[États gén. 1789- Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.) 597 blée suivante des Etats généraux à portée d’adopter sainement les dispositions les plus utiles à la discipline militaire, à la réformation de la justice civile et criminelle, à l’administration des finances, à l’agriculture, au commerce, aux arts, à l’éducation et à tous les objets qui peuvent influer sur le bonheur public et à la gloire de la nation. Enfin, l’assemblée autorise ses députés à concourir avec les autres représentants de l’ordre de la noblesse pour remontrer, demander ou consentir tous les points non exprimés dans le présent cahier et qui leur paraîtraient tenir au bien public, en tant, néanmoins, que les objets qui seront proposés ne porteront atteinte ni aux sentiments de l’ordre dont ils sont rendus dépositaires, ni aux clauses limitatives de leur mandat spécial dont, en aucun cas, ils ne pourront s’écarter. : CAHIER ADDITIONNEL. L'assemblée charge les députés de proposer aux Etats généraux : 1° Que le Roi soit supplié de ne réunir sur la tête d’aucun gentilhomme plusieurs emplois militaires du gouvernement ; 2° Que la croix de Saint-Louis soit accordée à tout militaire sans distintion, à vingt-quatre ans de service ; 3° Que, ne devant exister aucune différence dans l’ordre de la noblesse, les emplois militaires soient accordés à l’ancienneté et non à la faveur. sans préjudice, toutefois, aux récompenses dues aux actions éclatantes ; 4° Que toutes pensions de 2,000 livres et au-dessous, accordées aux militaires pour blessures graves, ne puissent subir aucune retenue; 5° Que le temps que tout gentilhomme aura servi en qualité de soldat lui soit compté pour la croix de Saint-Louis, lorsque ensuite il aura été promu au grade d’officier. Ainsi arrêté ce 27 avril 1789, en l’assemblée de la noblesse du bailliage de Rouen. Signé Le marquis de Mortemart, président de l’ordre de la noblesse. La présente copie, dûment collationnée, conforme à l’original, par nous, secrétaire de l’ordre de la noblesse. Signé LEMERCIER. CAHIER Des doléances , remontrances et instructions de l'assemblée du tiers-état de la ville de Rouen (1). L’assemblée du tiers-état de la ville de Rouen, formée en exécution des lettres de convocation des Etats généraux données à Versailles le 24 janvier dernier, devant MM. les officiers municipaux de celte ville, pour rédiger le cahier des doléances, plaintes et remontrances de ladite ville, qui sera porté à l’assemblée du tiers-état du bailliage de Rouen par les quatre-vingts députés qui seront élus à cet effet, a arrêté le présent cahier contenant les demandes, avis et instructions qu’elle désire être préséntés et proposés à l’assemblée générale des Etats de la nation, ainsi qu’il suit ; CONSTITUTION NATIONALE. L’assemblée , convaincue que la principale (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Le Gouvernement de Normandie, par M. Hippeau. source des erreurs et des abus de l’administration est dans le défaut d’une loi fondamentale qui ait fixé d’une manière précise et authentique les effets de la constitution nationale et les limites _ respectives des différents pouvoirs, désire qu’il soit statué solennellement aux prochains Etats ; Art. lçr. qU6 ]a prarice est une monarchie héréditaire de mâle en mâle, suivant l’ordre de la primogôniture ; que dans le Roi seul, comme chef de la nation, réside le pouvoir de gouverner suivant les lois, et que la puissance législative .appartient à la nation assemblée, en Etats généraux conjointement avec le Roi. Art. 2. Que la liberté personnelle est inviolable; qu’aucun citoyen ,n’en peut être privé que conformément à la loi ét par le jugement des tribunaux ordinaires. Art. 3. Que la liberté de communiquer sa pensée, faisant partie de la liberté personnelle, il est permis à tout citoyen de faire imprimer sans censure ni gêne, sous les réserves et modifications qui pourront être faites par les Etats généraux. Art. 4. Que la liberté de la correspondance épistolaire, faisant également partie de la liberté personnelle, le secret des lettres confiées à la poste est inviolable, et les moyens les plus efficaces seront employés pour empêcher qu’il n’y soit porté atteinte. Art. 5. Que la propriété de chaque citoyen est inviolable, et qu’aucun n’en peut être privé que pour la seule raison de l’intérêt public, et en le dédommageant préalablement sur le pied de la vraie valeur. Art. 6. Qu’à la nation seule, assemblée en Etats généraux, appartient le droit d’accorder ou de proroger les impôts et d’autoriser les emprunts et créations d’offices avec attribution d’émoluments sur le public. Art. 7. Que tout impôt, étant une charge du droit de cité, commun entre tous les citoyens, doit être également supporté par tous, sans distinction de rang et d’état, à proportion des biens et facultés. Art. 8. Que les monnaies ne peuvent être changées ni dans le titre ni autrement qu’avec le consentement des Etats généraux. Art. 9. Que les ministres sont responsables à la nation dans les trois cas d’attentat à la liberté personnelle, de violation de la propriété et de prévarication dans l’emploi des fonds qui leur auront été confiés. Art. 10. Que le retour périodique