[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] M. de Yirieu. Je demande que les décrets soient relus, parce que, s’ils sont clairs, je n’y répondrai pas. Mais comme je ne connais pas l’énoncé si précis dont M. d’André nous a parlé, si vous adoptez la proposition de M. Treilhard, vous ouvrez la porte aux persécutions... M. Goinbert, Et vous, vous ouvrez la porte au désordre. M. Prieur. Je demande que la discussion soit fermée. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président Je mets aux voix l’amendement de M. de Laclièze. A droite : Point de voix ! A gauche : Non ! non ! (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. de Lachèze.) M. de Yirieu. Je demande le renvoi de la motion de M. Treilhard au comité ecclésiastique. M. lioys. J’appuie la demande de renvoi. A gauche : La question préalable sur le renvoi. (L’Assemblée décrète qu’il u’y a pas lieu à délibérer sur le renvoi au comité.) M. Boussion. Je demande que les fonctionnaires qui ont prêté serment et qui se seraient rétractés ou se rétracteraient à l’avenir, ne jouissent pas des traitements accordés par les décrets. (Murmures.) M. le Président. Monsieur Treilhard, veuillez rappeler votre proposition. M. Treilhard. Ma proposition ne tend qu'à faire exécuter les décrets de l’Assemblée, dont nous devons tous désirer l’entière exécution. La voici : « L’Assemblée nationale décrète que les accusateurs publics seront tenus, sous peine de forfaiture et de destitution, de poursuivre tous ceux des anciens fonctionnaires publics ecclésiastiques qui, depuis leur remplacement, auraient continué ou continueraient les mêmes fonctions publiques, et de requérir contre eux l'exécution des décrets des 27 novembre et 4 avril derniers. » A droite : Point de voix! (L’Assemblée décrète la motion de M. Treilhard.) M. Chahroud. Je demande qu’on mette aux voix la proposition de M. Boussion. Vous avez fait des lois; il faut pourvoir à leur exécution. Il est certain qu’on fait de très grands efforts pour renverser la constitution civile du clergé et semer la discorde ; il est certain que ces efforts ne sont pas sans effet ; il est certain que rien n’est plus dangereux, que rien n’est plus propre à égaler le peuple que ces rétractations que l’on trouve le moyen de taire faire à des fonctionnaires publics. C’est clans ce sens-là que j’appuie la motion de M. Boussion, parce que je ne pense pas que la nation doive continuer de payer ceux -qui se 331 déclareraient d’un parti opposé à ses intérêts. ( Applaudissements .) M. Legrand. J’appuie la motion de M. Boussion. Messieurs, il faut faire une très grande différence entre un prêtre ci-devant fonctionnaire public qui n’a pas prêté le serment, et le prêtre qui, l'ayant prêté, se rétracte. Le premier est censé n’avoir fait autre chose que le refus de son serment, que d’avoir renoncé à une fonction publique, et, sous ce point de vue là, il méritait de votre part quelque traitement; mais le prêtre qui, ayant prêté son serment, devient parjure et se rétracte, ne mérite aucun traitement. Je vous prie donc de considérer cette distinction, qui est dans les principes de la justice et de la morale, et de décréter la motion de M. Boussion. M. Millet de Mur eau. La motion qui vient d’être faite est de toute justice, mais elle est assez importante pour mériter qu’on y donne au moins quelque réflexion, parce que vous ne pouvez pas comprendre dans ce décret les fonctionnaires publics et ceux qui ne le sont pas. En conséquence, il serait prudent et plus sage de renvoyer cette motion au comité ecclésiastique. A gauche : Non ! non! M. Prieur. Il ne peut pas y avoir lieu au renvoi au comité sur une question aussi simple et aussi précise. Que propose-t-on? Que la nation ne donne pas des honoraires à des hommes qui, après avoir fait le serment de fonctionnaires publics, c’est-à-dire après avoir contracté l’obligation de la servir en cette qualité, déclarent aujourd’hui qu’ils ne le veulent plus. Eh bien ! ceux qui tiennent ce langage ne méritent aucun traitement de la nation; ils s’engagent dans l’armée des contre-révolutionnaires ; c’est à elle à les solder, et non à la nation. Je demande donc la question préalable sur le renvoi au comité et que l’on mette aux voix la motion princi pale qui est de toute j ustice. (. Applaudissements à gauche.) Un membre : Je demande, comme le préopinant, la question préalable sur le renvoi au comité ecclésiastique. Je déclare à l’Assemblée que les comités diplomatique, militaire, des rapports et des recherches, réunis, ont examiné la proposition qui vous est faite, et qu’on a différé de vous la présenter, parce que ces comités ont trouvé des difficultés dans les dispositions purement militaires concernant les derniers décrets que vous avez rendus soit pour M. de Gondé, soit pour l’armée. On a trouvé, dis-je, qu’il y aurait quelque chose de disparate à vous présenter là-dessus une mesure particulière; mais j’ai l’honneur d’assurer à l’Assemblée que les comités se sont occupés de cette proposition : moi-même je l’ai faite aux comités et ils sont tombés d’accord qu’ils la présenteraient en forme de loi générale. L’occasion est arrivée. On ne peut pas trop tôt prendre cette mesure efficace, et tout est perdu si vous ne la prenez pas. M. Millet de Murean. M. Prieur ne m’a pas entendu, ou ne m’a pas compris, car j’ai commencé par dire que cette motion pouvait être de toute justice, mais que vuus ne pouviez pas... (Murmures.) ..... 