SÉANCE DU 5 VENDÉMIAIRE AN III (26 SEPTEMBRE 1794) - N° 36 79 de J. -J. Rousseau, lequel ne devait être ouvert qu’en 1801, l’avait remis à sa mort, à son ami l’abbé de Reyrac, auteur de l’hymne au Soleil. Reyrac demeurait à Beaugency ; avant de mourir, il confia le manuscrit au citoyen Lemaire, homme de lettres et notaire à Beaugency; par quel hasard se fait-il que ce dépôt se trouve actuellement entre les mains de la veuve de J.- J. Rousseau? Je dois dire encore ce que Pateau m’a écrit : ce manuscrit est l’ouvrage des vieux ans de ce grand homme : Condillac lui a dit souvent qu’il craignait que cet ouvrage n’augmentât pas la vénération due à la mémoire de ce grand homme. On murmure. Je ne vous répète que ce que Pateau m’a dit. N’avez-voüs pas l’exemple de Raynal, qui à la fin de sa vie a été traité de contre-révolutionnaire? (57) PELET : La veuve de J.-J. vient de me faire dire, par le citoyen qui l’accompagne, que le paquet sur le bureau resta longtemps entre les mains de Girardin, à titre de confiance : mais, que croyant qu’il pouvoit renfermer des vérités utiles à l’affermissement de la république française, elle le lui a redemandé, l’a obtenu, et étoit venue en faire hommage à la Convention nationale. Elle déclare en avoir rompu la première enveloppe, mais n’avoir point violé le secret de la seconde. Je demande que le manuscrit soit renvoyé au comité d’instruction, où la citoyenne Rousseau sera entendue sur les ren-seignemens qu’elle peut avoir à donner sur l’authenticité du manuscrit (58). [Pelet dit que, dans les discussions élevées entre Girardin et la veuve, il avait souvent fait difficulté de lui rendre ce manuscrit, et que, pour le ravoir, elle avait été obligée de le menacer de le dénoncer à la Convention.] (59) THURIOT : La veuve de J.-J. Rousseau s’est transportée d’abord au comité de Salut public; elle nous a déclaré que son mari, quelques heures avant sa mort, lui avait remis ce paquet avec cette suscription : Pour n’être ouvert qu’en 1801 ; que depuis ce temps la bonne amitié ayant subsisté entre elle et Girardin, le dépôt lui fut confié : Girardin l’a respecté (60). Elle le remit à titre de confiance à Girardin, et ne le lui redemanda pour l’offrir à la Convention nationale que dans l’intention de lui soumettre la nécessité ou non nécessité de le publier. Voilà, ajoute Thuriot, le fait établi ; actuellement, je pense qu’il n’y a pas de difficulté à ordonner le renvoi au comité d’instruction publique, pour l’examiner après en avoir fait rompre le cachet par le président de la Convention, et avoir fait parapher le manuscrit par les secrétaires et lui : si ce manuscrit renferme des vérités utiles, ajoute Thuriot, le comité vous en fera un rapport et vous en proposera sans doute (57) Moniteur, XXII, 79. D’après les Débats, l’intervention se termine ainsi : Ce ne seroit pas le premier grand homme qui, à la fin de sa carrière, auroit fini par déraisonner. Au reste, j’appuie le renvoi au comité. (58) Débats, n° 735, 65. (59) Moniteur, XXII, 79. (60) Moniteur, XXII, 79. la publication ; dans le cas contraire, vous pouvez vous en rapporter à sa discrétion sur tout ce qui pourroit porter atteinte à la gloire du philosophe célèbre à qui vous avez décerné une statue et les honneurs du Panthéon. On applaudit. Les propositions de Thuriot sont adoptées en ces termes (61) : La Convention nationale accepte l’hommage fait à la République, par la veuve de J.-J. Rousseau, d’un dépôt littéraire fait en ses mains par son mari, une heure avant sa mort ; elle décrète que le cachet apposé sur l’enveloppe sera rompu à l’instant par son président; que le manuscrit, après avoir été par lui paraphé, sera renvoyé à son comité d’instruction publique, chargé de lui faire un rapport après avoir examiné l’ouvrage (62). 36 PRIEUR (de la Côte-d’Or) : Votre comité de Salut public vient satisfaire à votre décret du 2 de ce mois, qui lui ordonne de vous faire un rapport sur le régime de l’établissement des épreuves à Meudon et sur l’arrêté du représentant du peuple Battellier, qui en détermine la police extérieure. Votre comité, uniquement occupé de justifier votre confiance, en veillant à ce que les armées de la République aient tous les moyens d’assurer leurs triomphes, s’est fait un devoir de s’abstenir de tout ce qui ne tendrait qu’à exciter les passions personnelles. Il a cru que la mention honorable que vous aviez faite de l’empressement des habitants de Meudon à concourir à former la clôture de l’établissement des épreuves; que le rapport qui vous fut fait le 14 thermidor, et qui a été réellement inséré au Bulletin, ainsi que vous l’aviez décrété ; que l’ordre du jour que vous adoptâtes le 16 fructidor sur les débats relatifs au même objet ; enfin que ce qui a été dit à la séance du 2 de ce mois par plusieurs de nos collègues, et qui se trouve dans le bulletin du même jour, pouvaient suffire pour dissiper toute espèce d’alarme. Le comité de Salut public avait eu soin d’ailleurs, en plusieurs circonstances, de les prévenir par des avis fraternels, affichés et insérés dans les papiers publics. Aujourd’hui il s’agit donc bien moins du secret même des opérations, sur lequel la Convention a donné sa sanction d’une manière non équivoque, que de lui faire connaître l’origine (61) Débats, n° 735, 63-65; Moniteur, XXII, 79; Bull., 5 vend.; Ann. Patr., n° 634; Ann. R. F., n° 5; C. Eg., n° 769; F. de la Républ., n° 6; Gazette Fr., n' 999; J. Fr., n" 731; J. Perlet, n° 733; J. Mont., n° 150; J. Univ., n 1767 ; Mess. Soir, n° 769; M. U., XLIV, 74-75; Rép., n“ 6. (62) Débats, n° 735, 65. C 320, pl. 1328, p. 15, minute de la main de Thuriot, rapporteur. Bull., 5 vend.