SÉANCE DU 9 VENDÉMIAIRE AN III (30 SEPTEMBRE 1794) - Nos 77-78 187 entendu le rapport de ses trois comités de Salut public, de Sûreté générale, et de Marine et des colonies, décrète ce qui suit : Article premier. - Il sera formé une commission de neuf membres nommés immédiatement et à l’appel nominal, par la Convention nationale, pour s’occuper de l’examen et du rapport de l’affaire des colonies. Art. II. - Cette commission aura le pouvoir de faire lever les scellés apposés sur les papiers des détenus et autres, mais seulement en leur présence, de retirer ceux qui se trouveroient consignés dans les divers dépôts publics, de les inventorier, de les extraire, de les examiner, d’appeler devant elle tous dénoncés, tous dénonciateurs, tous témoins dans l’affaire des colonies, de leur faire subir tous interrogatoires nécessaires, de les entendre, soit contradictoirement soit séparément. Art. III. - Elle ne pourra prononcer la mise en liberté ou la mise en arrestation d’aucun individu prévenu ou suspect dans l’affaire des colonies. Ce droit reste réservé aux trois comités réunis, conformément au décret du quatrième jour des sans-culottides. La commission n’aura à cet égard que le droit de proposer, soit les mises en liberté, soit les arrestations qu’elle jugera nécessaires; elle en fera les rapports aux trois comités. Art. IV. - L’existence de la commission sera indépendante du renouvellement successif des divers comités de la Convention nationale. Les membres qui composeront la commission y seront maintenus jusqu’au rapport définitif de l’affaire des colonies. Art. V. - Ce rapport ne pourra être présenté par elle à la Convention nationale, qu’après avoir été soumis à l’examen et à la discussion des trois comités réunis (115). 77 Un membre fait part de nouvelles satisfaisantes relativement à Saint-Domingue; on en demande l’insertion au bulletin. La Convention passe à l’ordre du jour motivé sur ce que ces nouvelles ne sont pas transmises officiellement (116). Dufay annonce à la Convention qu’il a reçu de Saint-Domingue des lettres qui portent (115) P.-V., XLVI, 196-198. C 320, pl. 1329, p. 44. Minute de la main de Marée, rapporteur. Ann. R. F., n° 9 ; Ann. Patr., n' 638 ; C. Eg., n 773 ; Débats, n° 739 ; F. de la Républ., n° 10 ; Gazette Fr., n° 1003 ; J. Fr., n” 735 ; J. Mont., n“ 155 ; J. Paris, n° 10; J. Perlet, n° 737; J. Univ., n° 1771; Mess. Soir, n° 773; M. U., XLIV, 141; Rép., n” 10. (116) P.-V., XLVI, 198. Ann. R. F., n" 9; F. de la Républ., n' 10; Gazette Fr., n° 1003; J. Fr., n° 735; J. Mont., n” 155; J. Perlet, n° 737; J. Univ., n' 1771; Mess. Soir, n° 773; M. U., XLIV, 141. d’heureuses nouvelles. Il en résulte que les Anglais et les Espagnols ont été repoussés avec pertes des colonies. Ces nouvelles n’étant point officielles, l’Assemblée en ordonne la mention honorable ; mais elle passe à l’ordre du jour sur la proposition de les insérer au bulletin (117). 78 Un membre, au nom des comités de Salut public et de Commerce, fait un rapport qui a pour objet de rendre au commerce intérieur et extérieur toute l’activité et toute l’utilité dont il est susceptible; il propose d’augmenter le nombre des membres de la commission chargée de cette partie, et de placer à côté d’elle un conseil composé de douze citoyens choisis dans différentes places de commerce (118). ESCHASSERIAUX l’aîné, au nom des comités de Salut public et de Commerce : Citoyens, vos comités de Salut public et de Commerce réunis, ont jeté des regards attentifs sur tous les moyens qui pourraient accélérer la prospérité nationale de la République; ils sont dans le dessein d’appeler toutes les ressources et tous les talents qui peuvent amener promptement cette prospérité. Un des premiers moyens est de faire sortir le commerce de ses ruines, de recueillir ses débris. Dans le rapport que le comité de Salut pubbe vous a déjà présenté sur l’état pobtique intérieur de la France, il vous a fait sentir l’importance de ranimer les manufactures et les arts. L’industrie attend partout des secours, des encouragements et des lumières; les artistes sont prêts à répondre au signal que va leur donner la législation. Vous avez à créer un vaste plan de commerce intérieur et extérieur, à rendre l’agriculture à un état florissant, à imprimer à la France un mouvement rapide et général, qui annonce à l’univers que, même au milieu de la plus étonnante révolution et des armements les plus formidables, vous pouvez entretenir avec les nations les relations les plus étendues et les plus avantageuses. Mais, pour atteindre ce but de prospérité nationale, vos comités réunis ont dû examiner les moyens et les instruments qui devaient nous y conduire ; ils ont dû examiner l’organisation qui avait fait mouvoir jusqu’ici la vaste machine du commerce. En portant leurs regards sur la commission de commerce, ils ont vu un trop petit nombre d’hommes composer cette commission, et des connaissances trop resserrées pour l’immense étendue d’objets que présentent sans cesse à la délibération, à l’activité et à l’exécution le commerce et tous les genres d’industrie d’une grande nation ; un trop petit nombre (117) Débats, n" 739, 125. (118) P.