[Assemblée àâtiofaàle.] AttGftlVËS PARLEMENTAIRES. [11 février 1790 ] 547 aü pltià de îlilnef rimprïthèuf: Je demande à la consciëtlCe dé M. l’ëVêqué de Glermdflt s’il croit son disédUrs tissez bon potir qu’il le fasse imprimer aux frais de M. Bàüdoiiin? L’Aâsëmblée consultée décide qü’il n’y à pas lieu à délibérer sur la demande en impression. M. le Président. Je dois suspendre la délibération pour donner communication à l’Assemblée de la lettre suivante de M. le garde des sceaux : « M. le garde des sceaux transmet à M; Je président de l’Assemblée nationale la copie du Conclusum pris pàr les députés au cercle dii Haut-Rhin, assemblés à Francfort* et qui a été adressé àM. le cdmte de Montmorin. M, le garde des sceaux y joint copie de la lettre que ce ministre lui a écrite; il prie M; le Président de voüloir bien en donner connaissance à l’Assemblée nationale. i Siïjrtë ! CHAMPION DË ClCÉ, « f Afeh. de Bordeaüa J. « Paris, èë 11 février 1790. » M. le vicomte 4® jfcoailles, ÏÏun de MM i les secrétaires donne iecture du Conclusum dont voici la traduction : * Il est notoire qüe l’ÀsSëmblée nationale du royaume de France, par les arrêtés du 4 août jusqu’au 11 août et du 2 novembre de l’année dernière, a décrété indistinctement i « i# Qüë tOUs les droits et devoirs, prestations personnelles et réelles, et tous lës cens provenant de la féodalité sont abolis sans indemnité; i 2° Qüe toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité; « 3° Que les dîmes de toute nature et redevances qui ed tiennent lieu, possédées pdr les corps séculiers et réguliers* même par les bénéficiers, sont abolies ; « 4° Quë tous les privilèges particuliers des provinces, principautés, pays, Cantons, Villes et communautés d’habitants, SOitpëCuhiâires,soitde toute autre nature* sont abolies sans retour; « 5° Enfin tjtie tous les retenus eéelési astiques sont à la disposition de ta nation, & la charge de pourvoir aux frais du culte, à l’entretien de Ses membres et au soulagement des pauvres. « Aussi grandes qtiè seraient l’injustice et la violation des traités de paix subsistants entre l’Empire germanique et la couronne dé France, Si lesdits décrets pouvaient, Ou par erreur ou à dessein, être étendus même sur les possessions que les Etats de l’Empire, ainsi que la noblesse et le clergé ont dans l’Alsace et la Lorraine; aussi forts et manifestes paraissent être lé devoir et l’intérêt des cercles de J’Empire de vèiller soigneusement à la conservation de sés possessions et privilèges. * Par ce motif ie cercle du Haut-Rhin s’occupa déjà sérieusement au commencement de ce siècle* en 1709, à l’occasion de la négociation d’alors, sur l’association des cercles, de faire valoir ses avis, afin que dans les articles de la paix dont il pourrait être question, on ne perde pas de vue la restitution des provinces de l’Empire, usurpées par la France contre l’évidence des traités antérieurs et qu’on fasse à cet effet des insinuations salutaires. « On s’estimerait, en conséquence, obligé, dans le cas présent, et fondé en droit à l’égard desdits arrêtés de l’Assemblée nationale de France: « 1° De requérir très humblement, par une dénonciation expresse et par des remontrances tirées des considérations ci-dessus, Sa Majesté impériale qu'elle daigne accorder sa puissante protection et son assistance nécessaire, conjointement avec tout l’Empire, aux Etats inclusivement, la noblesse et le clergé, qui sont menacés de la perte sensible de leùrs droits garantis par des traiiês solennels* « On trouverait de plus nécessaire : « 2d De commudiqUer pour le même objet avec lê cercle électoral et avec ceiix de Fraücohië, de Souabe et de Westphàlie, afin qu’ils s’unissent au cercle du Haut-Rhin, et qu’une résolution et des remontrances semblables de leur pdrt fassent une impression plus forte auprès de l’Empereur et de l’Empire. « On croirait en même temps qu’il serait utile et favorable au but qu’on se propose : .