doute un Dieu. D’une divine flamme L’homme brûle en tout lieu. En celui qui le nie Je vois un malfaiteur. La vertu, le génie Prouvent un créateur. O France, mon amie J’invoque ton appui. Ta prudente énergie Me proclame aujourd’hui. D’une sainte alliance Formons ici les nœuds Traçons à l’ignorance Un chemin lumineux. Aussitôt ces 2 personnages emblématiques sont descendus de leurs chars et se sont réunis pour gravir la montagne, se donnant la main et tenant chacune un léger drapeau tricolor. Ils étoient suivis de leur cortège respectif. Parvenus à la cime, où avoit été portée et déposée en pompe l’urne funéraire des deffenseurs de la patrie, ils ont reçu des mains d’un adolescent, dont la troupe gravissait au centre de leur cortège, une couronne civique qu’ils ont ensemble posé sur l’urne au bruit du canon; ensuite ils sont descendus précédés de l’adolescence, qui a chanté le couplet suivant : Nous entrerons dans la carrière, etc., tandis que l’escorte des vétérans, avec le faisceau des armées de la République qui suivait la France d’un côté, et l’escorte des douze compagnes de la vérité de l’autre, parsemaient de fleurs la courone civique, y plantaient des branches de lauriers et versaient des parfums dont la flamme agréable marquoit un hommage à l’Etre suprême et rendait sensible l’immortalité de l’âme. A cette cérémonie touchante succèdent une salve générale d’artillerie et les aires de musique guerrière à l’usage de la patrie. La France, remontée sur son char, a terminé par les couplets suivans : Guerre à l’ennemi ! Du Nord au midi Du couchant à l’aurore Que nos bataillons Que nos escadrons Le terrassent encore. L’univers a besoin de nous. Courage, enfans de la patrie ! Faisons expirer sous nos coups Les tirans et la tirannie ! Guerre à l’ennemi, etc. Déjà les peuples enchaînés Font des vœux pour le peuple libre Déjà les monstres couronnés Partout ont perdu l’équilibre. Guerre à l’ennemi, etc. Entendez-vous, soldats français Ces cris et ces vives alarmes ? Les affreux scélérats Anglais En poignards ont changé leurs armes Guerre à l’ennemi, etc. 208 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Arbitre du sort des mortels, Dieu du peuple, dieu des armées, Fais subir à ces rois cruels Les plus horribles destinées ! Guerre à l’ennemi etc. Et l’on s’est enfin remis en ordre de marche pour se rendre au temple actuellement dédié à l’Etre suprême, dont on a fait l’inauguration. La mémoire de ce jour heureux restera gravée dans le cœur des citoyens du district de Thionville aussi longtems que le souvenir des bienfaits de la révolution. N° 5 Pièces relatives au mauvais traitement et à l’arrestation des citoyens Riscles et Nicolas par le représentant Hentz. Ces pièces méritent l’examen le plus scrupuleux. Il s’agit de la peine du talion prononcée par Hentz contre des accusateurs et juges prétendus oppresseurs d’un patriote. La société populaire elle-même a été inculpée par le citoyen Hentz pour n’avoir pas pris son parti, mais la société populaire ne se mêle pas des patriotes ivres qui courent sur des femmes le sabre à la main. Liberté, égalité ou la mort ! Au nom du peuple français. Thionville, le 12 thermidor de l’an 2 e de la République une et indivisible. Les représentants du peuple près l’armée de la Moselle et du Rhin et dans les départemens en dépendans. Arrêtent que le juge de paix de Thionville se transporte sur le champ par devant eux avec toutes les pièces de la procédure qui a condamné le patriote Charon, de Volmerange. Signé Hentz, Bourbotte. P.c.c. certifié par moi cy-devant secrétaire de juge de paix du canton de Thionville. Riscle et Nicolas. Répo[n]se à ce qui m’a été demandé: Les représentans du peuple Hentz et Bourbotte me mandent par devant eux sur le champ avec toutes les pièces de la procédure qui a condamné le patriote Charon, de Vomerange, par jugement de police correctionele : ce sont les expressions de leur mendat. Je me rends par devers eux avec Nicolas, mon secrétaire-greffier-commis qui étoit porteur des pièces. Le représentant Hentz demande la lecture de la procédure. Nicolas la lui donne. Il commence par la plainte. Il donne ensuitte lecture de l’interogatoire et passe à la lecture des témoins. Il entend que Charon a insulté des femmes, les a arrêté sur une grande routte, les a molesté, les a traité de g..., de p..., de coquine. Il dit qu’il en auroit fait autant. Il nous traite de contre-révolutionnaires, de scélérats. Il nous menace de la guillotine. Il trouve que le jugement rendu contre Charon est trop rigoureux. Je lui observe que je ne me suis pas mellé de cette procédure. Il continue ses menaces. Il me reproche que j’ai été huissier-record. Je lui dis que ce ne sont pas les états qui avilissent les hommes. Il continue avec une hauteur insultante de me traiter de contre-révolutionnaire, que je suis trop fin pour un juge de paix. Nous sommes congédiés de la chambre avec un ton dédaigneux. [C’est] le même jour de cette scène douloureuse pour de bons citoyens, qui se passe en présence de Charon, que je suis destitué et mis en état d’arestation, Nicolas de mesme. C’est dans une République libre que le représentant Hentz exerce le despotisme contre des individus innocens. Riscles, Nicolas. Thionville, le 12 thermidor 2 e année de la République une et indivisible Les représentants du peuple près [les] armées du Rhin et de la Moselle et dans [Zes] département en dépendans. Arrête que Riscle, juge de paix, et Nicolas, son secrétaire-greffier, sont l’un et l’autre destitués de leurs fonctions, ils seront mis sur le champ en état d’arrestation et les scellés apposés sur leurs papiers personnels. L’agent national du district est chargé de l’exécution du présent arrêté. Signé Hentz et Bourbotte. P.c.c. Riscle, Nicolas. Département de la Moselle, District et commune de Thionville. Antoine Riscle, de la maison d’arrêt de la commune de Thionville, entrée le 12 thermidor de l’année II de la République une et indivisible. Aux représentans du peuple près les armées de la Moselle et du Rhin. Ce n’est pas moi qui est instruit la procédure de Pierre Charon, de Volmerange. L’extrait des pièces le justifie. S’il se remontre des vices ou des griefs dans cette procédure ou dans le jugement qui l’a suivi, ce n’est pas de mon fait. Je n’ai été ny huissier, ny record (1), comme l’a crut le représentant Hentz. A l’âge de 22 à 23 ans j’ai été nommé commissaire de police. J’en ai rempli les fonctions jusqu’à l’âge de 57 ans sans reproches, lorsque le citoyen Mallarmé, représentant du peuple, m’a nommé juge de paix, place que je n’ai pas solicité ny eut par l’intrigue que je haie. J’ai toujoure été bon citoien. Depuis la révolution j’ai constament été et serais toute ma vie bon patriote et d’un civisme connu. J’en ai des attestations; mais vous êtes justes, représentans, voilà les seuls titres que j’invoque. Rendés la liberté à un père aimé, à une mère de famille qui ne sont pas fortunés mais qui n’ont rien à se reprocher du côté du patriotisme. S. et F. Signé Riscle. Pour copie de la pétition adressée aux représentants Hentz et Bourbotte, certifié par moi cy-devant secrétaire-greffier-commis du juge de paix. Nicolas, Riscle. (1) En note au dessous : Ce ne sont pas les états qui avilissent les hommes, etc.