-V., XLVI, 198. J. Fr., n 735; J. Mont., n“ 155; J. Paris, n° 10; J. Perlet, n° 737; J. Univ., n° 1771; M. U., XLIV, 141; Rép., n" 10. 188 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d’agents ne pourraient que succomber sous le fardeau de tant de travaux, ou bien laisser languir la chose publique; vos comités ont pensé que le nombre de deux commissaires, dont est composée la commission, était insuffisant; ils vous proposent de la composer de cinq membres. Ils ont pensé aussi qu’il fallait placer, à côté de cette commission, un vaste foyer de lumières; ils ont cru qu’un conseil composé de douze citoyens, choisis dans différentes places de commerce, connus par leur réputation, leur conduite et leurs relations chez l’étranger, réunissant entre eux les connaissances de toutes les localités, de tous les genres d’industrie et de fabriques, pourrait, avec les efforts réunis de la commission, donner au commerce une impulsion capable de lui faire vaincre tous les obstacles que les circonstances ont jetés dans sa marche, et le rendre, en peu de temps, à un état florissant. En adoptant ce plan, vous manifesterez de plus en plus à la République que vous voulez qu’elle reprenne son rang parmi les nations les plus commerçantes ; vous inspirerez la confiance aux négociants étrangers, en même temps que vous la porterez dans le cœur de tout ce qui travaille en France aux arts du commerce et de l’industrie; vous environnerez la commission d’une grande variété de talents, de lumières et de connaissances, pour donner au commerce d’une grande nation, et à l’activité de 25 millions d’hommes, la force et la puissance qu’ils doivent avoir. Le conseil dont vos comités vous proposent l’établissement ne sera point absorbé dans les détails; il ne remplira pas les fonctions de l’agence, il sera livré aux grandes conceptions ; il s’attachera particulièrement au commerce politique, il l’envisagera sous tous les rapports généraux, il préparera les plans qui doivent assurer vos approvisionnements, multiplier vos moyens d’échange, étendre le crédit de la nation chez les nations étrangères, et affermir la confiance qui est une des puissances du commerce et de toute prospérité nationale. Dans cette nouvelle organisation, la commission de commerce a paru le premier pas que l’on devait faire pour y arriver. Vos comités examineront sévèrement la conduite et les moyens de tous les citoyens employés dans la commission ; ils y appeleront tous ceux dont les talents peuvent promettre de grands services, et fonder un établissement précieux pour la République; ils en écarteront les citoyens dont les moyens sont insuffisants pour des travaux qui demandent de l’application et des lumières. L’établissement que vos comités vous proposent, en ranimant par les conseils et l’activité toutes les ressources et les forces du commerce, formera pour la République, à l’avenir, des hommes capables d’en saisir les grandes conceptions, et d’honorer par leurs talents la patrie. Voici le projet de décret : Article premier. - La commission de Commerce et des approvisionnements de la République sera composée de cinq commissaires. Art. II. - Ces commissaires sont les citoyens Picquet, Joannot, Magin, Leguillier, Louis Mon-neron. Art. III. - La commission formera un conseil de Commerce composé de douze citoyens choisis dans les différentes places de commerce, connus par leur civisme, leur probité, leur expérience; la liste en sera présentée à l’approbation des comités de Salut public et de Commerce. Art. IV. - Les citoyens appelés pour composer ce conseil auront le même traitement que les agents de commerce. Art V. - Ce conseil s’occupera de dresser et de présenter à la commission des états des ressources de la France, de toutes ses relations commerciales intérieures et extérieures, des moyens d’étendre le commerce, d’augmenter et d’assurer les importations et les exportations, de faire prospérer les manufactures, de multiplier les moyens d’échange. Ses fonctions seront déterminées par les comités de Salut public et de Commerce, sur la proposition de la commission (119). La Convention nationale ordonne l’impression du rapport, et la discussion du projet de décret vingt-quatre heures après la distribution (120). La séance est levée à trois heures. Signé , A. DUMONT, président ; L. LOUCHET, BORIE, CORDIER, PELET, LOZEAU, LAPORTE, secrétaires (121). (119) Moniteur, XXII, 124-125; Bull., 14 vend.; Débats, n° 739, 125-127, n° 745, 244-246; J. Mont., n° 160; M. U., XLIV, 236-237. (120) P. V., XLVI, 198. (121) P. V., XLVI, 198.