< 3° Que les Etats et corps respectifs que les décrets de rAssembléènatiOflale peuvent concerner, ne discontinuassent point, en attendant leur négociation! près de la cour de France et ladite Assemblée, afin de détourner l’extension appréhendée des décrets, si contraire aux traités publics de paix* sur leurs possessions situées ddüs les deux provinces d’Alsacë et dé Lorraine ; « 4° Qu’on priât, de la part du cercle, Son Excellence le baron de Groschlag, ministre de France, d’insinuer provisoirement auprès de sa cour la forte attention que lès arrêtés énoncés par l’Assemblée nationale doivent exciter prés les cercles de l’Empire et près tous les corps germaniques» » M. Goupil de i�refelii rend compté d’ünê conférence qu’il a eue hier avec M. de Montmorin, au. sujet des diverses réclamations relatives aux fiefs ayant le droit de supériorité en Alsace. Après avoir exposé les principes, il fait la motion suivante : Que le pouvoir exécutif soit invité de régler avec les possesseurs de certains fiefs ayant, par la cessation faite à la France du landgraviat d’Alsace, conservé, en ladite province, des droits de supériorité territoriale, l’indemnité qui. pourrait leur être due pour raison des droits dont ils se trouvent privés par l’établissement de la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. M. le comte de Mirabeau. La question peut être examinée sous les rapports du droit naturel et sous ceux du droit publiç : j’aurais dit volontiers du droit public naturel et du droit public germanique. Vos principes ne sont pas d’accord avec le droit public germanique, mais bien avec la nature; ainsi, sous ce premier rapport, la question serait bientôt décidée. Mais ü faut l’examiner en droit public germanique ; il est nécessaire de connaître les faits et les actes , et personne, sans être préparé, ne pourrait répondre à l'érudit Conclusum des princes d'Allemagne. Gomme le droit public germanique se trouve parmi les choses inutiles que j’ai apprises dans ma vie, je demande à prouver que, même d’après les principes germaniques, les réclamations ne sont pas fondées. Je ne vois pas comment la nation pourrait être tenue d’une indemnité pour avoir agi suivant les principes du droit naturel, qui doivent être les principes de toutes les nations ; tout ce qu’on pourrait faire, par courtoisie pour l’auteur du Conclusum, ce serait de lui envoyer la copie de nos décrets, car il les a mal lus. Si la question doit être jugée en droit naturel, il n’y a pas liéû à délibérer ; si elle doit l’être 548 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] en droit public germanique, il faut ajourner au plus prochain jour. M. Target. Je demande le renvoi au comité féodal, qui sera tenu d’en faire rapport mardi, à deux heures. Cette proposition est mise aux voix et adoptée. L’Assemblée passe à la discussion de l’Adresse aux provinces dont la lecture a été faite hier. M. de Talleyrand, évêque d’Autun, membre du comité de constitution , fait de nouveau lecture de l’adresse ainsi qu’il suit : l’assemblée nationale AUX FRANÇAIS. 11 février 1790. L’Assemblée nationale, s’avançant dans la carrière de ses travaux, reçoit de toutes parts les félicitations des provinces, des villes, des communautés, les témoignages de la joie publique, les acclamations de la reconnaissance ; mais elle entend aussi les murmures, les clameurs de ceux que blessent ou qu’affligent les coups portés à tant d’abus, à tant d’intérêts, à tant de préjugés. En s’occupant du bonheur de tous, elle s’inquiète des maux particuliers : elle pardonne à la prévention, à l’aigreur, à l’injustice; mais elle regarde comme un de ses devoirs de vcrns prémunir contre les influences de la calomnie eide détruire les vaines terreurs dont on chercherait à vous surprendre. Eh! que n’a-t-on pas tenté pour vous égarer, pour ébranler votre confiance? On a feint d’ignorer quel bien avait fait l’Assemblée nationale ; nous allons vous le rappeler. On a élevé des difficultés contre ce qu’elle a fait : nous allons y répondre. On a répandu des doutes, on a fait naître des inquiétudes sur ce qu’elle fera; nous allons vous l’apprendre. Qu’a fait l’Assemblée ? Elle a tracé d’une main ferme, au milieu des orages, les principes de la Constitution qui assure à jamais votre liberté. Les droits des hommes étaient méconnus, insultés depuis des siècles ; ils ont été rétablis pour l’humanité entière, dans cette déclaration qui sera à jamais le cri de ralliement contre les oppresseurs et la loi des législateurs eux-mêmes. La nation avait perdu le droit de décréter et les lois et les impôts : ce droit lui a été restitué, et en même temps ont été consacrés les vrais principes de la monarchie, l’inviolabilité