626 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [30 mai 1791.] traîtres achetés par les ennemis de la France ou les scélérats qui veulent la subvertir, y trouveraient seuls leur compte. {Violents murmures.) M. Lavie. Je demande l’impression du discours de M. Yirieu : c’est véritablement un modèle d’éloquence {Murmures). Puisqu’il ne renferme que les "mots de calomnie, calomniateur, atrocité, scélérat, traître, il faut que l’on puisse l’accuser s’il a calomnié lui-même. A gauche : Il faut envoyer l’auteur et le discours à l’Abbaye. M. de Thiboutot et un autre membre protestent entre les paroles de M. Lavie. M. Lavie, Il faut que lès membres de l’Assemblée se respectent entre eux, et, de même que je veux qu'on n’emploie envers eux que des termes respectueux, je veux aussi qu’ils n’en emploient pas d’autres eux-mêmes. M. Delavigne. Nous ne sommes pas ici pour entendre des criai lleries ; je demande que la discussion soit fermée. (L’Assemblée ferme la discussion.) , M. le Président. Je mets aux voix le renvoi des 2 propositions. M. de Folleville. Je demande la question préalable sur le renvoi. M. Banzat vous a dit que la motion qu’il vient de faire, était un legs que M. de Mirabeau avait laissé à l’Assemblée. C’est précisément parce qu’on vous a dit que c’était un legs de M. de Mirabeau que cette proposition ne doit pas plus être agréée dans la bom he du légataire, qu’elle ne l’a été dans celle du propriétaire : Lorsque M. de Mirabeau vous la fît, vous avez senti combien elle était injuste. Ce qu’il y a de juste a été prévu par vos décrets sur l’organisation militaire; vous avez créé ces lois; faiies-les exécuter et n’exigez pas, comme ou vous le propose, l’injustice eu principe, en ôtant des places a ceux qui en sont pourvus, pour les donner à d’autres. Rappelez-vous que la motion de M. de Mirabeau a été rejetée par l’ordre du jo ur dans une séance du matin; elle doit avoir, à bien plus forte raison, le même sort dans une séance du soir. M. Delavigne. C'est ainsi qu’on use le temps sans rien uire. On a in une adresse; die est fondée sur l’injustice de ceux qui abusent de leur place pour accabler ceux que la hiérarchie des pouvoirs leur soumet. Je ne prétends calomnier personne; mais il y a trop ae plaintes de celle espèce, venues de toutes les parties de l’Empire, pour qu’elles n’aient pas quelque fondement... M. de Tliiboutot et un autre membre interrompent violemment. M. Delavigne... Je disais, Messieurs, que des bruits fâcheux viennent de trop de points de l’Empire pour ne pas mériter l'attention de l’Assemblée. D’après cela, je considère que nous avons des lois; il n’en faut pas faire de nouvelles mais il faut faire exécuter celles qui existent. C’est ainsi que l’on rendra justice à qui il appartient, en renvoyant au comité l’adresse qui vient d’être lue, avec charge de proposer les mesures néces-J saires pour l’exécution de vos précédents décrets. {Applaudissements.) M. Lavie. Je demande, par amendement, que l’on renvoie en même temps au comité militaire l’adresse des corps administratifs delà ville de Strasbourg, qui est arrivée ce matin, en y joignant tontes les pièces capables d’éclairer le comité sur le péril auquel l’incivisme des chefs des régiments expose la chose publique. Dans cette adresse, on porte les plaintes les plus fortes contre les officiers de la garnison, qui, dans leur délire, ont tellement poussé à bout la garde nationale an point de la mettre en insurrection, que, peut-être avant 15 jours, on fera main basse sur eux. Je demande que si cesofficiers ontété calomniés, on punisse les calomniateurs, ou bien que l’on mette or. Ire à l’état de choses actuel êt qu’enfin nous vivions en paix. M. d’André. Messieurs, les diverses motions qui vous ont été faites sont des moyens pour rétablir l’ordre dans l’armée. L’Assemblée n’est pas dans l’usage de renvoyer dns motions à ses comités; de semblables renvois pourraient être interprétés et exciter des mouvements qui seraient contre son vœu. Vous (enverrez donc les adresses purement et simplement ; le comité vous rendra compte des moyens