642 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.; s’il était en faction lors de sa désertion, il sera condamné aux galères perpétuelles; s’il a passé chez l’ennemi, il aura le poing coupé et sera pendu. Art. 34. « La loi accorde au déserteur 6 jours de repentir, pendant lesquels il peut revenir à ses drapeaux, ou prouver, par une déclaration authentique, que son intention est d’y revenir; et en ce, cas, la peine ne sera que d’une prison d’autant de jours qu’il en aura été absent; mais s'il est arrêté pendant lesdits 6 jours de repentir, il sera considéré et puni comme déserteur. Art. 35. « Tout militaire condamné à être chassé sera préalablement dépouillé de son uniforme, et cette peine emporte la dégradation civique, et l’expédition du jugement tiendra lieu de congé absolu à celui qui aura été chassé. Art. 36. e Le ministre de la guerre fera un règlement d’exécution pour le présent décret; et tout militaire en activité ou non, qui aura à se plaindre d’une injustice éprouvée sous l'ancien régime, est autorisé à se pourvoir devant la cour martiale de l’arrondissement où se trouvera actuellement le corps dans lequel il a éprouvé cette injustice, pour en obtenir le redressement. » Plusieurs membres observent que ce n’est pas à la veille de la clôture de la session qu’un objet aussi important peut être porté à la délibération de l’Assemblée. M. de Whnpfen, rapporteur, insiste pour que ce décret, qu’il considère comme très pressant, soit adopté dans le cours de cette séance; il annonce d’ailleurs que le comité militaire a été unanime sur le projet présenté. (L’Assemblée, consultée, repousse l’ajournement.) Les articles 1 à 17 du titre Ier, sont successivement mis aux voix et adoptés, à l’exception des articles 2 et 3. Une discussion s’engage sur les articles 18, 19 et 20 du même titre, ayant pour objet de conférer la dictature militaire aux généraux d’armée. M. Robespierre dit que c’est violer tous les principes et tous les droits que d’établir ainsi une dictature, espèce de dignité au-dessus des lois, contraire à la sûreté des individus et au bien de la société; que c’est un moyen de faire commettre des vexations et des atrocités; qu’un pareil genre d’autorité est incompatible avec les principes de la Constitution et qu’elle a déjà été rejetée avec horreur. (Applaudissements.) _ M. Emmery insiste pour l’adoption des articles du comité : il observe qu’il est des cas si urgents et d’une nécessité si impérieuse, qu’il est impossible de ne pas créer une puissance dictatoriale pour y mettre ordre. (Murmures.) Il dit que l’armée ne doit pas se conduire comme le reste de la société et que la dictature militaire dépendra toujours de la loi. Il observe que, d’ailleurs, on peut restreindre cette dictature aux cas de guerre extérieure et lorsque l’armée sera hors du royaume. (Murmures.) M. Rewbell s’élève avec chaleur contre toute proposition de dictature : il dit que le rapporteur lui-même convient que c’est donner à un seul homme le droit arbitraire de vie et de mort sur les autres hommes ; qu’une Assemblée qui a établi la liberté et assuré les droits des citoyens ne doit pas oublier que l’armée est aussi composée de citoyens et qu’une dictature fut toujours un fléau pour les pays qui la virent s’élever dans leur sein. (Applaudissements .) Plusieurs membres demandent l’ajournement. M. de Wimpfen, rapporteur, déclare consentir à l’ajournement. (L’Assemblée, consultée, décrète l’ajournement des articles 18, 19 et 20 du titre Ier; elle adopte ensuite l’article 21 du même titre, ainsi que les 9 premiers articles du titre II et renvoie la suite de la discussion à demain.) M. de Wiutpfen, rapporteur, prévient l’Assemblée qu’il donnera demain lecture des articles décrétés aujourd’hui. M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 29 SEPTEMBRE 1791, AU SOIR. INSTRUCTION sur la PROCÉDURE CRIMINELLE (1). De la police. L’Assemblée nationale, en s’occupant de pourvoir à la sûreté publique, par la répression des délits qui troublent la société, a senti que l’accomplissement de ce but exigeait le concours de deux pouvoirs : celui de la police et celui de la justice. La police, considérée sous ses rapports avec la sûrete publique, doit précéder l’action de la justice; la vigilance doit être son caractère principal; la société, considérée en masse, est l’objet essentiel de sa sollicitude. L’action de la police sur chaque citoyen doit être assez prompte et assez sûre pour qu’aucun d’eux ne puisse l’éluder; elle doit faire en sorte que rien ne lui échappe ; mais son action doit être assez modérée pour ne pas blesser l’individu qu’elle atteint ; il ne faut pas qu’il ait à regretter l’institution d’un pouvoir constitué pour son avantage, et que les précautions prises en sa faveur soient plus insupportables que les maux dont elles doivent l’affranchir. L’Assemblée nationale n’a point créé de nouveaux mandataires pour exercer la police de sûreté; elle l’a confiée à des agents déjà honorés par la Constitution du dépôt d’une grande confiance; c’est principalement aux juges de paix qu'elle en a conféré la plénitude; et, en ajoutant ce nouveau pouvoir à celui dont les juges de paix jouissaient antérieurement, elle a pensé que (1) Voir, ci-dcssus, séances des 28 et 29 septembre 1791, au soir, pages 532 et 636.