du chef auguste de la nation, et l’hérédité du trône dans une famille si cbère à tous les Français. Nous n’avions que des Etats généraux : vous avez maintenant une Assemblée nationale, et elle ne peut plus vous être ravie. Des ordres, nécessairement divisés et asservis à d’antiques prétentions, y dictaient les décrets, et pouvaient y arrêter l’essor de la volonté nationale. Ces ordres n’existent plus ; tout a disparu devant l’honorable qualité de citoyen. Tout étant devenu citoyen, il vous fallait des défenseurs citoyens; et au premier signal, on a vu cette garde nationale qui, rassemblée par le patriotisme, commandée par l’honneur, partout maintient ou ramène l’ordre, et veille avec un zèle infatigable à la sûreté de chacun, pour l’intérêt de tous. Des privilèges sans nombre, ennemis irréconciliables de tout bien, composaient tout notre droit public : ils sont détruits , et à la voix de | votre Assemblée, les provinces les plus jalouses J des leurs ont applaudi à leur chute : elles ont senti qu’elles s’enrichissaient de leur perte. Une féodalité vexatoire, si puissante encore dans ses derniers débris, couvrait la France entière : elle a disparu sans retour. Vous étiez soumis, dans les provinces, au régime d’une administration inquiétante ; vous en êtes affranchis. Des ordres arbitraires attentaient à la' liberté des citoyens ; ils sont anéantis. Vous vouliez une organisation complète des municipalités : elle vient de vous être donnée ; et la création de tous ces corps formés par vos suffrages, présente eu ce moment, dans toute la France, le spectacle le plus imposant. En même temps, l’Assemblée nationale a consommé l’ouvrage de la nouvelle division du royaume, qui seule pouvait effacer jusqu’aux dernières traces des anciens préjugés ; substituer à l’amour-propre de province l’amour véritable de la patrie ; asseoir les bases d’une bonne représentation et fixer à la fois les droits de chaque homme et de chaque canton, en raison de leurs rapports avec la chose publique : problème difficile, dont la solution était restée inconnue jusqu’à nos jours. Dès longtemps vous désiriez l’abolition de la vénalité des charges de magistrature : elle a été prononcée. — Vous éprouviez le besoin d’une réforme, du moins provisoire, des principaux vices du Gode criminel : elle a été décrétée, en attendant une réforme générale. De toutes les parties du royaume nous ont été adressées des plaintes, des demandes, des réclamations : nous y avons satisfait autant qu’il était en notre pouvoir. — La multitude des engagements publics effrayait : nous avons consacré les principes sur la foi qui leur est due. — Vous redoutiez le pouvoir des ministres : nous leur avons imposé la loi rassurante de la responsabilité. L’impôt de la gabelle vous était odieux : nous l’avons adouci d’abord, et nous vous en avons promis l’entière destruction ; car il ne nous suffit pas que les impôts soient indispensables pour les besoins publics ; il faut encore qu’ils soient justifiés par leur égalité, leur sagesse, leur douceur. Des pensions immodérées, prodiguées souvent à l’insu de votre Roi, vous ravissaient le fruit de vos labeurs ; uous avons jeté sur elles un premier regard sévère, et nous allons les renfermer dans les limites étroites d’une stricte justice. Enfin, les finances demandaient d’immenses réformes : secondés par le ministre qui a obtenu votre confiance , nous y avons travaillé sans relâche et bientôt vous ailez en jouir. Voilà notre ouvrage, Français, ou plutôt voilà le vôtre ; car nous ne sommes que vos organes, et c’est vous qui nous avez éclairés, encouragés, soutenus dans nos travaux. Quelle époque que celle à laquelle nous sommes enfin parvenus ! Quel honorable héritage vous allez transmettre à votre postérité ! Elevés au rang de citoyens, admissibjes à tous les emplois, censeurs éclairés de l’administration quand vous n’en serez pas les dépositaires, sûrs que tout se fait et par vous et pour vous, égaux devant la loi, libres d’agir, de parler, d’écrire, ne devant jamais compte aux hommes, toujours à la volonté commune; quelle plus belle condition ! Pourrait-il être encore un seul citoyen, vraiment digne de ce nom, qui osât tourner ses regards en arrière, qui voulût relever les débri3 dont nous sommes environnés, pour en recomposer l’ancien édifice !