qu’il juge ta convenables pour en remplir l’objet. Si les motions que l’on a faites entrent dans ses vues, il vous les représentera; s’il ne les juge pas bonnes, leurs auteurs seront toujours à môme de les reproduire alors. M. Emmcry. J’appuie la motion de M. d’André et je demande que le comité soit tenu de faire son rapport dans 3 jours. (L’Assemblée, consultée, décrète le renvoi au comité militaire des adresses des citoyens de Quimperlé et des corps administratifs de Strasbourg.) M. Coroller du Afonstoir. Permettez, Messieurs, à un défenseur de la liberté, à un apôtre de ta Révolution, de vous faire part, au nom de la députation de Bretagne, d’une lettre de M. de Botherel, ci-devant procureur général syndic des ci-devant Etats de Bretagne. Voici cette lettre, envoyée à tontes les communes delà province de Bretagne : « Dans le moment où, par un oubli malheureux de ses droits et piérogatives, le peuple breton égaré, semble s’aveugler sur ses propres intérêts, nous qu’il honore de sa confiance nous ne pouvons trahir nos devoirs, et nous osons seuls lutter contre la séduction dont nos malheureux concitoyens sont la victime : les Bretons peuvent méconnaître leurs prérogatives; mais nous devons Ips leur rappeler, parce qu’elles sont le gage de leur bonheur. CYst en leur nom que nous avons cru devoir vous adresser la protestation que nous vous adressons. G’e-tau nom de nos concitoyens, qui nous ont confié la défense de leurs droits, que nous vous conjurons de faire connaître aux habitants de votre paroisse celte réclamation. « Notre zèle ne doit pas vous être suspect. Représentants nés trois ordres, nous sommes également attachés à chacun d’eux ; et notre plus ardent dé.-ir, c’est de pouvoir vous rendre vos druits tels que vous nous les avez coudés, de rétablir danslaprovincela concorde quedesgens mal intentionnés ont troublée, et de faire, s’il se lÀssembléé nationale.] peut, cesser des divisions dont le malheur public est le déplorable effet. « Nous sommes, etc. « Signé : Botherel. « P. S. Nous adressons cette protestation à tous les trésoriers de toutes les paroisses de la Bretagne. Veuillez, je vous en prie, instruire ceux de votre voisinage, afin que si elle ne leur parvient pas, ils demandent à la poste quels sont ceux qui, intéressés à vous cacher la position et les malheurs dont vous êtes menacés* l’auraient interceptée. » Messieurs, je ne vous lirai que la protestation, c’est-à-dire le résumé des protestations de cet ancien procureur général syndic : « Du 13 mai 1791. « Messieurs, « Loin de nous le projet d’exciter aux armes nos concitoyens. Arbitre de paix, notre devoir est de ménager leurs intérêts aux dépens des nôtres propres. Dussent leurs coups venir nous chercher, nous périrons victimes honorables de notre devoir ; et notre dernier soupir sera pour le bonheur et la paix de toute la Bretagne : nous ne croirons pas l’avoir acheté trop cher, au prix de notre sang. « C’est dans ces sentiments et pressantes considérations que nous, procureur général syndic desEtat s de Bretagne, persistantdans nos anciennes oppositions et protestations, les confirmant et renouvelant en tant que de besoin, protestons, pour la gloire de Dieu, le salut de notre patrie et celui de nos concitoyens, contre toute atteinte portée ou qu’on voudrait porter à la religion catholique, apostolique et romaine, qui nous a été révélée par Jésus-Christ lui-même. Nous réclamons, pour la perpétuité et l’intégrité des droits sa* crés de la couronne, tels que la nation bretonne, fidèle au contrat d'union et à ses engagements, les a reconnus et les reconnaît encore pour inaliénables dans les mains du monarque, comme dans celles de ses autres prédécesseurs. « Nous protestons, avec l’indignation que doit éprouver tout sujet fidèle, contre les attentats sur l’autorité légitime du souverain, sa liberté et sa personne sacrée, et déclarons nous opposer formellement à l’aliénation de son domaine, à l’usurpation des apanages de Bretagne. Nous protestons contre l’aliénaiion et la vente des biens ecclé.