des Etats généraux est le droit de la nation et doit être à l’avenir le régime permanent de l’administration du royaume. Art. 11. Qu’à chacune des sessions des Etats généraux il sera traité de toutes les matières relatives à la quotité, à la nature et à la perception des subsides, à la législation et à l’administration générale du royaume. Art. 12. Que les membres des Etats généraux seront déclarés personnes inviolables, et que, , dans aucun cas, ni par quelque voie que ce soit, ils ne pourront être poursuivis ni tenus de répondre sur ce qu’ils auront dit ou fait aux Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. Art. 13. Que, dans toutes les provinces, il sera établi des Etats provinciaux dont la forme et le pouvoir seront déterminés par les Etats généraux et qui seront chargés de pourvoir, en chaque district, aux divers besoins particuliers qui ne pour- 598 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.] ront pas entrer dans le travail des prochains Etats généraux. Art. 14. Que le pouvoir judiciaire, sauvegarde de la liberté et des propriétés, soit maintenu dans toute son activité; qu’aucune évocation illégale, aucun établissement de commissions extraordinaires, aucun acte du pouvoir arbitraire ne puissent suspendre ni détourner le cours de la justice réglée; que les arrêts de surséance, les sauf-conduits et l’abus des lieux privilégiés, qui soustraient les mauvais débiteurs à la poursuite de leurs créanciers et à l’autorité des jugements, soient anéantis. Art. 15. Afin d’établir imperturbablement la constitution nationale sur ces bases essentielles, les Etats généraux demanderont que les articles ci-dessus soient sanctionnés par une loi dont les députés attendront la promulgation avant de s’occuper d’aucun nouvel objet dé délibération. CONSTITUTION DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Le désir de l’assemblée est qu’à la prochaine session des’ Etats généraux, on s’occupe de régler définitivement tout ce qui peut intéresser pour l’avenir la formation tant de l’assemblée des Etats que des assemblées graduelles qui la préparent ; pourquoi elle a arrêté, par suite des articles précédents : Art. 16. Que les prochains Etats généraux déclareront qu’à eux seuls appartient de régler la forme de leurs convocations futures, celle de leur composition, la discipline intérieure de leur assemblée. Art. 17. Qu’ils statueront ensuite que la nation, se trouvant réunie en assemblée d’Etats, est p�r cela seul réintégrée dans l’exercice de ses droits; et le premier acte qu’ils feront de cet exercice sera de révoquer tous les impôts actuels établis ou prorogés sans le consentement ou l’octroi de la nation, et au même instant d’en accorder et •consentir la continuation pour la durée seulement de leur session et jusqu’à ce qu’ils aient pourvu à leur remplacement. Art.- 18. Que les prochains Etats généraux arrêteront une formule qui sera employée à l’avenir dans tous les actes, soit de législation, soit relatifs à la finance, pour constater et rappeler sans cesse que chaque loi aura été établie et chaque impôt créé du vœu ou par le consentement libre de la nation. Art. 19. Que les Etats généraux fixeront l’époque de leurs assemblées futures et successives, en différant cependant jusqu’à la fin de leur session prochaine à déterminer celle de leur première réunion, conformément à ce que la situation dans laquelle ils laisseront les affaires leur paraîtra exiger. Art. 20. Qu’ils, arrêteront la forme des convocations futures, tant pour les paroisses, bourgs et villes que pour les assemblées des bailliages, par le concours des citoyens de toutes les classes, de manière qu’il n’intervienne plus d’actes ni règlements du pouvoir exécutif qui gênent à cet égard la liberté nationale. Art. 21. Qu’ils détermineront la composition future des Etats généraux, tant pour la proportion des députés entre les ordres que pour la forme de discuter les matières, de compter les voix et de former les arrêtés ; le désir de la présente assemblée étant cependant qu’on opine par tête et non par ordre. Art. 22. Afin d’établir imperturbablement la constitution future des Etats généraux telle qu’elle aura été réglée par l’assemblée prochaine, les députés demanderont encore que les arrêtés qui auront été pris sur cet objet soient sanctionnés par une loi promulguée avant qu’il soit procédé à aucune délibération ultérieure. ÉTATS PROVINCIAUX. ; L’assemblée considère l’établissement des Etats particuliers de chaque province comme le complément nécessaire de la constitution nationale, et, sous ce rapport, elle est convaincue qu’il est préférable que toutes les provinces se réunissent pour en obtenir, soit la création, soit le rétablissement par le vœu et le concours des Etats généraux , dont ils deviendront une émanation directe, que de les devoir à de simples concessions particulières qui ne les uniraient, ni entre eux par un lien commun, ni au régime national par un principe constitutionnel. L’assemblée désire, par cette raison : Art. 23. Que les prochains Etats généraux statuent que les Etats provinciaux seront créés ou rétablis dans tout le royaume, et que le plan de leur composition et l’étendue des pouvoirs