332 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] [Assemblée nationale.] A gauche : Aux voix ! aux voix 1 M. Boussion. Messieurs, voici la rédaction de ma proposition : « L’Assemblée nationale décrète que les fonctionnaires publics ecclésiastiques qui auraient prêté le serment, et se seraient rétractés ou se rétracteraient à l’avenir, seront privés de tous traitements accordés par ses précédents décrets. » Plusieurs membres demandent le renvoi au comité ecclésiastique. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le renvoi au comité.) M. d’Aubergeon-lIiirïnals. Il est notoire que beaucoup d’ecclésiastiques ont prêté le serment avec des restrictions dont il n’a pas été fait mention. Les officiers municipaux ont fermé les yeux, et la bonne foi des pasteurs a été trompée. Ils doivent avoir le même traitement que ceux qui n’ont prêté aucun serment; sans cela, la mesure que vous prendrez sera une véritable persécution. Un membre : Il a été fait des procès-verbaux que les fonctionnaires publics ont signés. Si ces procès-verbaux ne contiennent pas de restrictions, il est évident qu’ils n’ont pas prétendu en faire. En un mot, la bonne foi dont on nous parle indiquait aux ecclésiastiques, qui ne voulaient pas prêter serment, d’abdiquer tout simplement leurs fonctions ; toute autre conduite est une ruse coupable. M. de Virïeu. Je demande la parole pour rétablir un fait. M. Sjavie. Et moi, je demande que l’on consulte l’Assemblée pour savoir si la discussion est fermée. (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. de ¥irieu. C’est juste ! A gauche : Aux voix l’article ! aux voix ! Monsieur le President. M. Cliabroud . Je demande qu’il soit ajouté au projet de M. Boussion ces mots : «... Seront privés 'le tous traitements et pensions... » (Cet amendement est adopté.) En conséquence, la motion de M. Boussion est mise aux voix, avec l’amendement, dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que les fonctionnaires publics ecclésiastiques qui auraient prêté le serment, et se seraient rétractés ou se rétracteraient à l’avenir, seront privés de tous traitements et pensions accordés par ses précédents décrets. » (Ce décret est adopté.) (L’Assemblée ordonne ensuite que les deux articles qu’elle vient d’adopter seront portés dans le jour à la sanction du roi.) M. Dauchy rappelle à l’Assemblée que le scrutin pour la nomination d’un président a donné la majorité à M. Alexandre de Beauhar-nais, et quitte le fauteuil. M. Alexandre de Beauharnais prend place à la présidence. M. Camus, au nom du comité central de liquidation. J’ai l’honneur d’annoncer à l’Assemblée que, vendredi prochain, il sera brûlé à la caisse de l’extraordinaire pour 10 millions d’assignats. M. Camus, au nom des comités des finances, de la caisse de l'extraordinaire et d'aliénation (1). Messieurs, avant de vous présenter au nom des comités réunis des finances, de la caisse de l’extraordinaire et d’aliénation un projet de décret tt ndant à ordonner une nouvelle fabrication d'assignats, je vais vous donner connaissance de l’état des assignats déjà créés et de la caisse de l’extraordinaire. 11 faut d’abord, Messieurs, vous présenter les faits relatifs aux diverses créations d’assignats et à leur emploi. Votre décret du 21 décembre 1789 ordonna la création de 400 millions en assignats sur la caisse de l’extraordinaire. Par un autre décret du même jour, vous ordonnâtes qu’il serait remis à la caisse d’escompte, pour ses avances de l’année présente, et pour celles des 6 premiers mois de 1791, 150 millions en assignats, de sorte qu’il ne restait plus à votre disposition que 250 millions d’assignats. Le troisième décret, du 17 avril 1790, porte que les assignats décrétés le 21 décembre précédent auraient cours de monnaie ; et vous jugeâtes à propos de leur attribuer 3 0/0 d’intérêt. Par ce même décret, vous avez ordonné que les 400 millions en assignats seraient employés : 1° à l’échange des billets de la caisse d’escompte jusqu’à concurrence des billets qu’elle avait remis au Trésor public; 2° que le surplus serait versé au Trésor public pour éteindre les anticipations et rapprocher d’un semestre les intérêts arriérés de la dette publique. Par les décrets du 29 septembre et du 8 octobre 1790, vous avez fait une nouvelle création d’assignats montant à 800 millions, et vous avez ordonné en même temps que les intérêts de 3 0/0 cesseraient d’être distribués aux premiers assignats. Ainsi, l’effet des deux premières créations monte à .................. 1,200,000,000 liv. Il faut ajouter à cette première somme le montant des coupons annexés aux assignats de première création et remis avec ces assignats au Trésor public, soit ...... 1 , 656 , 468 Le Trésor public ayant disposé de ces assignats qui portaient des coupons d’intérêt, il a dû en faire compte à la caisse de l’extraordinaire; ainsi, le total des deux premières créations, eu y comprenant les coupons , est de .................... 1 ,201,656,468 Jiv. Voilà la somme que vous avez mise à la disposition de la caisse de l’extraordinaire; il faut voir maintenant ce qu’il reste de cette somme. La dépense qui en a été faite se subdivise eu 2 parties : l’une jusqu’au dernier mai 1791, l’autre depuis le 1er de ce mois jusqu’au 17. Les dépenses jusqu’au 1er mai 1791 sont justifiées par les comptes qui vous sont remis chaque mois et qui entrent dans le détail de chacune des dépenses.