-iustiques et domaniaux en Bretagne, comme étant la propriété des établissements ecclésiastiques, et l’ancien héritage de nos ducs, qui ne peuvent qu’iridûment être affectés au payement des dettes de la France, pour lesquelles la Bretagne ne peut être obligée, n’y ayant point consenti, rendant responsables de ces biens ceux qui les achèteraient ou les vendraient. « Nous protestons également contre les usurpations snr la hiérarchie ecclésiastique, suppression d’évêchés, abbayes, monastères et cures, sans l’autorisation des Etats et du clergé. Déclarons responsables en Bretagne ceux qui, au mépris des formes ecclésiastiques, en occuperaient les divers emplois et en toucheraient les émoluments. « Nous protestons contre la suppression de la noblesse (Rires à gauche) et au nom de la noblesse de Bretagne, dont une portion ne tient point son rang et sa distinction de la France, mais qui en jouissait avant le règne de Charles VIII, et qui, longtemps avant l’union, a fourni à la France 627 d’illustres défenseurs dans les temps difficiles de Charles V et de Charles VII. « Nous protestons, pour l’intérêt du peuple breton, de nullité et d’illégalité contre la nomination des députés, des sénéchaussées et diocèses de Bretagne aux Etats généraux du rovaume, comme n’ayant pas été faite en états, suivant les formes constitutionnelles delaprovince. Déclarons nulles et indûment perçues les contributions et impositions établies en Bretagne, sur l’autorisation des Etats généraux, sans l’avis et le consentement des Eiats de province, et en déclarons responsables tous ceux qui en auront autorisé ou fait faire la perception. « Nous protestons contre la distribution et circulation forcée d’un papier-monnaie qui n’a point été accepté en Bretagne, suivant les formes et usages, et qui, appuyé sur une hypothèque inique, ne peut que tomber en discrédit et attirer la ruine de nos concitoyens. « Nous protestons contre l’extinction de l’ancienne magistrature, la formation des nouveaux tribunaux de justice et d’administration, au mépris du contrat de l’union et des serments renouvelés de règne en règne et à chaque tenue des Etats, et déclarons responsables de tous les délits, abus d’autorité, entreprises, impôts ( A gauche : Ah! ah! En voilà assez.),- dettes, les membres de ces tribunaux. « Nous protestons contre la transcription faite ou qui doit se faire des prétendus décrets de l’Assemblée nationale, contre toute promulgation et exécution qui pourront être faites par ordre de ces juges et administrateurs,- comme incompétents et sans qualité. En un mot, nous protestons contre tous actes et décrets qui pourraient être préjudiciables et attentatoires aux droits, franchises et libertés de la Bretagne; et nous déclarons formellement nous y opposer. « Fait au Plessis. « Signé : Botherel. » M. de E.a Galissonntère. Je demande la parole pour une motion d’ordre. M. de Follevllle. Je demande si M. Coroller est fondé de procuration de M. de Botherel pour lire la pièce dont il vient de faire lecture ou s’il ne l'a fait qu’à cause des domaines congéables qui sont à l’ordre du jour. Je demande le renvoi au comité des recherches, l’Assemblée n’ayant jamais permis la lecture d’aucune protestation dans son enceinte. M. de Fa Gallssonnière. Je demande la parole pour une motion d’ordre. La séance de ce soir a été destinée à la discussion des domaines congéables-, je demande que l’Assemblée veuille bien s’en occuper et passer à l'ordre du jour. M. Boissy-d’Anglas. Je demande, moi, que l’Assemblée prenne en considération cette foule de protestations incendiaires qui paraissent tous les jours. J’en ai vu une, signée d’an ci-devant noble, qui déclare protester « contre l’inique — ce sont ses propres expressions — contre l’inique décret du 19 juin 1790, en attendant qu’il puisse faire mieux. » Elle est signée et je la reine trai au comité des recherches. M. Bonssion. Je demande, en ajoutant à la motion que vient de faire M. Boissy, que le comité des recherches soit tenu, à jour fixe, de présenter un projet de décret contre toutes ces ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mal 1791.]